29 octobre 2007

L'épreuve de force


Rarement un président de la République n’avait manifesté un tel dynamisme, sitôt entré en fonction.
Rarement on avait vu une telle liberté de ton mais également un tel sens de l’ouverture tous azimuts.

Nicolas Sarkozy, puisqu’il s’agit de lui, fait preuve dans tous les domaines, en dépit de circonstances plutôt contrariantes, d’une énergie étonnante. Il semble animé d’un vrai désir de moderniser les institutions du pays. Il ne s’embarrasse guère avec le protocole et son discours direct et pragmatique paraît vraiment empreint de sincérité.
Il est difficile de nier ce constat, même si l’on peut douter qu’il s’inscrive dans la durée.
Pourtant on voit et on entend s’agiter une nuée de conservateurs, plus que jamais crispés sur des notions archaïques, faisant feu de tous bois pour nourrir ce qui semble n’être avant-tout qu’un anti-sarkozysme totalement irrationnel.
Après les simagrées au sujet de l’ADN, celles sur Guy Môquet, les pleurnicheries rituelles des tartufes du droit au logement, on a pu s’en rendre compte encore vendredi, lorsque le Président de la République est allé à la rencontre des cheminots de la SNCF. Le chef de l’Etat était venu, certes pour dire qu’il ne céderait pas, conformément à ses engagements électoraux, sur la réforme des régimes spéciaux de retraite, mais aussi pour rassurer sans artifice : « Je m'engage à ce que personne ne perde de sa retraite en cotisant plus. Votre statut de cheminot, vous le garderez. On peut discuter de tout: la politique de l'emploi et des salaires, la pénibilité, la décote, la date d'application ».
Mais à toutes ses explications, une seule réponse : un niet primaire et définitif et aussitôt, le chantage mécanique à l’insurrection : «C'est la rue qui va parler », « De toute manière nous avons toujours obtenu satisfaction et tous les premiers ministres ont toujours été contraints de reculer… » Et c’est effectivement reparti. Après la grève de la SNCF, voici celle d’Air-France, puis le 20 novembre celle de toute la fonction publique. Eternelle comédie des prétendus défenseurs du Service Public, en réalité des fossoyeurs.

Mais aujourd’hui, les temps sont peut-être en train de changer.
Un nombre croissant de Français semblent apercevoir enfin derrière les discours racoleurs des résistants de la 25è heure, la vraie réalité. Ils s’éveillent au Monde et ce qu’ils perdent en crédulité et en illusions, ils le gagnent en lucidité et en détermination.
De son côté la forteresse syndicale se fissure de plus en plus. Elle s’épuise derrière ses murailles de préjugés et d’arrogance. Elle s’asphyxie dans les pestilences déprimantes d’une contestation sans vrai but. Il est même permis d’espérer que les dirigeants syndicaux soient en train de comprendre que leur rôle n’est pas de maintenir artificiellement gonflées les baudruches idéologiques usées de la Lutte des Classes.
Ils ont tellement mieux à faire en participant de manière raisonnable au mieux-être des entreprises, et en acceptant le principe d’une émulation saine, source de satisfaction professionnelle en même temps que d’amélioration du service rendu.

L’avenir dira si les turbulences actuelles préludent à une grave crise sociale, dont le pays pourrait pâtir gravement, ou au contraire s’il s’agit des derniers soubresauts d’un big-bang révolutionnaire qui n’en finit pas de capoter dans le nihilisme existentiel...

23 octobre 2007

Aux fanatiques de la Vertu


En ces temps de déraison, où le désir morbide de repentance côtoie la mauvaise foi et le sectarisme, où certaines commémorations pathétiques éclipsent la mémoire de tant d’injustices, et où la récupération politique du passé devient le sport favori de gnomes ivres de surenchères verbales, mais incapables d’exister par eux-mêmes ; en ces temps médiocres et arides, qu’il soit permis d’évoquer le souvenir d’un doux poète, qui mourut innocent sous la hache féroce de ceux qui prétendaient fonder la plus belle et la plus vertueuse des républiques.
Celui qui n’avait d’autre passion que l’amour de la Beauté, et qui voulait donner aux idées neuves de Bonheur et de Liberté, l’écrin de la perfection antique, périt d’avoir osé dire leurs vérités aux zélateurs bornés et fanatiques de la Révolution.Du fond de l’infâme cachot où il fut jeté sans raison, et dont il ne sortit que pour monter sur l’échafaud, il eut la force de chanter dans des ïambes sublimes le drame indicible qui à travers lui, dévastait un pays pourtant si orgueilleux d’avoir avec emphase déclaré au Monde, les « Droits de l’Homme et du Citoyen».

André Chénier, que les tyrans sans-culotte décrivirent comme un « prosateur stérile » et que Victor Hugo considéra lui, comme un génie « romantique parmi les classiques » mourut sacrifié au nom de trop belles idées, trop bien appliquées.
Ses vers désespérés rappellent aujourd’hui la nécessité d’être humble, surtout quand on se targue de manier les grands principes. Si d’aucuns refusent de lire la lettre de Guy Môquet, pourquoi ne retourneraient-ils pas à la source de cette poésie si poignante, qu’il faudrait ne jamais oublier ?
Vienne, vienne la mort! Que la mort me délivre!
Ainsi donc à mon cœur abattu
Cède aux poids de ses maux? Non, non. Puisse-je vivre!
Ma vie importe à la vertu.
Car l'honnête homme enfin, victime de l'outrage,
Dans les cachots, près du cercueil,
Relève plus altier son front et son langage,
Brillants d'un généreux orgueil.
S'il est écrit aux cieux que jamais une épée
N'étincellera dans mes mains;
Dans l'encre et l'amertume une autre arme trempée
Peut encor servir les humains.
Justice. Vérité, si ma main, si ma bouche,
Si mes pensers les plus secrets
Ne froncèrent jamais votre sourcil farouche,
Et si les infâmes progrès,
Si la risée atroce, ou, plus atroce injure,
L'encens de hideux scélérats
Ont pénétré vos cœurs d'une longue blessure;
Sauvez-moi. Conservez un bras
Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge.
Mourir sans vider mon carquois
Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange
Ces bourreaux barbouilleurs de lois!
Ces vers cadavéreux de la France asservie,
Egorgée! O mon cher trésor,
O ma plume! Fiel, bile, horreur. Dieux de ma vie!
Par vous seul je respire encor…

22 octobre 2007

Contes de la folie ordinaire


En médecine, il est difficile de garantir les résultats des traitements qu’on entreprend. En psychiatrie c’est encore plus difficile.
Le principe de précaution - et le simple bon sens - obligent donc à rester modeste et à savoir remettre en cause à tout moment sa démarche diagnostique et thérapeutique.

Ce n’est pourtant pas ce qu’on a pu observer au cours de deux affaires récentes, très médiatisées.

Il y a quelque mois, un délinquant sexuel multi-récidiviste était libéré de prison, emportant avec lui une ordonnance de Viagra délivrée par un médecin du Centre Pénitentiaire. Coïncidence fâcheuse, quelques jours après sa sortie, l’individu commettait une nouvelle agression sur un enfant et retournait illico en prison.
De cette incroyable histoire, que tira-t-on comme conséquence ? Qu’il fallait procéder d’urgence à la création d’hôpitaux fermés !
Mais que pourraient apporter de telles structures quand on mesure en la circonstance, l’irresponsabilité dont fit preuve le corps médical ? Non seulement l’initiative fut immédiatement critiquée, mais elle s’accompagna d’un flot de mauvaise foi assez stupéfiante.
Le Dr Sylvie Ballanger praticien hospitalier à la Prison de la Santé, interrogée par le Figaro (10/08/07) s’exclama sans rire qu’une telle proposition reviendrait à « recréer le bagne de Cayenne » et que cela « n’empêcherait nullement les pédophiles d’agir ».
Dans le même temps elle refusa de reconnaître la moindre responsabilité au médecin prescripteur qui selon elle avait agi « sans avoir accès au contenu de la fiche pénale du patient et qui donc n’était pas au courant de la dangerosité du détenu ». Vraiment respectueux du secret le toubib…
Allant encore plus loin, elle affirma benoîtement que le Viagra ne créait « pas de pulsions, ni de désir sexuel », et simplement « qu’il favorisait l’acte sexuel », « sans en être à l’origine ».
Et elle termina son argumentation sur cette perle inouïe : « il n’y a d’ailleurs pas de contre-indication pour les pédophiles… »

Un tel niveau d’inconséquence, de légèreté et de négationnisme fait frémir… On pense à l’histoire de la dame qui pour sécher le poil de son chat, passa carrément l’animal au four à micro-ondes et qui au vu du résultat plutôt « cuisant », poursuivit le fabricant au motif qu’il n’avait pas averti du danger d’une telle utilisation de l’appareil !

Il y a quelques semaines, à Lormont, près de Bordeaux, une autre affaire défraya la chronique.
Un déséquilibré mental en permission tuait sa mère à l’arme blanche avant de la découper en morceaux qu’il entreprit de jeter du haut de l’immeuble où la malheureuse habitait.

Encore une fois, aucun regret, aucun questionnement de la part des gens qui avaient remis en liberté la veille un tel individu. Les médecins se bornèrent à dire que son état était pour eux « stabilisé », qu'il ne manifestait aucune agressivité, et se dédouanèrent en rappelant que la psychiatrie « n’était pas une science exacte »... Merci pour l’information, on est en effet bien avancé !
Il faut mentionner que le forcené avait trucidé quelques années plus tôt un co-détenu dans la prison où il séjournait après avoir agressé des policiers et qu'il avait à l’époque bénéficié d’un non lieu « psychiatrique ».

Il faudrait tout de même savoir. Si l’on affirme de quelqu’un qu’il est dans un état stabilisé, c’est donc qu’il est au moins un peu responsable de ses actes, sinon, ce sont les médecins qui portent eux le poids d'erreurs fatales, et qui devraient pour le moins se poser des questions.
On peut tout de même difficilement se satisfaire en guise de consolation, du propos lénifiant d’un des médecins : "seulement 5% des homicides sont causés par des malades mentaux"…

Est-on d'ailleurs si sûr que les 95% restants sont des gens parfaitement normaux ? Et qu'est-ce donc en fin de compte que la "normalité" dans de tels cas de figures ?

12 octobre 2007

Ce grand cadavre à la renverse


Bernard-Henri Lévy sait comme personne se mettre en scène, il possède un art consommé de faire mousser dans les médias le moindre de ses aphorismes et la plus insignifiante de ses paroles.
Et comment l'attaquer ? Ce général chamarré de la « nouvelle » philosophie pompière a trouvé une position inexpugnable. Il se situe si loin de toute logique, par delà même le ridicule, dans une bulle exquise de morale séraphique... De ces hauteurs éthérées, avec son éléphantesque quincaillerie dialectique, Il peut dès lors enfoncer hardiment les portes grandes ouvertes du conformisme, et s'attaquer aux plus plates problématiques intellectuelles tout en donnant l'impression d'être Hannibal gravissant les Alpes !
Les salons dorés et les plateaux-télé rutilants, au sein desquels il donne à voir son altier profil, sont autant de champs de batailles, qu'il sillonne en tous sens avec une admirable opiniâtreté. Il y mène héroïquement son combat « progressiste », non sans risque – mais assumé – de prendre ici ou là une énorme tarte à la crème en travers de la gueule... Qu'importe, armé de son inépuisable moulin à paroles, il déclame, il exhorte, il fustige, il persifle. Bref, il n'a pas son pareil pour faire reluire tout ce qui est creux, et pour allumer dans les cieux bas de la pensée franchouillarde, de brillantes mais fugaces étincelles...
Aujourd'hui il signe avec pompe et circonstance, le constat de décès de la Gauche. Franchement, ce n'est pas vraiment un scoop (il recourt à une citation de Sartre datant des années 60...). Depuis le temps qu'elle se ratatinait, on pouvait surtout se demander pourquoi elle n'était pas encore enterrée !
Qu'on ne s'y trompe pas pourtant, selon lui ce « grand cadavre » bouge encore. Et, Pater familias aidant, il y reste envers et contre tout accroché par toutes ses fibres. Ne serait-ce que par fidélité à son père, le digne fils a décidé qu'il serait toujours sur ce bord de la rive. Elle est putride, elle est déviante, elle ne mène à rien de concret ou bien à des horreurs, mais tant pis il continuera de suivre cette voie.
Se lavant les mains des innombrables dérives totalitaires, chauvines, anti-sémites, anti-américaines, anti-libérales, ou bourgeoises, il se raccroche à quelques vieilles lunes qui seraient paraît-il consubstantielles à la gauche : anti-colonialisme, anti-fascisme, dreyfusardisme, cosmopolitisme... Et pour finir, Mai 68 au travers duquel il continue de voir avec émerveillement « libertés nouvelles, modernité, allégresse; poésie ... »
Tout ça relève du badinage de collégien premier de la classe. C'est appliqué, bien intentionné, mais un tantinet niaiseux.
Même si l'homme est parfois touchant et même si tout n'est pas faux loin de là dans son bagout hétéroclite, il passe une fois encore à côté du vrai sujet et ici, des vrais et terrifiants cadavres. Ceux avant tout des malheureux que la Gauche a assassinés par millions au seul motif qu'ils n'étaient pas du bon côté. Mais aussi les momies infâmes de leurs bourreaux implacables, si longtemps encensés. Et celles enfin des idéologues aux mains sales par qui tout le mal est venu.
En la matière il n'est pas nécessaire de savoir si l'on est de droite ou de gauche, pour préférer toujours et de très loin Voltaire à Rousseau, Locke à Saint-Just, Hume à Hegel, Tocqueville à Marx, et Aron et Camus à Sartre.
Et pour avoir ces derniers temps, la nausée devant les rites compassionnels autour de la dépouille pseudo-christique de Che Guevara, laborieusement exhumée de la fange dans laquelle ce faux héros était tombé par sa propre faute...

09 octobre 2007

Les nouveaux calotins

La médiocrité du débat politique en France donne parfois des hauts-le-coeur. Surtout quand l'argumentation s'appuie sur les artifices usés d'une morale sulpicienne à deux balles, rancie dans le marigot gluant des truismes républicains les plus surannés. Ça pue la tartuferie, c'est écoeurant.
Le pataquès fait au sujet des tests ADN pour prouver les liens familiaux d'étrangers candidats au regroupement familial est révélateur de cet état d'esprit boursouflé et insane. On pourrait multiplier les citations grandiloquentes, mais les propos de Mouloud Aounit, président du MRAP donnent à eux seuls la démesure de cette tempête dans un verre d'eau bénite. Il s'agit selon cette belle âme d'une régression, d'une « une tache qui souille la page de l'histoire des droits et des libertés fondamentales" !
Ben voyons ! Rien que ça. Nous sommes dans un monde si parfait, si vertueux, si généreux, qu'on se demande en effet comment un gouvernement peut être assez tordu pour inventer de tels stratagèmes xénophobes.
Trop contente de trouver une occasion de faire prendre l'air à ses étendards moisis, la vieille garde sonne la charge. Tout le ban et l'arrière ban des vicaires et autres zélateurs de l'orthodoxie intellectuelle alter-trotsko-bobo accourt comme une nuée de mouches attirées par un morceau de viande. Regardez la "pétition d'ouverture" lancée selon le rite établi, mercredi dernier par Charlie Hebdo et SOS-Racisme : ils sont tous là, en rangs d'oignons, confits dans leur jus bien pensant. "Touche pas à mon ADN !" bêlent-ils à l'unisson. Pour eux assurément, nul besoin de test génétique pour se regrouper. L'instinct pétitionnaire les réunit à coup sûr. A leur tête, le grand satrape Robert Badinter ne mâche pas ses mots : "Ce que nous faisons là est une erreur (...). Le retentissement que ce texte aura en Afrique et dans d'autres pays sera totalement négatif".
Et ce tribunal de la pensée unique, à l'instar de ses sinistres précurseurs de l'Inquisition ne plaisante pas. Chaque mot est pesé, analysé, interprété pour débusquer les vils relaps inspirés par Satan. Celui à qui échappe ne serait-ce qu'un « détail » signe son arrêt de mort. On se moque des raisons pratiques qu'il invoque pour justifier son action. Peu importe de savoir si l'immigration clandestine existe, nul besoin d'en mesurer les conséquences néfastes sur l'équilibre déjà fragile d'une société cacochyme, et pas davantage naturellement de nécessité d'évaluer rationnellement les moyens d'une éventuelle maîtrise de ce fléau des temps modernes. Le but est simple, quasi pavlovien dans sa nature réflexe : décréter ex cathedra que les gouvernants sont des hérétiques, que leur l'intention est nécessairement mauvaise, perverse, et rejeter en bloc leurs propositions, leur action et pour tout dire leur légitimité...

06 octobre 2007

Se souvenir de si belles nuits...


Ce coffret magnifique c'est en quelque sorte l'apothéose de David Gilmour. Comme un merveilleux et poignant chant du cygne après l'album un peu léthargique de l'année dernière. Avec un titre qui, s'il ne sonne pas tout à fait comme un adieu, exprime une indicible nostalgie : Remember That Night.

Mais si le souffle créatif paraît affaibli, l'artiste heureusement s'avère toujours capable de rassembler des forces incroyables pour livrer la quintessence de son génie musical. On trouve ici parmi nombre de trésors, quelques magistrales interprétations des grandes compositions du Floyd. Notamment une des plus sublimes versions qui soient de Shine On You Crazy Diamond. Avec David Crosby et Graham Nash en forme de choeur s'il vous plaît. Ou encore Comfortably Numb, introduit de manière superbe et déchirante par David Bowie.

Dans cette fameuse ambiance d'extase flottante, bleue, rouge et multicolore, traversée de lasers tranchants comme des rayons issus de diamants utopiques, l'esprit s'égare et s'imagine en bateau ivre, échappé au temps, mais sillonnant sereinement une ineffable mer de raison. Et après les réminiscences de Rimbaud, on songe aux mots de Baudelaire : « là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté ».

Alors oubliées les réserves, au diable les réticences, profitons de ce fabuleux feu d'artifice en espérant qu'il soit suivi d'autres. Et prolongeons le plaisir avec le second DVD rempli de pépites inattendues (Astronomy Domine en studio par exemple...).

Un seul regret toutefois faute de disposer d'un standard haute définition : que le son ne soit pas en DTS qui serait nettement meilleur que le Dolby Digital...