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04 janvier 2008

Happy Bluesy Year


Puisqu'il faut bien y entrer bon gré mal gré, autant commencer l'année en fanfare.
Foin des analyses torves, sonnant faux, qui se plaisent à décortiquer avec mépris et mauvaise foi le moindre mot d'un discours de voeux présidentiel, je préfère pour ma part , et sans arrière-pensée, la vraie musique.
Avec le Blues inoxydable, c'est tellement plus facile.

Avec Bernard Allison par exemple, digne fils de Luther, c'est tout bon. Energized comme le dit le DVD enregistré en Allemagne en 2005. Le Blues sous ses doigts est vitaminé, ça vous remettrait debout un mort et ça peut décongestionner les naseaux de ceux qui auraient perdu le goût des bonnes choses.
Bon sang ne saurait mentir, l'homme au chapeau noir, orné de têtes de serpents reprend avec vigueur de nombreuses créations de son père. Derrière lui Jassen Wilber à la basse, Andrew Thomas à la batterie et Mike Vlahakis lui procurent un soutien sans faille.
C'est généreux, libre et spontané.


Dans un autre genre, Eric Clapton contribue à populariser cette musique, en organisant régulièrement depuis 1998 et en produisant un grand happening bluesistique à l'appui de sa mission caritative, Antigua, venant en aide aux victimes des addictions. Magnifiques manifestations où se côtoient le gratin du style et les générations montantes. Parmi les grands anciens, en juillet 2007 à Chicago, figuraient B.B. King, Johnny Winter, Willie Nelson, Buddy Guy, Jeff Beck, Hubert Sumlin, Robert Cray et naturellement le maître de cérémonie lui-même. Que d'émotion dans ces jam sessions échevelées, débordant de verve et de bonnes vibrations !

ET dans la jeune classe, chaque année apporte son lot de nouveaux talents. Quel bonheur de savoir le Blues en bonnes mains. Et n'en déplaise à ceux qui croient que la culture anglo-saxonne est à bout de souffle et d'inspiration. Personnellement, je les aime tous, les Robert Randolph, Doyle Bramhall II, Derek Trucks et compagnie, mais j'ai une tendresse toute particulière pour
John Mayer. Ce petit gars à la figure angélique, à la voix de velours légèrement râpé et aux tatouages de Long Rider, possède déjà un toucher de guitare qui s'envole vers les cieux. Bien qu'il chante Gravity, c'est avec une grâce aérienne et irrésistible qu'il subjugue son auditoire.

Et pour finir, après un tel arc-en-ciel, juste un paisible retour aux sources avec Tail Dragger, héritier rocailleux du grand Howling Wolf. Derrière le dépouillement d'une forme sans artifice, s'élève en majesté l'âme des gens de bonne volonté. Sans manière, sans prétention mais avec coeur gros comme le moulin d'une vieille mais rutilante Oldsmobile. My head is bald dit la chanson. Mais sous le crâne usé c'est du pur jus croyez-moi. C'est bon comme le bon pain et bon sang de bonsoir, ça vous donne vraiment envie de continuer sur le bout de chemin qui se profile à l'horizon.... Bonne année !

05 septembre 2007

Fine and Mellow

Septembre est là avec ses parfums nostalgiques. Soleil incliné, douceur des jours mais moroses perspectives... Le temps idéal pour le Blues.

Avec un DVD consacré à Billie Holiday je me laisse aller à ce tendre et doux désespoir. (Yet now despair is mild disait Shelley...) Sorti à tout petit prix chez Salt Peanuts, il permet de retrouver Lady Day au travers de quelques sessions envoûtantes. De 1950 à 1959, l'année même de sa disparition, le charme opère pleinement derrière ces images en noir et blanc, incertaines mais si évocatrices. Comment résister à cette voix fragile mais indicible qui dit de manière bouleversante la grandeur tragique de l'existence ? Cette manière poignante de transcender humblement le drame du quotidien : If you treat me right, baby I'll stay home everyday If you treat me right baby I'll stay home night and day...

Comment rester insensible à ces mélodies simples qui glissent comme des larmes chaudes, en apaisant pour le coeur et l'esprit, les peines et l'anxiété ? Et comment ne pas fondre devant ces regards empreints d'une grâce aérienne, qui vous interrogent au delà du temps qui s'écoule.

Pas un commentaire superflu, pas une coupure ne viennent interrompre ces instants ensorcelants. L'émotion est là, à l'état pur.

On retrouve notamment cette session magique, rassemblant autour de la chanteuse une pléiade d'artistes et d'amis particulièrement inspirés et attentionnés. Roy Eldridge, Vic Dickenson, Ben Webster, Gerry Mulligan, Coleman Hawkins et naturellement Lester Young. D'elle et de lui, tous deux si torturés par la vie, tous deux si proches et si loin en même temps, Alain Gerber a dit des mots que je ne peux m'empêcher de répéter ici tant ils sont magnifiques et justes : « trop émerveillés d’être ensemble pour ne pas rester des amants chastes, qui n’enlacent que leurs musiques. Qui se moquent des fêlures dans les ciels de faïence . Et qui font des miracles comme on fait des chansons. »

Pour ceux qui voudraient retrouver un peu de la substance de ce jazz intense et languide, je conseille l'écoute d'un disque de Madeleine Peyroux (Careless Love). Cette jeune Américaine a des inflexions qui ne sont pas sans rappeler celles de la Reine dont elle s'inspire manifestement. Très bien accompagnée, elle parvient à faire beaucoup mieux qu'une imitation. C'est donc vrai, le Blues ne meurt jamais.

22 mars 2007

Un coup de blues


Dans les moments de découragement et d'affliction, il est doux de pouvoir se tourner vers quelque chose de réconfortant. En d'autres termes, empruntés pour la circonstance à Charles Baudelaire :

« Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins... »

Il se trouve que le Blues agit sur moi comme un puissant cordial qui me requinque et m'aide à supporter les vicissitudes d'un quotidien parfois déprimant.
Et les « champs lumineux et sereins », ce sont dans mon imagination, les grandes étendues du Sud, ivres de soleil, au dessus desquelles s'est élevée comme par magie une musique ensorcelante, capable de réchauffer les coeurs en peine et en déréliction.
Par un curieux paradoxe, cette plainte écorchée scandant douloureusement la cueillette du coton, issue de la souffrance d'un peuple martyr, s'est enrichie et vivifiée à mesure qu'elle passait de bouches à oreilles le long du Mississipi. Les larmes et la sueur l'ont magnifiée. Fortifiée sans doute par d'indicibles et confuses espérances, elle s'est muée en un vrai chant de vie et d'amour, et celui-ci s'est saoulé de liberté en remontant avec les esclaves affranchis, du delta jusqu'aux grands lacs du Michigan de l'Indiana et de l'Illinois.
De cette route enchantée ont surgi quantité de chemins de traverses, débouchant sur la quasi totalité des courants musicaux du XXè siècle. Pour reprendre l'expression de Miles Jordan, du Chico News and Review, le Blues c'est toute la condition humaine dans douze mesures !

A tout seigneur tout honneur, Robert Johnson restera au Blues ce que Jean-Sébastien Bach est à la musique dite classique : une source intarissable. Ses rustiques compositions n'ont pas pris une ride et continuent d'inspirer jusqu'aux stars de la Pop music et du Rock and Roll. Même si certains surgeons ont été quelque peu galvaudés par le mercantilisme et la vulgarisation du genre, c'est un océan de passions, d'émotions, de tendresse, qui a déferlé sur le monde. Il n'est que d'écouter Eric Clapton ou Peter Green pour se convaincre de l'éternelle vigueur de cette musique.


Les artistes qui au terme de leurs pérégrinations, ont fait souche au Nord des Etats-Unis sont la sève d'une des branches les plus vivaces de cette musique : le Chicago Blues. C'est un des styles les plus élaborés, qui a su parfaitement exploiter à son profit les possibilités des instruments traditionnels occidentaux : piano, cuivres, violon, guitares. Grâce à l'électrification de ces dernières et à l'addition d'une solide base rythmique, cette musique a gagné en puissance, et tout en gardant l'authenticité de l'émotion, elle a développé une merveilleuse richesse mélodique.
Pour celles et ceux qui se sentent une affinité pour cette tendre simplicité, faite de chaleur et de douce exaltation, il existe encore de nos jours, de nombreux apôtres de cette religion du bonheur simple, qui n'ont rien perdu de la sincérité et de l'humilité originelles mais qui hélas sont bien méconnus dans nos chaumières.
J'en ai découvert deux récemment de manière fortuite :
Magic Slim, de son vrai nom Morris Holt, qui rappelle un peu par sa tranquille bonhomie le style de B.B. King. Avec ses amis réunis sous l'enseigne des Teardrops (Jon McDonald guitare, Christopher Biedron basse, Vernal Taylor batterie) il continue de sillonner inlassablement les routes américaines, à près de 70 ans. Sa débordante gentillesse n'est en rien entamée par un sourire quelque peu édenté, et une peau burinée, crevassée, parcheminée. Sa voix grasse et chaude accompagne à merveille un jeu de guitare affûté. C'est pur et beau comme l'eau claire qui coule en rivière.

Ou encore Jimmy Burns, plus jeune de 6 ans, accompagné par une formation du même type, simple et sans fioriture : Tony Palmer superbe guitariste, et une belle ligne de soutien composée de Greg McDaniel à la basse, et James Carter à la batterie. L'ensemble tourne merveilleusement et sur un shuffle impeccable, balance quelques riffs taillés comme des pierres précieuses.

Comme la musique de Bach, le Blues en définitive n'est jamais vraiment triste, même lorsque ses accents sont poignants. C'est une sorte de perpétuelle jubilation, ça déchire gaiement...

14 juin 2006

I'm a bluesman (Johnny Winter)

INDEX-MUSIQUE Ça tourne comme un vieux moulin réglé avec amour. Ça vrombit comme une antique et souple Oldsmobile sur une route poussiéreuse du Sud, saturée de soleil et de solitude. Quelque chose comme un éternel et limpide retour. Comme la quête cadencée d'un karma incandescent caché derrière des horizons lointains. La voix n'a plus la rudesse du bois brut et les ahanements de bûcheron ne sont plus que des feulements pincés. Mais on y perçoit les fêlures de la vie, qui palpitent subtilement comme les arômes indicibles d'un Bourbon hors d'âge. Les stridences métalliques de la guitare ont laissé la place à des riffs assagis, à des slides pathétiques mais il y a encore du jus et croyez-moi, ce n'est pas de la petite bière. Ça chatouille le gosier à la manière d'une décoction de cactus. Le Blues ne meurt jamais. Il est comme le sang, il est la vie. Il chauffe au fond du cœur et monte en frissonnant comme une vigoureuse et ensorcelante caresse. So long Johnny.... Be good !

Magic Time (Van Morrison)

INDEX-MUSIQUE Van Morrison a réussi le tour de force d'accommoder ses racines celtiques avec l'univers "southern" du Blues et du Jazz. Cela donne de subtils mais intenses arômes qu'on ne se lasse pas de déguster à chaque étape de sa prolifique carrière. On y perçoit les réminiscences de pubs noyés dans les odeurs épicées de tabac, qui traversent la nuit en s'égaillant au gré des vapeurs enivrantes de Guinness et de whiskey . On y trouve la poésie du vent sauvage qui fouette la lande et les bruyères en se chargeant des parfums telluriques arrachés à l'humus. Tout cela fait merveille pour exprimer les bleus à l'âme, et répond en écho au chant des Noirs qui scandaient sans repos leur détresse en cueillant le coton. Je dirais même plus, ça le transcende et ça le régénère. Avec cet album, voici un nouvel échantillon de cette alchimie unique. Les aficionados retrouveront sans nul doute la touche qui les ravit. Par exemple dès le premier morceau "Stranded" , qui s'abandonne dans cette sorte d'extase languide, mélange de voix chaude et déchirante de l'Irlandais et des sinuosités éthérées s'exhalant des saxophone, piano, guitare. Suivent d'autres perles du même filon : Celtic New Year, Just Like Greta, Gypsy in my soul, Magic Time... Au passage on signale un détour jazzy avec Lonely And Blue, hommage au fameux duo Razaf-Waller, magnifié à sa manière autrefois par Louis Armstrong (Black and Blue). Enfin un clin d'oeil brillant et enjoué à Franck Sinatra (This Love of Mine). En définitive un superbe disque, serein et apaisant, dont on aimerait faire de certaines paroles, une règle de vie : "Keep Mediocrity at Bay".