22 janvier 2007

De la liberté


Depuis Bentham, on accuse souvent l'utilitarisme de conduire au sacrifice de l'indépendance individuelle au motif de la satisfaction d'un standard de bien-être collectif.
John Stuart Mill (1806-1873) revendique l'utilitarisme comme fil conducteur de sa pensée sans ambiguïté : « Je considère l'utilité (dans son sens le plus large) comme le critère absolu dans toutes les questions éthiques. »
Pourtant, son ouvrage traitant de la Liberté démontre un attachement sincère à défendre avant tout l'individu, face à toutes les oppressions et contraintes notamment celles de l'Etat. Il analyse également avec beaucoup de pertinence et de prescience la nature et les limites du pouvoir que la société peut légitimement exercer sur l'individu et livre de fortes pensées sur la société moderne libre et responsable telle qu'il l'imagine idéalement.
La primauté de l'individu
Pour Mill, inspiré par le principe de l'habeas corpus, « sur lui-même, sur son corps et son esprit, l'individu est souverain ». Aucun pouvoir n'a donc de légitimité pour lui imposer des contraintes sauf pour une seule raison : l'empêcher de nuire aux autres.
Le philosophe juge toute autre coercition contraire à l'esprit de liberté, notamment celles qui s'exerceraient « sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que dans l'opinion des autres agir ainsi serait sage ou même juste »
Certes, une personne peut nuire aux autres par sa seule inaction. La contrainte doit être exercée dans ce cas avec beaucoup de prudence : « rendre quelqu'un responsable de ne pas avoir empêché un mal c'est l'exception. »
Eloge de la contestation et de la dissidence
Il est nécessaire que les individus se servent de la liberté à bon escient. Elle doit avant tout leur servir à conserver un jugement critique en toute chose : « La tendance fatale de l'humanité à laisser de côté une chose dès qu'il n'y a plus de raison d'en douter est la cause de la moitié de ses erreurs. » A bien des égards, le droit de contester s'apparente à un devoir : « s'il était interdit de remettre en cause la philosophie newtonienne, l'humanité ne pourrait aujourd'hui la tenir pour vraie en toute certitude. » Cette opinion était d'autant plus méritoire à l'époque où elle fut écrite que personne n'aurait sérieusement douté du caractère intangible de la physique de Newton.
Autrement dit, même face à des idées quasi établies, il convient de rester critique car quoique « le bien être de l'humanité pourra presque se mesurer au nombre et à l'importance des vérités arrivées au point de n'être plus contestées », il importe de poursuivre aussi longtemps que possible, à l'instar de la dialectique socratique, « une discussion négative des grandes questions de la philosophie et de la vie » visant à remettre en question, ne serait-ce que pour garder la capacité de démonter leur bien-fondé, « les lieux communs de l'opinion reçue ».
Ceci amène Mill à défendre par principe, les avis minoritaires et à plaider pour que la plus grande diversité possible règne en matière d'opinions, au moins tant que l'esprit humain se trouve en un « état imparfait » :
« Lorsqu'on trouve des gens qui ne partagent pas l'apparente unanimité du monde sur un sujet, il est toujours probable – même si le monde est dans le vrai – que ces dissidents ont quelque chose de personnel à dire qui mérite d'être entendu, et que la vérité perdrait quelque chose à leur silence ».
Par voie de conséquence Mill, dont la nature anglo-saxonne transparaît ici de manière évidente, attache la plus grande importance à l'originalité et à l'excentricité : « Les individus capable d'apporter originalité et idées nouvelles sont le sel de la terre. Sans elles la vie deviendrait une mare stagnante. » Ou bien encore : « L'excentricité et la force de caractère vont toujours de pair, et le niveau d'excentricité d'une société se mesure généralement à son niveau de génie, de vigueur intellectuelle et de courage moral. »
Par anticipation il voit déjà le péril représenté par la pensée unique : « A présent les individus sont perdus dans la foule. En politique c'est presque un lieu commun de dire que c'est l'opinion qui aujourd'hui dirige le monde »
Prenant l'exemple de la Chine, dont il admire la civilisation très précoce, il déplore qu'elle se fusse figée depuis si longtemps dans un formalisme stérilisant : « elle a réussi à uniformiser un peuple en faisant adopter par tous les mêmes maximes et les mêmes règles pour les mêmes pensées et les mêmes conduites.../... Si l'individualité n'est pas capable de s'affirmer contre ce joug, l'Europe, malgré ses nobles antécédents et le christianisme qu'elle professe, tendra à devenir une autre chine »
Si John Stuart Mill est intransigeant s'agissant de la liberté d'opinion, il se garde bien d'en avaliser certaines conséquences pratiques : « Personne ne soutient que les actions doivent être aussi libres que les opinions. Au contraire, même les opinions perdent leur immunité lorsqu'on les exprime dans des circonstances telles que leur expression devient une instigation manifeste à quelque méfait. » On peut se demander ce qu'il aurait pensé des ayatollahs de l'alter-mondialisme qui se croient autorisés au nom de leur croyance et fort du principe de la « désobéissance civile », à détruire des champs de maïs transgéniques ou à démonter des restaurants fast-food...
A cet égard il fustige également l'attitude de nombre d'autorités religieuses ayant édicté des idées en dogmes, poussant notamment les hommes à abandonner leur liberté et leur esprit de contestation. Par exemple, « Selon la théorie calviniste le plus grand péché de l'homme c'est d'avoir une volonté propre. Tout le bien dont l'humanité est capable tient dans l'obéissance. La nature humaine étant corrompue il n'y a de rachat pour quiconque n'a pas tué en lui la nature humaine. » « Nombreux sont ceux qui croient sincèrement que les hommes ainsi torturés et rabougris sont tels que les a voulus leur créateur, tout comme beaucoup croient que les arbres sont bien plus beaux taillés en boule ou en forme d'animaux que laissés dans leur état naturel »
Or, « Il existe un modèle d'excellence humaine bien différent du calvinisme, à savoir que l'humanité n'a pas reçu sa nature seulement pour en faire l'abnégation. » Car « si l'homme a été créé par un Être bon, il est alors logique de croire que cet Être a donné à l'homme ses facultés pour qu'il les cultive, les développe, et non pour qu'elles soient extirpées et réduites à néant. »
De la relativité des opinions
En vrai sage, Mill se méfie de la prétendue vérité de certaines opinions tant elle s'avère relative et sujette à variation en fonction de l'endroit et de l'époque : « Les causes qui font de quelqu'un « un anglican à Londres sont les mêmes qui en auraient fait un bouddhiste ou un confucianiste à Pékin. »
Chaque époque professe nombre d'opinions « que les suivantes ont estimé non seulement fausses, mais absurdes. »
Au surplus, « le caractère impressionnant d'une erreur se mesure à la sagesse et à la vertu de celui qui la commet » : Mill cite à l'appui de cette thèse les exemples édifiants de Socrate, et de Jésus, jugés coupables de méfaits imaginaires alors qu'ils incarnaient au contraire des modèles de justice et de moralité, il évoque également Marc-Aurèle, si sincèrement soucieux du bien et qui pourtant laissa persécuter tant de gens.
« Les chrétiens qui sont tentés de croire que ceux qui lapidèrent les premiers martyrs furent plus méchants qu'eux-mêmes devraient se souvenir que Saint-Paul fut au nombre des persécuteurs. » En réalité, « ils auraient agi exactement de même s'ils avaient vécu à cette époque et étaient nés juifs. »
Les hommes et les gouvernements doivent donc « agir du mieux qu'ils le peuvent. Il n'existe pas de certitude absolue, mails il y en a assez pour les besoins de la vie » et « l'histoire regorge d'exemples de vérités étouffées par la persécution », mais « lorsqu'une opinion est vraie, on a beau l'étouffer une fois, deux fois et plus encore, elle finit toujours par réapparaître dans le corps de l'histoire pour s'implanter définitivement. »
Eloge de la responsabilité citoyenne
Selon Mill, « La liberté comme principe ne peut s'appliquer à un état de chose antérieur à l'époque où l'humanité devient capable de s'améliorer par la libre discussion entre individus égaux. » Autrement dit, « Le despotisme est un mode de gouvernement légitime quand on a affaire à des barbares, pourvu que le but vise à leur avancement. »
La liberté se mérite donc et il n'y a aucune gloire à vivre dans un pays libre. Au contraire, il s'agit d'un bien fragile qu'il est de la responsabilité citoyenne de faire fructifier. Plus une société fait bon usage de la liberté, plus elle mérite que celle-ci soit étendue.
Ces notions sont fondamentales pour tenter de répondre à certaines interrogations très actuelles:
-La liberté de travailler le week end à laquelle le philosophe anglais ne voit guère de raison de s'opposer : « le plaisir et la récréation d'une majorité de gens vaut bien le travail d'une minorité, pourvu que leur occupation soit choisie librement et puisse être librement abandonnée. » Après avoir évoqué la légitimité d'un surcroît de salaire proportionnel et l'établissement d'un jour compensatoire de congé dans la semaine, la seule raison qui reste pour justifier les restrictions sur les amusements du dimanche, c'est de dire « qu'ils sont répréhensibles du point de vue religieux. » Mais lorsqu'on refuse à certains le droit de faire ce que leur religion leur permet au motif que c'est interdit par sa propre religion, « c'est croire que non seulement Dieu déteste l'acte du mécréant, mais qu'il ne nous tiendra pas non plus pour innocents si nous le laissons agir en paix. »
-La vente libre de produits toxiques notamment des drogues, n'est pas davantage choquante dans une société éclairée : « Si l'on achetait de poison ou si l'on en s'en servait jamais que pour empoisonner, il serait juste d'en interdire la fabrication et la vente. » On peut en revanche invoquer sans violation de liberté une précaution telle que d'étiqueter la drogue de façon à en spécifier le caractère dangereux, « car l'acheteur ne peut désirer ignorer les qualités toxiques du produit. »
-Idem pour la vente d'armes, légitime à condition de proposer une réglementation minimale avec la date de la vente, le nom et l'adresse de l'acheteur, la qualité et la quantité précises vendues ainsi que l'usage prévu de l'objet.
-Idem enfin pour les établissements de jeux ou pour ceux destinés par nature à un public restreint : « les contraindre à entourer leurs affaires d'une certain degré de secret et de mystère, afin que personne ne les connaisse hormis ceux qui les recherchent. »
Parmi les lois que Mill pense légitimes, il en est toutefois certaines qui paraissent discutables, tant elles semblent inspirées par un malthusianisme désuet : celles « qui interdisent le mariage aux couples qui ne peuvent pas prouver qu'ils ont les moyens de nourrir une famille, n'outrepassent pas le pouvoir légitime de l'Etat. » car « dans un pays trop peuplé ou en voie de le devenir, mettre au monde trop d'enfants, dévaluer ainsi le prix du travail par leur entrée en compétition, c'est faire grand tort à tous ceux qui vivent de leur travail. »
Hormis cette exception un peu étonnante mais compréhensible dans l'Angleterre du XIXè siècle, pour Mill, « toute contrainte en tant que contrainte est un mal », et il faut se méfier des bonnes intentions en matière de prévention, car « Il est beaucoup plus aisé d'abuser de la fonction préventive du gouvernement au détriment de la liberté que d'abuser de sa fonction punitive. »
Dans cet ordre d'idées, les restrictions imposées au commerce, à la production commerciale ou à l'industrie, sont des contraintes inutiles puisqu'il est prouvé que « le seul moyen de garantir des prix bas et des produits de bonne qualité c'est de laisser les producteurs et les vendeurs parfaitement libres, sans autre contrôle que l'égale liberté pour les acheteurs de se fournir ailleurs. » pour John Stuart Mill, la doctrine dite de libre-échange repose donc sur « des bases non moins solides que le principe de liberté individuelle. »
Contre la toute puissance de l'Etat
John Stuart Mill, tout comme Tocqueville avec lequel il entretint une amitié et une grande communauté de vues, se méfiait des doctrines étatistes : « L'argument le plus fort contre l'intervention du public dans la conduite purement personnelle, c'est que lorsqu'il intervient il y a fort à parier que ce soit à tort et à travers. »
« Nous n'avons qu'à supposer une diffusion considérable d'opinions socialistes pour voir qu'il peut devenir infâme aux yeux de la majorité de posséder davantage qu'une quantité très limitée de biens... »
« Toute fonction ajoutée à celle qu'exerce déjà le gouvernement diffuse plus largement son influence sur les espoirs et les craintes et transforme davantage les éléments actifs et ambitieux du public en parasites ou en comploteurs. »
« Si tous les meilleurs talents du pays pouvaient être attirés au service du gouvernement une proposition visant à ce résultat aurait assurément de quoi inquiéter. »
S'agissant de la fonction publique, Mill développe une conception à l'évidence minimaliste. En matière d'éducation par exemple, il n'accorde guère à l'Etat qu'un rôle d'incitation et de contrôle : « Si le gouvernement prenait la décision d'exiger une bonne éducation à tous les enfants, il s'éviterait la peine de leur en fournir une. »
En réalité, la diversité de l'éducation lui parait au moins aussi essentielle que celle d'opinions. Or « une éducation générale dispensée par l'Etat ne peut être qu'un dispositif visant à fabriquer des gens sur le même modèle. » Et comme le moule ne pourrait être que celui satisfaisant le pouvoir dominant au sein du gouvernement, « plus cette éducation serait efficace, plus elle établirait un despotisme sur l'esprit qui ne manquerait pas de gagner le corps. »
Dernier argument incitant à limiter les pouvoirs et l'influence de l'Etat, c'est celui qui part du constat que dans un pays où il a pris trop d'importance, les citoyens ont tendance à tout attendre de lui mais aussi à le rendre responsable de tout ce qui leur arrive de fâcheux. Lorsque les maux excèdent leur patience, ils se soulèvent et font ce qu'on appelle une révolution. Après quoi le gouvernement change de mains mais « tout reprend comme avant sans que la bureaucratie ait changé et que personne soit capable de la remplacer. »
A l'inverse remarque Mill, laissez n'importe quel groupe d'Américains sans gouvernement et « il serait capable d'en improviser un et de mener cette affaire ou toute autre affaire civile, avec assez d'intelligence, d'ordre et de décision. Voilà comment devrait être tout peuple libre. »
En définitive, « Un Etat qui rapetisse les hommes pour en faire des instruments dociles entre ses mains, même en vue de bienfaits, un tel Etat s'apercevra qu'avec de petits hommes rien de grand ne saurait s'accomplir, et que la perfection de la machine à laquelle il a tout sacrifié n'aboutit finalement à rien, faute de cette puissance vitale qu'il lui a plus de proscrire pour faciliter le jeu de la machine. »
Pour conclure, la vision de ce philosophe modeste paraît extrêmement percutante et moderne. Sa conception de la liberté, très humaine, très humble constitue un modèle pour les démocraties modernes soucieuses de s'améliorer.
Un de ses points forts est de placer l'individu au coeur de la problématique, et d'en faire le premier bénéficiaire en posant qu'assortie de la responsabilité, la liberté de chacun débouche naturellement sur la liberté et le bien-être de tous.
Toutefois, à l'instar des chrétiens avec leur morale, il faut souvent trouver un compromis entre ce qu'on estime juste et bon et ce qu'on est capable de s'imposer à soi-même. Plus la distance est grande entre les deux et moins la condition humaine a de chances de progresser.
En définitive il est probablement raisonnable de ne pas avoir un idéal trop haut, mais de s'y tenir et d'y tendre de manière pragmatique et critique.

On n'est pas couché devant la pensée unique


Laurent Ruquier a beau être un animateur pétulant, un humoriste talentueux, dans le registre des idées, il manifeste malheureusement un conformisme et une étroitesse d'esprit affligeants.
Comme les paons font la roue il affiche fièrement ses opinions politiques « de gauche », alors que personne ne les lui demande, et tolère hélas difficilement tout avis contraire surtout de droite.
Nous avons pu nous en rendre compte une fois encore samedi 20 janvier.
Abusant sans vergogne de sa position dominante, Laurent Ruquier s'est livré au lynchage médiatique en règle du malheureux porte-parole de Philippe de Villiers.
Il s'en est donné à coeur joie, aidé par un public docile, applaudissant comme une claque sans cervelle la moindre de ses réparties et huant l'accusé dès qu'il ouvrait la bouche. Un feu d'artifice de quolibets et de vannes à deux balles pour tenter de couvrir de ridicule « l'invité » pris au piège. Pensez donc, il le tenait par où ça fait vraiment mal : le jeune homme avait milité quelque temps au Front National avant d'adhérer au MPF !
Je n'ai pas grand chose en commun avec Mr de Villiers mais cette morale à la petite semaine est usante. Lorsqu'il invita Mr Besancenot, porte parole de la Ligue Communiste Révolutionnaire, Laurent Ruquier, s'aplatit en questions crémeuses et réserves ouatées sur les mesures insensées que ce dernier se propose de mettre en oeuvre s'il parvenait à la tête du pays. Mais à aucun moment, il ne lui demanda de s'expliquer au sujet des quelques 100 millions de morts causés par l'application de la doctrine dont il se réclame...
Autre manière de faire impérialiste, au sujet de l'abolition de la peine de mort, qu'il considère comme un « progrès social » irréversible, Laurent Ruquier se croit autorisé à décréter désormais tout débat superflu.
La belle affaire ! Autant proclamer en se tapant le cul sur la glace, que les crimes n'existent plus...
C'est un peu facile et surtout c'est idiot et pharisien tant qu'on a rien à proposer de nouveau pour sanctionner la barbarie.
Bien sûr il brandit en la circonstance l'argument qui tue si je puis dire, celui consistant à invoquer le risque de condamner un innocent. C'est effectivement le seul, le vrai, surtout dans un pays comme le nôtre, où le système judiciaire s'avère régulièrement si partisan, si mauvais !
Mais ce faisant, il occulte comme souvent, le risque opposé, plus grand encore, qui conduit à relâcher un coupable pressé de continuer ses méfaits.
Hélas, comme beaucoup de gens « de Gauche », Mr Ruquier n'a de la démocratie qu'une idée très approximative. Il la considère comme un bienfait lorsqu'elle permet de limiter les scores de Villiers à 3%, mais il s'assied dessus dès qu'il s'agit de remettre en cause ce qu'il met définitivement au rang des « progrès ».
Le plus beau c'est quand ce grand coeur nous dit sans aucune gêne qu'il serait prêt à se faire justice lui-même si on touchait à sa famille, en appliquant à titre personnel, je vous le donne en mille, la peine de mort !

19 janvier 2007

Comment parler des livres qu'on n'a pas lus ?


Un livre épatant. Facile à lire, d'autant plus qu'on peut en parler sans l'avoir lu comme son titre provocateur y encourage...
Trève de plaisanterie, cet essai recèle une vraie originalité, sous-tendue par une question simple : qu'appelle-t-on lire ?
Les réponses sont en réalité complexes et dépassent la réalité triviale.
Car on peut avoir lu consciencieusement un livre et n'en avoir qu'un souvenir imprécis ou une compréhension approximative. On peut lorsqu'il s'agit d'un ouvrage en langue étrangère, en avoir une connaissance erronée par une mauvaise traduction. Et, comme le constate l'auteur, il est même « par moments difficile de savoir si l'on ment ou non quand on affirme avoir lu un livre. »
Reste que dans bien des cas, il faut pourtant bien en évoquer le contenu. Et ceux dont c'est le métier, les commentateurs, les critiques, les enseignants, ne peuvent humainement être tenus de connaître précisément la substance de tout ce dont ils sont obligés de parler.
Heureusement d'ailleurs car comme le démontre Pierre Bayard, il s'avère « tout à fait possible de tenir une conversation passionnante à propos d'un livre que l'on n'a pas lu ou qu'on a rapidement parcouru ».
D'ailleurs le raisonnement pourrait être tenu dans d'autres cas de figure : lorsqu'il s'agit par exemple de parler des films qu'on n'a pas vu, de raconter des évènements qu'on n'a pas vécu. L'ère des mass-médias permet désormais de faire tout cela sans trop d'état d'âme. Qui n'a jamais eu l'impression de pouvoir faire l'économie d'un film ou d'un livre après avoir subi un matraquage télévisé à son sujet ? Qui n'a jamais confirmé ce sentiment après coup en se disant qu'il n'avait rien découvert qui ne fut déjà dans l'impression initiale ?
Qui peut affirmer avoir pris connaissance « en profondeur » de Joyce, Hegel, Kant, Heidegger, Lowry... ou du dernier et pesant Goncourt : « les bienveillantes » ? Qui a été vraiment surpris par le contenu de films tels que « les bronzés 3 », « Camping », « King Kong » ou « Les dents de la mer »?
Enfin qui peut prétendre avoir une vision parfaiitement objective d'un livre qu'il a lu ou d'un événement qu'il a vécu ?
La morale de l'histoire c'est peut-être de conclure que la lecture, même superficielle - quoique intelligente - permette de se constituer une sorte de « livre intérieur » fait de « l'amoncellement hétéroclite de fragments de textes remaniés par notre imaginaire ».
Car en définitive, être cultivé, « ce n'est pas avoir lu tel ou tel livre, c'est savoir se repérer dans leur ensemble, donc savoir qu'ils forment un ensemble et être en mesure de situer chaque élément par rapport aux autres. »
Mais je crains d'en avoir déjà trop dit. Il serait trop bête de décourager ceux qui voudraient découvrir cet ouvrage. Lavater (que je n'ai pas lu) avait un souhait : « que Dieu préserve ceux qu'il chérit des lectures inutiles. » Cet adage ne s'applique pas au livre de Pierre Bayard...

18 janvier 2007

L'arène de France

Un jeu de mots, non pas pour aborder la gentillette émission de Stéphane Bern, mais pour qualifier la campagne présidentielle. Ne pas y voir une allusion fine à l'une des candidates, mais plutôt au joyeux bordel qui s'étale sous nos yeux.
A l'heure actuelle, environ quarante candidats potentiels, cherchent chacun les 500 rituelles signatures d'élus de la République : plus de 20.000 personnes sollicitées ! Un vrai délire...
Ce d'autant qu'on assiste par la force des choses, à une bipolarisation du débat.



D'un côté Nicolas qui met en branle une machine de compétition bien huilée, magnifiquement organisée, mais dont les chromes un peu trop rutilants, font douter de la fiabilité du moteur. Il y a comme un je ne sais quoi qui cloche dans le discours. Le candidat de l'UMP se veut libéral et moderne, mais revendique avec insistance l'héritage de Blum et de Jaurès. Il veut s'attaquer aux tabous dont le pays crève, notamment fiscaux mais se garde de remettre en cause l'impôt le plus stupide qui soit, à savoir l'ISF et reprend à son compte la notion de « bouclier fiscal » inventée par Dominique de Villepin. Comme si l'Etat, parvenu au bout de son raisonnement par l'absurde, en était réduit à prôner le principe d'une cuirasse pour protéger les contribuables de ses propres agressions !
Enfin il se dit ami de l'Amérique mais l'ensevelit dans le même temps sous les torts et l'accuse même de « violer le droit des nations ou le droit des gens !»


De l'autre côté Ségolène, dont l'ascension évoque celles des Montgolfières : c'est élégant, c'est impressionnant, c'est léger, ça paraît se jouer des lois du genre... L'ennui c'est que c'est rempli de vide, c'est fragile, ça part on ne sait trop où et ça finit parfois en torche. Il suffit d'un mari pas vraiment en phase, une déclaration douteuse de patrimoine, un mot malheureux vantant par exemple la qualité et la rapidité de la justice en Chine, ou bien d'une communauté de vue affichée au sujet des USA avec un club aussi pondéré et éclairé que le Hezbollah et patatras, la belle enveloppe se fissure, le vernis craque. Et que voit-on derrière ? Du vent. Peut-être même de la tempête...
Hélas madame Royal qui voudrait faire croire qu'elle avance sur les traces de Tony Blair a oublié un détail : ce dernier avait patiemment et en profondeur rénové son parti. Il était parvenu à en gommer tous les archaïsmes avant de pouvoir le mettre en ordre de bataille, au service d'un vrai programme, clair et pragmatique...

Autour de ces deux mastodontes, c'est la pagaille. Bayrou pérore, critique, s'insurge, brasse de l'air mais ne convainc guère. Villiers et Le Pen ressortent leur argumentaire un peu usé. L'extrême gauche encore plus rétrograde se débande derrière une multitude de petits chefs à la manière d'une armée mexicaine. Même les écologistes ne parviennent à trouver un socle commun pour se construire une crédibilité.
Bref, à mesure que le temps passe, la crainte monte que le pays soit à nouveau privé d'un vrai débat. Bis repetita non placent. Quand donc sortira-t-on de cette foutue mélasse démagogique ?

17 janvier 2007

L'Irak entre espoir et chaos


En France, rarissimes sont les voix pour croire encore à une évolution heureuse. Même Nicolas Sarkozy semble un peu lâchement s'être rallié à la position dominante, puisqu'il a cru bon dans son discours d'investiture comme candidat à la présidence de la république, de rendre hommage à Jacques Chirac pour avoir refusé d'engager la France dans ce challenge, qu'il qualifie dorénavant de « faute ».
Il n'empêche, on trouve encore quelques esprits courageux ramant contre la marée défaitiste de la pensée unique. Par exemple Ivan Rioufol dans sa chronique au Figaro (12/01) dans laquelle il se prend à imaginer « qu'une raison, une seule, peut faire réussir l'ultime plan Bush, qui veut responsabiliser les Irakiens : ceux-ci ne peuvent se reconnaître dans la caricature qu'ils donnent au monde, d'un peuple musulman s'entretuant et refusant la liberté et la démocratie. »
Autre voix, celle d'Alexandre Adler qui dans le même Figaro (14/01) se fait l'avocat du président américain. Il constate en premier lieu que si les critiques pleuvent dans le camp occidental, pas un pays proche de l'Irak ne proteste contre l'envoi de nouvelles troupes américaines. Probablement parce qu'en réalité, aucun d'entre eux n'a intérêt à ce que la situation tourne à la guerre civile totale. Et aucun n'a les moyens d'intervenir avec plus de succès que l'Amérique dans ce terrain miné.
Adler voit en revanche se dessiner l'ébauche d'un consensus de raison.
D'un côté, « le bloc sunnite modéré tout d'abord qui se groupe autour du roi d'Arabie et inclut la monarchie jordanienne, les orphelins de Hariri au Liban, le Fatah en Palestine ». De l'autre, « les modérés iraniens, qui procèdent calmement et systématiquement à l'encerclement politique de leur président énergumène Ahmadinejad », et qui pourraient « accepter tacitement l'écrasement des hommes de Sadr qui n'ont de rapport à Téhéran qu'avec l'extrême droite chancelante des hodjatieh ».
Dans ce contexte, selon Adler, « si les Américains agissent à présent non pas en missionnaires allumés d'une démocratie inexistante mais en brokers honnêtes des intérêts à long terme des modérés saoudiens et iraniens, ils peuvent encore se sortir d'Irak la tête haute. »
Puissent ces observateurs avoir raison.


Leur analyse paraît en tout cas conforme à la logique développée par madame Rice lors de son récent voyage dans la région, qui esquisse les contours « d'un autre Moyen-Orient, dans lequel il y aurait véritablement un réalignement des forces », entre d'un côté « des réformateurs et des dirigeants respon­sables » en Israël, Jordanie, Égypte, Irak, Arabie saoudite ou les Territoires palestiniens et, dans le camp adverse, « des extrémistes de tout calibre qui utilisent la violence pour propager le chaos, saper les gouvernements démocratiques et imposer leurs programmes de haine et d'intolérance ».

En définitive, dans cette douloureuse affaire, l'attitude de notre pays, notamment de ses gouvernants attachés aux sondages d'opinion comme des toutous à leur gamelle, est décidément désolante. Il ne suffit pas de dire que les Américains ont fait une faute. Il ne suffit pas de clamer qu'on veut parler « toujours à l’Amérique comme une amie », et prendre un ton un peu supérieur pour lui dire « toujours la vérité » et « lui dire non quand elle a tort », « quand elle viole le droit des nations ou le droit des gens qu’elle a tant contribué à forger, quand elle décide unilatéralement, quand elle veut américaniser le monde alors qu’elle a toujours défendu la liberté des peuples. »
On sait bien que c'est dans les difficultés qu'on reconnaît ses vrais amis. Je ne sais si l'Amérique finira par obtenir un succès dans l'objectif ambitieux qu'elle s'est donné. Ce qui est certain c'est qu'elle ne devra rien à la France...

15 janvier 2007

Morituri te salutant


Plusieurs évènements récents amènent à se pencher une fois encore sur la légitimité de la peine de mort, en essayant d'éviter de tomber dans les lieux communs de la sensiblerie ou dans des a priori par trop idéologiques :
- Saddam Hussein au terme d'un long procès a fini sa vie au bout d'une corde.
- Aussi incroyable que cela paraisse, dans notre bonne ville de Rouen, un détenu après avoir tué son voisin de cellule s'est livré sur lui à des actes de cannibalisme !
- Enfin, le président de la République s'est donné parmi ses dernières missions régaliennes, celle d'inscrire dans le marbre de la constitution française l'abolition « définitive » de la peine capitale.
La France est bien vertueuse. Certaine de détenir la vérité intangible en la matière, elle se répand en leçons à qui veut les entendre. Peut-être est-elle d'autant plus arrogante qu'elle a beaucoup à se faire pardonner.
N'est-ce pas elle qui scella il y a deux siècles à peine, avec le « sang impur » de gens trop bien nés, les fondations de sa grotesque première république ?
N'est-ce pas elle qui en 1793, fit de la terreur un système de gouvernement, et qui en abandonna la responsabilité à une bande d'abrutis « barbouilleurs de lois » avides avant tout d'ordonner « l'interruption de vie » de tous les malheureux dont le seul crime était de penser différemment d'eux. Les colonnes infernales de Vendée, les ignobles mariages républicains de Carrier à Nantes, les tribunaux expéditifs de Fouquier-Tainville, la folie purificatrice des Robespierre, Saint-Just et autres Marat, tout cela n'est pas si loin.
Pour paraphraser l'infortunée madame Rolland, combien de crimes l'Etat a-t-il commis au nom de la Liberté chérie ?
Il n'y a guère plus de 50 ans, après la libération du pays de l'occupation nazie, n'est-ce pas en France encore qu'on vit, suite à des accusations non vérifiées, ou à des ragots inspirés par le plus vil des désirs de vengeance, des femmes humiliées, violées, tondues, des exécutions sommaires, et le retour de sinistres tribunaux d'exception assassinant « légalement » à tour de bras des gens au motif le plus souvent douteux « d'intelligence avec l'ennemi » et des écrivains pour simple délit d'opinion : Paul Chack par exemple fusillé parce qu'il était anti-bolchévique, ou encore Robert Brasillach, condamné à mort pour quelques phrases insensées, le jour même de l'ouverture de son procès, après une délibération de vingt minutes !
Très indulgente avec son passé, la France condamne aujourd'hui avec la plus ferme intransigeance les Etats-Unis qui avaient pourtant aboli la peine de mort depuis beaucoup plus longtemps qu'elle (dès 1840 pour le Michigan !) et qui de toute manière en avaient toujours fait un usage plus parcimonieux que l'ensemble des pays européens.
L'Amérique a cru bon de rétablir ce châtiment en 1976. Encore faut-il préciser que l'application de cette décision résulte d'un processus parfaitement démocratique, qu'elle ne concerne que 38 états et qu'elle est toujours susceptible d'être revue en fonction des circonstances. Ce qui fait en effet la particularité des Etats-Unis, c'est qu'ils évitent d'ériger en loi de simples préjugés, et surtout qu'ils respectent autant que faire se peut, la volonté populaire.

L'arrogance de nos dirigeants actuels apparaît bien éloignée de l'humilité de ceux qui envoyèrent Tocqueville en Amérique en 1830 pour analyser sans a priori son système pénitentiaire et qui virent revenir un sage, heureux d'avoir découvert... la Démocratie !

Chacun sait qu'en France la peine de mort a été abolie contre l'opinion majoritaire des Français.

Et bien que les choses soient donc en passe d'être entérinées sans retour par un Pouvoir imbu de ses certitudes, il est permis de continuer à s'interroger sur cette problématique qui confine au fait de société.
Le terrain est plutôt miné si je puis dire, tant il contient de pseudo-évidences qui constituent autant de chausses-trappes sur le chemin d'un raisonnement serein.
Soyons clair : il est a peu près aussi facile d'être contre la peine de mort que d'être contre la guerre et aussi difficile de proposer dans les deux cas des solutions de rechange crédibles. Au surplus, que l'on soit pour ou contre, dans tous les cas, l'horreur est souvent au bout du chemin. Le choix n'est donc pas manichéen et personne ne peut en la circonstance s'accorder par avance de brevet de bonne moralité.
Les abolitionnistes les plus résolus sont souvent les mêmes qui jugent barbare l'incarcération à perpétuité, et qui s'élèvent vigoureusement contre la construction de prisons au motif que cela empêcherait celle d'écoles ou d'hôpitaux.
Si l'on adopte ce point de vue, il ne reste plus guère d'alternative pour empêcher les meurtriers de nuire ! Sans compter que c'est avec de tels principes, pour le moins hypocrites, qu'on aboutit au surpeuplement et à la dégradation des conditions de vie en milieu pénitentiaire, dont notre pays affiche la triste réalité.
En matière de justice, il paraît indispensable d'éviter tout argument instinctif et le citoyen, lorsqu'il raisonne sur le sujet, se doit absolument de tenter d'extraire sa problématique personnelle du débat. Bien qu'il soit vain de gommer toute préoccupation morale, le souci primordial est d'ordre pragmatique et se résume à une question simple : comment protéger la société, et notamment les plus faibles de ses membres, des agissements de criminels odieux ?
Tant qu'il est impossible de parvenir à changer le comportement de ces derniers sans pour autant dégrader leur personnalité donc l'essence de leur individu, il faut bien se résoudre à les tenir à l'écart de leurs victimes potentielles. La récidive apparaît en effet comme un échec cuisant pour tout système de justice digne de ce nom.
Et lorsqu'on est convaincu que ce risque est majeur, il ne reste qu'une alternative : soit les emprisonner à vie, soit les condamner à mort.
Vu le caractère aléatoire des expertises psychologiques, et compte tenu des données de l'expérience, la moins mauvaise méthode pour jauger ce risque est de l'évaluer en proportion de l'énormité et du degré de préméditation des crimes commis.
Il découle de ce constat qu'en tout état de cause le champ d'application des châtiments suprêmes ne peut qu'être extrêmement restreint. Il exclut à l'évidence les délits d'opinion, et la plupart des crimes passionnels. Restent toutefois passibles de telles sanctions dans une société de liberté et de responsabilité, les crimes terroristes ou pervers.
Plusieurs objections cruciales sont habituellement faites lorsqu'on aborde le sujet de la peine de mort :
-le risque de condamner à tort un innocent
-la cruauté du châtiment
-La valeur sacrée de la vie
Il est certain que la perspective de l'erreur judiciaire est épouvantable. C'est probablement l'argument principal contre la peine capitale et comme on peut le lire sur le site Wikipedia à propos de cette problématique aux USA: « Le meilleur espoir des abolitionnistes pour espérer faire basculer l'opinion publique en leur faveur demeure la première preuve formelle d'un innocent exécuté par erreur. »
Ce risque est toutefois à mettre en balance avec son opposé, sans doute plus grand, qui consiste à relâcher un criminel, faute d'avoir pu collecter assez de preuves contre lui. Dans les deux cas, il s'agit d'une grave défaillance de la justice. Bizarrement – probablement parce que les effets désastreux sont directement palpables – elle s'avère beaucoup plus troublante dans le premier cas que dans le second. Pourtant la gravité est la même et surtout les conclusions à en tirer sont similaires : ce n'est pas parce qu'on risque de relâcher un assassin qu'il faut garder emprisonnés tous les suspects, et ce n'est pas davantage parce qu'on craint de condamner un innocent qu'il faut cesser de châtier les coupables.
De toute manière, l'abolition de la peine de mort ne prémunit aucunement contre l'erreur judiciaire. On objectera qu'elle a un caractère moins irréversible. Mais sachant la difficulté qu'il y a de remettre en cause un verdict, la perspective d'emprisonner à vie un innocent n'est-elle pas effroyable ? Il suffit d'imaginer le tourment incessant dans la tête du malheureux pour supposer qu'il puisse en venir à souhaiter plutôt mourir...
Ce sont d'ailleurs parfois les détenus qui réclament davantage de courage et de détermination de la part de ceux qui les jugent.
On se souvient de
Gary Gilmore qui en 1976, au moment où la peine de mort était rétablie aux Etats-Unis, refusa tout recours après son jugement et demanda à être exécuté plutôt que de croupir le restant de ses jours en prison.
En France, en janvier 2006, le journal Le Monde publia la pétition de prisonniers condamnés à de longues détentions, qui demandaient le rétablissement de la peine capitale, qualifiant l'emprisonnement de « cruel et hypocrite »...
On pourrait enfin évoquer le choix de
Socrate, qui bien qu'injustement condamné, préféra la mort à l'exil.
Reste la corde sensible de « la valeur sacrée de la vie » que d'aucuns font vibrer avec émotion. Non sans raison car il est vrai qu'il n'est pas dans la nature de la justice d'être cruelle, ni même vengeresse.
Mais en vérité, lorsque la culpabilité ne fait aucun doute, le respect de la vie peut sembler un piètre argument s'il s'agit de celle de brutes inqualifiables qui méprisent généralement jusqu'à la leur, à la manière des kamikazes.
Il paraît d'ailleurs assez incongru dans la bouche d'abolitionnistes qui affirment dans le même temps qu'ils seraient prêts à se faire meurtriers eux-mêmes si on touchait à l'un de leurs enfants... Ou bien lorsqu'ils en font si peu de cas à propos de l'avortement pour convenances personnelles et de l'euthanasie des personnes âgées ou handicapées au motif que ces dernières auraient donné leur accord...
Ces dérives bien intentionnées font froid dans le dos dans une société qui paraît s'enfoncer dans un hédonisme et un matérialisme croissants.
C'est pour toutes ces raisons qu'il paraît un peu vain aujourd'hui de s'apitoyer sur le sort de Saddam Hussein. Certes les conditions de son exécution furent assez déplorables mais sa culpabilité ne faisait aucun doute, son procès fut correct et en définitive le châtiment fut à la mesure des atrocités auxquelles il s'était livré en toute conscience depuis des décennies.
L'affaire du détenu cannibale incite elle à se poser des questions sur les conditions de détention en France. La survenue d'un tel évènement est une honte pour notre système pénitentiaire. Par la même occasion on peut s'interroger sur le devenir d'un monstre capable de tels actes...
En définitive, devant un monde aussi brutal et chaotique, il semble bien téméraire et présomptueux de décréter qu'on puisse définitivement abolir la peine de mort. Il faut sans nul doute tendre vers ce but comme il faut tendre vers la paix perpétuelle, mais il est hélas illusoire d'en faire dès à présent un acquis.

09 janvier 2007

George W. Bush est-il aussi mauvais qu'on le dit ?


On connaît l'appréciation péjorative et sans nuance portée par nombre de Français sur le président américain. Tellement péjorative qu'elle autorise le Parti Socialiste dans sa torve dialectique, à faire aujourd'hui de Bush un épouvantail anti-Sarkozy ! Degré zéro de la politique...
Mais, s'agissant de ceux qui sont de bonne foi, leurs critères de jugement sont-ils suffisamment objectifs et connaissent-ils vraiment la réalité américaine ?
Quelques chiffres glanés ici ou là dans la presse m'incitent à penser que non. Comme en général le jugement porté en France sur le chef de l'Etat et sur les politiciens n'est guère meilleur, il ne paraît pas inutile de préciser ici quelques faits difficilement contestables dans l'espoir de contribuer à faire évoluer un tant soit peu les mentalités.

Dans le Figaro : L'économie américaine a plutôt bien fini l'année 2006. Le nombre de créations nettes d'emploi en décembre est de 167.000 portant à 1,9 millions le total pour l'année 2006. Le taux de chômage est de 4,5%. Depuis août 2003 l'économie américaine a ainsi créé 7,2 millions d'emplois, ce qui dépasse le bilan de l'Europe et du Japon réunis !
En dépit d'une certaine récession du marché immobilier et des fluctuations du cours des matières énergétiques, le taux de croissance du PIB s'est maintenu au dessus de 3% à l'issue des quatre derniers trimestres (à peine 2% en France).
S'agissant du pouvoir d'achat (de la « vie chère » comme dirait madame Royal dans son volapük racoleur), le bilan et les perspectives pour 2007 paraissent plutôt flamboyants par rapport à ce qu'on voit chez nous : les salaires ont augmenté en moyenne de 4,6% en 2006, tandis que l'inflation est restée stable autour de 2%.
Sur le plan fiscal, le Trésor Public américain, en appliquant une stratégie inverse de la nôtre, engrange des recettes record :+ 14,6% en 2005 et + 11,8% en 2006 malgré les baisses spectaculaires d'impôts ordonnées par George W. Bush (les économistes français avaient bien ri à l'époque sur les effets selon eux désastreux d'une telle mesure).
Parallèlement et nonobstant les faramineuses dépenses de guerre en Irak et en Afghanistan, le déficit budgétaire fédéral est tombé à 2% et devrait se maintenir à ce niveau en 2007 d'après les experts.

Dans le même temps, on apprend par le Washington Post, guère suspect de connivence avec le président actuel, que ce dernier peut s'honorer d'avoir mis en place le plus ambitieux programme d'aide aux pays sous-développés jamais vu : depuis son entrée en fonction, George W. Bush a tout simplement triplé l'aide aux pays sous-développés, portant la contribution américaine de 1,4 à 4 milliards de dollars/an.
On peut rappeler qu'il l'a amplifiée par un vaste programme de lutte anti SIDA : 15 milliards $ sur 5 ans dans le « President's Emergency Plan for AIDS Relief » (PEPFAR) et anti-paludisme : 1,2 milliards $ en Juin 2005 dans le but de réduire de 50% la mortalité dans 15 pays africains.

On se souvient par comparaison qu'en août 2006 le journal Le Monde a publié les résultats d'une étude réalisée par le Pr Stiglitz (plutôt hostile comme chacun sait à l'administration Bush) pour le Center for Global Development, un think tank américain, visant à classer les pays riches en fonction de l'aide accordée aux pays pauvres. La France était au 18è rang sur 21 ! En outre on pouvait y lire qu'elle accorde son aide à des pays "peu démocratiques et pas si pauvres", et fait partie de ceux qui vendent le plus d'armes aux dictatures..

On pourrait enfin, à condition de faire preuve d'un minimum d'honnêteté intellectuelle, porter également au crédit de l'administration américaine actuelle ses efforts colossaux pour tenter de libérer l'Irak et l'Afghanistan des odieuses tyrannies auxquelles leurs peuples étaient asservis.
Certes la réussite est encore loin d'être acquise, mais ne dit-on pas à la manière d'un proverbe, "qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer"...

De toute manière, il est à craindre hélas dans notre beau pays si crédule, que la mauvaise foi et l'ignorance, cultivées avec opiniâtreté jusqu'au sommet de l'Etat, continuent encore longtemps de nier ces évidences criantes.

Je n'en voeux plus...


De cérémonie de voeux, en cérémonie de voeux, quatre mois avant la fin de son mandat Jacques Chirac ratiocine. Il est content de lui et se délivre des satisfecit de pacotille. Il pourrait pourtant se vanter avant tout de n'avoir rien fait si ce n'est un festival de ratages éblouissants (sauf peut-être son musée du Quai Branly).
Devant la fameuse "fracture sociale" il est resté aussi oisif qu'une andouille attendant d'être fumée. Et il voudrait nous faire croire qu'il a trouvé au moment de son départ, la panacée avec son gadget du « droit au logement opposable »...
En matière économique, il n'est parvenu qu'à faire croître et embellir la pauvreté, le chômage, la dette, les déficits, et la bureaucratie. Maintenant il voudrait refaire avec les charges pesant sur les entreprises, le coup du « trop d'impôt tue l'impôt » !
L'Europe, il a réussi à en démolir jusqu'à l'idée, en prenant de haut tous les pays un peu plus dynamiques et déterminés que « sa » France, ou bien en méprisant ceux qui refusaient de s'aligner sur ses positions égocentriques. Le fiasco du référendum, c'est tout de même à lui qu'on le doit avant tout, à cause de ses atermoiements et de sa vision passéiste.
Quant à l'Irak, pas un instant il ne semble pouvoir imaginer que les choses auraient pu mieux tourner s'il ne s'était ingénié à dresser une partie du monde contre les USA. De toute manière la liberté des Irakiens, ce descendant des Munichois s'en moque manifestement comme de l'an quarante.
Au Proche-Orient il semble ne rêver que d'une chose : que la situation s'envenime pour affermir sa soi-disant stature internationale ! Au point de menacer Israël de tirer sur ses avions lorsqu'ils s'aventurent en mission de reconnaissance au dessus du Liban !
Triste pitrerie... Vivement qu'elle cesse !

02 janvier 2007

Paris est une fête

Au seuil de cette nouvelle année, il paraît légitime de manifester un peu de joie et de bonne humeur. Paris que je voyais si triste il y a quelques jours est aujourd'hui plein d'illuminations. La misère est tapie dans l'ombre certes, mais en levant les yeux, les lumières de la ville sont comme autant de promesses irradiant vers le ciel.


La France est mal en point, mais tout n'est pas perdu. De ses déboires, de ses préjugés, de ses dogmes on pourrait même rire. C'est ce que fait Henri Amouroux dans une récente tribune trouvée dans le Figaro, consacrée à "l'évènement" provoqué par l'évasion fiscale de Johnny Halliday.
Evoquant le nombre croissant de contribuables assujettis à l'ISF, Amouroux constate que tout ne va pas si mal dans notre pays de cocagne puisqu'il peut s'ennorgueillir d'une vertigineuse augmentation du nombre de "riches" en très peu de temps : + 31,7% entre 2003 et 2005 !
Dans ces conditions, pourquoi ne s'offrirait-il pas le luxe d'exporter quelques grandes fortunes pour les remplacer par des nuées de nouveaux pauvres ? Pourquoi se priver d'une aussi belle perspective, qu'on imagine dans l'esprit de ces derniers, comme une sorte de nouvelle version de l'embarquement pour Cythère ? Mieux que l'El Dorado !

Dans la rubrique "Rebonds" de Libération, Arnaud Montebourg qui pratique lui l'humour très involontaire, monte sur ses grands chevaux blancs de Don Quichotte (le personnage est très tendance ces derniers temps) du Fisc. Il ne comprend pas l'attitude ingrate du chanteur vis à vis de la France "qui l'a élevé et chéri". Il ne comprend pas qu'on puisse ainsi remettre en cause à titre personnel, "les choix redistributifs du législateur" !

Pis, il semble découvrir tout à coup que derrière ce coup de Jarnac isolé, c'est un véritable exode qui s'est organisé au nez et à la barbe du Trésor Public.
Il tombe de haut le pauvre ! Citant les légions d'entreprises qui ont établi leur siège social en Suisse, il s'étrangle car dans son imaginaire de sans-culotte dandy mais un tantinet suranné, ça lui rappelle les "cortèges d'émigrés, qui pour défendre les privilèges d'une noblesse dépourvue d'esprit national, ralliaient à Coblence les armées des monarques de l'Europe en lutte contre le sens républicain de l'Histoire."
Puisqu'il est lui certain d'être sur la bonne voie, il n'envisage évidemment aucune remise en question. Au contraire, il s'insurge contre les pays "qui prétendent nous donner des leçons de modérantisme fiscal" et lance un appel solennel et véhément à la Communauté Européenne pour refuser "les abus" de "ces voisins indélicats".
Il va jusqu'à proposer un "blocus" pour "les faire plier l'échine devant les exigences fiscales" de la "République Française".
Lorsqu'on réalise que Mr Montebourg - sans particule - revendique le titre de conseiller et d'inspirateur de Mme Royal - sans couronne -, on sent d'instinct que l'avenir est entre de bonnes mains...

D'autant plus que pendant ce temps, les immeubles vacants de Paris sont "réquisitionnés" en toute impunité par les soi-disant défenseurs des sans-abri et rebaptisés avec un irrésistible sens de la dérision, "Ministère de la Crise du Logement".
Il faut préciser que le ministre de l'intérieur, candidat à la "Grande Election", et l'actuel tenant du titre, rivalisent de leur côté en propositions bien ronflantes et démagogiques "sur le droit au logement opposable". C'est tellement simple ! Comment diable se fait-il qu'ils n'y aient pas songé avant ?
Allons-y gaiement donc. Puisque nos dirigeants ont manifestement trouvé la Corne d'Abondance, il n'y a pas de doute, la vie va être belle et l'année a toutes les chances d'être - comme d'habitude - fort-minable !

27 décembre 2006

L'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre*


L'année 2006 se termine sur cette triste image (Le Figaro) : Paris envahi par les tentes servant de refuge aux sans-abri dont la cohorte ne cesse de grossir.
En dépit de toutes les rutilantes politiques sociales mises en oeuvre depuis des décennies, de tous les beaux discours sur la fracture sociale, du rejet affirmé sans discontinuer du libéralisme par tous les dirigeants, la France semble s'enfoncer inexorablement dans la pauvreté.
Il y a de moins en moins de riches et malheureusement de plus en plus de pauvres.

Les impôts et charges n'ont jamais été aussi lourds sur le dos des contribuables et pourtant le PIB par habitant ne cesse de décroître. Ceux qui ont encore quelques moyens ont perdu la plupart de leurs illusions, écrasés qu'ils sont depuis tant d'années par la bureaucratie, les vaines paroles et la fatalité.

2007 peut encore devenir l'année d'un nouveau départ. Plût au ciel qu'enfin les Français prennent conscience qu'on ne fait pas le bonheur d'un peuple avec des principes et de l'idéologie. Plût au ciel qu'ils comprennent que l'Etat sera toujours moins efficace qu'eux mêmes pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne. Plût au ciel enfin, qu'ils acceptent le seul principe qui vaille, celui de Liberté. Liberté d'agir, liberté de raisonner, liberté d'aider, liberté d'entreprendre, et liberté de se débarrasser une fois pour toutes des bonimenteurs et des vendeurs de promesses !

* : Maurice Blanchot (1907-2003)

26 décembre 2006

S'il vous plait, dessine-moi un pôle...



Les hôpitaux sont sous le coup d'une singulière réforme. On l'appelle la "Nouvelle Gouvernance". Elle restructure pour la nième fois l'organisation interne des établissements en les contraignant cette fois-ci à regrouper les traditionnels services en "pôles". Au surplus, elle crée quantité de commissions, conseils et autres instances "stratégiques" ou "exécutives" et assujettit l'esemble à une gestion financière "à l'activité" dite T2A ("Tarification à l'activité").
Si l'intention est sûrement excellente, tout cela semble hélas bien bancal et surtout d'une incroyable complexité, car comme de bien entendu toutes les strates de ce qui faisait l'organisation ancienne restent en place !
Voici la vision que pourrait en avoir un Petit Prince, candide mais à l'esprit pratique, s'il arrivait impromptu dans cet univers :


"Si le Petit Prince débarquait sur la planète hospitalière il aurait sûrement une foule de questions à poser. Probablement, une des premières toucherait au chambardement qui remue actuellement ce vibrionnant microcosme : la nouvelle organisation en pôles d'activité ou Grande Pôlinisation comme l'appelle un de mes amis.

Mais s'il fallait dire à ce gentil candide de l'astéroïde B612, en quelques mots ce qu'est ou sera un pôle, on éprouverait à l'image des innombrables formateurs, informateurs, conseilleurs, manageurs, pourtant bien intentionnés et volontaires quelques difficultés.
Alors on commencerait peut-être par évoquer ce que ça n'est pas. Ça serait toujours autant de temps de gagné... Sans compter qu'il ne faut pas faire naître trop d'illusions. Un petit extra-terrestre candide pourrait en effet imaginer des choses trop simples. Par exemple qu'il s'agisse d'une notion commode permettant de réunir quelques entités un peu égarées en quête d'unité. D'autant qu'il y en aurait parfois besoin dans certains endroits...

On pourrait imaginer par exemple rassembler des services aussi proches conceptuellement que le SAMU, les Urgences et la Réanimation, ou encore la Maternité, la Pédiatrie et la Néonatalogie, ou bien la Cardiologie et la Pneumologie etc... Mais il faut se rendre à l'avis des experts : ce serait une erreur tant la spécialisation tend à les éloigner les uns des autres, à la manière des galaxies propulsées par l'inexorable expansion de l'univers. Même les établissements qui avaient construit il y a quelques années des pavillons consacrés aux Urgences ou à la Femme et à l'Enfant se posent désormais des questions. Les équipes communes prennent leur autonomie, les listes de gardes s'individualisent, et plus généralement pour le personnel, le jeu des vases communicants inter-services se réduit de plus en plus.
Et puis nombre de médecins l'affirment, ces spécialités c'est certain, doivent désormais se concevoir davantage comme des filières « territoriales » spécifiques que comme des agrégats internes hétéroclites. Pour le SAMU c'est consubstantiel à sa nature. Pour les Urgences c'est devenu naturel de raisonner « en réseau » reliant les SAU (Services d'Accueil et d'Urgences) aux UPATOU (Unités de Proximité d'accueil, de Tri et d'Orientation des Urgences). Quant à la Réanimation, sa mission sectorielle est même inscrite dans le SROS (Schéma Régional d'Organisation Sanitaire) ! On pourrait décliner le raisonnement discipline par discipline et ça aurait même un nom : le Projet Médical de Territoire !
L'ennui, c'est que la Loi sur les pôles n'a tout bonnement pas prévu ce type de fonctionnement. Des pôles de territoires, cher Petit Prince ça n'existe pas !
Évidemment, vu le tourbillon concentrationnaire asphyxiant progressivement les petites structures, il est probable que dans quelques années l'emblématique réseau territorial se résume à un seul établissement. Dans ce cas tout redeviendrait envisageable, mais n'anticipons pas, c'est déjà assez compliqué comme ça !

Pour résumer la situation, un pôle ça n'est pas vraiment fait pour réunir de manière cohérente les services. De toute manière, s'il s'agissait de cela on l'aurait déjà fait puisque les outils gestionnaires adéquats existent depuis belle lurette : les fédérations ou mieux encore, les départements !
Un pôle, entend-on parfois, c'est une « entité de gestion ». Mais si on explique cela aussi crûment au Petit Prince, il chercherait aussitôt à savoir ce qu'est concrètement une entité de gestion et à quoi ça sert. Il faudrait alors lui expliquer que c'est quelque chose qui permet « de mettre en oeuvre la contractualisation interne » et « d'optimiser la tarification à l'activité ».
Il se croirait alors à coup sûr de retour sur la planète du businessman et voudrait sans doute obtenir des précisions sur la nature de ces fameux contrats et sur les millions de la T2A.

Allez donc éclairer sa lanterne ! Faudrait-il lui révéler que la contractualisation est inscrite dans le grand livre de la loi depuis 15 ans mais que personne ne l'a encore vue de près ? Qu'il s'agit maintenant de faire confiance aux pôles qui ne disent rien de plus précis sur le sujet ?
Quant à la T2A si on lui explique qu'elle sert à additionner les millions mais que plus il y en a, moins il ont de valeur, il trouverait le jeu un peu bizarre. Comme de compter les étoiles et de se figurer qu'on les possède après avoir inscrit leur nombre sur un papier soigneusement rangé sous clef...
Bref, on aurait du mal à le convaincre de l'efficacité des pôles en terme de gestion.

Alors il reste bien une hypothèse. Celle postulant que les pôles puissent servir à donner aux hôpitaux davantage de cohérence vu de l'extérieur. Que le méli-mélo des unités fonctionnelles, des services, des « centres de responsabilités » qu'on appelle « fichier de structure » se simplifie et procure aux béotiens une meilleure lisibilité.

Mais il ne faut pas rêver. Toutes les entités existantes subsistent et aucune méthode reproductible ne guide comme on l'a vu plus haut la conception des pôles. Encore plus que les moutons, il y a mille et une façons de dessiner ces machins. On pourrait par exemple concevoir - si l'on dispose évidemment d'un nombre suffisant de directeurs - un pôle par service, ce qui aurait l'avantage de superposer parfaitement les deux notions, donc de faire de substantielles économies en terme de restructurations. A l'inverse un seul pôle regroupant l'ensemble des unités est tout aussi plausible. En tant que DIM (Département d'Information Médicale) cette dernière option ferait bien mon affaire d'ailleurs. Je songe souvent à un monde dans lequel il ne serait plus nécessaire de débiter les RSS (Résumé Standardisé de Séjour) en tranches de RUM (Résumé d'Unité Médicale), de coder et d'analyser tout ça séparément, et de dépenser des kilos de salive pour tenter d'expliquer la différence subtile entre ces notions ou d'extrapoler de saugrenus et virtuels budgets de services. Pour le Bureau des Mouvements ça serait le bonheur aussi...

Entre ces extrêmes, gageons que les hôpitaux ne manqueront ni d'imagination ni de fantaisie pour inscrire leur schéma personnalisé. Ils resteront donc aussi complexes, aussi impénétrables, aussi incomparables qu'avant et les pôles seront sans doute de gros monstres de papier générant beaucoup de réunions, de conseils, de projets, d'objectifs, de chefs, de sous-chefs. Bref la routine quoi...

En somme le Petit Prince s'il nous rendait visite, repartirait un peu dubitatif, pensant que la réforme des pôles, « c'est amusant, c'est assez poétique, mais ce n'est pas très sérieux. »

Publié dans DH Magazine No109, Oct-Déc 2006

Land of plenty


A travers 2 personnages que tout semble opposer, Wim Wenders offre sa vision de l'Amérique blessée mais ambivalente d'après le « nine/eleven ».

Le film est dominé par les mésaventures burlesques d'un personnage totalement déjanté, Paul, ancien vétéran du Vietnam, auto-proclamé « gardien de la sécurité nationale ».

Dans une camionnette, bricolée par ses soins, bourrée de gadgets électroniques, il sillonne inlassablement les rues de Los Angeles, surveillant les activités de toute personne ou de tout groupe « suspect » de velléités terroristes. Même s'il voit des complots partout, il n'est toutefois pas méchant. Enfermé dans des certitudes grotesques, il ne comprend à l'évidence rien du monde qui l'entoure. Il suit des pistes qui ne mènent nulle part, mais il est persuadé d'oeuvrer pour le bien.

De son côté une jeune femme, Lana, dont on apprendra qu'elle lui est très proche, débarque précisément du Proche-Orient où elle effectuait un voyage humanitaire. A l'inverse de Paul, elle manifeste une très large ouverture d'esprit et possède de grandes qualités de coeur. Elle est connectée sur internet, donc en prise sur le monde, et consacre tout son temps au service d'une mission d'aide aux SDF.

Ce film est assez touchant. Bien que le cinéaste montre un parti-pris très anti-Bush, comme il se doit en tant qu'artiste « éclairé », il ne traite pas son sujet de manière trop vindicative ou caricaturale. L'approche intimiste d'évènements gigantesques reste hélas assez rudimentaire. Les personnages un peu trop « fabriqués » pour la démonstration, manquent de crédibilité et ne portent pas très loin le raisonnement du cinéaste. D'autant qu'il manque la touche poétique décalée à laquelle il nous avait habitués. Une mention pour la magnifique chanson de Leonard Cohen qui donne son titre au film et sur laquelle il s'achève en beauté.

19 décembre 2006

Le mystère de Nicolas de Staël



Certaines destinées sont hors du commun. Celle de Nicolas de Staël, tourmentée et lumineuse, est de celles-là.
Son œuvre exprime avec une magnifique prégnance les intenses passions intérieures dans lesquelles se consumèrent les dernières années de sa courte vie terrestre.
Jusqu'à l'âge de 35 ans pourtant, il mena une existence obscure, difficile, marquée par le déracinement, la misère, les drames familiaux. Sa peinture durant ces longues années s'en ressent. Elle est sombre, épaisse, peu colorée et peine à s'extraire de lourdes compositions abstraites. Rien d'exceptionnel ni de transcendant ne caractérise cette période ("La vie dure" dit l'une d'entre elles).



A partir de 1950 environ, sa palette s'éclaircit soudain. Comme s'il était mu par une intuition géniale, il se met à alléger la pâte qu'il entreprend d'étaler sur la toile de manière fluide et lyrique. La couleur éclate et les formes tout à coup sous ses pinceaux, prennent une signification directement tangible. Ce style nouveau, régénéré, qui s'échappe de la gangue abstruse et aléatoire dans laquelle il paraissait végéter, ne devient pas pour autant figuratif, au sens classique du terme. Il fait beaucoup mieux. Il prend son envol, avec une sorte de divine certitude, au dessus de l'infini qui s'offre subitement à l'artiste, et se met à cheminer hardiment sur la ligne ténue et mystérieuse entre le réel et le poétique. Il transmue la matière et donne du monde une interprétation idéale, à la fois intemporelle et aérienne.

Par le jeu de subtiles transitions de gris, vibrant autour de somptueux aplats colorés, s'opère une incroyable transfiguration. C'est un univers illuminé qui naît sous les doigts enflammés du peintre. La lumière envahit le champ du possible, inonde les compositions, fascine le regard, interroge l'intellect de manière éperdue.

Nicolas est comme électrisé par ce don terrifiant qui surgit de nulle part. En cinq ans à peine il jette sur la toile près d'un millier de tableaux magiques. Il travaille jour et nuit, comme s'il était possédé par les visions indicibles qui dévorent son esprit. La grâce, la plénitude, l'insondable peuplent son imaginaire.

Il vit une expérience hallucinante de totale immersion artistique. Son art est à la fois incroyablement fragile et parfaitement maîtrisé.

Comme il s'en réjouit lui-même : « L'espace pictural est un mur, mais tous les oiseaux du monde y volent librement. À toutes profondeurs ».

Combien de fois ai-je ainsi médité devant ces sublimes toiles, dans le cadre enchanteur du Musée d'Antibes où elles résident à demeure ? Combien de fois ai-je cherché l'explication de l'étonnant envoûtement dont je fus saisi définitivement au sortir de l'adolescence, lorsque je vis pour la première fois en visitant le musée André Malraux du Havre ces merveilles d'équilibre, de lumière et de liberté. Combien de questions me suis-je posées pour tenter de comprendre le mystère qui émane de l'océan rouge et des lignes épurées du "Grand Concert", peint quelques jours à peine avant la mort brutale, tragique, énigmatique, du peintre ?

L'art de Nicolas de Staël est à nul autre comparable. Parmi les peintres du vingtième siècle, ni Picasso, ni Braque, ni même Matisse que j'aime beaucoup, ne parviennent à me communiquer une émotion aussi intense. Je ne trouve nulle part ailleurs cette alchimie incroyable qui me transporte aussi inlassablement. Seules peut-être, les variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach me font, au plan musical, une impression comparable. C'est une perpétuelle source de joie. Un hymne bouleversant à la Liberté de l’Être.

15 décembre 2006

Pour Jean-François Revel, et Direct 8...

Moment culturel très agréable ce soir autour de l'excellent François Busnel, sur Direct 8, la petite chaîne qui grimpe, de la TNT (Les livres de la 8).
En direct, le plateau réunissait quatre auteurs venus d'horizons très divers : André Asséo, qui témoignait de son affection pour Louis Nucéra auquel il vient de consacrer une biographie, André Comte-Sponville qui disserta sur l'esprit de l'athéisme, Jean-Pierre Luminet qui fit de même sur le destin de l'Univers et sur la nature des trous noirs et de la matière invisible (qui représenterait plus de 99% de la masse de l'univers !). Enfin, last but not least Pierre Boncenne, heureux lauréat du prix Renaudot, venu présenter son ouvrage « Pour Jean-François Revel ».
Ah Jean-François Revel ! Drôle de type tout de même. Il écrivit abondamment sur la philosophie mais les philosophes le dédaignent, il fut un remarquable journaliste mais n'est quasi jamais cité par ses pairs, il se disait de gauche mais fut opiniâtrement méprisé par le gratin autoproclamé de ce clan sectaire.
Boncenne nous apprend que son livre est le premier au monde sur le sujet ! Qu'il fut refusé par un premier éditeur au motif que Revel « était de droite ». On croit rêver... Faut-il en déduire que l'esprit critique ait définitivement déserté la France ?
Incontestablement l'homme fut un esprit libre. Pour autant, ses prises de positions peu orthodoxes étaient manifestement dictées par le souci de rationalité, bien plus que par celui de provoquer. Car c'était un être éminement raisonnable et pondéré, quoique d'une insatiable curiosité. Sans doute pas à la manière de Descartes qu'il avait défini comme un des derniers penseurs médiévaux, mais plutôt comme un sceptique optimiste dans le sillage des philosophes anglo-saxons. Un vrai libéral quoi.
Je reste pour ma part profondément imprégné par quelques uns de ses ouvrages que je juge particulièrement efficaces et décapants : « Descartes inutile et incertain », « Pourquoi des philosophes », « La connaissance inutile », « L'obsession anti-américaine ».
Le style est alerte, concis, précis et l'argumentation fait souvent mouche pour quiconque n'a pas trop de parti pris. Un régal intellectuel.
Certes, le personnage recèle également des aspects moins flatteurs. Une certaine suffisance, dont sa personne, joufflue, massive, était en quelque sorte le reflet. Au rang de ses ouvrages les moins réussis figure à mon avis son autobiographie « le voleur dans la maison vide ». On y trouve précisément cette tendance égocentrique, cette tranquille certitude d'avoir raison, cette préoccupation permanente de se montrer à chaque instant sous le meilleur jour.
Dans le même ordre d'idées, la volupté apparente avec laquelle il enfila le costume d'académicien au soir de sa vie, fut touchante tant elle révélait l'intense satisfaction dans laquelle se pâmait son ego.
Il me reste à l'esprit cette anecdote : au moment où je cherchais désespérément des conseils et un éditeur pour mon premier livre, j'écrivis à Jean-François Revel pour lui demander s'il accepterait de lire mon manuscrit. Je ne me faisais guère d'illusions mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je reçus en guise de réponse, quelques mois après ma sollicitation, un faire-part enluminé signé Bernard Pivot, me proposant de participer à l'achat de l'épée d'académicien du grand homme !
Cela ne m'empêchera toutefois pas de prendre connaissance de la plaidoirie de Boncenne, avec naturellement un oeil critique...

09 décembre 2006

Ségolades et Douste-blablas


La légèreté, l'inconstance, et la pusillanimité dont font preuve la plupart des politiciens français dans leurs analyses concernant le Proche-Orient a de quoi faire frémir.
Il y a quelque jours madame Ségolène Royal, qui aspire aux plus hautes fonctions de l'Etat, était en voyage dans cette partie plutôt agitée du globe.
Rencontrant les dignitaires du Hezbollah, dont elle ne peut ignorer la nature terroriste anti-occidentale, elle révéla qu'elle partageait une bonne partie de leurs opinions (« Il y a beaucoup de choses que je partage dans ce que vous avez dit, notamment votre analyse sur les États-Unis. » cité par Rioufol). Elle a condamné par la même occasion le survol du Liban par l'aviation israélienne.
Deux jours plus tard en Israël, dont elle sait qu'il est le principal allié des Américains dans la région, avec Olmert elle revendiquait le droit à la sécurité du peuple hébreu, et disait finalement comprendre le même survol du Liban. Plus fort, elle alla même jusqu'à refuser à l'Iran le droit de disposer d'installations nucléaires civiles !
Et, comme pour donner une dimension messianique à son périple elle se crut obligée en l'achevant, de se délester d'une lapalissade aussi pompeuse que superfétatoire : « Je forme le voeu (...) que se lève une paix durable et de nouvelles forces de vie. Le progrès du monde a besoin d'un Proche-Orient réconcilié avec lui-même" (Le Monde).

Parmi les réactions moqueuses ou critiques qui ponctuèrent ce joli coup d'épée dans l'eau médiatique, celle de monsieur Douste-Blazy, sémillant ministre des Affaires Étrangères, figure comme un morceau d'anthologie. Il s'insurgea en effet contre la prise de position de la candidate, au motif qu'elle traduit une méconnaissance profonde du sujet : "Remettre en cause le droit de l'Iran à obtenir l'énergie nucléaire civile, je dis bien civile, comme vient de le proposer Madame Royal c'est en réalité remettre en cause le Traité de non prolifération qui a été signé par la quasi-totalité de tous les pays du monde" (L'Express).
Or le même Douste-Blazy, comme je l'avais déjà relaté, affirmait pourtant début 2006 : «Aujourd'hui c'est très simple : aucun programme nucléaire civil ne peut expliquer le programme nucléaire iranien, donc, c'est un programme nucléaire militaire clandestin».
Mais Le cher Douste n'est guère moins volage que Ségolène. Quelques mois après il n'hésitait pas à reconnaître
au même Iran un « rôle de stabilisation dans la région »!
Pauvre France...

06 décembre 2006

La méthode assimil


On entend souvent (pas plus tard que le 4/12/06 sur France Inter dans le très partisan 7-9h30) comparer dans la même abjection deux dictateurs sud-américains : Augusto Pinochet et Fidel Castro.
Cet amalgame très réducteur est symptomatique de la pauvreté de la pensée politique en France et de sa nature manichéenne.
Peut-on mettre sur le même plan ces deux personnes que rien ne rapproche ? Je ne le pense pas pour ma part.
Castro, fils d'un riche planteur, a inscrit son nom dans la longue, très longue liste des tyrans inféodés au marxisme-léninisme, si dévastateur à travers le monde. Au pouvoir depuis 45 ans, à la faveur d'une révolution sanglante fabriquée par ses soins, il a installé un absolutisme basé sur la terreur, qui n'a molli à aucun moment et peut compter ses victimes par centaines de milliers, soit qu'elles furent emprisonnées, soit purement et simplement assassinées. Il a placé son pays dans une situation conflictuelle absurde avec les USA qui l'avaient pourtant libéré de la tutelle espagnole en 1898, et l'a plongé dans l'arriération intellectuelle et la pauvreté.
Les gens qui défendent encore ce bastion odieux de l'intolérance prétendent que l'éducation et la santé y sont gratuites. C'est naturellement faux car comme pour toute chose ici bas, elles sont forcément payées par quelqu'un. Au surplus, la première relève plus de l'endoctrinement que de l'enseignement, quand à la seconde elle reste d'un piètre niveau en dépit des éloges complaisants de l'OMS.
Pinochet, originaire à l'inverse, d'une famille modeste est parvenu au pouvoir à l'occasion d'une guerre civile dont il fut un des acteurs principaux, mais sans a priori idéologique autre que celui d'empêcher précisément l'installation du communisme (qui récolta sous le nom d'Allende, 36% des voix, à l'occasion d'une catastrophique élection triangulaire). Cet épisode fut émaillé sans nul doute de drames humains nombreux et coûta la vie a environ 3000 personnes. Pinochet installa un régime autoritaire, mais sans commune mesure toutefois avec celui de Cuba et surtout, il organisa la transition démocratique de son vivant. Aujourd'hui, le Chili est le pays le plus stable politiquement d'Amérique du Sud et le plus riche de très loin en PIB/habitant.
Ces faits sont incontestables et rendent incompréhensibles les flagorneries irresponsables dont bénéficia si longtemps Castro de la part de nombre de dirigeants et de « faiseurs d'opinion » notamment français. Aussi incroyable que cela paraisse, jusque aux plus hautes sphères de l'Etat, Castro, surtout du temps qu'il était flanqué de son archange pervers Ernesto "Che" Guevara, était en dépit d'évidences criantes, gratifié d'une aura de révolutionnaire épris de justice et de progrès !
Dans le même temps ces censeurs obtus, drapés dans les oripeaux d'une vertu à sens unique, accusaient de tous les maux, le président chilien, assimilé à une sorte de Néron fasciste. La communauté des bien-pensants alla même jusqu'à tenter de le traduire en justice à l'occasion d'un traquenard diplomatique grotesque, occultant ainsi le droit d'un peuple libre de juger son dirigeant en toute connaissance de cause.
Les temps changent mais les assimilations demeurent toujours aussi grossières et partisanes.
Aujourd'hui, ces mêmes idiots, aussi éclairés par leur dogmatisme arrogant que des taupes par le plein jour, se réjouissent ostensiblement du basculement "à gauche" de l'Amérique du Sud, englobant dans le même émerveillement anti-libéral et anti-américain (car au fond c'est ça et seulement ça qui les meut) Lula, Bachelet d'une part et Morales, Chavez de l'autre ! Eternel recommencement...

01 décembre 2006

Etonnante Amérique des cloîtres



Lues dans « Escales d’un européen », ouvrage d’André Fraigneau, récemment réédité, ces opinions sur les Américains : "Ils sont propres, discrets, respectueux des autres et ceux qui s’intéressent à la culture sont fort informés, délicats et attentifs. Ce à quoi ils ressemblent le plus, c’est aux Allemands et aux Hollandais. Pas du tout aux Anglais indifférents ou aux Français suffisants et dépourvus de curiosité. " Ou encore : "l’Amérique, non seulement nous ressemble, mais nous rassemble, Européens éminents. "
Evoquant le musée des Cloîtres sur la longue colline qui domine l’Hudson, où plusieurs trésors de l’architecture gothique ont été reconstruits pierre par pierre à partir de ruines laissées à l'abandon en France : " Chacun de ces oratoires ouverts aux profanes qui veulent y méditer à leur manière et à leur guise, aux jeunes Américains trop pauvres ou trop jeunes pour visiter la vieille Europe mais qui veulent en rêver et écouter sa leçon, est composé de quelques fragments, non pas volés, arrachés par force, mais cédés par un gouvernement dont la volonté était de détruire ces édifices religieux d’en disperser les restes, de les laisser briser, servir de matériau aux citoyens enfin laïcisés. Mais le grain de porphyre, de granit ou de marbre n’a pas été réduit en poudre, ils n’est pas mort, il a poussé ici en bonne terre, respectueusement préparée et il continue son office. "
" Rockefeller a acquis cet espace immense pour y interdire toute construction industrielle, pour assurer le fief du musée, ou plutôt du monastère aux quatre cloîtres, aux deux chapelles dont la Beauté est la règle. "
"L’Amérique a le raffinement des races fortes, celui des Florentins de Laurent de Medicis ou des Versaillais de Louis XIV. "
Je me souviens avoir découvert pour la première fois cette étonnante aventure des "Cloisters" dans un livre de Georges Blond, "J'ai vu vivre l'Amérique". Et son cri du coeur, après avoir admiré les abbayes de Saint-Michel-de-Cuxa, Saint-Guilhem-le-Désert, Bonnefont-en-Comminges et Trie reconstituées amoureusement à quelques kilomètres des gratte-ciel de New York : " Eclate, génie de l’Europe ! "
Et je me prends à fulminer intérieurement : " Bon sang pourquoi tant d'incompréhension de la part du vieux monde vis à vis d'un rejeton aussi éclairé et respectueux ? " Jalousie recuite des vieilles peaux ratatinées pour les plus jeunes peut-être...