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13 décembre 2025

Black & White Soul

Noël approche. Saluons la fin de l’année en musique. Entrons avec des chansons dans ce mois de décembre qui clôture, en douceur climatique, l’orbite d’une planète un peu désaxée.
Il y a dans ce monde sublunaire souvent affligeant, des voix qui s’élèvent en majesté et portent encore quelques quanta d’espérance, impalpable mais bien réelle.

La première est celle de Teddy Swims.
Inconnu il y a 5 ans, ce gars au look pas possible a une voix bouleversante. Ne pas se fier aux apparences. Tatoué de la tête aux pieds, ce barbu jovial aux tenues des plus excentriques, n’est pas là pour faire un numéro de clown.
Tombé par un heureux hasard sur Need You More, un des nombreux titres de son album I've Tried Everything But Therapy, le coup de cœur fut immédiat. La voix, chaude, magistrale, très pure, avec ce qu’il faut de caresses et d’écorchures, est à tomber par terre tant elle vous bouscule dès les premières notes. Sur un lit mélodique moelleux nappé de basses surpuissantes, il envoie très haut vers le ciel des incantations aussi impérieuses que déchirantes. Est-ce un chant d’amour, un cri, ou plutôt une effusion ? On ne saurait dire tant c’est émouvant, capiteux et suave à la fois. Irrésistible en fait.

Fort de cette découverte, on ne peut qu’en confirmer la richesse à mesure qu’on s’avance dans l’univers de l’étonnant gaillard, natif des États-Unis, dans un petit bled de Georgie, non loin d'Atlanta.
S’agissant de ses influences, on peut y entendre des sonorités pop, du blues, du rap et avant tout de la soul. Il commença d’ailleurs sa carrière en se frottant à de savoureux standards du passé : What’s Going On de Marvin Gaye, That’s All de Nat King Cole.
Désormais, il vole de ses propres ailes. Et quelles ailes !
Il maîtrise tous les aspects de l’art, écrit, compose, arrange et chante avec la même tranquille certitude qui est la marque du génie. Il vous ferait même aimer le rap, le bougre (All Gas No Brakes, She Got It, Goodbye’s Been Good To You), c’est dire…

De l’autre côté de l’Atlantique, en Angleterre mais originaire du Nigeria, Jacob Banks s’est fait connaître il y a quelques années. Il est de la même génération de trentenaires que Teddy Swims. Comme ce dernier, il est auteur-compositeur-interprète. Lui aussi est capable d’intonations vocales ensorcelantes. Lui aussi aime les rythmiques massives, très chaloupées, qui vous remuent les tripes et font trembler les murs. Lui aussi s’alimente à la source du blues et de la soul, non sans faire quelques détours par le hip-hop.
On l’avait découvert avec son premier album intitulé The Boy Who Cried Freedom, brève mais intense expression d’un vrai talent et d’un son original.
Son style est assez brut, parfois très dépouillé, mais sa voix, comme la lave, monte brûlante dans les aigus jusqu’à l’incandescence avant de retomber grave et rugueuse, s'accrochant délicieusement aux tympans.
On retrouve l’artiste avec Yonder, un opus très éclectique en forme de triptyque, fidèle à ses origines, mais explorant également de nouvelles pistes, soul (Celebrate), R&B (All For Me ?), rock (Sugarcoat), hip-hop (Blind, Something New), pop (You Like It I Love It), avec des infusions de gospel (Lover, Blame It On God), de blues (Move Like Me) et même de folk song (Heavy Love). On trouve des références appuyées aux rythmes afro hypnotiques de Fela Kuti (Silver Tongue, Come As You Are, A Tree Never Waters Itself). Après de savoureuses étapes, ça s’achève sur une ballade émouvante Gone Are The Days qui donne toute la mesure d’une inspiration profonde et d’une sensibilité à fleur de peau.

En écoutant ces deux garçons, on songe à ce qu’on a perdu avec la disparition d’Amy Winehouse, mais on se console en pensant que la relève est assurée…



25 juillet 2018

Hard Blues

Forte impression en découvrant le chanteur Jacob Banks lors du festival Cognac Blues Passion début juillet. 
Ce jeune anglais de 27 ans, originaire du Nigeria délivre un message musical d’une intensité et d’une puissance rares. S'il fallait qualifier son style, on pourrait dire qu’il mixe de manière très convaincante pas mal de sources d’inspirations : soul, blues, hip hop.
Cet heureux cocktail, à la fois riche et très épuré est littéralement envoûtant. A certains moments, il va même jusqu’à vous coller des frissons... Le public massé dans l’amphithéâtre herbeux était manifestement sous le charme . Ce soir là, la scène baptisée Blues Paradise par les organisateurs portait diablement bien son nom...
Accompagné d’une section rythmique hyper musclée, et d’un guitariste/pianiste aussi discret qu’efficace, le chant vous prend instantanément par les tripes avec ses inflexions magnétiques, brutales et déchirantes à la fois. Cette chaude voix de stentor s’impose avec une évidence quasi extatique (Unknown), elle peut asséner une mélopée subtile au son du marteau pilon qui vous laisse abasourdi (Chainsmoking, Mercy), et revenir vous chercher l’instant d’après avec des accents d’une suavité désarmante (Part Time Love, Photograph).
Pourvu que ce garçon continue sur cette voie. Pourvu qu’il ne se brûle pas les ailes au feu de la passion. Il paraît bien maîtriser son affaire. A suivre donc… Ses craintes se révéleront dès lors infondées : « I believe in what I say, why does everyone hear me wrong ? » 


A côté de cette superbe découverte « live », les chercheurs de fonds de tiroirs nous donnent à réentendre dans des enregistrements inédits, deux illustres aînés.
Jimi Hendrix tout d’abord via l’album intitulé Both Sides Of The Sky. Treize titres dont 10 totalement neufs permettent de se remettre dans l’oreille les riffs ébouriffants d’un des plus brillants météores de la pop music.
Exhumés des années 1968 et 69, ces sessions ont une fraîcheur intacte. Tout est bon, mais on retient particulièrement les divagations aériennes qui côtoient l’âme et les esprits : Power Of Soul, Jungle, Sweet Angels, Send My Love To Linda…
On retient également une prise au cours de laquelle Jimi mêle ses incantations sauvages aux slides acidulés de Johnny Winter (Things I used to do), un Georgia Blues très root avec Lonnie Youngblood au chant et au sax. Enfin, les scansions hypnotiques de Cherokee Mist qui rappellent que Jimi avait des origines indiennes.

Signalons enfin la resucée hard bop retrouvée dans les archives de John Coltrane, intitulée Both Directions At Once. C’est peu dire qu’on retrouve ici toute l’essence prolifique du génie coltranien tourbillonnant au bord du précipice.
Pour les amoureux du saxophoniste c’est un peu inespéré. Pour les autres ce sera peut-être un peu plus difficile. On connut en effet des enregistrements de meilleure qualité et plus construits (par exemple l’album inédit sorti en début d’année, qui donne à entendre des extraits de la tournée qu’il fit avec Miles Davis en Europe en 1960).
Ici, dans des sessions datées de 1963 (4 ans avant la disparition de l’artiste), Coltrane est au bord des convulsions qui allaient parfois le rendre difficile à suivre (avec Eric Dolphy notamment). Il y a quelques redondances dans les titres proposés. Par exemple, on entend 3 fois l’inédit « untitled 11386 », 4 fois le fameux mais déjà connu « Impressions », 2 fois Vilia, 2 fois One Up, One Down…
Restent quand même ces inimitables envolées, aussi libres qu’inspirées, soutenues par le beat merveilleux de trois associés de rêve : McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Elvin Jones. Je me suis particulièrement régalé de l’Untitled 11383 qui ouvre de manière très tonique et pimpante l’album, ainsi que du Slow Blues qui offre plus de onze minutes de bonheur pur...