Elle danse en rêvant de lendemains inouis
Et son vol au dessus des choses la transporte,
Elle tangue et l'élan l'enivre mais qu'importe
Où mène le vertige au fond rouge des nuits !
Elle tourne en chantant, saoulée par de longs cris
De joie. Fière, elle exulte à se sentir si forte
Et croit naïvement son ancienne vie morte
Tandis que dans la fête elle perd ses esprits
Elle ploie sous le strass et sous la fanfreluche
Son rythme s’alourdit, son pas est incertain
Sa vue même se trouble, elle erre, elle trébuche
En proie aux illusions tout est proche et lointain
Folle, elle s’abandonne à ce déséquilibre
Et s’affale, oubliant qu’hier, elle était libre !
31 décembre 2013
15 décembre 2013
Le coup du Père François
Encore une voix qui s'élève pour dénoncer les prétendus méfaits du libéralisme ! Et pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit de celle du pape François...
A travers son exhortation Evangelii Gaudium, publiée par le Vatican à la fin du mois de novembre, ce dernier s'exprime en effet vertement à son sujet, sans toutefois aller jusqu’à le citer nommément.
Ce document de plus de 200 pages, consacré à “l'évangélisation joyeuse” charrie certes comme il se doit, des tombereaux de bonnes intentions et de belles paroles auxquelles il apparaît difficile de ne pas adhérer au moins par la pensée.
Le pape s'y montre d’emblée d’humeur allègre, rappelant notamment que “la joie de l’Évangile remplit le coeur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus”. En abordant les problèmes du monde contemporain, il fait même preuve d’un certain optimisme, en évoquant “les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication.”
Hélas, bien vite le tableau s’assombrit, à mesure qu'il rentre dans le vif du sujet.
On peut certes encore le suivre lorsqu’il déplore cette “tristesse individualiste qui vient du coeur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée” qui gagne du terrain dans nos sociétés de confort matériel. On ne saurait évidemment lui donner tort, tant la futilité de notre univers semble évidente...
Comment ne pas partager également son sentiment lorsqu’il affirme “qu’on ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim.”
Tout cela n’est pas d’une originalité fracassante, mais il faut hélas reconnaître qu’il y a, qu’il y eut, et qu’il y aura sans doute encore longtemps une part de vrai…
Là où le propos devient beaucoup plus étonnant, voire déroutant, c’est lorsque le souverain pontife se lance tout à trac dans une violente diatribe aux accents clairement politiques. Est-ce le rôle du pape de dénoncer “une économie de l’exclusion”, avec des termes ressemblant étrangement aux saillies grinçantes de Mélenchon ou de Besancenot ? Est-il vraiment dans son rôle lorsqu’il affirme “qu’aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible ?”
Sans doute a-t-il le droit de dire ce qu’il a envie de dire après tout, mais à prendre un ton aussi partisan, il risque fort de tomber de son piédestal de commandeur des âmes chrétiennes. Surtout, il s’expose à la controverse, donc à voir singulièrement se réduire la portée de sa parole. Ce qu’elle paraît gagner en actualité, elle le perd en universalité, et une telle intrusion dans la science économique peut devenir aussi discutable que le furent les parti-pris anti-scientifiques de l’église d’autrefois.
En quoi devons nous croire le pape lorsqu’il affirme que dans nos sociétés, “on considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter ? ” ou qu’il ajoute que “nous avons mis en route la culture du déchet qui est même promue.”
Et lorsque il nie que la croissance économique, puisse être favorisée par le libre marché, et qu’elle soit en mesure de produire “une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde”, il ne fait qu’émettre une opinion personnelle, que chacun est en droit de contester, car le rapport à Dieu paraît en l’occurrence bien lointain !
Il s’en éloigne d’ailleurs encore un peu plus à chaque page de ce qui s’apparente en définitive à un manifeste. Ainsi François ressort la bonne vieille symbolique de “l’adoration de l’antique veau d’or”, dont il voit “une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain.”
Emporté par son élan, il croit bon de reprendre à son compte l’adage qui veut que “les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, [tandis que] ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité.”
La satire anti-libérale et anti-capitaliste est limpide. Non seulement le pape se fait le contempteur de l'économie de marché, mais il plaide pour l'étatisme contre l'initiative privée, jusqu'à adopter un point de vue radicalement partisan, condamnant "les idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière" et "qui nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun." En clair, il reproche à ces idéologies d'instaurer "une nouvelle tyrannie invisible, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable !"
Cela le conduit à cette occasion à faire un amalgame des plus douteux avec “une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales !” Pour un peu il se ferait le chantre de l’impôt ! Un peu fort de café tout de même...
Dès lors, il apparaît clairement qu’on a quitté le champ de l’opinion, pour entrer dans celui du slogan. Ainsi le pape se livre dans la foulée, à la critique de la mondialisation avec des accents franchement “alter-coco”, en dénonçant “une détérioration accélérée des racines culturelles, avec l’invasion de tendances appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies.”
Le grand reproche qu’on peut faire à cette longue oraison est de manquer largement sa cible. Elle s’attaque en effet au modèle de la société ouverte sur lequel reposent les pays développés, en tentant de reprendre le ton martial dont Jean-Paul II usa contre le système communiste.
Mais ce dernier avait une légitimité reposant sur le fait qu’il s’adressait à un régime totalitaire dans lequel les individus ne jouissaient d'aucun droit, sauf celui de se taire.
Dans les sociétés démocratiques que François prend pour cible en revanche, les citoyens sont acteurs de leur destin et des lois qui les régissent. Le droit de vote n'est pas un vain mot et la responsabilité citoyenne a une vraie signification.
Or le pape fait comme si les peuples étaient assujettis, voire broyés par un odieux système. Il parle même de "tyrannie invisible", ce qui paraît pour le moins excessif.
A aucun moment il ne s’adresse à l’initiative individuelle qui devrait être le moteur essentiel du progrès. Nulle part il ne fait des femmes et des hommes les clés d'un avenir meilleur.
Plus grave, la tonalité étrange des propos du pape déborde le monde de la finance.
Il déplore notamment “une société de l’information qui nous sature sans discernement de données, toutes au même niveau, et qui finit par nous conduire à une terrible superficialité au moment d’aborder les questions morales.” C'est vrai, mais qui est le plus coupable ? Le système qui délivre trop d'informations ou bien les individus incapables de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie dans cette abondance, et de discerner dans le flux qui les assaille celles qui sont importantes ? Ne vaut-il pas mieux avoir trop d’informations, et de sources multiples que pas assez, et d’un seul canal ? Le problème ne vient-il pas du manque d'éducation, du peu d'esprit critique, et de cette envahissante pensée unique dont il se fait lui-même, le colporteur ?
Plus loin, le pape constate que “La famille traverse une crise culturelle profonde.” Mais il ne dit rien des lois qui un peu partout détruisent avec méthode les repères sur lesquels elle est fondée, selon les canons chrétiens.
S’agissant même de la religion, ses mots résonnent bizarrement. Il pointe un doigt accusateur en direction de certaines régions du monde frappées “par une désertification spirituelle, fruit du projet de sociétés qui veulent se construire sans Dieu ou qui détruisent leurs racines chrétiennes”. Là, dit-il, «le monde chrétien devient stérile, et s’épuise comme une terre surexploitée, qui se transforme en sable. »
On comprend une fois encore, qu’il dénonce à mots couverts le mode de vie occidental. Bien qu’il soit sévère, le constat pourrait peut-être porter, si à l’inverse il ne manifestait une lénifiante mansuétude vis à vis de l’islam conquérant : “Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux.”
Et comme il est sur le sujet particulièrement en verve, il ajoute que “Nous chrétiens, nous devrions accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans nos pays, de la même manière que nous espérons et nous demandons être accueillis et respectés dans les pays de tradition islamique.”
Il y a de quoi être un peu éberlué. Le pape imagine-t-il que les musulmans soient si mal traités dans les sociétés démocratiques de culture chrétienne ! A-t-il réellement perçu comment sont traitées ses ouailles dans la plupart des pays musulmans ?
Il faut chercher avec attention pour trouver une brève allusion à “la violente résistance au christianisme” qui dans certains endroits, “oblige les chrétiens à vivre leur foi presqu’en cachette dans le pays qu’ils aiment...” Et il faut être attentif pour trouver “l’humble imploration” à ces pays “pour qu’ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, prenant en compte la liberté dont les croyants de l’Islam jouissent dans les pays occidentaux !”
En terminant la lecture de cette longue exhortation, il difficile de s’exonérer d’un sentiment d’exaspération, voire d’incompréhension. A peu de chose près, on dirait le discours d’un politicien gauchisant.
La théologie de la libération qui fit florès en Amérique du Sud semble bel et bien de retour. Elle contribua hélas à ancrer le socialisme dans cette partie du monde, sans résultat probant après des décennies, sur l’état de pauvreté des pays concernés.
On se souvient que Jean-Paul II avait mis en garde contre la dérive politique à laquelle cette idéologie exposait, en rappelant aux prêtres qu’ils devaient être « des guides spirituels, pas des dirigeants sociaux ni des cadres politiques ou des fonctionnaires d'un ordre séculier. » Le pape François est en passe d’oublier cette recommandation, ce que la réaction de médias paraît confirmer. Par exemple le site Rue 89 qui jubile : "cette fois, c’est sûr, le pape est socialiste !" Ou bien de magazines, moins catégoriques, mais qui s’interrogent : "Le pape est-il marxiste ?" (Le Point), "Le pape François, un socialiste ?" (La Vie)...
L’avenir permettra sans doute de trancher. Toujours est-il que le discours pontifical s’inscrit hélas dans ce paradoxe troublant : on reproche au capitalisme de viser à enrichir les gens, au motif qu’il ne parvient pas à abolir la pauvreté, tandis qu’on porte au crédit du socialisme d’appauvrir les riches (sauf la nomenkaltura), même s’il ne fait qu’aggraver le sort des pauvres… Comprenne qui pourra !
A travers son exhortation Evangelii Gaudium, publiée par le Vatican à la fin du mois de novembre, ce dernier s'exprime en effet vertement à son sujet, sans toutefois aller jusqu’à le citer nommément.
Ce document de plus de 200 pages, consacré à “l'évangélisation joyeuse” charrie certes comme il se doit, des tombereaux de bonnes intentions et de belles paroles auxquelles il apparaît difficile de ne pas adhérer au moins par la pensée.
Le pape s'y montre d’emblée d’humeur allègre, rappelant notamment que “la joie de l’Évangile remplit le coeur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus”. En abordant les problèmes du monde contemporain, il fait même preuve d’un certain optimisme, en évoquant “les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication.”
Hélas, bien vite le tableau s’assombrit, à mesure qu'il rentre dans le vif du sujet.
On peut certes encore le suivre lorsqu’il déplore cette “tristesse individualiste qui vient du coeur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée” qui gagne du terrain dans nos sociétés de confort matériel. On ne saurait évidemment lui donner tort, tant la futilité de notre univers semble évidente...
Comment ne pas partager également son sentiment lorsqu’il affirme “qu’on ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim.”
Tout cela n’est pas d’une originalité fracassante, mais il faut hélas reconnaître qu’il y a, qu’il y eut, et qu’il y aura sans doute encore longtemps une part de vrai…
Là où le propos devient beaucoup plus étonnant, voire déroutant, c’est lorsque le souverain pontife se lance tout à trac dans une violente diatribe aux accents clairement politiques. Est-ce le rôle du pape de dénoncer “une économie de l’exclusion”, avec des termes ressemblant étrangement aux saillies grinçantes de Mélenchon ou de Besancenot ? Est-il vraiment dans son rôle lorsqu’il affirme “qu’aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible ?”
Sans doute a-t-il le droit de dire ce qu’il a envie de dire après tout, mais à prendre un ton aussi partisan, il risque fort de tomber de son piédestal de commandeur des âmes chrétiennes. Surtout, il s’expose à la controverse, donc à voir singulièrement se réduire la portée de sa parole. Ce qu’elle paraît gagner en actualité, elle le perd en universalité, et une telle intrusion dans la science économique peut devenir aussi discutable que le furent les parti-pris anti-scientifiques de l’église d’autrefois.
En quoi devons nous croire le pape lorsqu’il affirme que dans nos sociétés, “on considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter ? ” ou qu’il ajoute que “nous avons mis en route la culture du déchet qui est même promue.”
Et lorsque il nie que la croissance économique, puisse être favorisée par le libre marché, et qu’elle soit en mesure de produire “une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde”, il ne fait qu’émettre une opinion personnelle, que chacun est en droit de contester, car le rapport à Dieu paraît en l’occurrence bien lointain !
Il s’en éloigne d’ailleurs encore un peu plus à chaque page de ce qui s’apparente en définitive à un manifeste. Ainsi François ressort la bonne vieille symbolique de “l’adoration de l’antique veau d’or”, dont il voit “une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain.”
Emporté par son élan, il croit bon de reprendre à son compte l’adage qui veut que “les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, [tandis que] ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité.”
La satire anti-libérale et anti-capitaliste est limpide. Non seulement le pape se fait le contempteur de l'économie de marché, mais il plaide pour l'étatisme contre l'initiative privée, jusqu'à adopter un point de vue radicalement partisan, condamnant "les idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière" et "qui nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun." En clair, il reproche à ces idéologies d'instaurer "une nouvelle tyrannie invisible, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable !"
Cela le conduit à cette occasion à faire un amalgame des plus douteux avec “une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales !” Pour un peu il se ferait le chantre de l’impôt ! Un peu fort de café tout de même...
Dès lors, il apparaît clairement qu’on a quitté le champ de l’opinion, pour entrer dans celui du slogan. Ainsi le pape se livre dans la foulée, à la critique de la mondialisation avec des accents franchement “alter-coco”, en dénonçant “une détérioration accélérée des racines culturelles, avec l’invasion de tendances appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies.”
Le grand reproche qu’on peut faire à cette longue oraison est de manquer largement sa cible. Elle s’attaque en effet au modèle de la société ouverte sur lequel reposent les pays développés, en tentant de reprendre le ton martial dont Jean-Paul II usa contre le système communiste.
Mais ce dernier avait une légitimité reposant sur le fait qu’il s’adressait à un régime totalitaire dans lequel les individus ne jouissaient d'aucun droit, sauf celui de se taire.
Dans les sociétés démocratiques que François prend pour cible en revanche, les citoyens sont acteurs de leur destin et des lois qui les régissent. Le droit de vote n'est pas un vain mot et la responsabilité citoyenne a une vraie signification.
Or le pape fait comme si les peuples étaient assujettis, voire broyés par un odieux système. Il parle même de "tyrannie invisible", ce qui paraît pour le moins excessif.
A aucun moment il ne s’adresse à l’initiative individuelle qui devrait être le moteur essentiel du progrès. Nulle part il ne fait des femmes et des hommes les clés d'un avenir meilleur.
Plus grave, la tonalité étrange des propos du pape déborde le monde de la finance.
Il déplore notamment “une société de l’information qui nous sature sans discernement de données, toutes au même niveau, et qui finit par nous conduire à une terrible superficialité au moment d’aborder les questions morales.” C'est vrai, mais qui est le plus coupable ? Le système qui délivre trop d'informations ou bien les individus incapables de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie dans cette abondance, et de discerner dans le flux qui les assaille celles qui sont importantes ? Ne vaut-il pas mieux avoir trop d’informations, et de sources multiples que pas assez, et d’un seul canal ? Le problème ne vient-il pas du manque d'éducation, du peu d'esprit critique, et de cette envahissante pensée unique dont il se fait lui-même, le colporteur ?
Plus loin, le pape constate que “La famille traverse une crise culturelle profonde.” Mais il ne dit rien des lois qui un peu partout détruisent avec méthode les repères sur lesquels elle est fondée, selon les canons chrétiens.
S’agissant même de la religion, ses mots résonnent bizarrement. Il pointe un doigt accusateur en direction de certaines régions du monde frappées “par une désertification spirituelle, fruit du projet de sociétés qui veulent se construire sans Dieu ou qui détruisent leurs racines chrétiennes”. Là, dit-il, «le monde chrétien devient stérile, et s’épuise comme une terre surexploitée, qui se transforme en sable. »
On comprend une fois encore, qu’il dénonce à mots couverts le mode de vie occidental. Bien qu’il soit sévère, le constat pourrait peut-être porter, si à l’inverse il ne manifestait une lénifiante mansuétude vis à vis de l’islam conquérant : “Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux.”
Et comme il est sur le sujet particulièrement en verve, il ajoute que “Nous chrétiens, nous devrions accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans nos pays, de la même manière que nous espérons et nous demandons être accueillis et respectés dans les pays de tradition islamique.”
Il y a de quoi être un peu éberlué. Le pape imagine-t-il que les musulmans soient si mal traités dans les sociétés démocratiques de culture chrétienne ! A-t-il réellement perçu comment sont traitées ses ouailles dans la plupart des pays musulmans ?
Il faut chercher avec attention pour trouver une brève allusion à “la violente résistance au christianisme” qui dans certains endroits, “oblige les chrétiens à vivre leur foi presqu’en cachette dans le pays qu’ils aiment...” Et il faut être attentif pour trouver “l’humble imploration” à ces pays “pour qu’ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, prenant en compte la liberté dont les croyants de l’Islam jouissent dans les pays occidentaux !”
En terminant la lecture de cette longue exhortation, il difficile de s’exonérer d’un sentiment d’exaspération, voire d’incompréhension. A peu de chose près, on dirait le discours d’un politicien gauchisant.
La théologie de la libération qui fit florès en Amérique du Sud semble bel et bien de retour. Elle contribua hélas à ancrer le socialisme dans cette partie du monde, sans résultat probant après des décennies, sur l’état de pauvreté des pays concernés.
On se souvient que Jean-Paul II avait mis en garde contre la dérive politique à laquelle cette idéologie exposait, en rappelant aux prêtres qu’ils devaient être « des guides spirituels, pas des dirigeants sociaux ni des cadres politiques ou des fonctionnaires d'un ordre séculier. » Le pape François est en passe d’oublier cette recommandation, ce que la réaction de médias paraît confirmer. Par exemple le site Rue 89 qui jubile : "cette fois, c’est sûr, le pape est socialiste !" Ou bien de magazines, moins catégoriques, mais qui s’interrogent : "Le pape est-il marxiste ?" (Le Point), "Le pape François, un socialiste ?" (La Vie)...
L’avenir permettra sans doute de trancher. Toujours est-il que le discours pontifical s’inscrit hélas dans ce paradoxe troublant : on reproche au capitalisme de viser à enrichir les gens, au motif qu’il ne parvient pas à abolir la pauvreté, tandis qu’on porte au crédit du socialisme d’appauvrir les riches (sauf la nomenkaltura), même s’il ne fait qu’aggraver le sort des pauvres… Comprenne qui pourra !
11 décembre 2013
On enterre bien les symboles...
Le concert planétaire de louanges et d’hommages entourant la disparition de Nelson Mandela (1918-2013) a de quoi décourager de toute contribution le blogueur observateur et modeste chroniqueur de son temps. Que peut-on ajouter à ces dithyrambes tous azimuts ? Comment faire preuve d’une once d’originalité dans cette explosion universelle de conformisme bien pensant ?
En même temps, comment ne pas évoquer l’évènement ? Comment passer sous silence ce gigantesque ralliement oecuménique ?
Il est aussi vain de vouloir ajouter encore un peu d’encens à ces entêtantes vapeurs séraphiques, que de rester “dans son lit douillet”, en “n’écoutant pas le clairon qui sonne”, comme Georges Brassens le quatorze juillet…
Il est possible toutefois à cette occasion funèbre, de ne pas être trop triste. De se réjouir même, de cette union de façade, de toutes ces têtes couronnées, de tous ces grands de ce monde. Leur empressement délirant est un signe des temps. Cela dépasse évidemment de loin la personnalité du défunt, et pour beaucoup c’est sûr, le zèle est sans doute dicté par la nécessité d’être vu, bien plus que par l'émotion. Mais c’est un fait, cette véritable béatification laïque est une occasion en or d’exprimer de beaux sentiments. On a pu voir de tout dans cette kermesse héroïque : un chef d’Etat faire cause presque commune avec son prédécesseur, en dépit d’une féroce haine réciproque; le président des Etats-Unis rire à gorge déployée en se faisant prendre en photo fraternelle avec ses homologues danois et anglais, et l’instant d’après, dans un geste qualifié “d’historique”, serrer chaleureusement la paluche de l’infâme tyran cubain…
En même temps, comment ne pas évoquer l’évènement ? Comment passer sous silence ce gigantesque ralliement oecuménique ?
Il est aussi vain de vouloir ajouter encore un peu d’encens à ces entêtantes vapeurs séraphiques, que de rester “dans son lit douillet”, en “n’écoutant pas le clairon qui sonne”, comme Georges Brassens le quatorze juillet…
Il est possible toutefois à cette occasion funèbre, de ne pas être trop triste. De se réjouir même, de cette union de façade, de toutes ces têtes couronnées, de tous ces grands de ce monde. Leur empressement délirant est un signe des temps. Cela dépasse évidemment de loin la personnalité du défunt, et pour beaucoup c’est sûr, le zèle est sans doute dicté par la nécessité d’être vu, bien plus que par l'émotion. Mais c’est un fait, cette véritable béatification laïque est une occasion en or d’exprimer de beaux sentiments. On a pu voir de tout dans cette kermesse héroïque : un chef d’Etat faire cause presque commune avec son prédécesseur, en dépit d’une féroce haine réciproque; le président des Etats-Unis rire à gorge déployée en se faisant prendre en photo fraternelle avec ses homologues danois et anglais, et l’instant d’après, dans un geste qualifié “d’historique”, serrer chaleureusement la paluche de l’infâme tyran cubain…
Il est possible enfin et surtout, de retenir de l’homme qui vient de disparaître, le sourire radieux qu’il dispensait si généreusement, et qui sera pour l’éternité, le signe le plus prégnant et sincère d’une volonté de réconciliation nationale en Afrique du Sud. Certes tous les problèmes sont loin d’avoir été résolus par ce messie des temps modernes, mais la symbolique est puissante. Elle tranche en tout cas heureusement avec le rictus tragique qui barrait le visage du militant en lutte. Il faut espérer que ce visage rayonnant reste dans les esprits pour incarner la liberté, l’ouverture et le respect mutuel qui sont les ingrédients indispensables d’une vraie démocratie !
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