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08 février 2024

John Galt à Davos ?

Dans le flot chaotique de l’actualité, le
forum économique mondial de Davos (15-19/01/2024) est passé quasi inaperçu. Son objectif principal était pourtant de “Rebâtir la confiance et d’améliorer l’état du Monde ”. Quoi de plus nécessaire par les temps qui courent ?
On eut droit à un magnifique feu d’artifices de belles propositions et à une flopée d’ambitieux plans sur la comète (ou plutôt sur la planète). De dépenses nouvelles il fut largement question. D’économies et de bon sens beaucoup moins…
Plusieurs sujets étaient à l'ordre du jour. Bien sûr le réchauffement climatique avait une place de choix. L’émissaire américain John Kerry, rappela que l’administration dont il dépend avait, par le biais de l’IRA (Inflation Reduction Act), dépensé 369 milliards de dollars visant notamment à subventionner la fabrication de véhicules électriques et d'autres technologies vertes. Non content de ces sommes astronomiques, il souligna que pour rester dans l’impératif de hausse des températures de l’accord de Paris, il faudrait “de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent.”
Emmanuel Macron, qui n’est plus à un déficit près, s’est fait un plaisir de renchérir. Décidément à mille lieues des préoccupations des agriculteurs, il s’est fait le champion du climat et de la biodiversité, quoi qu’il en coûte. Il a notamment encouragé l’Europe à émettre à nouveau de la dette commune pour investir dans « de grandes priorités d’avenir », notamment l’intelligence artificielle et le verdissement de l’industrie.

Mais le clou de la cérémonie fut incontestablement le discours du président Javier Milei, très peu rapporté par les médias, alors qu’il valait assurément son pesant de cacahuètes. Fraîchement porté par son peuple à la présidence de la république argentine, il entend mener sa mission au pas de charge. Indifférent aux mirages climatiques, aux sirènes des taux d’intérêt et autres licornes de l’intelligence artificielle, il préféra porter le fer contre le "socialisme" dont l’idéologie règne encore selon lui un peu partout et qui "mène à la pauvreté".
Beaucoup verront évidemment les excès dérangeants d’un discours rompant avec les canons soporifiques du consensus. Beaucoup réduiront même le propos à ces outrances et le rangeront au mieux au rang des élucubrations ultra-libérales et au pire des délires populistes ou d’extrême droite.
Des exagérations il y en a assurément car le pavé est jeté avec force dans la mare, mais des vérités factuelles, il y en a également, qu’on le veuille ou non :

"Je suis ici aujourd’hui pour vous dire que l’Occident est en danger. Il est en danger parce que ceux qui sont censés défendre les valeurs de l’Occident sont cooptés par une vision du monde qui — inexorablement — conduit au socialisme, et par conséquent à la pauvreté.../...
Ayant adopté le modèle de la liberté — en 1860 — l’Argentine est devenue en 35 ans la première puissance mondiale, et qu’après avoir embrassé le collectivisme, elle a commencé à s’appauvrir systématiquement, jusqu’à tomber de nos jours au 140e rang mondial.../...

Grâce au capitalisme de libre entreprise, le monde est aujourd’hui au mieux de sa forme. Dans toute l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de période de plus grande prospérité que celle que nous vivons aujourd’hui.
Par contraste, le socialisme s’est, toujours et partout, révélé un phénomène appauvrissant, qui a échoué dans tous les pays où il a été tenté. Ce fut un échec économique, un échec social, un échec culturel. Il a tué plus de 100 millions d’êtres humains.../...

Même dans ses versions les plus modérées, la solution proposée par les socio-démocrates n’est pas plus de liberté, mais plus de réglementation, générant une spirale descendante de réglementation jusqu’à ce que nous finissions tous plus pauvres et que la vie de chacun d’entre nous dépende d’un bureaucrate assis dans un bureau luxueux.
Les socialistes ont peu ou prou abandonné la lutte des classes, mais ils l’ont remplacée par d’autres prétendus conflits sociaux tout aussi nuisibles à la vie collective et à la croissance économique. La première de ces nouvelles batailles fut la lutte ridicule et contre nature entre les hommes et les femmes.
Un autre conflit déclenché récemment est celui de l’homme contre la nature. Ils affirment que les êtres humains endommagent la planète et qu’elle doit être protégée à tout prix, allant même jusqu’à préconiser des mécanismes de contrôle de la population ou l’agenda sanglant de l’avortement."

Après avoir martelé que "Le monde occidental est en danger" face à ces lubies idéologiques, le nouveau président argentin s’est livré à une ardente apologie des chefs d’entreprises et des hommes d’affaires :
“Ne vous laissez pas intimider par les parasites qui vivent de l’État”
"Vous êtes des bienfaiteurs sociaux. Vous êtes des héros. Vous êtes les créateurs de la période de prospérité la plus extraordinaire que nous ayons jamais connue. Que personne ne vous dise que votre ambition est immorale. Si vous gagnez de l’argent, c’est parce que vous offrez un meilleur produit à un meilleur prix, contribuant ainsi au bien-être général."

Vous imaginez l'ambiance à Davos pendant cet exposé rageur. Il paraît qu’il y eut tout de même quelques applaudissements…
Pour un amoureux de la liberté pragmatique, un discours ne fait pas tout, et il y a souvent loin des intentions aux actes. Mais il est plutôt rafraîchissant d’entendre à nouveau des intonations rappelant Reagan, Thatcher, et les grands penseurs du libéralisme tels Schumpeter, Hayek, Friedman, Sowell ou bien notre cher Tocqueville, qui inventa la notion d’Etat-Providence. On pense également à Ayn Rand et à son fabuleux roman Atlas Shrugged. Javier Milei serait-il l’incarnation du fameux John Galt ?
Quand on connaît l’état de l’Argentine, on ne peut que souhaiter ardemment qu’il réussisse, tout en pensant que son parcours sera semé d’embûches par les ennemis de la cause…

10 septembre 2013

Atlas Shrugged 3

La grande force de cet ouvrage, réside avant tout dans l'étonnante prescience de ses constats. Ayn Rand n'a pas son pareil pour mettre en scène le fiasco, lié de manière consubstantielle au mythe bien intentionné de la Justice Sociale, et décrire par le menu, les calamités qu'il ne manque pas de générer. A cette fin, elle ne prend pas le modèle brutal du communisme, qu'elle a bien connu mais qu'elle a jugé sans doute trop caricatural eu égard à la maturité de la société américaine, mais celui beaucoup plus insidieux de la Social-Démocratie, dont elle pressentait les dangers. Le totalitarisme de cette dernière n'est pas sanguinaire, simplement asphyxiant. Il n'éradique pas, il gangrène. Il ne frappe pas, il corrompt. Il ne martyrise pas, il assujettit. Il répond en somme parfaitement à l'appellation que lui donnait Friedrich Hayek : la Route de la Servitude.

Elle montre comment peu à peu se répand cette toxine à la saveur trompeusement suave, au sein d'une société florissante en l'imprégnant de principes sédatifs, qui endorment l'esprit critique, le bon sens, et finalement jusqu'au goût de la liberté.
Elle met par exemple en lumière les effets néfastes des sondages et de la recherche démagogique du consensus, qui amènent à confondre opinion publique et réalité objective, en donnant à des approximations, ou pire à des croyances, l'apparence de la vérité. De ce point de vue, le nom d'objectivisme qui a été donné au courant de pensée dont elle fut le fer de lance se justifie pleinement à cet égard.
Elle prétend qu'il ne suffit pas de se dire bien intentionné ou désintéressé pour être objectif, ou indépendant. Qu'il est au contraire plus sain dans toute controverse, toute stratégie, tout entreprise, de défendre des intérêts sans faux semblant, d'avancer en affichant clairement ses objectifs plutôt que ramper derrière le masque d'une pseudo neutralité.
Elle pointe avec un sens quasi divinatoire la peur du progrès qui s'empare trop souvent, et on ne sait pourquoi, des âmes prétendues charitables et même de certains scientifiques dévoués au culte de la Nature. Ainsi Hank Rearden qui invente un métal révolutionnaire par sa légèreté et sa solidité, et qui veut l'expérimenter sur les chemins de fer, est considéré tout d'abord comme un fou dangereux qu'il faut empêcher de nuire, puis lorsqu'il réussit, comme un profiteur éhonté qui doit être cloué au pilori et à qui il faut faire rendre gorge : « Notre pays a donné ce métal à Rearden, maintenant nous attendons qu’il donne quelque chose en retour au pays » s'exclame un des satrapes du Pouvoir Central à son encontre.
Ayn Rand montre avec sagacité la perversité du raisonnement qui considère le profit comme un mal absolu et qui ne conçoit le Service Public qu'au travers d'un monopole étatique.
Elle souligne enfin magnifiquement l'arrogance des politiques menées au nom de principes, leur incapacité à remettre en cause les postulats sur lesquels elles reposent, et leur propension à l'inverse, à aggraver les symptômes en persistant à infliger toujours les mêmes remèdes, à doses croissantes. De ce point de vue la description du désastre chronique qu'elle dépeint entre en résonance troublante avec le monde actuel...

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Quelques citations choisies permettront peut-être d'éclairer davantage le point de vue développé par Ayn Rand dans cette fresque qu'on peut certes critiquer mais qui ne saurait laisser indifférent, tant elle sort des sentiers battus, tant elle s'élève au dessus des clichés et des lieux-communs si rebattus...


Sur l'argent
« Vous pensez vraiment que l'argent est à l'origine de tous les maux ? …/... Et vous êtes vous demandé quelle était l'origine de l'argent ? L'argent est un moyen d'échange. Il n'a de raison d'être que s'il y a production de biens et des hommes capables de les produire. L'argent matérialise un principe selon lequel les hommes disposent, pour commercer, d'une monnaie d'échange dont ils admettent la valeur intrinsèque. Ceux qui pleurent pour obtenir vos produits ou les pillards qui vous les prennent de force n'utilisent pas l'argent comme moyen. L 'argent existe parce que des hommes produisent. C'est ça le mal pour vous ? »

« Quand vous recevez de l'argent en paiement d'un travail, vous l'acceptez parce que vous savez que cet argent vous permettra d'acquérir le fruit du travail d'autres personnes... »

« L’argent sert l’héritier qui en est digne, mais détruit celui que ne l’est pas. Dans ce dernier cas, vous direz que l’argent l’a corrompu. Vraiment ? Et s’il avait plutôt corrompu son argent ? »

« Celui qui méprise l’argent l’a mal acquis ; celui qui le respecte l’a gagné. »

A propos de la morale et du Libre Arbitre
« Il n’y a pas d’instinct moral, seule la raison permet d’exercer son sens moral. »

« Le seul impératif moral de l’homme est : tu penseras. »

« Un processus rationnel est un processus moral. A chaque étape, vous pouvez commettre des erreurs, sans autre garde-fou que votre exigence personnelle. Vous pouvez également tricher, nier la réalité et vous dispenser de l'effort intellectuel. Mais si la moralité est consubstantielle à la recherche de la vérité, alors, il n'y a pas d'engagement plus grand, plus noble, plus héroïque que celui de l'homme qui assume la responsabilité de penser »

« Seul ce qui est choisi est moral, non ce qui est imposé ; ce qui est compris non ce qui est subi. »

« Il n’y a pire autodestruction que de se soumettre à l’influence d’une autre pensée (que la sienne). »

« Dans toute situation à chaque instant de votre vie, vous êtes libres de réfléchir ou de vous exonérer de l’effort que cela implique. »

« Un homme qui meurt pour la liberté ne fait aucun sacrifice : il n’est juste pas disposé à vivre en esclave. »


Sur la dualité corps et l'esprit

« Deux types de maîtres à penser qui tirent profit de cette séparation entre le corps et l’esprit, enseignent la morale de la mort : d’un côté les mystiques de l’esprit que vous qualifiez de spiritualistes ; de l’autre les mystiques de la force physique, les matérialistes. Les premiers croient à la conscience sans existence, les seconds à l’existence sans conscience… mais tous deux exigent la capitulation de votre esprit, les uns devant leurs révélations, les autres devant leurs réflexes. » 

   
Sur la Justice Sociale et l'utopie égalitariste, la négation de la réalité...
« Ceux qui commencent par vous dire : « satisfaire vos propres désirs est égoïste, vous devez les sacrifier aux désirs des autres » finissent immanquablement par dire « être fidèle à vos convictions est égoïste, vous devez les sacrifier aux convictions des autres »

« Le Bien des autres, c’est la formule magique. Celle qui change n’importe quoi en or, qui sert de caution morale et de rideau de fumée à n’importe quel acte, y compris le massacre de tout un continent. »

« Vous redoutez l’homme qui a un dollar de moins que vous, car vous pensez que ce dollar devrait légitimement lui revenir, et vous vous en sentez moralement coupable. Vous détestez l’homme qui a un dollar de plus que vous car vous estimez que ce dollar devrait vous revenir, et vous vous sentez moralement frustré. Celui qui a moins est source de culpabilité, celui qui a plus est source de frustration… »

« Ils affirment que l'homme a le droit de vivre sans travailler, au mépris du principe de réalité ; qu'il a le droit à un « minimum vital » - un toit, des aliments, des vêtements – sans effort, comme si cela lui était dû dès sa naissance. Mais qui doit lui fournir tout ça ? Mystère... »
 
« Si vous adoptez une ligne de conduite qui n’instille aucune joie dans votre vie, qui ne vous apporte aucun avantage matériel ou spirituel, aucun profit, aucune récompense, si vous parvenez à ce néant absolu, vous aurez alors atteint l’idéal de perfection morale auquel on veut vous faire croire… »

« Admirer les vices de ses semblables est une trahison morale et ne pas admirer leurs vertus une escroquerie morale. »

« C’est toucher les bas-fonds de la dégradation morale que de punir les hommes pour leurs vertus et les récompenser pour leurs vices… »
 
« A chaque instant et en toutes circonstances, votre choix éthique fondamental est : penser ou ne pas penser, exister ou ne pas exister, A ou non-A, l'entité ou le zéro...

Une chose est elle-même. Une feuille ne peut pas être feuille et pierre en même temps, ni entièrement rouge et entièrement verte en même temps, pas plus qu'elle ne peut geler et se consumer en même temps. Vous ne pouvez pas en même temps manger un gâteau et le garder. A est A, la vérité est vraie, et l'Homme est Homme... »



Ayn Rand La Grève (Atlas Shrugged)
Traduit en français par Sophie Bastide-Foltz
Les Belles Lettres. Paris 2011

08 septembre 2013

Atlas Shrugged 2

Les esprits grincheux auront beau jeu de relever les longueurs qui plombent quelque peu ce colossal Atlas Shrugged. On peut même être rebuté par sa touffeur luxuriante.
Il y a des naïvetés également dans la narration des aventures picaresques de ces héros audacieux, qui tentent de s'opposer avec vaillance à l'emprise grandissante d’une froide et prétentieuse bureaucratie dirigiste. La foi inébranlable dans l'individualisme qui les anime envers et contre tout peut sembler caricaturale a bien des égards, le peu d'élévation spirituelle caractérisant leur morale également.

Pourtant, dans cette fabuleuse odyssée, dans les personnages hors normes qui la peuplent et qui véhiculent cette philosophie, que d'aucuns trouveront simpliste, il y a quelque chose de troublant, de vrai, d'attachant, et en fin de compte d’assez bouleversant. Ils sont malgré tout, très humains dans leurs passions, leur pragmatisme, leur manière de raisonner.
Dagny Taggart est le personnage le plus impressionnant de ce récit. Cette jeune femme d'allure fragile et élégante est un roc. Sur ses épaules repose l'empire légué par son aïeul, Nathaniel « Nat » Taggart, magnat des chemins de fer de la grande époque. Elle se révèle indomptable dans l'exercice qui consiste à pérenniser l'entreprise, et même lorsque tout s'écroule autour d'elle, à continuer de se battre avec un courage inflexible pour la faire fonctionner envers et contre tous les obstacles. En premier lieu contre son frère James, nabab asthénique, sans énergie ni conviction, incapable de prendre une vraie décision, mais prêt à toutes les compromissions, du moment que son intérêt personnel semble préservé.

Mais également, face à une kyrielle de hiérarques huileux et d'experts pontifiants, qui incarnent un Service Public baignant dans le jus des bonnes intentions, qui se gargarisent de vœux pieux, de paroles emphatiques mais creuses. Du Président de la République Thomson, gentil mais falot, jusqu’à l’aréopage sentencieux de donneurs de leçons et de redresseurs de torts qui gravitent à tous les étages du Pouvoir et s'en partagent sans vergogne les prébendes. Plus il paraît évident que leur politique conduit au désastre, plus ils jugent bon d’en renforcer la ligne directrice, et plus ils multiplient les mesures néfastes, imposant à tous des contraintes ubuesques, au nom de principes captieux qu'ils érigent en lois !
Le parallèle avec notre époque saute aux yeux. Mêmes causes, même effets. On est stupéfait de la prescience de l’auteur qui décrit avec précision l’engrenage infernal dans lequel le monde contemporain, notamment la France, semble emporté. En l'occurrence, les ressemblances, quoique fortuites, avec certaines personnes actuelles sont hallucinantes...



On retient également parmi les héros de cette puissante contribution à la mythologie du Nouveau Monde, Henry Rearden entrepreneur intrépide et inventif, modèle s'il en fut du self made man, qui parti de rien, se hisse à la force des poignets à la position de leader de l’industrie sidérurgique. Francisco D’Anconia héritier fantasque d’une fortune familiale gigantesque, acquise dans l’extraction du minerai de cuivre, aussi brillant et séduisant que désabusé vis à vis de ses contemporains. Chevalier des temps modernes, c'est l’énergie du désespoir et l'attachement passionné à la liberté, qu'il oppose aux lubies collectivistes, affichant une morale paradoxale, oscillant entre cynisme et puritanisme. Enfin, last but not least, le fameux John Galt, figure de commandeur, ténébreuse, mystérieuse, à la fois prophète, révolutionnaire, justicier, véritable Zorro de la civilisation industrielle, jamais où on l’attend, mais toujours présent dans l’ombre, prêt à l’action.
Qui est John Galt ? Telle est la question obsédante qui revient sans cesse, qui sert de fil conducteur tout au long de cette descente aux enfers, jusqu’au paroxysme final, en forme d’apocalypse. John Galt visionnaire impose alors l'évidence fracassante au peuple qu’il sort enfin de sa léthargie. Une roborative tirade qui s'étend sur plus de 60 pages et qui par sa portée messianique, réduit à d'insignifiants vagissements les vitupérations des soi-disant "Indignés", "Altermondialistes" et autres "Occupy".
Mais pour avoir dit la vérité, John Galt est supplicié par la clique dont il est parvenu à amorcer la déroute. Son calvaire christique s'achève toutefois par une libération triomphale. John Galt, tel un nouveau Prométhée, est en mesure, avec ceux qui ont eu la force de traverser ce moyen-âge des temps modernes, de propager ce message si simple, si limpide, si naturel, appelant à faire en sorte que s’exprime en toute liberté, en toute responsabilité, « ce qu’il y a de meilleur en nous. »

31 août 2013

Atlas Shrugged 1


A la fin des années cinquante, une bonne partie de la planète subissait sous une forme ou sous une autre, la dévastation du socialisme. Et dans le reste du monde dit "libre", malgré l'impossibilité pour toute personne un peu curieuse, de méconnaitre la nature perverse de ce système politique, il était l'objet d'une étrange fascination dans laquelle une inexplicable sympathie l'emportait sur la répulsion. Parce que le socialisme masquait son immonde réalité derrière une nuée de belles et généreuses chimères, nombreux étaient ceux qui préféraient se nourrir d'illusions plutôt que d'évidences. Chaque nouvelle application du modèle, chaque variante, s'avérait un échec pour ne pas dire plus, mais quantité de gens continuaient étrangement de croire à l'avènement du paradigme idéal, fondé peu ou prou sur les postulats fallacieux du marxisme.

C'est à cette époque qu'un énorme roman entreprenant de démolir méthodiquement cette idéologie vit le jour aux Etats-Unis. Ayn Rand (1905-1982), exilée russe d'origine juive, en était l'auteur aussi inspirée que déchainée. Disons tout de suite que cet ouvrage torrentueux, relevait en effet autant de l'imprécation que du récit. Ce haussement d’épaule titanesque (Atlas Shrugged) secouait rudement les canons du conformisme bien-pensant. Mais comment pouvait-il en être autrement pour cette femme passionnée, qui avait connu de près le communisme, qu'elle vit naître, croître et enlaidir, dans sa patrie d'origine ? Les Bolchéviques avaient spolié la pharmacie paternelle, ruiné les espérances prométhéennes que jeune fille, elle nourrissait en un monde meilleur, et tenté de détruire sans le moindre état d'âme, tout ce qui représentait pour elle la force et la liberté de l'esprit humain. Autant dire qu’elle fut vaccinée très tôt et définitivement contre cette calamité.

En 1926, lorsqu'elle eut la chance de pouvoir émigrer vers le Nouveau Monde et qu'elle en découvrit l'aspiration pour la liberté et le goût pour l'initiative individuelle, elle se prit de passion pour ce pays dont elle ne fut pas peu fière d'acquérir la nationalité en 1931.

Non contente d'épouser avec enthousiasme le modèle de cette société ouverte, il fallut bientôt qu'elle consacra toutes ses forces à tenter de démonter la monstrueuse idéologie qui craignait-elle, risquait d'en dépraver l'essence, si ce n'est par la révolution, au moins par son poison idéologique.
Chose étonnante, elle réalisa le tour de force d'évoquer sur près de 1200 pages ce fléau sans en écrire une seule fois le nom !

Pourtant il n'y a pas de doute. Ce mal qui de la première à la dernière page, gagne insidieusement tous les étages d'une société florissante, et qui a la prétention, tout en la pourrissant peu à peu, d'apporter davantage de justice, d'égalité et de progrès social fait soi-disant de fraternité et d'amour, ce tissu d’âneries sournoises, ce ne peut être que le socialisme !

L'erreur est d'autant moins permise que le funeste corollaire de ces vœux pieux, est décrit sans ambigüité. A savoir le sinistre échafaudage intellectuel qui sous couvert de solidarité et de bonnes intentions, n’aboutit qu’à dresser les gens les uns contre les autres au nom de la lutte des classes et à démolir progressivement tout ce qui fait la cohésion sociale. En clouant notamment au pilori les riches et les nantis, offerts en pâture, par pure démagogie, au populisme revanchard le plus primaire qui soit. En invoquant dans le même temps le principe de redistribution sous contrainte étatique des richesses, tout en en planifiant la production par un imbroglio contradictoire de réglementations, de seuils et de quotas. Et bien sûr, en taxant toujours plus ceux qui réussissent, afin soi-disant de réduire les inégalités et surtout de séduire ceux qui sont assez niais pour croire qu'ils peuvent avoir des droits acquis sur les fortunes construites grâce à l'audace et à l'esprit d'initiative... (à suivre)