23 novembre 2014

Edmond About, un libéral inattendu

En flânant dans une librairie, il y a quelques jours, je tombai sur une étonnante petite collection d’ouvrages dans laquelle un titre attira particulièrement mon attention. Intitulé “La Liberté”, il portait la signature d’un illustre inconnu : Edmond About.
Mais peu importait en fin de compte la notoriété de l’auteur. Le titre alléchant, le prix des plus raisonnables, la dimension modeste de l’opuscule (à peine une cinquantaine de pages), et quelques passages plutôt plaisants lus à la va-vite me décidèrent à en faire l’acquisition.
C’est ainsi que j’appris qu’Edmond About (1828-1885) fut un écrivain jouissant d’une belle renommée à son époque. Journaliste et critique d’art très apprécié, il fut également l’auteur de quelques romans à succès, ce qui lui valut même d’entrer à l’Académie Française ! Il ne put y siéger malheureusement, car la mort le saisit juste après son élection, alors qu’il n’avait que 56 ans…

C’est tout à l’honneur des Editions Berg International, sous le patronage avisé de Damien Theillier, d’avoir ressorti un extrait de son ABC du travailleur. Ce texte fut écrit en 1868, à la demande d’un syndicat d’ouvriers parisiens navrés d’en connaître si peu en matière économique, et désireux de pouvoir disposer d’une sorte de traité d’économie pour les nuls, avant l’heure.
Pour ce faire, l’auteur eut l’idée de reprendre le sillon gorgé de bon sens qu’avaient ouvert avant lui Turgot et Jean-Baptiste Say, et livra quelques savoureuses réflexions personnelles dont certaines ont gardé toute leur fraîcheur dans le monde d’aujourd’hui.

Ça commence par une salve de questions dont la forme interrogative ne fait que souligner la nature évidente des bases sur lesquelles repose le capitalisme :
“Pourquoi le capital et le travail, deux alliés inséparables par nature, sont-ils éternellement en défiance pour ne pas dire en guerre ? Pourquoi les plus honnêtes gens du monde s’accusent-ils réciproquement de crimes épouvantables, les uns criant qu’on veut leur prendre ce qu’ils ont, les autres protestant qu’on leur a volé ce qu’ils n’ont pas ? Pourquoi les riches, ou du moins certains riches, méprisent-ils stupidement ceux qui travaillent ? Mais, malheureux ! Votre fortune n’est-elle pas autre chose que du travail mis en tas ? Pourquoi les pauvres haïssent-ils généralement les riches ? Vous ne savez donc pas que vous seriez cent fois plus pauvres, c’est à dire travaillant plus pour gagner moins, s’il n’y avait que des pauvres autour de vous ?”

Avec pertinence, Edmond About tente de tordre le cou au vieux préjugé, qui déjà de son temps faisait du libéralisme quelque chose d’amoral, voire d’immoral. En réalité, écrit-il, “la saine économie donne la main à la morale, et contre-signe, après elle, la loi de solidarité. “Hier elle vous disait : Tous les hommes sont frères. Elle vient nous dire aujourd’hui : Tous les hommes sont libres.” “Libres de travailler quand et comme il leur plaît, de produire, de consommer, d’échanger, à prix débattu, les biens et les services de tout genre.”
About détaille avec méticulosité toutes les entraves mises en travers de cette voie, à chaque époque de l’Histoire, par l’Etat, et par ses lois soi-disant protectrices.
Lorsque ce dernier était représenté par un souverain de droit divin, l’immaturité du peuple étant un fait établi, le roi faisait figure de père omnipotent, et omniscient. Son pouvoir absolu n’était “qu’un instrument dont il usait au profit de quelques millions d’hommes, ou pour mieux dire, d’enfants; car tous les Français étaient mineurs relativement à lui.”
“De fait, la royauté croyait bien faire en touchant à tout; elle imitait, dans la mesure de ses pauvres moyens, cette Providence d’en haut, qui surveille jusqu’aux infiniment petits du monde.” En dépit des injustices et des privilèges consubstantiels à l’ancien régime, “le bon vouloir des rois n’était pas douteux ; ils avaient un intérêt direct à faire la fortune de leurs peuples. C’est dans ce but qu’ils réglaient tout : le travail, le repos, la culture, l’industrie, les semailles, les récoltes, la production et le commerce, substituant leur prétendue sagesse à la prétendue incapacité des citoyens.”

Bien qu’elle ait aboli un système néfaste à bien des égards, la révolution n’apporta pas pour autant l’émancipation du peuple, déplore About, car elle “ne fit qu’en rétablir les excès sous une autre forme, sans amener davantage de prospérité.../… Il semble que le soleil ne soit apparu un instant que pour s’éclipser aussitôt” et en définitive, “le bilan de ces dix années que l’Europe nous envie à bon droit peut s’établir ainsi : dévouement, patriotisme, courage civil et militaire à discrétion; libertés politiques et économiques, néant.” Et pour finir, “le peuple est toujours dans le même embarras quand il fait une révolution, car les révolutions ramènent inévitablement la disette, et l’on a beau chercher, on ne met jamais la main sur les vrais accapareurs…”

En plus de s’attaquer aux systèmes qui, sous couvert de bonnes intentions, ne font qu’assujettir les citoyens, Edmond About flétrit la tendance naturelle des pouvoirs publics à protéger les privilèges, prérogatives, et autres sinécures.
Il montre entre autres les effets néfastes du protectionnisme, objectivant notamment le fait que loin d’être bienfaiteur, il mène le plus souvent à pérenniser des rentes de situation : “Le protectionnisme et les droits de douane ne sont que des moyens de protéger certains contre d’autres en tout égoïsme. Chacun en effet voudrait protéger son entreprise de la concurrence, mais dans le même temps, pouvoir acheter ce qu’il ne produit pas au meilleur prix. Au total, l’Etat sollicité de toute part, finit par décréter des droits sur tout, et par rétorsion les états voisins font de même.../… Au bout du compte ce sont les citoyens qui paient la facture et les plus pauvres qui en souffrent le plus."
Sur cette question comme sur tant d’autres, c’est le bon sens qui devrait s’imposer : “Le vrai système protecteur est celui qui permet au consommateur de s’approvisionner au meilleur prix possible, soit dans le pays, soit à l’étranger….”

Edmond About, au nom du principe de liberté, condamne donc toutes les formes d’étatisme, et notamment l’absolutisme monarchique autant que le socialisme, qu’il soit révolutionnaire ou bureaucratique.
A l’époque où il écrit, Edmond About, imagine toutefois de manière un peu trop optimiste, que beaucoup de leçons ont été tirées de l’histoire. A ses yeux, la monarchie semble définitivement abolie, et les Socialistes sont discrédités, apparaissant pour ce qu’ils sont : “des charlatans de l’économie politique”, “des vendeurs de pierre philosophale”, qui promettent le paradis sur terre...
Mieux même, il estime que “le socialisme, qu’on peut discuter aujourd’hui sans passion, a livré son dernier combat, sous nos yeux, en Juin 1848. Il est non seulement vaincu, mais désarmé par le progrès des lumières et le redressement des esprits.”

Hélas, après la révolution de 1848, cette idéologie ne fit que se développer à travers le monde, sous l’influence du marxisme naissant : le Manifeste du Parti Communiste est daté précisément de 1848, et Le Capital fut publié en 1867 ! Malgré les horreurs que cette doctrine engendra dans toutes ses applications, force est de reconnaître qu'elle a survécu, et que nombre de politiciens s’en réclament toujours, même s’ils sont heureusement bien obligés de la diluer dans la démocratie !

Si Edmond About s’est quelque peu trompé en matière de prévision, on retiendra malgré tout la pertinence des concepts qu’il expose avec beaucoup de clarté. Et parmi les réflexions qui gardent tout leur sel aujourd’hui encore, qu’il soit permis d’en évoquer encore deux qu’on croirait tirées du débat actuel franco-français.
En bon libéral, About renvoie dos à dos les conservateurs et les socialistes : “Les premiers sont protectionnistes, les seconds sont utopistes, mais tous sont des ennemis de la concurrence et de la liberté économique.”
“L’Etat doit se charger des services indispensables à la sécurité. Il doit protéger les citoyens. Mais il ne doit pas se faire l’administrateur du travail et des échanges.”

A bon entendeur, salut et fraternité….

16 novembre 2014

Les dessous de l'affaire...

Pendant que le peuple souffre et qu’il lui est demandé sans cesse de nouveaux efforts, les grands commis de l’Etat se gobergent chez Ledoyen ! Et complotent peut-être à ce qu'il paraît....
On ne saura sans doute pas de sitôt ce qui s'est dit lors de cet étrange déjeuner du 24 juin 2014, réunissant dans un luxueux restaurant étoilé, messieurs Fillon, Jouyet et Gosset-Grainville, mais on connaîtra peut-être bientôt ce qu'en a dit M. Jouyet secrétaire général de l'Elysée, lors d'une interview donnée à deux journalistes du journal Le Monde en septembre dernier. Ces derniers se sont tellement vantés de tenir à la disposition de la justice l'enregistrement intégral de l'entretien, qu'il faudra bien qu'ils s'exécutent un jour ou l'autre. Ce d'autant que selon leur propre aveu, ils en ont déjà fait profiter quelques confrères...

Il est vrai que ces gens si tatillons sur le secret de l'instruction, la protection des sources, la présomption d'innocence et le toutim, n'ont pas lésiné sur les entorses à ces principes pour juger sans appel et sans preuve, l'ancien président de la république Nicolas Sarkozy. Faisant feu de tout bois, mélangeant des affaires sans suite et d’autres hypothétiques, ils ont joué à discréditer l’ancien chef de l’Etat et distillé le froid parfum de vengeance. On nous apprendrait que ces deux là sont en service commandé, pour tenter de ruiner les chances de retour de l’ancien président qu'on ne serait pas surpris. En tout état de cause, le titre racoleur de leur ouvrage placardé de manière agressive sur la couverture, dit à lui seul que nous sommes à mille lieues du journalisme d'investigation qu'ils prétendent incarner. Il paraît qu’ils fréquentent assidûment l’Elysée depuis la prise de fonction de celui que ses amis appellent affectueusement la Fraise des Bois. Il paraît qu’ils avaient la louable intention de faire en toute objectivité le journal du quinquennat ! Faut-il croire que les Français soient assez niais pour gober de telles balivernes ?

Dans cette nouvelle affaire éclaboussant un peu plus le calamiteux mandat de François Hollande, tout est ténébreux, tout sent la magouille et la machination. Déterminer qui manipule qui, apparaît dans ce contexte presque secondaire, l’essentiel étant de savoir qui rira le dernier...
Pour F. Fillon, le seul fait d’avoir accepté de se rendre à une telle rencontre pose problème. Soit il est tombé dans un traquenard, ce qui ferait douter de sa perspicacité, soit il est partie prenante d’un complot. Dans les deux cas il se disqualifie pour de futurs challenges électoraux.
Quant à JP Jouyet, la preuve est déjà faite qu’il ment, puisqu’il est capable à deux jours d’intervalle de soutenir deux versions diamétralement opposées. La première est démentie par ceux qui ont eu le privilège d’entendre la fameuse interview. La seconde accuse lourdement M. Fillon, mais ne dédouane pas pour autant le secrétaire général de l’Elysée qui ferait dès lors figure de complice.

En l’occurrence, tous les protagonistes impliqués dans cette affaire risquent bien d'en sortir salis, que la justice parvienne ou pas à en démêler l’écheveau. Cela reste en effet très incertain car chacun pour l’heure semble prêt à se rétracter. François Fillon poursuivra-t-il en diffamation Jean-Pierre Jouyet, rien n’est moins sûr. Il y a fort à parier dès lors que ce dernier ne demandera pas son reste (il nie déjà avoir été informé qu'il était enregistré). Quant aux journaleux, ils seront trop heureux qu’on s’en tienne aux supputations…

Morale de l’histoire, et peut-être vraie justice en somme, ces manoeuvres aident paradoxalement Nicolas Sarkozy à se remettre en selle. Après son retour qualifié un peu rapidement de raté par la Presse, il bénéficie d’un début de rédemption face à cette infâme mêlée liguée contre lui, et il peut désormais prétendre rassembler tous ceux qui sont lassés de ces combines politiciennes. Il ne lui manque plus qu’un projet et des idées fortes pour relancer une espérance...

15 novembre 2014

Philaé



Si tant est qu'une comète
Fusant dans l'espace noir
Soit chargée du même espoir
Qu'un vibrionnant gamète

Si tant est que cette miette
De l’Univers puisse avoir
Un secret bon à savoir
Par l’Homme en sa pauvre tête

Alors, qu’en son parcours fou
La machinerie futile
Accrochée à son caillou

S’engloutisse comme une île
Et livre en forme d’adieux
Quelque signe merveilleux...

03 novembre 2014

Picasso embaumé par l'Etat


Confronté à une déconfiture généralisée, et plombé par une incapacité quasi totale à résoudre de manière pragmatique le moindre problème, certains ministres et leur piteux chef en tête, ont tenté de récupérer quelques miettes de la période faste que vient de traverser la culture made in France.
Las, ce fut une succession de gaffes et de pantalonnades !
Il n’y a pas à dire, comme le chantait Brassens, quand on l’est, on l’est bien…

Cela commençait de la meilleure façon pourtant avec les deux prix Nobel attribués à des Français. On ne voit pas ça tous les ans tout de même !
Mais premier raté, Jean Tirole, économiste distingué par le jury suédois quoique peu prisé du gratin médiatique, préconise des recettes exactement opposées à celles mises en oeuvre (si l'on peut dire...) par le gouvernement ! Les hommages surjoués des ministres apparurent dans ce contexte quelque peu déplacés.
Le pire fut toutefois de découvrir à l’occasion de l'attribution du prix de littérature à Patrick Modiano, que madame "la" ministre de la culture, n’avait jamais ouvert un livre de lui, avec qui elle avait pourtant déjeuné et “bien rigolé”, pour fêter ça. Ahurissant, mais seulement pour ceux qui imaginaient encore que ce ministère avait une quelconque utilité…

Nos dirigeants n’étant pas à un paradoxe près, ils offrirent au peuple un vrai festival, ne manquant aucune occasion de s’illustrer dans la catégorie ridicule.
On vit par exemple François Hollande, plastronner en compagnie du capitaine de la finance internationale et du luxe qu’est Bernard Arnault, pour inaugurer en fanfare la fondation Louis Vuitton à Boulogne. Elles sont bien loin les imprécations hargneuses du candidat socialiste néo-marxisant à la présidentielle de 2012 !
On vit sa même silhouette joviale et bedonnante parcourir avec une belle satisfaction bourgeoise, les stands délirants de la FIAC. On le vit s’enthousiasmer à la vue de ces installations insensées et défendre au nom de l’art n’importe quelle fadaise ou godemiché géant érigé triomphalement place Vendôme. Avec une verve touchant au sublime, il se lança même dans un vibrant plaidoyer du prétendu artiste gonflé-dégonflé : «La France sera toujours aux côtés des artistes comme je le suis aux côtés de Paul McCarthy, qui a été finalement souillé dans son oeuvre». On peut dire qu’en la circonstance, le Chef de l’Etat fit preuve, sans doute involontairement et c’est là le plus drôle, d’un délicieux sens de l’à propos : sait-il seulement qu’en plus de ses désormais fameux plugs anaux, l’artiste en question a exploré d’autres possibilités de sculptures similaires, en forme par exemple de monumentales piles d’excréments ?

Pour clore cette parenthèse enchantée, détonant sur une réalité si médiocre, M. Hollande, tel un moderne et infatigable Don Quichotte défiant le bon sens et la réalité, inaugura en grande pompe l’exposition permanente Picasso, sise dans les vénérables murs de l’Hôtel Salé, superbe immeuble baroque situé dans le quartier du Marais.
Cinq ans de travaux et plus de quarante millions d’euros pris aux contribuables, ont été nécessaires pour faire de ce bâtiment bien nommé, un écrin à la hauteur de la collection de l’artiste encensé par l’Etat.
François Hollande enivré par ses propres paroles, a qualifié ce musée d’un des plus beaux" et "des plus émouvants" du monde en inaugurant l'établissement nouvellement réouvert au public. Aussi généreux dans l’éloge gratuit qu’il peut l’être en distribuant l’argent qu’il ponctionne, il a qualifié l’auteur des “Demoiselles d’Avignon” de “peintre de la liberté”, qui "aimait la France, et avait choisi la France", en soulignant lourdement que "s'il n'en a jamais eu le passeport, Pablo Picasso, le républicain, le communiste, est la fierté de la France".

Il est vrai que comparé à Paul McCarthy et ses exhibitions porno-scato, Picasso ferait presque figure de peintre académique ! Il est d’ailleurs bien difficile de contester à ce dernier une originalité et un talent peu communs. Hélas, l’excessive profusion de ses oeuvres (près de 50.000 recensées) et le caractère répétitif des thèmes, tendraient à faire de lui une sorte de stakhanoviste de l’art bien plus qu’un démiurge inspiré, du genre de Michel-Ange.
On se plait généralement à louer les grandes capacités de dessinateur de Picasso, et à vanter son talent à nul autre pareil, pour créer des formes. Pourtant le moins qu’on puisse dire est que ces dernières ne flattent pas toutes l’oeil, et que même si l’on peut leur trouver parfois des qualités décoratives, elles sont en général assez loin de susciter ce sentiment indicible, ce trouble indéfinissable, qui nous envahit au spectacle de la beauté.

On pourrait même suggérer que ce qui le distingue de Michel-Ange, ou de Velasquez qui fut une de ses sources d’inspiration, c'est sans doute la propension à enlaidir tout ce qu’il touchait. On peut ne pas admettre ce point de vue puisque selon les philosophes, la beauté ne se prouve pas, elle s’éprouve. On pourrait tout aussi bien gloser sur les raisons qui poussèrent l’Andalou à déformer et à torturer ainsi la réalité en la transcrivant sur sa toile.
Ne serait-ce pas une sorte d’aveu d’impuissance face aux grands maîtres qui le précédèrent ? Ceux-ci ne reculaient certes pas devant la laideur - le fameux tableaux des Ménines en témoigne - mais ils mettaient tout leur art à la transcender, à en révéler la beauté cachée en quelque sorte. Pourquoi n’est-on pas choqué de voir traité par Rembrandt un boeuf écorché, pendu à l’étal d’un boucher, et pas davantage par une vulgaire chaise paillée ou même une paire de godillots peints par Van Gogh ?

Une des problématiques de l’art contemporain réside dans sa tendance à délaisser la quête du beau pour privilégier l’apparence formelle, avec le souci croissant de s’originaliser à tout prix, et d’imprimer sa marque de fabrique par n’importe quel moyen. Rançon de cette dérive, l’art devient une marchandise de pacotille que les badauds viennent certes voir en foule, mais mus par une curiosité relevant hélas souvent de l'attrait pour le morbide.
Il est étonnant que tant d’intellectuels éthérés, méprisant les triviales valeurs marchandes, et en froid avec l’argent et le profit, s’extasient de manière béate devant des artistes tel Picasso, préoccupés semble-t-il avant tout de faire commerce et gloriole de leur talent, quitte à le galvauder sans vergogne.

Le comble de cette perversion fut le fameux urinoir de Duchamp, daté de 1917, qui réduisit d’un coup l’entreprise artistique au pur néant.
Bien des années plus tard, en 1993, on se souvient qu’un certain Pierre Pinoncelli fit scandale au Carré d’Art de Nîmes, en urinant dans l’oeuvre exposée et en lui donnant un violent coup de marteau. Il fut condamné à un mois de prison avec sursis et 286 000 francs de dommages-intérêts ! Il justifia son geste en disant qu’il avait voulu rendre hommage à l'esprit dada, qui est l’irrespect. Juste retour de bâton en somme…

Depuis cet épisode, tout ce qui s’inscrit dans la démarche déconstructive de l’art, n’est que navrant rabâchage.
Il serait excessif de réduire Picasso à ces “foutages de gueules” pour parler trivialement, mais il est possible de voir en lui un précurseur, et on peut légitimement se demander si son oeuvre restera inscrite au firmament de l’Art. Il est permis d’avoir des doutes... Fallait-il en tout cas, que l’Etat consacre tant d’argent à la gloire d’un seul artiste, déjà si connu, si muséifié, et dont la fortune gigantesque, pourrait suffire à assurer la renommée, en même temps qu’elle garantira la prospérité de ses héritiers durant encore plusieurs générations. C’est là une vraie question...