Forte impression en découvrant le chanteur Jacob Banks lors du festival Cognac Blues Passion début juillet.
Ce jeune anglais de 27 ans, originaire du Nigeria délivre un message musical d’une intensité et d’une puissance rares. S'il fallait qualifier son style, on pourrait dire qu’il mixe de manière très convaincante pas mal de sources d’inspirations : soul, blues, hip hop.
Cet heureux cocktail, à la fois riche et très épuré est littéralement envoûtant. A certains moments, il va même jusqu’à vous coller des frissons... Le public massé dans l’amphithéâtre herbeux était manifestement sous le charme . Ce soir là, la scène baptisée Blues Paradise par les organisateurs portait diablement bien son nom...
Accompagné d’une section rythmique hyper musclée, et d’un guitariste/pianiste aussi discret qu’efficace, le chant vous prend instantanément par les tripes avec ses inflexions magnétiques, brutales et déchirantes à la fois. Cette chaude voix de stentor s’impose avec une évidence quasi extatique (Unknown), elle peut asséner une mélopée subtile au son du marteau pilon qui vous laisse abasourdi (Chainsmoking, Mercy), et revenir vous chercher l’instant d’après avec des accents d’une suavité désarmante (Part Time Love, Photograph).
Pourvu que ce garçon continue sur cette voie. Pourvu qu’il ne se brûle pas les ailes au feu de la passion. Il paraît bien maîtriser son affaire. A suivre donc… Ses craintes se révéleront dès lors infondées : « I believe in what I say, why does everyone hear me wrong ? »
A côté de cette superbe découverte « live », les chercheurs de fonds de tiroirs nous donnent à réentendre dans des enregistrements inédits, deux illustres aînés.
Jimi Hendrix tout d’abord via l’album intitulé Both Sides Of The Sky. Treize titres dont 10 totalement neufs permettent de se remettre dans l’oreille les riffs ébouriffants d’un des plus brillants météores de la pop music.
Exhumés des années 1968 et 69, ces sessions ont une fraîcheur intacte. Tout est bon, mais on retient particulièrement les divagations aériennes qui côtoient l’âme et les esprits : Power Of Soul, Jungle, Sweet Angels, Send My Love To Linda…
On retient également une prise au cours de laquelle Jimi mêle ses incantations sauvages aux slides acidulés de Johnny Winter (Things I used to do), un Georgia Blues très root avec Lonnie Youngblood au chant et au sax. Enfin, les scansions hypnotiques de Cherokee Mist qui rappellent que Jimi avait des origines indiennes.
Signalons enfin la resucée hard bop retrouvée dans les archives de John Coltrane, intitulée Both Directions At Once. C’est peu dire qu’on retrouve ici toute l’essence prolifique du génie coltranien tourbillonnant au bord du précipice.
Pour les amoureux du saxophoniste c’est un peu inespéré. Pour les autres ce sera peut-être un peu plus difficile. On connut en effet des enregistrements de meilleure qualité et plus construits (par exemple l’album inédit sorti en début d’année, qui donne à entendre des extraits de la tournée qu’il fit avec Miles Davis en Europe en 1960).
Ici, dans des sessions datées de 1963 (4 ans avant la disparition de l’artiste), Coltrane est au bord des convulsions qui allaient parfois le rendre difficile à suivre (avec Eric Dolphy notamment). Il y a quelques redondances dans les titres proposés. Par exemple, on entend 3 fois l’inédit « untitled 11386 », 4 fois le fameux mais déjà connu « Impressions », 2 fois Vilia, 2 fois One Up, One Down…
Restent quand même ces inimitables envolées, aussi libres qu’inspirées, soutenues par le beat merveilleux de trois associés de rêve : McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Elvin Jones. Je me suis particulièrement régalé de l’Untitled 11383 qui ouvre de manière très tonique et pimpante l’album, ainsi que du Slow Blues qui offre plus de onze minutes de bonheur pur...
Devant les monstrueuses manifestations populaires engendrées par le football, on hésite à qualifier ce sport : opium du peuple ou bien jeu du cirque ? Magique ou bien effrayante, cette ferveur qui fait se lever les foules en liesse ?
Tant qu’il y a de la joie, il faudrait être bien mal intentionné pour la bouder, et tant mieux pour la France si ces moments intenses donnent l’illusion d’une certaine unité, voire d’un dessein commun. Rêvons un peu. ..
Il y a quatre ans l’Allemagne dansait sur le toit du monde. Elle réussissait en tout, y compris sur les terrains de football. Cette année, même s'il faut toujours compter avec elle et même si elle reste très forte économiquement, elle s’est montrée plutôt médiocre pendant la Coupe du Monde et sa stabilité politique est quelque peu fragilisée.
Qu’en sera-t-il de notre pays ? L’enthousiasme du Président Macron, quoique sans doute sincère, témoigne de l’importance donnée par les politiciens aux bons résultats sportifs. Peut-être peut-il espérer un nouvel élan au moment où se fatigue l’état de grâce qui suivit son élection.
Après quelques folles espérances, l’impression est que les mots, fussent ils brillants, parviennent de plus en plus difficilement à masquer la relative impuissance à réformer.
On entrevoyait une vraie rupture avec la médiocrité démagogique du quinquennat précédent, on se laissait presque convaincre que l’audace allait enfin être payante. Hélas le vent réformiste qui devait assainir le pays reste à l'état de brise évanescente.
Elle n’a pas empêché ce climat délétère de grèves auquel la France est trop habituée, elle n’a pas évité les slogans destructeurs répétés à longueur de journée par des médias irresponsables. Elle n'a pas permis d'éradiquer la violence intolérable des rebellions urbaines, dont on a pu constater les méfaits le jour même de la victoire, au cœur des manifestations de bonheur.
Et l’on a vu trop d’absurdités alourdir le poids des contraintes et de la bureaucratie : des limitations de vitesse sur les routes aux taxations incessantes, en passant par l’hyper réglementation supposée protéger nos données personnelles.
En matière fiscale, on apprenait il y a peu, que sur 103 mesures adoptées depuis 2008, près de 90 % renforcent les pouvoirs de l'Administration (Figaro 11/07)...
Sur d’autres sujets, tel l'avenir du système de santé, qui traverse de grandes difficultés, le gouvernement tergiverse et reporte des décisions dont tout porte à croire qu’elles n’auront pas grand chose de novateur.
Pas de révolution non plus à attendre sur le front des retraites. Faute de changer de paradigme on se borne à jouer sur les trois variables classiques : augmentation des cotisations, allongement de leur durée, diminution des pensions...
Pendant ce temps, le pays continue sa lente dégringolade dans le palmarès des PIB. Après avoir vu le Royaume Uni lui passer devant, il vient de perdre encore une place au profit de l’Inde.
La Coupe du Monde de football nous a enchantés. Va-t-elle contribuer à ré enchanter la société française ? Cela reste à voir...
En décryptant l’ouvrage majeur de Spinoza, à savoir L'Éthique, Roger Scruton montre que tout le discours est fondé sur Dieu en tant que primum movens absolu. Cela pourrait évidemment être un commencement logique, mais l'hypothèse hélas n'est pas vérifiable, ce qui laisse penser que Spinoza met la charrue avant les bœufs, autrement dit qu’il se livre à une interprétation téléologique. Ce d’autant plus que l’existence de Dieu repose pour lui sur une preuve ontologique qui est une sorte de tautologie : Dieu existe car il ne peut qu’exister…
Selon cette conception, Dieu est défini comme “un étant absolument infini, c’est à dire une substance consistant en une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie”, il serait donc vain de lui dénier la qualité d’exister…
Le second parti pris par Spinoza, consiste à assimiler Dieu à la Nature, et à en faire une substance plutôt qu’un être. Cela le conduit conséquemment à considérer que tout ce que nous voyons ou ressentons, y compris nous-mêmes, faisons partie intégrante de Dieu, qui de facto régit tout, réduisant notamment le libre arbitre humain à néant, et pulvérisant au passage les concepts de bien et de mal.
En prenant cette voie, Spinoza se montre à la fois moniste et déterministe, amoral et matérialiste, ce qui fit dire à Deleuze non sans délectation, qu’on pouvait trouver dans ces théories “certaines thèses particulières qui participent d’une tradition athée”. C'est précisément ce qui fut sévèrement reproché au philosophe à son époque...
On trouve pourtant dans l'Éthique une approche très humble de Dieu. Le philosophe le regarde d’en bas en quelque sorte, et donne à admirer sans limite sa puissance tutélaire, alors que la plupart des religions se placent sans vergogne à hauteur de Dieu qu’elles n’hésitent pas à faire parler et dont elles prétendent connaître le dessein et la volonté.
Loin d’avoir cette arrogance, Spinoza cherche à chasser les illusions sur les prétendues “révélations” et plus encore sur les croyances et superstitions que la foi religieuse a tendance à engendrer.
Au contraire, il nous invite, pour vivre pleinement en Dieu, à sortir de l’ignorance dans laquelle nous nous trouvons en naissant, en se ralliant de facto au principe cartésien “de ne rien admettre pour vrai que nous ne puissions prouver être tel” (à l’exception de l’existence de Dieu bien sûr). La philosophie spinoziste s’apparente donc davantage à une "théologie raisonnable" qu’à un traité d’athéologie préfigurant ceux de Nietzsche ou d’Onfray.
L’Ethique est construite très rigoureusement selon un plan géométrique: elle est fondée sur une logique déductive nourrie de définitions, d’axiomes, de postulats, et débouche sur des propositions, des démonstrations, et des scolies.
Mais en posant des principes intangibles en tête de tout raisonnement, le discours penche plus vers le rationalisme que l’empirisme et il n’est pas étonnant qu’il ait influencé Hegel, Marx et quantité de ses épigones, ainsi que les scientifiques matérialistes tels Antonio Damasio.
En définitive cette philosophie qui relève avant tout du champ métaphysique, n’évite pas les écueils de cette approche, à savoir des affirmations qui relèvent d’une logique apodictique (existence de Dieu) ou au contraire qui conduisent à l’aporie (placer l’éternité en dehors du temps).
On pourrait également critiquer la théorie de la connaissance proposée par Spinoza dont l’objectif un peu nébuleux serait de mettre nos idées et concepts en adéquation avec ceux de Dieu, rien de moins.
Pour y parvenir, nous disposerions selon lui de trois types de connaissances.
La première est celle qui se fonde sur l’opinion ou imagination. Elle “consiste à former des notions universelles à partir des singuliers qui se présentent à nous par le moyen des sens de manière mutilée et confuse.” Peu fiable, elle serait même “l’unique source de fausseté”. A l’évidence Spinoza n’est pas un empiriste…
Il ne reconnaît comme vrais facteurs de progrès que la connaissance du deuxième type, qu’il appelle raison, et celle du troisième type qui relève de l’intuition, qu’il entend comme étant “la perception de la vérité d’une proposition ou de sa démonstration en un acte d’intelligence unique et immédiat.”
Si l’intuition, dont fit grand cas Bergson, paraît jouer un grand rôle dans les expériences de pensée scientifiques, la raison qui procède “par notions communes et idées adéquates” semble quant à elle relever de la spéculation et elle ouvre la voie à beaucoup d'interprétations…
Une controverse est possible également au sujet de la morale. Elle ne connaît pour Spinoza ni bien ni mal et se borne à distinguer le bon, qui consiste à se rapprocher de Dieu donc à être en harmonie avec la Nature, et le mauvais qui serait incarné par l’ignorance et les superstitions.
On ne serait sans doute pas si éloigné de l’impératif catégorique de Kant si l’auteur de l’Ethique ne déniait à l’Homme la liberté et ne réduisait pas à la portion congrue la notion de libre arbitre. De ce point de vue, le conatus reste flou et moyennement convaincant. Il n’incarne pas tant la conscience qu’une forme d’énergie vitale et ne résout en rien la problématique de l’âme. Le corps et l’esprit n’étant selon Spinoza que deux modalités complémentaires d'une même entité, l’individu en tant que tel n’est quasi rien et la vie éternelle n’a pas plus de sens pour l’esprit que pour le corps. Or qu’est-ce que la nature, et toute la matière qu’elle contient s’il n’y a pas de conscience, ce qui fut le cas durant les millénaires qui précédèrent l’avènement des êtres humains ?
A vouloir faire de l’Homme une partie intégrante de Dieu, Spinoza jette le trouble. Certes comme le fait remarquer Ariel Suhamy au cours de la très intéressante série d’émissions de France Culture consacrées en 2016 à l’auteur de l’Ethique, l’Homme ne peut pas davantage se confondre avec Dieu que son petit doigt ne se confond avec lui. Mais cela suffit-il à nous procurer une explication rationnelle de notre rapport au monde, à nous donner la direction à suivre pour mieux le connaître, et in fine à donner un sens à notre conscience ?
Il n’est pas de saison plus propice à la réflexion philosophique que l’été. Tout s’y prête : la quiétude, la chaleur, la nature plus proche que jamais… Le ciel, le soleil et la mer disait la chanson...
C’est aussi le moment où je suis ramené à Baruch Spinoza (1632-1677), par le biais d’un auteur récemment découvert par hasard: Roger Scruton.
Citoyen britannique, il incarne le conservatisme auquel il s’attache à donner toutes ses lettres de noblesse, envers et contre toutes les critiques, et contre le mépris naturel que ce terme inspire presque naturellement à beaucoup de gens.
Il n’est pas question d’aborder ici cette thématique au demeurant fort intéressante mais d’évoquer la courte introduction à la pensée spinoziste* qu‘il publia en 1998 et par laquelle j’ai choisi de faire sa connaissance. Au surplus, le philosophe auquel j’avais consacré un billet il y a peu, est plutôt à la mode si l’on en juge sur le nombre de publications dont il est l’objet depuis quelques années.
Faire en moins de 100 pages l’exégèse de l’œuvre du philosophe hollandais relève de la gageure. On ne reprochera donc pas à celui qui s’y attelle de survoler les concepts parfois ardus qui peuplent l’Éthique ou le traité Théologico-politique. On lui saura gré au contraire, de montrer que derrière leur aspect rebutant, ces ouvrages recèlent une belle actualité.
A notre époque où le fait religieux donne lieu à toutes les dérives, du torve laisser-aller à la radicalisation la plus fanatique, en passant par la négation scientiste ou matérialiste, il est intéressant de rappeler le rapport tout à fait particulier de Spinoza avec la religion et avec Dieu.
On sait que sa famille dut quitter l’Espagne, puis le Portugal où les Juifs étaient contraints de se convertir au catholicisme, pour s’installer en Hollande, beaucoup plus tolérante à l’époque. Hélas, comme le déplore M. Scruton, “la liberté de penser est plus vite perdue que gagnée” et la rigueur calviniste rattrapa Spinoza et les siens, et lui-même fut purement et simplement excommunié à l’âge de 23 ans, avant même d’avoir rien écrit ! Il fut ensuite anathématisé toute sa vie pour son prétendu athéisme, l’obligeant à faire éditer son œuvre dans l’anonymat.
Ce destin contrarié eut probablement quelque influence sur sa pensée. Il conçut en effet une vraie aversion pour toute croyance religieuse qu’il assimila à de la superstition, jamais loin de l’intolérance voire du fanatisme. Il en est ainsi du mythe de l’espérance en une vie future dans laquelle seraient récompensées les bonnes actions et châtiées les mauvaises. C’est pour lui, “chose tellement absurde qu’elle mérite à peine d’être relevée”. Il rejette pareillement la croyance aux miracles qui ne fait selon lui “pas honneur à Dieu”. Quel besoin Dieu en effet aurait-Il “d’intervenir et de modifier les événements dont Il est l’origine” ?
Paradoxalement, s’il manifeste une aversion profonde pour les religions, Spinoza fait pourtant de Dieu le pivot central de son oeuvre. Il y est omniprésent et omnipotent. Mais il ne s’agit pas d’une entité qu’on pourrait personnifier et qui serait distincte du monde. Dieu est le Monde. Deus sive Natura, Dieu se confond avec la Nature.
Contrairement aux dogmes véhiculés par nombre de religions, pour Spinoza, “Dieu ne saurait éprouver quelque passion, joie ou tristesse. Il n’aime ni ne hait personne”. Pour cette raison, le philosophe affirme que “qui aime Dieu ne peut faire effort que que Dieu l’aime en retour.” L’amour que l’on porte à Dieu est absolument désintéressé...
Puisque tous les êtres existent en Dieu et par Dieu, qu'ils dépendent entièrement de Lui, il découle que Dieu est le seul être absolument libre. Le libre arbitre de l’homme “n’est qu’une illusion qui a pour causes et origines des perceptions inadéquates et confuses” et il est impératif pour Spinoza de “construire une éthique où la notion commune de liberté ou de libre arbitre soit totalement absente”.
Cette vision très déterministe, pourrait être profondément déprimante si le philosophe n’y ajoutait pas quelque pondération susceptible de redonner un peu d’espoir.
Ainsi, si la liberté absolue ne convient qu’à Dieu, il existe une autre forme de liberté, relative, qui résulte de la théorie du conatus, ce dernier qualifiant l’effort par lequel nous tâchons de durer et persévérer dans notre être.
C’est précisément par ce conatus, que “nous pouvons prendre conscience de la vertu contraignante des chaînes causales qui se trouvent en nous, et que nous pouvons espérer nous en affranchir, pour accéder à l’unique forme de liberté à laquelle nous puissions prétendre.”
En d’autres termes, “Dieu ayant une idée adéquate de toute chose, nos propres idées sont adéquates en tant que nous participons de l’intellect divin.../… Plus nos conceptions sont adéquates, et plus nous dépassons notre finitude pour atteindre à la substance divine dont nous sommes un mode.”
Dieu conçu comme “Nature naturante” est “une substance consistant en une infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.” Nous ne connaissons que deux de ces attributs et encore très partiellement : la pensée et l’étendue.
Le corps est un mode fini de la substance infinie, appréhendé comme étendue. L’esprit est un mode fini de la substance infinie, appréhendé comme pensée.
Pour Spinoza, les deux sont indissociablement liés au sein de la Nature et l’on peut même généraliser le raisonnement : “comme la musique n’est pas séparable des sons, tout objet physique a un homologue spirituel, et ces objets sont identiques comme en moi le corps et l’esprit.”
Notre nature, en plus d’être finie, est soumise à la contrainte du temps. La Nature quant à elle, est éternelle: sub specie aeternitatis. Existant par nécessité, elle n’a donc ni cause ni origine.
Pour tenter de comprendre ce que cela signifie, il faut “cesser de penser l’éternité en termes temporels” et considérer que la quête de la Vérité se confond avec l’amor intellectualis Deo, l’amour intellectuel de Dieu.
On peut exciper de ce raisonnement pour construire une morale des plus simples : "l’esprit agit en tant qu’il a des idées adéquates et pâtit en tant qu’il a des idées inadéquates”, les premières riment avec joie, les secondes avec tristesse.
De ce point de vue nous dit Scruton, “L’homme libre est un personnage hiératique mais plein de joie, sans nulle trace de morosité calviniste.”
En somme, l’intellection, la réconciliation avec les réalités physiques dont nous faisons partie, constituent pour Spinoza la seule, la vraie religion. C’est également le moyen de réconcilier en quelque sorte science et religion, et par là même philosophie et science.
Comme Blaise Pascal, Spinoza "a bien perçu que la science nouvelle allait désenchanter le monde." Mais "par ce désenchantement, nous pouvons parvenir à un enchantement nouveau, reconnaissant Dieu en chaque chose, et aimant Ses œuvres dans l’acte même de les connaître…"
Le tout est de savoir si le Dieu de Spinoza est encore Dieu...
Mais comment taxer d’athéisme celui qui au moment de mourir aurait déclaré : “j’ai servi Dieu selon les lumières qu’Il m’a données, s’il m’en avait donné d’autres je L’aurais servi autrement…” ?
* Spinoza. Roger Scruton. Points Essais. Le Seuil.
Illustration: stature Spinoza. La Haye