Il faut préciser qu'en 2004, l'écrivain américain Philip Roth avait largement contribué à répandre cette idée saugrenue avec son roman « Le complot contre l'Amérique ».
Cet ouvrage se veut une réécriture de l'histoire, à partir d'une hypothèse personnelle plutôt fantaisiste de l'auteur. Il paraît qu'on appelle ça une uchronie. Un exercice qui pourrait être amusant s'il se limitait à l'instar de Blaise Pascal, à imaginer par exemple ce qui serait advenu si le nez de Cléopâtre eût été plus court... Mais qui peut s'avérer extrêmement déplaisant lorsqu'il se fonde sur des amalgames grossiers, sur des insinuations calomnieuses voire carrément sur le mensonge. On sait trop bien qu' « avec des si on pourrait mettre Paris en bouteille ». On peut donc ruiner une réputation ou tout simplement, pervertir la réalité.
On peut vérifier tout d'abord que Lindbergh, descendant d'émigrés suédois, est bien l'aviateur qui pour la première fois en 1927, à l'âge de 25 ans, a rallié en vol solitaire Paris à partir de New-York. Ouf ! On l'avait presque oublié...
Il n'était certes pas le premier à traverser l'Atlantique en avion puisque l'équipage constitué de John Alcock et Arthur Whitten Brown avaient rejoint en 1919 l'Irlande à partir de Terre-Neuve. Mais personne avant lui n'avait encore fait le voyage New York-Paris seul et sans escale.
Lindbergh connut une gloire indescriptible après cet événement. A la mesure de celle qui accompagna les astronautes qui les premiers foulèrent le sol lunaire. Il la paya toutefois très cher. En 1932, son fils aîné fut enlevé contre rançon et assassiné par ses ravisseurs. Comme on peut s'en douter cette terrible épreuve le marqua définitivement.
En France où il vécut également durant ces années, il se lia avec Alexis Carrel, prix Nobel de Médecine, et les deux hommes travaillèrent sur un projet de coeur artificiel.
Dans l'immédiat avant-guerre, Lindbergh sous-estima manifestement le danger représenté par l'Allemagne nazie. Il fut pacifiste au moment des évènements de Munich, estimant que l'entrée en guerre à l'époque, aurait conduit notamment l'Angleterre, à une défaite quasi certaine. Il faut ajouter qu'à l'instar de nombreuses personnes, il pensait que le plus grand danger de l'époque était le communisme, qui menaçait à ses yeux toute la société occidentale. Cette opinion fut aussi celle du Général Patton et bien sûr de Churchill qui l'exprima plus tard :"j'ai peur que nous n'ayons tué le mauvais cochon". Bien avant guerre Lindbergh avait pour sa part prédit avec une surprenante précision l'installation du rideau de fer.
En 1941, il eut quelques paroles malheureuses, accusant notamment les Anglais, les Juifs et l'Administration Roosevelt de presser les Etats-Unis d'entrer dans une guerre qui ne les concernait en rien (tiens ça pourrait évoquer certaines prises de positions au sujet de l'Irak...). Dans le même temps il affirmait toutefois que ces propos n'étaient pas une attaque du peuple juif ou anglais « qu'il admirait tous les deux ». La même année, il déclara d'ailleurs « qu'aucune personne dotée d'un minimum de dignité et d'humanité ne pouvait tolérer le traitement que faisait subir l'administration allemande aux Juifs ». Plus tard, après guerre lorsque l'horreur des camps de concentration fut dévoilée il manifesta un grand désespoir ne n'avoir pas été assez clairvoyant.
Lors de l'attaque de Pearl Harbor, Lindbergh comprit que l'intervention américaine était indispensable. Il combattit d'ailleurs dans le Pacifique et tous les témoignages de l'époque vantent son courage et son patriotisme. Au surplus, il améliora les qualités techniques des bombardiers P38 en leur permettant de faire des missions beaucoup plus longues et efficaces.
Enfin, à aucun moment de cette période tumultueuse, contrairement à la supposition de Philip Roth, il ne manifesta la moindre intention d'être candidat à l'élection présidentielle...
Il mourut en 1974 à Hawaï où il est enterré.