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23 mars 2009

Le Pape et les Préservatistes


Époque délicieuse ou seuls les propos du Pape sont encore susceptibles de choquer les Bourgeois (et bien d'autres pense-petits d'ailleurs...). L'inversion des valeurs est telle, l'abrutissement des esprits est si avancé que ce sont maintenant les concepts les plus naturels et les plus évidents qui paraissent les plus provocateurs. Stéphane Guillon et autres pitres amidonnés dans les ersatz de contre-culture n'y peuvent rien. Les horreurs dont ils font une surenchère très lucrative sont bien insignifiantes face à deux mots de Benoît XVI. Eux n'émeuvent pour tout dire que les victimes de leur humour pachydermique, et le président de la République (qui a sans doute encore du temps à perdre pour se faire leur agent publicitaire).
Deux phrases suffisent en revanche au Pape pour provoquer un tollé gigantesque qui remue tout le Landerneau. Chapeau l'artiste ! Qui n'y verrait le secours de la main de Dieu ?
Qu'on ne se méprenne pas. Loin de moi l'intention de sous-estimer le drame du SIDA, et tout aussi loin de moi l'idée d'une quelconque vénération du Pape. Je n'ai aucun d'état d'âme vis à vis de l'un et de l'autre. L'un est une maladie relevant de la Santé Publique, l'autre est le chef de certains Croyants, point. Quant au préservatif il est évident qu'il s'agit d'un moyen technique efficace pour lutter contre les maladies sexuellement transmissibles, mais j'ai beau me creuser les méninges, je ne vois vraiment pas son rapport avec la religion.
Car tout de même qu'y a-t-il de plus incongru que de demander au Souverain Pontife son avis sur ce capuchon de latex ? Autant interroger le poinçonneur des Lilas sur la direction des Upanishads, un garçon boucher sur l'intérêt du découpage moléculaire, ou même un socialiste sur la vraie nature de l'économie...
Ça faisait quelque temps que les mirlitons de la pensée unique cherchaient Benoit XVI. Avec ces propos sur le SIDA, arrachés par des journalistes au cours d'un voyage en avion, ils ont trouvé l'occasion rêvée : en plein charity-business du Sidaction, tandis que les nouveaux dévots rassemblés en messes médiatiques, arborent rituellement le fameux petit ruban rouge en se battant la coulpe pour répudier le VIH comme s'il s'agissait de Satan !
Qu'a donc dit Benoît XVI de si choquant ? Rien de fondamentalement différent de ce que disaient ses prédécesseurs jusqu'à Jean-Paul II : que pour l'Eglise, l'activité sexuelle se conçoit comme l'expression charnelle de l'amour et qu'en tant que tel l'amour vaut plus que le coït animal auquel une société matérialiste et jouisseuse cherche à le réduire. Autrement dit, dans sa sphère spirituelle ou la sexualité suppose relation durable et fidélité, le problème du SIDA ne se pose pas vraiment. On peut ajouter qu'en dehors même de toute considération religieuse, si la distribution de préservatifs était réellement efficace, les contaminations par le VIH auraient cessé depuis longtemps. Le préservatif est vieux comme le monde mais pour le SIDA comme pour la syphilis, il a surtout fallu attendre les médicaments. Ils n'ont pas empêché hélas la maladie mais en ont spectaculairement renversé le pronostic...
En définitive, cette polémique est une sorte de tempête dans un verre d'eau. Qui peut vraiment croire que tous ces petits Chrétiens offusqués seraient mieux aise si le Pape se mettait tout à trac à distribuer Urbi et Orbi les préservatifs en même temps que les bénédictions ? Et qui serait assez stupide pour comprendre son message de la seule manière qui soit vraiment dangereuse, à savoir suivre à la lettre sa consigne recommandant d'éviter l'usage de la capote, mais se soucier comme d'une guigne de son appel à l'amour fidèle et raisonné, et baiser comme un lapin tout ce qui passe à sa portée....

18 novembre 2008

La création en pleine évolution


Vieux débat que celui qui oppose les tenants de la théorie de la création du monde dits créationnistes à ceux qui préfèrent celle de l'évolution darwinienne, dits évolutionnistes. Et plus que jamais d'actualité. Ce jour même par exemple, la controverse fait la une du site internet du journal le Monde. Avec un titre suggestif, voire inquiétant : « Le créationnisme étend son influence en Europe ».
La controverse prend en réalité un tour de plus en plus extrême et mêle désormais de plus en plus souvent des considérations religieuses ou à l'inverse antireligieuses et plus généralement subjectives.
En France notamment, si les créationnistes sont souvent du genre prosélyte, les évolutionnistes manifestent un radicalisme matérialiste croissant, qui confine à l'intolérance. Au point qu'on serait parfois tenté de réduire le débat à une querelle moyenâgeuse entre Illuminés et Hérétiques.
En définitive, telle qu'on voit la problématique ainsi exposée, elle ne peut apparaître que vaine aux gens dénués de parti pris. La plus élémentaire humilité oblige en effet à reconnaître qu'à ce jour et sans doute encore pour longtemps, l'origine du monde et sa signification resteront mystérieuses aux êtres humains.
Pourquoi donc tant d'esprit partisan ?
Aucune des deux théories n'est en mesure d'apporter la moindre explication objective à ce processus vertigineux, qui hante qu'on le veuille ou non notre conscience. Et d'ailleurs, les deux concepts ne sont pas si contradictoires qu'il n'y paraît. Sauf à considérer que s'excluant l'un l'autre ils sont tous deux ineptes, on pourrait envisager, vu leur incomplétude respective, une intéressante complémentarité.
Même si l'hypothèse du Big-Bang suggère un début à l'univers et donc une création ex nihilo, il ne s'agit que d'une hypothèse tant il est difficile d'imaginer la notion de singularité de laquelle serait issu l'ensemble du cosmos. Nulle part de toute manière on n'a jamais aperçu au bout des lorgnettes les plus performantes, la barbe de Dieu.
Parallèlement la théorie darwinienne, qui apporte indéniablement quelques explications au processus de l'évolution du vivant, reste très fragmentaire et ne peut s'exonérer du fait que pour évoluer il faut d'abord exister...
Il n'est donc pas choquant d'enseigner le processus de l'évolution, à condition de ne pas prétendre qu'il explique tout. Le hasard et la nécessité sont de piètres arguments pour rendre compte de l'infinie diversité de la vie.
Il n'est pas non plus extravagant d'évoquer à la lumière de cette évolution, l'existence d'un dessein intelligent (Intelligent Design). De la bactérie à l'être humain, qui ne serait tenté de voir un progrès, difficile à attribuer au seul hasard ? Sous réserve naturellement qu'on n'en fasse pas automatiquement une preuve de l'existence de Dieu tel qu'il est représenté dans les principales religions.
L'attitude scientifique raisonnable consiste à ne rejeter aucune hypothèse sauf à avoir un argument formel incontestable ruinant les fondements de la construction intellectuelle. Même si on trouve mille raisons de conforter une théorie, cela ne suffira pas pour autant à affirmer qu'elle soit vraie. Une seule réfutation suffit en revanche à l'invalider.
S'il sous-tend un objectif religieux, le créationnisme porte la marque indélébile de toutes les croyances non prouvées voire de tous les fanatismes, et ne peut prétendre à la moindre véracité scientifique. Et, s'il veut s'imposer comme vérité ultime, l'évolutionnisme rejoint la myriade de dérives qu'a connu la Science et ne mérite pas d'autre qualificatif que celui de scientisme arrogant.
En définitive, plus que jamais : To be or not to be, that is the question...

16 septembre 2008

Jeff et Benoît sont en bateau...


Qu'on me pardonne l'insoutenable légèreté de ce titre. Jeff ici c'est Koons, l'artiste au homard pendu à Versailles, et Benoît n'est évidemment personne d'autre que le seizième du nom dans la papauté catholique !
Pourquoi les mettre ainsi face à face dans une improbable embarcation ?

Sans doute un peu parce que leurs noms à tous deux font couler pas mal de salive et d'encre ces derniers temps. « Tout le monde en parle » comme disait l'autre...
Surtout parce qu'ils incarnent à l'instant présent deux des plus indicibles passions qui animent l'être humain : L'Art et Dieu. Et parce que ces deux passions semblent parfois en passe de s'abîmer dans le néant.

En effet, malgré la fameuse assertion de Malraux sur le caractère "spirituel" du XXIè siècle, c'est pour l'heure ce qui paraît lui manquer le plus. Dieu et l'au-delà ne suscitent que fanatisme ou indifférence, et quant à l'art, il erre entre banalisation et délires commerciaux. D'une manière générale, une bonne part de ce qui faisait "l'esprit", se trouve réduit à l'état de vestiges.
Pas si grave diront certains.
Il est vrai que Malherbe constatait autrefois qu'un poète « n'était pas plus utile à l'Etat qu'un bon joueur de quilles ». Et Marx évoquait à propos de la religion, « l'opium du peuple »...
Pourtant l'analyse du passé, même récent, enseigne qu'en règle, les sociétés sans Dieu furent les pires de toutes. Et c'est le plus évident bon sens qui veut qu'on mesure le degré de civilisation à l'aune de la production artistique. Les deux allant souvent de pair, faut-il le préciser.

Il n'est pas étonnant que l'Art, dont la vertu première est de parler à l'âme, subisse de plein fouet les effets néfastes du matérialisme qui ronge notre monde. Privé de but, dénué de substance intrinsèque et "d'élévation" comme dirait Baudelaire, il est livré aux marchands et aux "exhibitionnistes".
Ce dernier terme convient particulièrement bien aux productions de Jeff Koons, comme il pourrait aussi bien qualifier Damien Hirst, autre figure emblématique de la culture instantanée. L'un reproduit en grand, grâce à des procédés industriels, des objets d'essence totalement insipide. L'autre amuse la galerie des gogos fortunés en découpant en tranches, de malheureuses vaches formolées, qu'il présente dans de grands écrins vitrés, ou bien colle avec un ineffable mauvais goût des multitudes de diamants sur un crâne humain.
Le spectacle des matières clinquantes mais vaines de Jeff Koons au sein des dorures compassées de Versailles inspire à peu près les mêmes émotions que les rayons savamment présentés d'un grand magasin parisien au moment de Noël, ou les images sur papier glacé d'un magazine de mode... Celles de Hirst relèvent de la curiosité morbide. Pacotille et vanité.


Et tout à coup, face à ce tumulte dérisoire, face aux croyances archaïques et aux a priori sectaires qui se multiplient, cherchant à tourner tout ce qui est inspiré en ridicule, tout ce qui est beau en grotesque, le pape se pose de manière inattendue, en interprète olympien du mystère universel.
Comme libéré de tous les excès et paroxysmes qui émaillèrent depuis la nuit des temps, la relation complexe de l'homme avec l'au delà, il semble avoir pleinement fait siens les conseils du vénérable Kant : "La religion, sans la conscience morale n'est qu'un culte superstitieux. On croit servir Dieu lorsque, par exemple, on le loue ou célèbre sa puissance, sa sagesse, sans penser à la manière d'obéir aux lois divines, sans même connaître et étudier cette sagesse et cette puissance. Pour certaines gens, les cantiques sont un opium pour la conscience et un oreiller sur lequel on peut tranquillement dormir."

Benoît XVI parle de « Dieu le grand inconnu » avec des mots pris au dictionnaire de la raison et tente avec bonhomie et humilité, pour redonner un peu d'âme au monde, de réconcilier religion et culture : « ce qui a fondé la culture de l'Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L'écouter, demeure aujourd'hui encore le fondement de toute culture véritable ».
Même en étant agnostique, comment ne pas prêter une oreille attentive à ce discours, qui associe sans crainte l'idée de Dieu à l'humanisme, à l'art, à la musique, à la culture ?

Une fois n'est pas coutume, en tombant par hasard sur des réflexions émanant de Philippe Sollers à propos du pape, datant de mai 2007, je suis touché. Rappelant le rôle éminent de Jean-Paul II dans l'histoire de la fin du XXè siècle, et décrivant la succession des Benoît qui précédèrent le pontife actuel, leurs liens spirituels avec Dante ou Voltaire, il évoque la « continuité invisible entre les papes », « autrement décisive que cette fixation des médias sur les questions sexuelles » qui confine à l'obsession et à la caricature (oserais-je dire la mauvaise foi ?).
Plus encore, il parle de l'inclination de Benoît XVI pour la musique et trouve une jolie formule. Plutôt que de me rabattre à propos du bateau, sur l'Arche de Noé ou quelque chose du genre, je trouve plaisant de terminer ce billet en lui laissant la parole : « Un pape qui joue une sonate de Mozart, voilà qui atteste, de mon point de vue, que Dieu existe... »

09 février 2008

Rites et arcanes


Dans un numéro récent (No 1845), l'hebdomadaire Le Point consacrait un dossier spécial aux Francs-Maçons et à leurs prétendus « nouveaux réseaux ». Ça devient un rite. Périodiquement ce genre de revue remet sur le tapis ce sujet auréolé de mystères et de fantasmes. Mais naturellement sans rien révéler d'autre que des banalités. Cette fois ce sont deux ou trois rumeurs sur l'allégeance hypothétique de ministres ou de politiciens. Et un scoop au sujet de Nicolas Sarkozy. Il n'en fait pas partie mais « les Francs-Maçons ont rarement été aussi bien traités par un chef de l'Etat ». La preuve : il vient d'accepter une invitation du Grand Orient de France à se rendre à une tenue blanche fermée !
Curieux tout de même cette tendance à lier le monde politique à cette institution plus ou moins occulte et à la puissance indéfinie, qui s'engage de toute manière à «
ne s’immiscer dans aucune controverse touchant à des questions politiques »...
Bref, on n'est guère avancés. D'autant que sur le plan des chapelles, le morcellement continue. On retient notamment la création par un ami de Jean-Paul Gaultier, d'une « fraternelle » réservée aux homosexuels, et par quelques « hauts gradés » de la GLNF, d'une Grande Loge des Cultures et de la Spiritualité (GLCS), prêchant « un retour aux origines de la Maçonnerie », loin de « l'affairisme, la bureaucratie et le conservatisme » des obédiences existantes : éternel recommencement...
Au total, il serait bien difficile à l'instant présent, rien qu'en France, de comptabiliser les obédiences (au moins une dizaine) et leurs rites : Français, d'York, Emulation, Ecossais Ancien et Accepté, Ecossais Rectifié, Standard d'Ecosse...
C'est précisément ce qui gêne le plus dans cette institution séculaire dont on dit qu'elle remonte aux constructeurs des cathédrales du Moyen-Age : une rigueur formelle extrême associée à un éparpillement des confessions et des courants de pensée.
J'avoue à titre personnel avoir à plusieurs occasions été très proche de m'engager sur cet obscur itinéraire vers la lumière, dont la vie de Mozart fut une des incarnations les plus brillantes. Etant agnostique, mais refusant de croire que notre existence relève du seul hasard, je me satisfais bien de l'idée d'un Grand Architecte De l'Univers (GADLU). Quant à l'idéal qui sous-tend la démarche, il me fascine par son élévation. Seuls en somme le décorum et les aspects cultuels me rebutent, car je crains qu'ils n'asphyxient l'esprit.
Pourquoi tant de cérémonial et d'hermétisme si le but, noble entre tous, est de progresser sur le chemin de la connaissance et de l'amélioration de soi ? Pourquoi ce besoin de reproduire en des temples richement décorés le rite empesé de l'Eglise ? Je sais bien que Blaise Pascal le jugeait nécessaire à l'épanouissement de la foi, mais j'ai beau faire, je penche davantage vers le dépouillement et le refus de tout artifice, prôné par mes chers transcendantalistes américains, Emerson, Whitman ou Thoreau...
On peut certes concevoir qu'on cherche par le silence à s'extraire des turbulences vaines du monde pour espérer trouver la sérénité propice à la réflexion, mais pourquoi donc leur ajouter une gestuelle exigeante peuplée de symboles plus ou moins ésotériques ?
Et pour quel résultat ? Que sort-il donc de concret des loges qui planchent doctement sur l'élévation de l'âme ? Au demeurant, quelle oeuvre humaine pourrait être sans ambiguïté revendiquée par les membres d'une société secrète ? Les Francs-Maçons estiment parfois avoir une influence sur l'élaboration de lois, mais qu'en est-il vraiment ? Comment d'ailleurs envisager dans ce domaine un rôle actif puisque justement les controverses politiques ou religieuses sont paraît-il exclues des tenues ? On évoque souvent l'impact de la Franc-Maçonnerie au sujet de la loi abolissant la peine de mort, ou encore de celle légalisant l'interruption volontaire de grossesse. Il est permis d'en douter. Heureusement d'ailleurs car le principe de la Démocratie en serait sinon quelque peu écorné...
Auteur de sagas historiques ayant pour toile de fond l'Egypte ancienne, Christian Jacq est paraît-il l'écrivain français qui fait les meilleurs tirages à travers le monde. Pour un auteur quasi inconnu des médias c'est une performance qui à elle seule mérite d'être saluée.
Avec « Le moine et le Vénérable », il signait en 1985 un petit roman relatant un affrontement étrange : celui de l'église catholique et de la franc-maçonnerie, à travers les mésaventures de deux de leurs dignitaires respectifs emprisonnés par les Nazis dans un château néo-gothique en 1944 !
N'était le théâtre de l'action un peu « tintinesque », cette approche romancée du problème avait de quoi séduire. La Franc-Maçonnerie qui pratique ses rites dans des temples, qui s'organise autour d'une hiérarchie stricte et qui se dévoue au culte du « Grand Architecte de l'Univers » se pose peu ou prou en concurrente des religions traditionnelles.
Mais au delà de cette confrontation romanesque, on pouvait espérer mieux connaître cette société qui cultive le mystère, bien qu'elle se veuille davantage discrète que secrète. Comme on pouvait s'y attendre le conflit entre le moine et le vénérable, que tout oppose au début, laisse bien vite place à une complicité tendant à démontrer in fine la proximité de l'idéal chrétien de celui des Maçons. Mais curieusement dans cette histoire un peu trop abracadabrante et invraisemblable, le prêtre paraît le plus pragmatique et le moins attaché au rite des deux. L'un sublime sa foi au mépris de sa personne, l'autre s'attache surtout à maintenir dans les pires circonstances le cérémonial des tenues qui paraît totalement vain et déplacé en la circonstance. Hélas, comme il fallait le craindre la problématique reste ouverte, voire béante. A chacun sa vérité et sa manière de concrétiser ses plus hautes aspirations dans ce monde sublunaire. Mais surtout ne pas chercher à débusquer le surnaturel ou à éventer les secrets, ils n'existent pas ici-bas...

11 novembre 2006

Regards furtifs sur l'Arabie heureuse...


Le Yémen est probablement parmi les pays de culture arabe, un des plus fascinants. Peut-être parce qu'il est lieu même de ce qu'on appelle l'Arabie heureuse. Peut-être parce qu'il fut le pays de la mythique reine de Saba.
Ou bien tout simplement en raison de ses sauvages paysages montagneux dans les flancs desquels les hommes sont parvenus à dessiner à la force des poignets, de superbes terrasses de verdure et à enchâsser de stupéfiants villages à l'a-pic des ravins. Faits de maisons hautes et étroites, serrées les unes contre les autres, ils semblent défier dans un silence hiératique, les étendues désertes qui les entourent. Rarement l'oeuvre humaine n'a fait autant corps avec la nature.
Par la magie de la télévision, on peut s'imprégner des mystères et de la beauté intemporelle de ce pays.
Le 6 novembre, France 3 diffusait un excellent reportage dans l'émission « Faut pas rêver ». On pouvait y voir notamment comment on fabrique de père en fils des vitraux dans les ateliers de la capitale, Sanaa. Comment d'habiles artisans armés de rustiques compas, de règles et de couteaux ouvragent les blocs de plâtre encore chaud, y creusant avec virtuosité les cercles, les étoiles et les moresques destinés à servir d'encadrement gracieux à des verres multicolores.
A les voir travailler paisiblement, peut-on imaginer ces ouvriers se transformant en guerriers du jihad, en brutes vindicatives assoiffées de sang ?


Je ne veux pas pour ma part m'y résoudre et je m'interroge sur l'avenir de ces pays de tradition islamique. L'esprit d'humanité sera-t-il assez fort pour les empêcher de basculer complètement dans l'obscurantisme oppressif et belliqueux qui paraît gagner du terrain ces derniers temps ?
Le Yémen du sud à vécu plusieurs décennies sous la férule marxiste. Désormais réuni avec les provinces du nord, comprendra-t-il que l'émancipation éclairée constitue la plus belle perspective de progrès, dans le respect de ce que la culture ancienne a de meilleur ?

L'émission fournit une magnifique illustration de ce principe avec l'initiative d'un homme d'affaires chassé de son pays lorsque Moscou régentait Aden. Revenu riche de ses entreprises, Mohammed Bugshan a commencé de restaurer le palais familial, quelque part dans la vallée de Wadi Dawan, pour en faire un hôtel. La belle et noble façade colorée montre comment il est possible de mettre en valeur ce pays, qui demeure hélas à ce jour un des plus pauvres du monde.
Je reprends mes notes rédigées à l'occasion de l'émission Ushuaia de Nicolas Hulot le 8/2/06 :D'étranges sentiments naissent en voyageant grâce à l'objectif de la caméra, à travers ces contrées brûlées de soleil. L'oeil suit le faîte des dunes, qui dessine d'infinies arabesques ondulant entre le bleu éclatant du ciel et le jaune onctueux du sable.
Au creux d'une vallée, bordée d'à-pics tranchants on découvre une cité éblouissante, Shibam, la « Manhattan du désert ». Des immeubles rudimentaires, étroits et allongés, détachent de la montagne leurs façades blanches, percées d'obscures meurtrières et d'énigmatiques moucharabiehs, comme un fragile empilement de formes géométriques.

On découvre ensuite Socotra, l'île enchanteresse, au large du golfe d'Aden. Sur ce massif isolé, comme égaré hors du temps, on trouve une végétation étonnante. Des sandragons, arbres aussi ancestraux que les dinosaures, qui soutiennent de leurs arborescences sèches et raides, des parasols de verdure serrée. On extrait de leurs troncs une poudre colorante, dite « sang du dragon ».
A flanc de falaise, des câpriers en forme de bouteilles, accrochés à la roche, narguent les vents et la pesanteur. De leurs troncs ventrus sort une maigre végétation ornée de fleurs délicates.
Des Botswellia enfin, dont on extrait les perles d'encens qui valaient autrefois des fortunes.
Cette île, qui selon Pline était la demeure du Phénix, recèle des grottes spectaculaires dans lesquelles croissent depuis des millénaires, des forêts de stalactites. On y trouve, comme en Périgord, les curieux excentriques ignorant des lois de la gravité qui étendent dans toutes les directions de l'espace leurs doigts pétrifiés.
Enfin ce reportage magnifique s'achève sur les « hommes fleurs » : de rudes montagnards barbus aimant être propres et parfumés. Ils cultivent des fleurs odoriférantes, pélargoniums, géraniums, dont ils se font des couronnes qu'ils portent autour du cou ou de la tête.
Mais une question hante le spectateur pendant toute la durée de l'émission : Où donc sont les femmes ? A quelques rares exceptions, on n'en voit que les silhouettes fugitives enveloppées dans de funèbres niqab. A peine si l'on aperçoit deux yeux dardant un regard énigmatique. Comment diable font-elles pour se reconnaître dans la rue ? Comment parviennent-elles à supporter cette chape sinistre qui les confine à l'anonymat, raye pour ainsi dire leur existence aux yeux du monde ?
Paradoxe étonnant, on devine derrière cette sombre prison d'étoffe, les signes intacts de la séduction féminine : un maquillage raffiné, des mains soignées et décorées, des pieds graciles parfois chaussés de jolies sandales, un sac à main élégant duquel on voit même parfois surgir le symbole éclatant de la civilisation technique : un téléphone portable !
 
A ce qu'il paraît, rien dans l'islam et notamment dans le Coran, n'oblige au port du voile. Certaines femmes en sont dépourvues et paraissent parler librement aux hommes. Rien dans le comportement de ces derniers n'aide à comprendre pourquoi il faille cacher à ce point leurs compagnes. Et quel Dieu pourrait être assez borné pour exiger de masquer si tristement ce qu'il a créé, sauf peut-être pour le protéger des morsures du vent de sable et des brûlures du soleil dans le désert ?
Pourquoi donc ce retour à des pratiques médiévales ?

15 septembre 2006

Les cieux et les dieux sont incertains...



A l'occasion de son voyage récent aux USA, Nicolas Sarkozy a eu le courage – il faut bien le dire – de se démarquer des lieux communs ronflants et méprisants si souvent entendus au sujet des relations franco-américaines : «Plus jamais nous ne devons faire de nos désaccords une crise, a -t-il plaidé. De nos désaccords, faisons l'occasion d'un dialogue constructif, sans arrogance et sans mise en scène».
Faisant clairement allusion aux tartarinades de Mr de Villepin en 2003, lorsqu'il agitait le spectre du veto au conseil de sécurité de l'ONU, il a même fait amende honorable : «Jamais on ne doit chercher à mettre ses alliés dans l'embarras. On ne doit jamais donner l'impression de se réjouir des difficultés de nos alliés. Pour notre dialogue, l'efficacité dans la modestie, c'est ce qu'il y a de mieux.»
Évidemment le choeur des bien-pensants ne pouvait laisser sans écho ce pavé jeté dans l'espèce de bouillie pharisienne qui tient lieu de débat d'idées dans notre pays. Les Bouvard et Pécuchet de la morale franchouillarde sont rapidement montés au créneau. Mr Hollande a reproché à Nicolas Sarkozy d'être « non pas pro-américain mais pro-Bush ». Probablement sa conception approximative de la démocratie l'empêche-t-elle de comprendre que même si le président américain n'a pas que des amis dans son pays il est tout de même le représentant légitime de son peuple. Quant à Mr Bayrou, il a fait encore plus fort en accusant cette entrevue de contribuer à la «glorification de Bush». Plus ridicule, tu meurs...



Tony Blair, en dépit d'une popularité déclinante, garde le courage de ses opinions. Dans une contribution donnée au laboratoire d'idées Foreign Policy Centre, il condamne sans détour « la tendance à cultiver un sentiment antiaméricain dans certains secteurs de la politique européenne » la qualifiant de « folie, comparée aux intérêts à long terme du monde dans lequel nous croyons ».
Le premier ministre anglais n'est sans doute pas au dessus de toute critique; son mandat paraît un peu longuet semble-t-il aux yeux des Anglais; mais l'Histoire retiendra j'espère, outre son charisme, la force et la sincérité de ses convictions. Grâce à elles il réforma et modernisa son parti, qui était au moins aussi rétrograde et doctrinaire que le PS français. Il engagea son pays résolument aux côtés de L'Amérique, dans le combat pour la Liberté, connaissant la difficulté de l'enjeu et sachant qu'il risquait de ternir sa popularité.
On peut donc méditer son avertissement : « le danger avec l'Amérique d'aujourd'hui n'est pas qu'elle est trop impliquée. Le danger serait qu'elle décide de relever le pont-levis et de se désengager ».

Pendant ce temps, Mr Chirac qui constate que «La Méditerranée est devenue le point focal des incompréhensions entre les peuples», en est réduit a proposer la mise en place d'un « atelier culturel » entre l'Europe, la Méditerranée et le Golfe pour « promouvoir le dialogue des peuples et des culture »...
Qu'obtient-il en réponse ? L'exhortation à se convertir à l'islam envoyée par le président iranien, et les menaces des nervi d'Al Quaeda recommandant à leurs affidés de semer la peur «dans le coeur des traîtres et des fils apostats de France» et d'écraser «les piliers de l'alliance croisée».
Mr Chirac va devoir user de beaucoup de patience pour parvenir, comme il le souhaite, à «conjurer le choc de l'ignorance, de la bêtise et de l'arrogance».

Aujourd'hui même, la montée de l'intolérance se manifeste une fois encore à l'occasion de propos tenus par le pape Benoît XVI au cours d'un voyage en Allemagne. Il a demandé aux croyants du monde entier de « professer le visage d'un Dieu humain » et a condamné la guerre sainte et le recours à la violence au nom de Dieu : "Celui qui veut conduire quelqu'un à la foi a besoin de bien parler et de raisonner correctement, au lieu [d'user] de la violence et de la menace."
Si certaines de ses paroles visent à l'évidence, le fanatisme islamique, il n'en a pas moins accusé l'Occident chrétien de construire un monde dans lequel « Dieu est superflu » et de repousser « la religion dans le champ de la sous-culture» l'empêchant «de s'insérer dans le dialogue des cultures».
Ces réflexions, auraient donc pu inciter les musulmans modérés à se désolidariser des extrémistes fanatiques et à se rapprocher d'une vision humaniste de la religion. Pour l'heure hélas, elles ne font que déclencher au contraire un tollé tous azimuts, nourri de haine et d'anathèmes, assez inquiétant...