24 mars 2013

La fête des fous

Les Femen : des femelles d'êtres humains à qui on aurait coupé les L du désir pour les remplacer par le N du néant... Voilà ce que me suggèrent ces jeunes femmes auto-affublées d'un nom hideux, qui se baladent le poitrail à nu, exhibant leurs seins déprimés, peinturlurés de manière grotesque, en forme de slogans insensés.
Quelle audace ! Elles ont pénétré ainsi accoutrées, avec des cris de Sioux, dans la vénérable cathédrale Notre Dame. Elles se sont mises à taper frénétiquement sur les cloches toutes neuves, temporairement exposées dans l'allée centrale. Elles étaient posées là, en vue des festivités célébrant les 850 ans d'existence de ce lieu de culte qui entre nous, a dû en voir d'autres...
Quelle mouche a donc piqué ces harpies pour qu'elles s'acharnent sur ces carillons avec autant d'inutile véhémence ? Elles ne leur ont pourtant rien fait ces cloches qui au demeurant, sont restées d'airain, aussi imperturbables que des rocs...

Cette époque permet décidément tous les excès, toutes les outrances et toutes les sottises ! Est-ce donc ça la Liberté ? Fichtre, il y a des moments, on serait prêt à en faire le deuil pourvu qu'on nous laisse un peu tranquilles...
Peu importe les revendications dérisoires de ces folles d'un jour. Il ne s'agit en réalité que de spectacle. Une sorte de pantomime rappelant vaguement les anciens monômes d'étudiants, mais totalement dénuée de toute fantaisie et de toute dérision. C'est qu'elles se prennent au sérieux, ces mégères si bien apprivoisées par le barnum médiatique. Et elles veulent qu'on prenne au sérieux leurs simagrées. Triste constat : c'est ce cirque affligeant qui tient lieu désormais de débat dans nos sociétés « avancées ». On dirait la fête des fous !

Ce carnaval en plus d'être inepte hélas est sans doute au surplus, contre-productif. Les Femen, qui prétendent paraît-il défendre les droits des femmes n'ont pas trouvé mieux que de montrer une image on ne peut plus dégradée de leur corps pour accompagner les vagissements qui leur servent de discours. Qu'y a-t-il donc de plus avilissant pour évoquer la condition féminine : le voile-prison prôné par d'archaïques intégristes enturbannés, ou bien ces laborieuses exhibitions de chair triste soi-disant libérée ?

Décidément, il y a de quoi avoir le bourdon...

16 mars 2013

Hosto Blues

En ce début de mars, la Presse répand largement la nouvelle : la ministre de la santé s'apprête à entreprendre « La » réforme de l'Hôpital !
Et la teneur de ce projet, c'est le Figaro qui la révèle sans détour : « Marisol Touraine veut défaire la réforme Sarkozy.... »
Joli programme !

A peine la dernière loi mise sur les rails, voilà qu'on veut déjà stopper la machine pour lui faire prendre une direction opposée.
Mais pour aller où, que diable, puisqu'aucune direction n'était réellement définie ?

Le cœur du problème, n'est-ce pas précisément la monstrueuse avalanche de réformes et de contre-réformes qui se succédèrent en vain, depuis deux ou trois bonnes décennies ? N'est-ce pas cette folle ambiance de restructuration permanente, qui entretient le malaise généralisé, et qui « a mis l'hôpital en dérive », pour reprendre les termes employés récemment par un groupe de syndicats de médecins ?

***
Comme à l'accoutumé, un rapport vient préluder au chamboulement annoncé. De ce point de vue, les gouvernements se suivent, qui annoncent régulièrement « le changement », mais la méthode reste la même...
A chaque fois la réflexion préliminaire est menée par un de ces vénérables hiérarques qui peuplent notre Haute Administration, et qui n'ont pas leur pareil pour faire ronfler les concepts et reluire les objectifs.
On avait connu le rapport Larcher, précédant la loi Bachelot, on a aujourd'hui le Rapport Couty..
On avait eu droit au nébuleux projet « Hôpital, Patients, Santé, Terrritoire », qui donna la Loi Bachelot, on découvre désormais le « Pacte de Confiance pour l'Hôpital » derrière lequel transparaît déjà en filigrane la future loi « Touraine ».

Avec Nicolas Sarkozy, le leitmotiv était l'efficience : Il fallait faire mieux, tout en limitant l'inflation des dépenses. But louable, mais accompagné de mesures tellement théoriques ou nébuleuses, que rien ou presque n'a changé sur les deux fronts...
Aujourd'hui, avec la gauche on revient aux standards éculés, faisant appel avant tout aux slogans faciles parant de toutes les vertus le « Service Public », et appelant au rejet des mesures trop « gestionnaires ».

Ainsi, il est affirmé que pour avoir « considéré l’hôpital public comme une entreprise » la dernière réforme aurait fait de l'hôpital « un bateau ivre ayant quitté son sens premier de Service Public, et perdu les valeurs de solidarité, de respect et d’humanisme qui lui étaient vitales pour avancer. »
En pleine crise économique, alors que le modèle social s'effondre irrémédiablement, et que la France envers et contre tout reste le second pays parmi les plus dépensiers au monde en matière de santé, on nous laisse entendre qu'il ne serait plus indispensable de fonder le budget des hôpitaux sur la tarification des prestations, ni sur la maîtrise des coûts !

Par ailleurs, on fait croire que l'équilibre des pouvoirs au sein de l'invraisemblable brouillamini structurel hospitalier, pourrait évoluer en faisant la part meilleure aux médecins et aux usagers, et en réduisant celle des directeurs. Belle hypocrisie sans doute, car chacun sait qu'en réalité le pouvoir s'exerce et s'est toujours exercé dans notre pays, de manière centralisée, pyramidale, descendant du sommet à la base.
Tout se décide à Paris, même si on a progressivement obscurci le système, en interposant des relais régionaux, et en compliquant à plaisir les organisations locales.
Résumons les choses : la Direction Générale de l'Offre de Soins (DGOS) met en musique les directives gouvernementales, et les Agences Régionales de Santé (ARS) veillent à leur application sur le terrain en les organisant en vertu de plans quinquennaux rebaptisés Schémas Régionaux d'Organisation des Soins (SROS), selon un savant maillage « territorial » ! 
Le tout est encadré par une nébuleuse d'administrations et d'organismes étatisés, supposés doper la qualité et la performance : Haute Autorité en Santé (HAS), Agence Nationale d'Appui à la Performance (ANAP), Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), Agence Technique de l'Information Hospitalière (ATIH), Institut National du CAncer (INCA), Agence des Systèmes d'Information partagés de Santé (ASIP)...
 
Rappelons que les hôpitaux quant à eux ont été sommés d'abandonner la structure organisationnelle qui les régissaient depuis des temps immémoriaux, et qui se fondait sur la notion de services de soins. Il leur a fallu arbitrairement et autoritairement regrouper ces derniers en pôles, dont le rôle n'a jamais été clairement précisé par les Pouvoirs Publics. Par voie de conséquence ces nouveaux organigrammes sont restés à ce jour à peu près inintelligibles au commun des mortels et même aux personnels travaillant dans les établissements ainsi « rénovés », et ils compliquent considérablement le travail des gestionnaires en empilant une nouvelle strate au mille-feuilles existant.

Toute cette lourde machinerie évolue dans un tourbillon centripète, qui lui même s'inscrit dans ce que l'on appelle « territoire de santé », étrange échelon géographique, créé de toutes pièces il y a quelques années, sans recouper aucun de ceux qui étaient en vigueur, notamment département ou canton.
Les territoires de santé sont depuis près de deux décennies, le siège d'un formidable mouvement de centralisation autour des grandes villes et des grands hôpitaux, dont le corollaire est la désertification des autres. Cette évolution n'a rien de spontané. Elle a été programmée, encouragée, organisée, au gré d'un planisme implacable sous-tendu par quantité d'artifices « restructurants »: normes de fonctionnement, seuils réglementaires d'activité, tarifications et enveloppes financières ciblées...
Aujourd'hui, on atteint la phase terminale de ce processus. Les gros hôpitaux sont en train de phagocyter les petits, les administrations quittent les unes après les autres les campagnes, et le reste naturellement est progressivement aspiré vers les mégalopoles. Bien que scrupuleusement planifiée, la répartition des médecins, généralistes aussi bien que spécialistes, accuse de son côté une hétérogénéité criante. La France ne manque pas de praticiens, mais à cause d'un cadre réglementaire trop rigide, ils ne sont pas dans les bonnes spécialités, ne sont pas installés là où on en a besoin, et sont débordés, puisqu'aucune délégation de tâches aux professionnels paramédicaux n'est permise.

Hélas, il n'y a guère à attendre du projet de réforme tel qu'il se présente à ce jour, puisqu'il envisage d'accentuer ce système en instituant un Service Public Territorial de Santé (une version modernisée du kolkhoze sans doute...), voire de rendre encore plus coercitives les réglementations...
Ce qui est merveilleux en la circonstance c'est l'adhésion béate de nombre d'acteurs hospitaliers, ce dont s'auto-congratule madame Touraine sur son blog. Je me souviens qu'en 1996, le Plan Juppé avait de la même manière été applaudi tous azimuts (ou presque)...

En définitive, en relisant un article réalisé au moment de l'élaboration de la loi HPST, je m'aperçois que je pourrais en reprendre la plus grande partie. Même si les propositions actuelles expriment une volonté de changement, il y a fort à parier que ce Pacte de Confiance n'apporte pas grand chose de nouveau, sauf encore un peu plus de confusion et de bureaucratie, derrière sa nuée de bons sentiments et de vertueux principes...
Jamais l'adage de Jaurès ne s'est mieux appliqué à notre époque en mal d'idées neuves et de détermination: « Quand les hommes ne peuvent plus changer les choses, ils changent les mots. »

09 mars 2013

Outside my window


Outside my window,
I just felt so free;
Today, Oh sorrow,
I mourn Alvin Lee.

The guy passed away.
He'd so much to tell.
The Blues goes its way,
And life is like hell...


08 mars 2013

A quand, la fonte des illusions ?

Les lecteurs de ce blog connaissent mon aversion pour le socialisme, et d'une manière générale, pour l'idéologie dite « de gauche ». C'est bien simple, à mes yeux, il s'agit au plan conceptuel, de la plus grande supercherie de tous les temps, et au plan pratique de la pire calamité dont les hommes aient eu à souffrir ! Rien moins...

Cela ne m'empêche pas d'avoir une certaine fascination pour les gens qui en défendent les thèses. Sans doute un peu par esprit de contradiction. Il est tellement stimulant de débattre avec des personnes d'avis contraire au sien...

Sans doute également par souci de roder ma conception du monde à l'épreuve de leurs théories. Sans doute enfin, parce que voir des gens que j'estime, et dont je suis certain de la probité, s'enferrer, par pur principe, dans cette voie si étroitement délimitée, relève pour moi d'un grand mystère.

« Je suis de gauche, c'est dans mes fibres » me rétorque-t-on souvent lorsque j'exprime mon incompréhension angoissée... Je ne parviens à me satisfaire de cette réponse. C'est une vraie souffrance et une source continue de désarroi. Comment peut-on accepter en toute conscience, de mettre ainsi en berne sa liberté, et s'assujettir à ce point à une idéologie ? N'y a-t-il donc rien à faire pour faire sortir ces gens de ce tunnel intellectuel, pour détourner leurs yeux de cet horizon irréfragable ?
Mais après tout, peut-être me trompé-je moi aussi, qui juge tout à l'aune du principe de liberté. Cet état d'esprit n'est-il pas paradoxalement, assimilable à un enfermement comparable ? M'empêche-t-il de voir certaines réalités ?
« Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle » professait Descartes...

En lisant récemment une interview donnée par Jean-Claude Michéa sur le très intéressant site pédagogique Bios Politikos, puis en écoutant récemment sur France Culture (6/3/13), le philosophe, réputé incarner « une autre gauche », j'avoue avoir été un peu émoustillé... et une fois encore plutôt déçu.

Il est difficile au demeurant, de mettre en cause l'honnêteté intellectuelle de Jean-Claude Michéa, dont l'humilité est la marque des vrais philosophes. Au surplus, enseigner la philosophie pour des étudiants qui seront tout sauf des philosophes, voilà un challenge plus que méritant !
Mais certains de ses propos peuvent toutefois susciter la controverse, car ils font du libéralisme et du capitalisme une critique quelque peu biaisée... Au surplus, ils témoignent, quoiqu'il s'en défende, d'une vision socialiste pas vraiment émancipée du dogme.

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Passons sur le dilemme classique proposant de « vivre ma liberté sans nuire à autrui » que M. Michéa illustre en évoquant l'opposition frontale entre les conceptions de Lady Gaga et celles des Musulmans indonésiens sur le mariage gay. La première, étant évidemment frénétiquement « pour », les seconds, fanatiquement « contre ». Il aurait pu trouver plus pertinent car ici se font face, d'un côté l'inconsistance versatile et niaise du showbiz, et de l'autre l'intolérance religieuse, tout ça pour juger d'un texte où l'on cherche à déconstruire par la loi ce que la loi avait érigé en repère social, et ce, par pur dévoiement « progressiste » pseudo « égalitariste ». Ubu serait ravi...

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Plus sérieusement, on peut reprocher à M. Michéa une certaine propension à assimiler le libéralisme au capitalisme marchand, tel que les marxistes l'entendaient. Cela lui fait dire des contre-vérités flagrantes, où malheureusement, l'idéologie affleure, bien davantage que le bon sens.

Un libéral peut s'interroger lorsqu'il lit par exemple, que « le défaut du libéralisme, est cette volonté de privatiser les valeurs morales et la philosophie comme on privatise l’eau, l’électricité ou l’école » ? Ne serait-ce pas a contrario son mérite, que de s'opposer au socialisme qui prétend lui, les régenter de manière étatisée, collective, irresponsable ?

Plus grave, lorsque M. Michéa affirme qu'il va falloir « choisir entre le marché ou le peuple », ou lorsqu'il s'écrie « qu'il est clair que le développement du libéralisme rend de moins en moins acceptable pour les élites l’intervention du peuple », il fait tout simplement fausse route.
La pluie de bienfaits du capitalisme a tellement bénéficié au peuple, qu'on pourrait désormais affirmer que les deux ont partie liée, en dépit de ce qu'on cherche à faire croire, et qu'il n'y a pas de marché sans peuple et réciproquement...

Aussi, considérer la croissance comme un « simple accroissement de capital », comme il le fait régulièrement, apparaît un tantinet réducteur. A l'évidence, c'est de richesses qu'il s'agit avant tout. Et en régime capitaliste, lorsque les richesses s'accroissent, tout le monde en profite, même si certains plus que d'autres. Dans cette optique, l'endettement, qu'il a tendance a fustiger, n'est donc pas tant « un moteur » pour la spéculation, qu'un outil. Il permet sans être immensément riche, d'acquérir des biens, avant d'en avoir les moyens, ce qui ne saurait a priori déplaire à un vrai ami du peuple. Chacun ou presque, a pu en faire l'expérience au moins une fois dans sa vie. Il s'agit d'une chance, à n'en pas douter, sous réserve de ne pas en abuser bien sûr...
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Souvent évoquée par les médias, et à ranger dans les lubies de la théorie du complot, « l'obsolescence programmée » des produits manufacturés, est reprise par M. Michéa comme un dévoiement du commerce libre, un procédé éhon des fabricants, destiné à doper la consommation. C'est pourtant un mythe qui attend toujours confirmation, même si la camelote a indéniablement tendance à proliférer dans les rayons des supermarchés. L'explication la plus simple quoique très prosaïque et pas très politiquement correcte, est qu'on ne peut vouloir acheter aux prix les plus bas, et dans le même temps exiger une qualité à toute épreuve...

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Pour terminer, qu'il soit permis enfin de douter du bien fondé de cette affirmation trop connue prétendant que « les comportements altruistes restent massivement plus répandus dans les quartiers populaires que dans les quartiers résidentiels ». Le moins que l'on puisse dire est que M. Michéa, comme beaucoup de gens de gauche, prend un peu ses désirs pour des réalités, et en l'occurrence, fait preuve dune certaine dose de subjectivité.

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Au total, la conception défendue par M. Michéa, est certes éloignée de celle des sycophantes Hollande, Mitterrand ou Mélenchon, mais elle l'est encore plus du libéralisme. Elle reste surtout ancrée dans le socialisme, dont il n'a hélas pas éliminé nombre d'archaïsmes. Sa réaction au récent décès d'Hugo Chavez en témoigne une fois encore : « En Amérique Latine, contrairement à la gauche occidentale, les différentes gauches ont su conserver un rapport minimal avec la vieille tradition socialiste, dans laquelle la notion de patrie joue un rôle central. »

On peut retenir toutefois comme positive, sa reconnaissance de l'universalité des valeurs marchandes : « C’est le marché qui va réunir des gens que tout divise par ailleurs ». Peut-être dans sa bouche s'agissait-il d'ironie, à moins que finalement, il rejoigne de manière inattendue Montesquieu, ce grand défenseur du commerce, dans lequel il voyait un vecteur de paix et de prospérité ?

Une autre gauche est-elle toutefois possible ? Décidément, je ne le crois pas...