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30 juin 2015

Sur une urne grecque...

Le titre d'un beau poème de John Keats (1795-1821), me suggère quelques réflexions acides sur l'actualité...

Moins de six mois après l'élection qui a porté au pouvoir en Grèce le parti d'extrême gauche Syriza, le constat est accablant.
On allait voir « ce qu'on allait voir » annonçaient certains fiers à bras qui se faisaient fort de mettre au pas la Finance Internationale, les vilains créanciers, le FMI, la BCE, la Commission de Bruxelles, la Troïka et tutti...
Allez-donc savoir pourquoi ce malheureux pays qui commençait tout juste à se relever, a brusquement cédé aux sirènes démagogiques d'irresponsables idéologues, bardés de certitudes et d'arrogance, et si ignorants des lois économiques élémentaires !
La versatilité et la crédulité du Peuple sont parfois stupéfiantes, surtout à une époque où il est pourtant facile de disposer d'informations et de les croiser pour se faire une idée aussi objective que possible.

Hélas, lorsqu'on est au bord de la ruine, drogué aux emprunts et à toutes sortes d'artifices comptables, il est certes bien difficile d'accepter la réalité qui impose évidemment l'austérité, autrement dit de se serrer la ceinture et de remonter ses manches. Il est en revanche tentant de croire les conseillers assassins qui vous dorent la pilule et vous assurent qu'il est possible d'effacer les dettes contractées auprès des autres, et qui vous chantent l'air lénifiant de la croissance ex nihilo en vous encourageant à creuser de nouveaux trous pour boucher la béance des précédents...

Le spectacle auquel on assiste depuis des mois faisant alterner chantage, manœuvres dilatoires, palinodies, et fausses promesses est des plus désespérants. Aujourd'hui plus personne n'est dupe. La Grèce ne remboursera pas l'essentiel de son endettement actuel. On ne sait pas encore trop qui paiera les pots cassés de cette gabegie mais il est à craindre que les contribuables et les épargnants soient une fois encore sollicités. Le pire est qu'à ce jour, il est plus que probable que cette fuite se reproduise sitôt épongée, car le gouvernement actuel, à condition qu'il parvienne à rester encore longtemps en place, n'a donné aucun espoir d'infléchir sa politique désastreuse.

Le risque, derrière cette affaire, est de voir se déliter rapidement ce qu'il reste du beau mais fragile rêve européen.
Avec la Grèce, l'Europe danse en effet sur un volcan. On apprend aujourd'hui même que la dette de la France a fait un nouveau bond depuis le début de l'année pour désormais frôler les 2100 milliards d'euros (soit près de 32.000 € par Français, nouveaux-nés inclus). Or avec leurs credo socialistes archaïques vaguement teintés de social-démocratie, nos dirigeants partagent peu ou prou les doux délires économiques de ceux qui sévissent à Athènes. Où cela nous mènera-t-il ? Jusqu'à quand les pays qui ont su redresser la barre, accepteront-ils de ramasser les morceaux de ces urnes insensées ? Un referendum improvisé va-t-il changer le destin ?

26 janvier 2015

Monnaies de singes

Faut-il se réjouir des bonnes nouvelles économiques claironnées par le grand bazar médiatique ? Le bout du tunnel est-il en vue ? On ne demanderait qu’à le croire, mais hélas rien n’est moins sûr, notamment en France où tant de verrous restent envers et contre tout bloqués.
La baisse assez spectaculaire de l’euro constitue un fait marquant auquel peu de monde s’est vraiment intéressé dans un contexte dominé par l’émotion due aux attentats. Pourtant, entre Mai 2014 où elle plafonnait à presque 1,40$ et aujourd’hui où son cours est autour de 1,11$, la monnaie européenne a perdu 20% de sa valeur !
Il y a là certes de quoi mettre le cœur en joie de ceux qui se plaignaient d’un euro trop fort depuis des années ! Cela sera sans nul doute à leurs yeux, de nature à doper enfin les exportations et à freiner l’invasion de tous les produits achetés dans une devise qui se renchérit face à la nôtre.
Malheureusement, il y a encore loin de la coupe aux lèvres !

Lorsque la valeur d'une monnaie baisse c’est avant tout la richesse relative de ceux qui la possèdent qui diminue. Tous ceux qui voyagent où qui achètent des denrées importées s’en rendront bien vite compte. Quant aux exportations, il n’est pas évident que la France en tire tout le profit espéré, vu que son problème de fond reste de n’avoir pas grand chose à vendre, sauf dans le domaine du luxe qui marche déjà très bien et où la clientèle n’est pas trop sensible au prix…
On peut toutefois se rassurer un peu en songeant qu’à l’intérieur de la zone euro les échanges ne s’en trouveront a priori pas affectés...

Second évènement d’importance, la baisse du prix du pétrole et de certains produits plus ou moins indexés sur lui, comme le gaz.
Les économies devraient être réelles pour les consommateurs, en terme de chauffage et de carburant pour leurs automobiles… A condition toutefois que l’euro ne baisse pas trop par rapport au dollar, avec lequel nous réglons la facture aux producteurs, et que le gouvernement n’en profite pas pour augmenter les taxes, ce qu’il vient justement de faire sur le gazole !
S’agissant du bénéfice pour la nation et les entreprises, il restera modeste puisque 85% de l’électricité consommée est comme chacun sait d’origine nucléaire.

Là dessus, tombe tout à coup le nouveau plan massif d’injections de liquidités, proposé par la Banque Centrale Européenne (BCE). Pas de moins de 1100 milliards d’euros sur moins de 2 ans, créés ex nihilo, sur lesquels les interprétations varient d’un expert à l’autre.
A vrai dire, l’impression qui domine est que personne ne comprend trop les tenants et les aboutissants de ce colossal Quantitative Easing (QE), que certains traduisent pudiquement par un “assouplissement quantitatif”, que d’autres, ébahis, qualifient de “bazooka monétaire” et dans lequel en fin de compte, beaucoup voient un très prosaïque “recours à la Planche à Billets...”

Avec des yeux de béotiens, peu accoutumés aux arcanes de la science économique mais vaccinés contre les effets d’annonce, on reste pantois devant ce gigantesque nouveau plan de relance.
D’abord parce qu’on ne peut que s’étonner de la création aussi massive d’euros au moment précis où le cours se casse la figure. Pourquoi ne pas avoir fait cela plus tôt, lorsqu’il était jugé trop haut par tant d’analystes ? M. Draghi fait en l’occurrence figure de carabinier et risque d’ajouter l’inflation à la dévaluation.
C’est dira-t-on le but recherché puisque les grands argentiers craignaient la déflation.
Certes
une légère baisse des prix avait été notée en fin d’année dernière (-0,2% en décembre, expliquée en grande partie par la chute du cours du pétrole). Mais en réalité, on observait surtout jusqu’à ce jour leur stabilité ce qui est le gage d’une économie saine : l’argent qu’on possède ne s’use pas et c’est la meilleure garantie pour les commerçants de vendre au juste prix. Et lorsque les salaires restent désespérément bloqués, c’est aussi celle de conserver son pouvoir d’achat…

Parallèlement à cette injection monétaire, la BCE promet de racheter tous azimuts de la dette étatique. Bel effort, mais qui peut-être aussi bien vu comme un terrible pousse-au-crime, lorsqu’on voit l’inflation régulière des dites dettes, favorisée par la faiblesse actuelle des taux d’intérêts ! On en veut pour preuve la réaction réjouie de François Hollande, grand dépensier s’il en est, saluant le plan de la BCE (après l’avoir dévoilé quelques jours avant l’annonce officielle, ce qui s’apparente d’ailleurs à une bourde, si ce n’est un délit d’initié…)

La victoire de l’extrême-gauche aux élections législatives grecques accentue cette crainte. Pourquoi ces gens rembourseraient-ils leurs dettes à une banque si riche et si prodigue ? Rappelons que la Grèce au bord de la banqueroute, a bénéficié ces dernières années de deux plans d'aide d'un montant total de 380 milliards d'euros, accompagnés d'un programme draconien d'ajustement budgétaire, sous le contrôle de la fameuse troïka UE-BCE-FMI, dont le vainqueur du jour M. Tsipras annonce méchamment la fin !
Aujourd’hui, avec l’arrogance revancharde des parvenus, il se fait fort d’exiger une nouvelle négociation de la dette de son pays, tout en promettant d’en créer de nouvelles avec une foultitude de mesures plus démagogiques les unes que les autres. S'agit-il d'une farce marxiste "tendance Groucho" qui se perdra très vite dans les désillusions de la real-politik, ou bien d'une lame de fond destructrice risquant de laminer un peu plus les bases fragilisées d'une Europe dont on se demande comment elle tient encore debout ? That is the question !

Et pendant ce temps, les députés français commencent à plancher sur l’inénarrable et microscopique loi Macron. Ainsi, après l’avoir préalablement plombée de 495 amendements (sur les plus de 1700 proposés en commission spéciale), ils vont débattre doctement du nombre de dimanches ouvrables et mesureront au compte-gouttes le nombre des lignes d’autocar autorisés à grignoter le monopole de la SNCF….
Décidément, on n’arrête pas le progrès et le futur ne manque pas d’avenir comme dirait l’autre...

17 juillet 2014

Up and down

Cette fois, l’évidence n’est que trop évidente et la coupe du monde de football en fut le révélateur éclatant : tout semble réussir à l’Allemagne ! 
Bien qu’il ne s’agisse que d’un jeu, comment ne pas voir derrière le succès de cette équipe à la fois robuste, élégante et déterminée, celui du pays qu’elle a représenté pendant ce tournoi mémorable ?
Comment ne pas faire le parallèle entre l'entraînement acharné de ces joueurs des années durant, et les efforts opiniâtres de tout un peuple depuis des décennies pour vaincre l’adversité et parvenir à l’excellence ? Comment ne pas ressentir un brin d’admiration pour cette nation, qui sans tapage ni forfanterie, a su relever le défi prodigieux de sa réunification, qui a si bien pansé ses plaies et ses déchirures, et qui réussit malgré tout à surmonter si efficacement la crise actuelle, dont elle est victime comme tant d’autres ?

Aujourd’hui, c’est clair, l’Allemagne domine l’Europe de la tête et des épaules, et son triomphe est d’autant plus impressionnant qu’il détone avec celui d’autres pays dont le parcours fut pourtant moins semé d’embûches et d’épreuves. La France n’a qu’à bien se tenir, elle qui avait tant d’atouts, et qui en toute logique aurait pu occuper cette place de leader… Hélas, pendant que les uns s’élèvent, les autres dégringolent !

La comparaison de quelques indicateurs suffit à se faire une idée de la situation. 

L'Allemagne affiche un bilan financier des plus sains, et se trouve plus que jamais en position de pouvoir donner des leçons (contrairement à certains...) Elle affiche par exemple un excédent budgétaire depuis 2012, et au moins jusqu'en 2018, tandis que notre pays flirte durablement avec les déficits, et pas qu’un peu : plus de 4% du PIB en 2014 (en dépit d'une pression fiscale record) !
Alors que la dette publique diminue régulièrement chez nos voisins germaniques, elle continue de flamber chez nous : elle sera inférieure à 75% du PIB outre-Rhin en 2015, alors qu'elle aura franchi les 100% ici (soit plus de 2000 milliards d’euros).

Ce n’est pas tout. L’Allemagne s'enrichit pendant que que nous nous appauvrissons. Avec bientôt 2% d'augmentation de son PIB, elle a renoué avec la croissance, au moment où nous plafonnons victorieusement à zéro. Elle a quasi retrouvé le plein emploi avec un taux de chômage à peine supérieur à 5%, pendant que le nombre de demandeurs d’emploi poursuit en France sa désespérante progression (10,4% à ce jour). Enfin, reflet de la vitalité des entreprises, la balance commerciale affiche un excédent de 200 milliards d’euros en Allemagne et un déficit de 60 en France…

On pourrait égrener longtemps la litanie des statistiques. Elles ne parlent qu’à ceux qui acceptent de voir la réalité en face. Ce n’est pas le cas manifestement de nos dirigeants et notamment de notre Président qui se complaît dans une molle auto-satisfaction. Non seulement il est insensible aux chiffres, mais il semble se moquer comme de l’an quarante du désastre social qui ne cesse de s’étendre autour de lui. Sans doute, son indécision, son absence de conviction, sa paresse démagogique et sa morgue revancharde sont-elles pour beaucoup dans le pourrissement de l’état d’esprit et de l’opinion dans notre pays, dans l’incohérence de la politique gouvernementale, et dans la multiplication d’affaires irrésolues, si ce n’est laissées en jachère : SNCF, SNCM, Intermittents du spectacle, dérives judiciaires, délinquance, communautarismes, famille…

Même les sifflets et huées qui accompagnent la moindre de ses sorties publiques paraissent l’indifférer. La Presse semble d’ailleurs à l’unisson de cette indolence et de ce néant dans lequel s'enfonce doucement le pays. C’est bien simple, les journaux ont tellement peu de choses à dire ou à commenter, que la nouvelle paire de lunettes du chef de l’état devient un évènement ! On a les changements qu'on peut...

20 novembre 2013

L'Europe en berne

En écoutant Michel Barnier interrogé le 19/11/2013 sur France Culture, pour peu qu’on ait encore quelques illusions, on ne pouvait qu’être  une fois de plus navré de constater la pusillanimité, la versatilité et pour tout dire, l’absence de réelle conviction de la plupart des politiciens ambitionnant de gouverner le peuple.

M. Barnier dont le port altier, l’élégance et le sang froid évoquent le gestionnaire avisé, a dans l’opinion publique l’image d’une personnalité plutôt libérale et européiste. il a fait toute sa carrière dans la droite néo-libérale française, et on connaît ses nombreuses responsabilités depuis des lustres, au sein du gouvernement français et de la Commission Européenne, dont il est à ce jour Commissaire aux marché intérieur et aux services. On apprend d’ailleurs qu’il brigue rien moins que la fonction de Président de ladite commission, au printemps 2014…

Pourtant, son discours, ciblé sur la politique européenne avait vraiment de quoi faire frémir.
Premier sujet d’étonnement, jamais cet homme qui fut au cours de sa longue carrière, tour à tour député, commissaire, et même ministre des affaires européennes, n’évoqua une quelconque responsabilité dans l’excès de bureaucratie, qu’il déplore comme tant de gens. Au contraire, il plaida pour régulation renforcée, en prenant l’exemple du secteur des banques.
A ce sujet, il en profita pour propager l’erreur si communément admise par les politiciens, consistant à mettre sur le dos de ces dernières, tout le poids de la crise actuelle. C’est évidemment commode pour s’exonérer de ses propres responsabilités.

M. Barnier reprit donc l’antienne éculée qui fait de la crise des subprime la cause de la panade européenne, et qui raconte “qu’à force de mal se comporter, à force de bonus insensés et de mauvaise gestion”, les banques se sont retrouvées en situation de quasi faillite, contraignant les contribuables à les renflouer.
Si seulement c’était vrai, on serait heureux en la circonstance d’être contribuable, puisque comme chacun sait, les banques ont remboursé leurs dettes, intérêts compris, en à peine plus d’une année ! Si seulement c’était vrai, car on se demande bien comment l’Etat, lui-même endetté jusqu’au cou aurait pu leur prêter l’argent qu’il n’avait pas… Ce qui est certain c’est que malgré cette bonne opération, ce dernier se retrouve toujours plus endetté !

Et de cela M. Barnier ne parle guère…

Au passage, il oublie d’ailleurs que si certaines banques ont été mises en difficulté, c’est souvent par la faute de l’Etat qui les a encouragées à prêter tous azimuts, même dans des conditions très risquées (notamment lors de l’affaire des subprime aux Etats-Unis). Il oublie également que les plus grosses faillites furent encore celles des banques étatisées, comme l’ardoise laissée à la charge du contribuable par le Crédit Lyonnais en atteste, plus de 20 ans après (encore un petit effort de 4,5 milliards d’euros…)
Mais tout cela importe apparemment peu à M. Barnier dont le principal souci est de réguler davantage, non l’Etat, mais le secteur bancaire, de “remettre de l’ordre dans la Finance Mondiale”, et de “la remettre au service de l’économie réelle plutôt qu’à son propre service...”

Au chapitre suivant il critiqua sans vergogne le libre-échange en allant jusqu’à prétendre qu’on a, non pas ouvert, mais “offert” l’Europe à la sauvagerie mondialisée, réclamant par corollaire implicite, un peu de protectionnisme. Extraordinaire ! Il occulte ce faisant, et bien qu’il fut aussi ministre de l’agriculture et de la pêche, toutes les mesures prises par l’Europe, en matière agricole notamment. Il ignore aussi apparemment les nombreux effets pervers que cette politique ne manqua pas de provoquer...
 
Bref, tout cela est grave.
D’abord parce qu’il s’agit de contre-vérités flagrantes. Pire, parce qu’en contribuant à discréditer un système dont il se dit par ailleurs le promoteur, il brise les repères et il conduit à l’incompréhension et à l’exaspération grandissante de la population.
Marc Voinchet assez finement fit remarquer qu’il se murmurait dans les couloirs des instances européennes que M. Barnier, était “plus à gauche que beaucoup de socialistes.” Et que croyez-vous que le cher homme répondit ? Tout simplement que “beaucoup de socialistes sont plus libéraux que lui”. Terrible aveu qui sonne comme le glas de belles espérances, et d'une "certaine idée" de l'Europe...

12 décembre 2011

L'Europe dans la tempête


Que de circonlocutions, que de manœuvres dilatoires, que de vœux pieux dans les résolutions qui émanent des sommets à répétition au chevet de l'Europe !
Le dernier en date promet un nouveau train de mesures visant à restaurer la confiance et à renforcer la cohérence budgétaire de l'Union. Mais malgré les évidentes bonnes volontés, et la détermination affichée, les contours des résolutions restent toujours des plus flous.
On est encore bien loin d'une vraie logique fédérale sans laquelle il paraît illusoire d'espérer enfin une véritable cohésion. Bon nombre d'états "souverains" doivent présenter les nouvelles dispositions à leur parlement. Et en dehors des incantations à la fameuse règle d'or, il est bien difficile en lisant la presse, de savoir concrètement de quelle nature sont les avancées du nouvel "accord inter-gouvernemental", dont on ne voit pas très bien en définitive, s'il amende, complète, ou invalide le traité de Lisbonne. En tout état de cause, on est encore loin d'un gouvernement européen, et encore plus d'une Nation Européenne avec un vrai dessein commun et une ambition partagée...
Dans ce capharnaüm, on ne peut que rester sceptique sur les missions et prérogatives conférées à la BCE, et on imagine mal par quel biais elle pourrait trouver de nouvelles ressources pour colmater les déficits monstrueux que beaucoup de pays, dont la France, continuent de faire. On ne comprend pas mieux l'intérêt des allers et retours de centaines de milliards d'euros – virtuels – entre l'Europe, le FMI, puis à nouveau l'Europe...
Bref, cette dernière s'effrite de plus en plus, l'euro est de plus en plus fragilisé, et malgré le duo solide que paraît constituer l'Allemagne et la France, les dérapages continuent.
Le nouvel accord instaure des "sanctions automatiques" applicables aux pays qui laisseraient filer leur déficit au delà de 3% du PIB. Mais sans dire quand elles seront susceptibles d'entrer en vigueur ni de quelle manière. D'ailleurs à peine revenu de Bruxelles, le président français a annoncé que chez lui, la règle d'or attendra l'élection présidentielle... Heureusement, puisque le déficit sera au mieux de 5% du PIB en 2011 et probablement encore supérieur à 4% en 2012 ! Ces chiffres ne donnent pas vraiment la mesure de la dérive. Rien que pour cette année, 100 milliards d'euros de déficit, c'est 33% des dépenses publiques qui ne sont pas financées...
Comment accorder dans ce contexte, quelque crédit à la parole donnée ? Il y aurait de toute façon beaucoup à dire sur ce carcan réglementaire, qui faisait déjà partie du traité de Maastricht et qui n'a pas vraiment été respecté. En l'occurrence, si une situation déficitaire prolongée est une calamité, son encadrement rigide peut s'avérer inutilement contraignant en période d'investissements, et nettement insuffisant en période de grand endettement. Pour l'heure, ce n'est pas 3%, mais 0% de déficit qu'il faudrait atteindre au plus vite. Encore resterait-il le fameux service de la dette, à savoir les intérêts des emprunts contractés. Chacun peut comprendre la gravité d'une situation qui contraint à emprunter pour rembourser les intérêts de prêts en cours !
Mais pour s'en extraire, il faudrait proposer de sévères mesures d'économie, ce qui est pour le moins délicat en période préélectorale. D'autant que pas un homme politique ne semble disposé à changer les credo idéologiques sur lesquels repose notre modèle en perdition. Si Nicolas Sarkozy paraît sur le sujet assez timoré, aucun de ses adversaires politiques ne risque de lui faire de l'ombre tant ils se cantonnent tous à des pis-aller démagogiques ou à des balivernes rétrogrades...

Illustration : Claude Joseph Vernet. tempête et épaves (détail)

29 septembre 2011

Cimetière des illusions


De crise en catastrophe et de dette en faillite,
Vingt ou trente nations frappées du même mal,
Se mettent à pousser un long cri animal
Au bord de l'abîme où le sort les précipite.

Des peuples enfumés par un étrange mythe,
Croyaient hier encore au bien-être intégral
Distillé par l’État et son Pouvoir Central.
Ils n'ont plus que leurs yeux pour pleurer, sans limite.

Comprendront-ils bientôt que ce grand trou béant
Qui pompe goulûment leurs illusions perdues
Fut creusé par le vent de promesses indues ?

Verront-ils à leurs pieds dans ce fatras géant,
Tels les éclats tombés d'un kaléidoscope,
Les restes sans dessein d'une introuvable Europe ?

Illustration : Salvador DALI. Vestiges ataviques après la pluie

13 août 2011

Plus d'Europe, ou plus d'Europe ?

A mesure que l'Europe s'enfonce dans la crise, et que les uns après les autres en cèdent les maillons, on perçoit de mieux en mieux la fragilité de cette chaîne, sans vraie homogénéité ni cohésion.
Si l'on fait le compte des pays encore en mesure de secourir les autres, on ne trouvera plus guère que l'Allemagne et la France ! Encore faut-il garder à l'esprit que la situation de cette dernière semble de plus en plus précaire. La croissance y est léthargique, le chômage élevé, la dette colossale. Facteur aggravant, aucun véritable effort pour réduire les dépenses publiques n'a été produit et malgré une fiscalité parmi les plus lourdes du monde, le déficit budgétaire est devenu une affligeante habitude depuis plus de 30 ans, atteignant une profondeur inquiétante. Pire, on ne voit guère le moyen d'inverser la tendance eu égard aux discours irresponsables, démagogues ou franchement utopistes de la plupart des dirigeants politiques.
L'Allemagne quant à elle, fait penser à une fourmi au milieu de cigales. Elle a consenti beaucoup de sacrifices pour réunir ses deux moitiés séparées par le communisme (sans demander la participation d'autres pays). Grâce à sa rigueur et à une conscience aigue des réalités, elle bénéficie aujourd'hui d'une forte croissance et d'une réduction significative de ses déficits. Elle reste malgré tout très endettée et ne pourra accepter sans contrepartie sérieuse de risquer d'altérer sa bonne santé actuelle.

C'est le mérite de Nicolas Sarkozy il faut le reconnaître, d'avoir réussi, en dépit de la faiblesse de sa position, à maintenir un axe fort Paris-Berlin. Et même de donner l'apparence d'un jeu égal avec le voisin d'outre Rhin.
Il serait pourtant illusoire d'imaginer que cette situation puisse perdurer très longtemps. Ni les coûteux plans de relance, ni les récents plans de sauvetage n'ont eu l'effet escompté et les ressources mobilisables deviennent de plus en plus virtuelles. Le dernier renflouement de la Grèce a alourdi la dette publique française de 15 milliards d'euros. Le comblement des dettes par la création d'autres s'apparente de plus en plus à de la cavalerie.

Au moment présent, plus que jamais l'Europe est au pied du mur.
La preuve est faite qu'elle ne peut plus affronter les périls en ordre dispersé. Elle ne peut plus s'abandonner à cette tiède cacophonie d'intérêts divergents, régie par une froide et tatillonne bureaucratie normative, dont le seul but semble être de distribuer des subventions.
Si le concept a un sens, il est grand temps que la Nation Européenne devienne autre chose qu'une simple façade. Et qu'elle réponde enfin a un dessein ambitieux, cohérent et solidaire.
Laissons de côté les oiseaux de malheurs qui réclament ou prophétisent la fin de l'euro et le retour des nations souveraines. Il est certain que cette issue ferait beaucoup plus de mal que de bien à la grande majorité des pays "libérés". Hormis l'Allemagne, la plupart se retrouveraient aussitôt appauvris et le passé nous a appris les dangers représentés par l'hégémonie d'une nation au sein d'un tel chaos.
Méprisons les gens qui vitupèrent contre les marchés, et qui exigent toujours davantage de dépenses et d'impôts (pour les autres qu'eux...) Ce sont soit des nostalgiques du Grand Soir, soit des nigauds qui imaginent sans doute qu'on leur cache une corne d'abondance quelque part.
Mais ne soyons pas dupes de ceux qui préconisent comme remède miracle la mutualisation des dettes accumulées en une seule, mesurable en euros-bonds. Cet artifice très "tendance" évoque furieusement les mirifiques rachats de crédits proposés aux personnes surendettées. Mais voilà : l'économie ne ment pas, comme le soutient Guy Sorman. La dette reste là, rendue juste un peu moins douloureuse parce qu'étalée sur plus longtemps ou bien répartie sur plus de débiteurs. Cet allègement apparent est même pervers car il pousse à pérenniser l'incurie budgétaire.
Au point où nous sommes rendus, la priorité est donc d'apurer la dette et de résorber les déficits qui l'entretiennent et pire, ne cessent de la faire enfler.
La mutualisation, pour avoir une chance de réussir, implique de resserrer une fois pour toute, les boulons de cette machine un peu déglinguée qu'est d'Europe. C'est à dire de faire enfin un pas décisif vers une vraie fédération. E pluribus unum...
Cela suppose d'accepter une perte significative des souverainetés nationales, une harmonisation des politiques économiques et fiscales, et in fine, la contrainte de devoir passer sous les fourches caudines d'une autorité de réglementation et de régulation dominée par l'Allemagne.
Il est évident que cette stratégie aurait dû être mise en œuvre bien avant la crise précisément pour en prévenir la survenue autant que possible.
Est-il encore temps de procéder à cette union sacrée, c'est la seule vraie question qui vaille par les temps qui courent.
Si le défi peut être relevé, au prix, n'en doutons pas, de gros efforts et de beaucoup d'humilité, alors nous aurons plus d'Europe, sur la voie laborieuse d'une prospérité retrouvée. Si c'est un échec, alors le risque est grand qu'il n'y ait plus d'Europe du tout...

25 juillet 2011

Ô Mânes d'Athènes et de Missolonghi

Il fut une époque où la Grèce était rayonnante. Ce passé bien lointain servit de berceau à la grande idée démocratique.
Portée par la puissance souveraine de la Ligue de Délos, elle culmina dans ce qu'il est convenu d'appeler le siècle de Périclès. Malheureusement, cette ère porteuse de progrès et d'espoir, s'effrita tragiquement dans la calamiteuse guerre du Péloponnèse. Celle-ci déchira la belle unité attique, et plongea le monde dans des siècles d'obscurantisme, peuplés de monarchies rétrogrades et de nationalismes chauvins.
Après une longue errance, l'idéal de liberté et le paradigme de société ouverte revinrent heureusement par une nouvelle Athènes, sise cette fois sur les rives occidentales de l'Atlantique. En 1789, tandis que quelques sans-culotte décérébrés se livraient à d'affligeantes exactions dans Paris, 13 états libérés de la tutelle britannique, fédérés à la manière des cités égéennes, promulguaient la Constitution des Etats-Unis d'Amérique, pour "au moins mille ans", selon le voeu du poète Walt Whitman.
En quelques deux siècles, ce nouveau phare apporta la lumière de l'émancipation à de nombreuses nations, même si à l'Est, un rideau de fer refusa longtemps de la laisser passer, enfermant des millions d'êtres humains dans le plus effroyable des totalitarismes.
Aujourd'hui, tandis que le Monde semble enfin finir de s'ouvrir dans une grande déflagration, tandis que des peuples trop longtemps opprimés se réveillent au soleil de la liberté, d'autres semblent paradoxalement s'enfoncer dans une tiède pénombre crépusculaire.
L'Occident des Lumières est-il en train de s'évanouir dans l'émolliente certitude de la prospérité, de la facilité, et des avantages acquis ?
Par excès de confiance en soi, a-t-il surestimé ses forces ? Est-il en train de tuer la poule aux oeufs d'or d'un modèle auquel il ne semble plus croire, ni être vraiment attaché ?

Devenue fille, un peu frivole, de l'Europe, la Grèce moderne, qui conservait dans ses ruines incandescentes le souvenir d'une épopée glorieuse, incarne aujourd'hui avec une cruelle acuité ce mou désastre contemporain. Cigale de l'Europe, elle apparaît tout à coup exsangue et sans ressort. Et le Parthenon lui-même semble un vestige insignifiant, tout juste digne d'illustrer les cartes postales. Sans âme et à la merci paraît-il des nouveaux prédateurs de la Finance Internationale.

Pourtant la Grèce fut, il n'y a pas si longtemps, menacée d'anéantissement par des périls plus terribles. Entre 1822 et 1830, elle sut trouver sur l'emblématique champ de bataille de Missolonghi, l'énergie du désespoir pour gagner son indépendance. Des poètes fameux, mêlant audace et lyrisme accoururent pour la secourir, en souvenir de son magnifique passé. Lord Byron (1788-1824) y perdit même la vie. L'Europe émue apporta comme un seul homme son aide désintéressée. Et la Grèce, pour un temps, redevint la Grèce...

Aujourd'hui l'Histoire se répète, même si le fracas des armes a laissé place aux turbulences monétaires.
La Grèce contemporaine saura-t-elle résister aux nouveaux démons qui menacent à nouveau son intégrité ?
Sans doute, à condition qu'elle affronte l'ennemi là où il est, et qu'elle le combatte avec autant de courage et de détermination qu'au moment du siège de Missolonghi.
Cette fois les vrais ennemis sont en elle. Et ils sont dans la place depuis longtemps, comme les métastases rampantes d'un mal invisible, minant la société dans son ensemble. La laxité des principes, la pléthore bureaucratique, la démagogie ruisselante, l'abandon progressif des vraies libertés minent les fondations d'un système qui se fissure dangereusement. La dette publique, accumulée avec insouciance, masquée par lâcheté, sous-estimée pour ne pas déplaire au peuple, a envahi toutes les institutions, le coeur même de la nation, qui risque de s'étioler irrémédiablement.

Hélas, beaucoup d'augures semblent atteints d'une étrange myopie par les temps qui courent. Ils voient autour de ce grand corps malade des signes qu'ils interprètent comme la cause du fléau, alors qu'ils n'en sont que la conséquence. Voudraient-ils donc nous faire croire que les vautours sont la cause des charniers au dessus desquels ils tournoient lugubrement ? Ou bien que les mouches sont responsables de l'agonie des mourants dont elles convoitent la chair afin de nourrir leur progéniture ?

Encore une fois l'Europe se presse au chevet du moribond. C'est la moindre des choses, mais elle-même est hélas contaminée largement par les mêmes pestes. Tous ses membres ressentent peu ou prou les mêmes symptômes. Médecins d'eux mêmes par la force des choses, ils proposent jusqu'à présent, en guise de remèdes, surtout des expédients, allant jusqu'à soigner le mal par le mal. 
L'aimable communauté veut éteindre la dette avec de la dette ! Elle prétend boucher un trou en approfondissant les autres .
C'est pourtant la tentative de la dernière chance nous dit-on. Nous n'avons "plus le droit à l'échec" clame Nicolas Sarkozy. Mais pourra-t-on sortir de cette spirale en se contentant de bonnes paroles et de cataplasmes lénifiants. Pourra-t-on guérir sans souffrir un peu, sans affronter la dureté des réalités, sans les dire comme elles s'imposent, sans faux-semblant, ni manoeuvre dilatoire ? Et in fine sans opter enfin pour une vraie fédération forte, unie et rigoureuse, gage de puissance et de prospérité. Le doute m'étreint.

Il n'y a pas de fatalité. A la fin de la seconde guerre mondiale, la Corée était un des pays les plus pauvres de la planète. Quelques décennies plus tard, même réduite d'une moitié elle figure parmi les plus dynamiques et florissantes, sans avoir abandonné son âme...
O mânes d'Athènes et de Missolonghi, donnez à la Grèce et aux Européens, l'énergie du désespoir et la force de revivifier l'avenir...

Illustration : La Grèce sur les ruines de Missolonghi par E. Delacroix

03 juin 2010

L'Europe au bord du trou noir

Comme suite à mon précédent billet, je ne peux trouver meilleur prolongement que l'intervention récente de l'amiral Edouard Guillaud , chef d'Etat-Major des Armées,  lors d'un colloque organisé à l'instigation du Conseil Economique de Défense, à Brest.
Évoquant les nouveaux défis stratégiques mondiaux, il a fait le constat du décrochage militaire entre l'Amérique et l'Europe. Un chiffre résume la situation : depuis la fin de la guerre froide, 80% des troupes américaines qui y étaient stationnées en permanence, ont quitté le théâtre européen. Un chose apparaît désormais clairement : l'Europe n'est plus pour les USA un « continent prioritaire ». Quant à l'OTAN qui devrait plus que jamais être la charnière permettant l'articulation des politiques de défense des deux continents, elle peine à conserver sa légitimité et se voit contestée régulièrement par nombre d'Européens (au premier rang desquels... figurent les Français !)

L'amiral Guillaud n'a pas caché les doutes et la déception qui étreignent désormais les Etats-Unis au sujet de l'Europe : «27 pays de l'Union européenne peuvent-ils être considérés par les États-Unis comme des partenaires fiables quand ils refusent de partager le fardeau afghan ?». On pourrait ajouter, bien qu'il commence à dater, le manque de cohérence lamentable manifesté à l'occasion de l'intervention irakienne (avec ses deux sièges au conseil de sécurité de l'ONU, l'Europe n'a pas réussi à adopter une position commune, et la France, minoritaire, n'a pas hésité à maintenir une position très hostile à celle adoptée par les Américains).
Face à cette faille qui ne cesse de s'agrandir, la défense européenne, même si elle a tendance à s'organiser un peu mieux depuis quelques années, reste très en retrait de la puissance américaine, massée derrière un seul chef et dotée de plus du double de moyens financiers. La crise actuelle risque d'aggraver encore cet état de fait, ce qui à terme peut constituer un vrai risque pour la sécurité du vieux continent, que sa situation géographique amène à côtoyer des zones de tensions grandissantes.
Pire, pour le chef des Armées Françaises, si l'absence actuelle de volontarisme se pérennise, on risque à moyen terme, rien moins qu'une «démission de l'Europe», qui deviendrait spectatrice au lieu d'être actrice.

L'amiral Guillaud a rappelé que ce n'est pas ce que veulent les États-Unis, qui préfèrent « une Europe puissante à une Europe vassale ». Comble de l'ironie, plus l'Europe perd en puissance militaire et économique, plus elle manifeste sa volonté de se démarquer de la politique américaine... Y a-t-il encore un espoir que les pouvoirs politiques et l'opinion publique prennent conscience du danger représenté par ce trou noir, nourri d'orgueil, de vanité et d'inconscience, qui commence à grignoter par tous les bouts l'aspiration européenne et la menace du déclin ?
...

27 mai 2010

Cousins trop éloignés

A entendre certains intellectuels, on pourrait parfois s'interroger sur l'époque dans laquelle nous vivons.
Sur le sujet de la France ou de l'Europe, certains manifestent en effet d'inquiétantes tendances rétrogrades. Nourrissent-ils un chimérique rêve de retour vers le passé, ou bien croient-ils vraiment que leurs lubies puissent servir de fil conducteur à un vrai projet innovant ?
Il y a quelques jours à propos de l'Europe (lors de l'émission « Vous aurez le dernier mot », animée par Franz-Olivier Giesbert), j'entendais par exemple Régis Debray se lamenter de la faiblesse du dessein européen. Il expliquait doctement qu'une fédération ne pouvait se construire qu'à l'initiative d'un fédérateur (citant au passage Napoléon et Hitler...), et habituellement pour s'opposer à un ennemi.
Ne disposant comme dirigeants selon son appréciation, « que de nains », et n'ayant à s'affirmer contre aucun adversaire déclaré, l'Europe n'aurait donc d'autre issue que de végéter voire se déliter dans le néant de l'Histoire.
Renchérissant sur cette conception, l'inénarrable Jean-François Kahn proposait alors, à défaut de vrai leader, de se trouver sans délai un ennemi, et proposait le plus naturellement du monde... les Etats-Unis !
On pourrait imaginer que ces intellectuels ne représentent qu'une frange de gauche, vieillotte, désabusée, et hostile par principe à tout ce qui peut de près ou de loin rappeler le monde capitaliste.
Mais à droite, et d'une manière plus générale dans l'opinion publique, il existe également un assez large consensus cultivant la nostalgie de siècles de conflits et d'impérialisme armé. En témoigne le dernier ouvrage « mélancolie française », d'Eric Zemmour, dans lequel il se fait le porte-parole de cette mouvance aux relents revanchards. Constatant le manque d'ambition et de pugnacité des dirigeants, il se lamente sur le déclin de l'influence française, et semble regretter le temps de la grandeur aristocratique et de la puissance colonisatrice...

Ce genre de propositions a de quoi faire frémir. Dans un monde « globalisé », où l'idée démocratique semble bon an mal an avoir tracé une empreinte durable et bienfaisante, il paraît suicidaire ou totalement irresponsable de cultiver ou pire encore, de revendiquer une telle nostalgie des temps féodaux !
Faut-il rappeler qu'au delà du besoin de se libérer du joug britannique, les colonies américaines se constituèrent en fédération surtout pour mettre en commun de fortes convictions, et un idéal. Que parmi les pères fondateurs, aucun n'eut l'ambition de faire figure de guide à lui tout seul, et que tous ont contribué modestement au grand dessein qui permit le fantastique essor de l'Amérique et de la Liberté.
Dans ses mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand rendait de ce point de vue, un hommage vibrant et mérité à George Washington, premier président des Etats-Unis, qu'il opposait de manière frontale à Bonaparte : « Tous deux sortirent du sein d’une république », écrivait-il en 1827, mais, « nés tous deux de la liberté, le premier lui a été fidèle, le second l’a trahie. »
L’écrivain français voyait ainsi dans le héros américain un homme d’une stature exceptionnelle : « Chacun est récompensé selon ses œuvres : Washington élève une nation à l’indépendance. Magistrat retiré, il s’endort paisiblement sous son toit paternel, au milieu des regrets de ses compatriotes et de la vénération de tous les peuples. » ajoutant un peu plus loin : « le nom de Washington se répandra avec la liberté d’âge en âge ; il marquera le commencement d’une nouvelle ère pour le genre humain. »

S'agissant de la fédération réunissant les 13 premiers états américains, elle ne vit le jour que 13 ans après la déclaration d'indépendance. Le péril anglais n'était pas éteint certes mais repoussé, et pendant des décennies l'Amérique n'eut pas d'ennemi extérieur à proprement parler. S'inspirant d'ailleurs de la recommandation que fit Washington à ses compatriotes au moment de quitter le pouvoir, ces derniers prirent longtemps grand soin de se tenir à l'écart des conflits, notamment européens... De fait, le principal déchirement qui menaça jusqu'à son fondement la fédération fut intérieur, représenté par la guerre civile.
La fédération n'eut en réalité d'autre but que de donner corps à une conception nouvelle de la société humaine. Et ce fut une révolution autrement plus novatrice et profonde que toutes les autres, survenues avant ou après elle. La preuve, cet idéal reste intact après plus de deux cents ans et il garantit la force et la cohésion de la nation américaine, et jusqu'à ce jour, la liberté du monde. L'exemple aurait de quoi faire réfléchir, notamment dans la vieille Europe, mais curieusement il n'est trop souvent considéré qu'avec ironie et dédain, ou au mieux, condescendance.

Dans son essai « sur la paix perpétuelle », paru en 1795, Emmanuel Kant, qui n'avait semble-t-il pas pris la mesure de ce qui se passait outre-atlantique, en brossait pourtant une interprétation philosophique étonnamment similaire.
Selon son opinion, la paix pour être durable, passait par la réalisation de deux conditions : la république et le système fédéral.
Par république, il faut entendre surtout démocratie, puisque l'argument essentiel consiste à prétendre que la guerre devient improbable, à mesure que les nations tendent vers l'état de droit, c'est à dire que l'on fonde les décisions,  non sur la volonté ou le caprice d'une autocratie tyrannique, mais sur l'acceptation éclairée par plus grand nombre, sous-tendue par la force de la Loi.
De fait, même si confrontées à des régimes totalitaires, elles se trouvent dans de terribles dilemmes où se manifeste parfois leur faiblesse, force est de constater que les démocraties ne se font entre elles, que très rarement la guerre. Certains pourraient me renvoyer à la figure les nombreux conflits dans lesquels fut impliquée l'Amérique. Objectivement, même s'il n'existe pas de guerre juste, il faut reconnaître que celles-là ont été faites avec l'aval du Congrès, contre des régimes totalitaires, qu'elles ne se traduisirent jamais par l'annexion des pays qui furent le théâtre des combats, et in fine qu'aucun des peuples concernés et devenus libres, n'eut à regretter l'intervention yankee sur leur sol (notamment en dernier lieu, l'Afghanistan ou l'Irak).

En définitive, le fédéralisme qui ménage l'autonomie de ses membres tout en mutualisant certains de leurs objectifs, a la capacité de tendre vers le bien commun en préservant celui de ses parties. La paix qui se conçoit comme un but essentiel devient ainsi le coeur et la raison du grand dessein fédéral. Selon Kant : « Si par bonheur un peuple puissant et éclairé en vient à former une république (qui par nature doit tendre vers la paix perpétuelle), alors celle-ci constituera le centre d’une association fédérale pour d’autres états, les invitant à se rallier à lui, afin d’assurer de la sorte l’état de liberté des Etats conforme à l’idée du droit des gens. »
A la lumière de cette conception, le déclin des Etats-Nations n'est plus une calamité. Il s'inscrit au contraire dans une sorte de métamorphose. S'il est demandé à chacun de rabattre un peu de ses prétentions et de son chauvinisme, rien n'oblige quiconque à renoncer à son âme, au nom d'un idéal raisonnable, qui se veut ni impérialiste, ni guerrier, mais voué à l'ouverture des peuples les uns aux autres, à la sécurité, à l'équilibre et à la prospérité.
Il n'est que d'imaginer le poids et la puissance d'une fédération qui serait composée des Etats-Unis et de l'Europe, pour mesurer les avantages pour le monde entier qu'il y aurait une fois pour toutes à s'allier, et non à se dénigrer ou se jauger comme des adversaires potentiels. Comment se fait-il donc, qu'au milieu des bouleversements et des incertitudes qui agitent le monde actuel, ces deux cousins abreuvés aux mêmes sources philosophiques, trempés au feu des mêmes combats, ne parviennent pas à unifier leurs efforts, alors que leurs aspirations à la liberté et au bonheur sont somme tout si proches ? Voilà qui est un curieux et assez navrant mystère...

08 mai 2010

L'Europe tremble

La crise internationale rentre dans une nouvelle phase. Elle semble désormais se concentrer sur la vieille Europe, spécialement dans sa partie occidentale.
Et par une étrange ironie du sort, au moment de commémorer la capitulation de l'Allemagne en 1945, c'est au bon vouloir de cette dernière que le sort de l'euro est suspendu...

Aujourd'hui l'Allemagne apparaît en effet comme le vrai maillon fort d'un conglomérat en grand danger de délabrement. En dépit du fardeau faramineux dont elle a hérité il y a vingt ans avec la chute du Mur et la réunification, elle peut se flatter d'avoir la situation économique la moins mauvaise des pays de la zone euro. Elle est certes fortement endettée, mais est parvenue à endiguer son déficit (3,2% en 2009, 5% prévu en 2010), a procédé à beaucoup de réformes structurelles et son dynamisme industriel lui permet de garder la seconde place mondiale en terme d'exportations.
Nicolas Sarkozy a tout intérêt à tenter de préserver un axe fort entre Paris et Berlin (« l
'axe franco-allemand est indestructible » a-t-il répété encore hier à Bruxelles), mais chacun peut voir en filigrane, que la France n'est pas en mesure d'imposer grand chose. Avec une dette dont on ne parvient même pas à connaître le chiffre exact, autour de 1500 milliards d'euros, représentant au moins 80% du PIB, et un déficit autour de 8% (7,9% en 2009), la France ne vaut guère mieux que les pays les plus fragilisés à l'instant présent (il faut rappeler que les critères de Maastricht imposaient aux pays membres de la zone euro une dette inférieure à 60% du PIB et un déficit n'excédant pas 3%...)
Le plus effrayant est de regarder l'évolution de cette dette dans le temps. Depuis une trentaine d'années, elle n'a cessé de croitre, passant de 21% du PIB en 1978 à 84% prévus en 2010.
Devant ces chiffres et ces tendances, un constat s'impose : contrairement à ce qu'on nous a seriné depuis des mois, la crise n'est pas celle du libéralisme, mais bien celle des États.
On voit d'ailleurs que les pays qui incarnent le mieux au plan économique le modèle capitaliste sont actuellement les moins touchés : Chine, Inde, Europe de l'Est... Les Etats-Unis, quant à eux, grâce à une réactivité globalement encore assez bonne, ont amorcé une reprise sensible (300.000 emplois pour le seul mois d'avril, 3% de croissance du PIB prévus en 2010).
En revanche, la crise concentre désormais ses effets néfastes sur les pays les plus avancés dans le chemin vers l'Etat-Providence.
Pour l'heure, à l'instar de la France, ils refusent d'accepter cette évidence, incriminant toujours la responsabilité des marchés, et fustigeant les attaques de mystérieux spéculateurs (« désormais les spéculateurs doivent savoir qu'ils en seront pour leurs frais » a prévenu M. Sarkozy).
Tout en plaidant pour la lutte contre les déficits, ils continuent de préconiser les programmes de relance gouvernementaux, et les emprunts, se livrant eux-mêmes à d'incroyables spéculations (quel argent peut-on prêter lorsqu'on est soi-même endetté jusqu'au cou ?).
Les chefs d'états, réunis à Bruxelles le vendredi 7 mai, ont annoncé un train de mesures aussi déterminées qu'imprécises : mettre en place une « ligne de défense de la zone euro »,  renforcer les «mécanismes de stabilisation ». M. Berlusconi a parlé « d'état d'urgence », Nicolas Sarkozy de « mobilisation générale ». En chœur, tous ont promis « d'utiliser toute la gamme des instruments disponibles » , d'appliquer des « sanctions plus sévères » vis à vis des Etats trop laxistes (ils le sont tous pour l'heure...)...
Tout cela donne un peu un sentiment de panique et d'improvisation. D'autant que ceux qui réclamaient à grands cris des régulations et des contrôles pour les marchés, les refusent ou minimisent leur importance vis à vis des politiques gouvernementales. Les Socialistes ne veulent pas entendre parler de rigueur, Dominique Strauss-Kahn, président du FMI, et même l'Elysée conseillent de ne pas trop "faire confiance" aux fameuses agences de notations indépendantes (tout en préconisant la mise sur pied d'une agence européenne, qui serait par nature, inféodée au pouvoir politique) ...
Tandis que l'Euro amorce une descente dangereuse, la mise sur pied en catastrophe d'un « fonds de soutien » aux pays en difficulté, dont la Grèce va commencer par pomper 115 milliards d'euros, s'inscrit dans une sorte de fuite en avant. Est-ce la solution ? Peut-on encore éviter le délitement de la monnaie unique, qui aurait pour conséquence probable l'anéantissement définitif de l'idée européenne en tant que fédération de nations ? Ce serait une catastrophe dans le contexte de la fameuse mondialisation, mais hélas, c'est  bien la question du jour.
Graphique : Wikipedia

29 juin 2008

La douche irlandaise


Le Non irlandais au traité de Lisbonne, fait apparaître au grand jour une fois encore, le fossé gigantesque qui sépare l'Europe des Peuples de celle que les dirigeants cherchent à leur imposer avec opiniâtreté. En la circonstance, le référendum populaire paraît une gageure insensée, cristallisant par nature des mécontentements de toute nature et souvent hors sujet. Mais il a un mérite : montrer qu'on ne peut espérer convaincre sans un minimum de clarté et d'enthousiasme.
Or l'idée européenne à ce jour en est tristement dépourvue. Pour tout dire, elle est à l'image de la substance bureaucratique dans laquelle elle plonge ses fondements juridiques : une sorte de gros machin mou, sans forme, sans direction, englué dans un limon glissant de standards et de normes.
Comment les citoyens pourraient-ils donner à ce monstre froid et indifférent, la légitimité de gouverner leur existence ?


Le projet de Constitution proposé dans un premier temps, et rejeté en 2005 par la France et les Pays-Bas, était avec ses 448 articles et ses quelques 250 pages, un véritable assommoir à électeurs. Au moins portait-il, au sein d'un prolixe et incompréhensible jargon, quelques ferments d'union. L'Europe avait un Hymne, un Drapeau, une Devise et même un Ministre des Affaires Etrangères.
Plus rien de cela hélas ne subsiste dans le traité de Lisbonne, abusivement qualifié de « mini-traité ». Tous les emblèmes fédérateurs ont été supprimés et il ne reste qu'un texte lourd de plus de plus de 150 pages, censé modifier et non remplacer les traités de Rome et de Maastricht. Certes on n'y compte plus que 7 articles mais ils se répartissent en plus de 350 dispositions de droit primaire, auxquelles s’ajoutent 13 protocoles et 59 déclarations !

Inutile de chercher dans cette rhétorique procédurière le moindre élan, ni même un quelconque dessein commun. On ne tente ici de fédérer de manière contractuelle, qu'une nuée d'égoïsmes nationaux, crispés sur l'obsession de profiter au maximum du système tout en lui abandonnant le moins possible de « souveraineté »... La France donne le ton, en ramenant à tout propos son prétendu merveilleux « modèle social », ses ambitions universelles en matière de « Droits de l'homme », et sa volonté farouche de préserver coûte que coûte une Défense Nationale indépendante.

Résultat, à l'exception notable de la monnaie unique, nous n'avons de l'Europe que le pire : des normes et des règlements tatillons, comme s'il en pleuvait, qui vitrifient dans l'uniformité notre manière de vivre, qui interdisent à la diversité de se manifester dans ce qu'elle a de meilleur, qui semblent se moquer des initiatives locales, et qui s'avèrent incapables dans le même temps, de cimenter un édifice cohérent.
Qu'est-ce donc qu'une Europe qui ne peut adopter une politique de défense commune ? Qui ne sache tenir une position fermement définie au sein du concert des nations ? Qu'est-ce qu'une Europe qui s'exprime de manière cacophonique, et qui par exemple, s'accroche à ses deux postes au Conseil de Sécurité de l'ONU, par lesquels elle affirme trop souvent la position sectaire voire parfois contradictoire de deux pays ? Qu'est-ce qu'une Europe qui ne cesse d'élargir ses assises géographiques alors qu'elle ne maitrise toujours pas ses fondements institutionnels, et ne sait pas véritablement où elle veut aller ?

On serait bien tenté de voir dans le logo adopté à l'occasion de la présidence française, le symbole piteux de cette déconfiture : des étendards qui pendent comme de vieux torchons au milieu de symboles nébuleux...

En définitive la douche irlandaise pourrait être bénéfique si tant est qu'on veuille enfin donner à ce genre d'avertissement la portée qu'il mérite.
Mais saura-t-on le faire ?

22 février 2008

E pluribus nihil

L'indépendance auto-proclamée du Kosovo pose une nouvelle fois la question de la pertinence de l'organisation européenne. Une fois encore, elle semble prise en défaut puisqu'on n'entend pour ponctuer l'évènement, que des sons de cloches disparates, émanant sans cohérence, des « Etats-Nations ». Certains voulant paraître progressistes s'empressent de reconnaître le nouveau pays, sans condition. D'autres s'y refusent pour l'heure, pour d'obscures raisons conjoncturelles. Mais de position claire de l'Institution Européenne elle-même, point. Au surplus, dans cette cacophonie médiocre, on ne relève hélas que de sordides considérations nationalistes ou religieuses qui font craindre que les fondations déjà fragiles du conglomérat ne soient un peu plus minées par ces particularismes chauvins ou sectaires.

L'adoption parlementaire du minitraité n'est pas de nature à réconforter. Il fallait certes relancer le processus, fourvoyé dans une impasse. Le président de la République s'y était engagé, il l'a fait, c'est un bon point. Mais s'il est difficile de contester la légitimité de son action, on peut s'interroger sur son efficacité. L'Europe reste toujours aussi inintelligible pour le peuple. Sauf à être un exégète, on est bien incapable de comprendre concrètement ce qu'apporte ce texte, qui malheureusement ne semble rien avoir perdu de sa complexité ni de sa nature technocratique, par rapport au projet de constitution proposé par voie référendaire.

J'ai une propension naturelle à penser que le système fédéral constitue une remarquable solution aux problèmes d'organisation des sociétés humaines. Prenant en compte à la fois le Bien Commun et celui de ses parties, il préserve l'autonomie des régions tout en garantissant s'il est bien conçu, une grande cohérence inter-étatique. Au surplus, il s'avère être une très forte source d'émulation pour les « initiatives » citoyennes locales, tout en réduisant par la même, la tutelle asphyxiante de l'Etat Central. A l'appui de cette thèse, l'opinion du grand philosophe Emmanuel Kant, qui voyait dans le modèle fédératif la clé de la Paix Perpétuelle, et surtout, l'expérience pratique qu'en ont les Etats-Unis depuis leur fondation. Une terrible guerre de sécession l'a certes ébranlé mais in fine, a conforté les Américains dans l'absolue nécessité de veiller à ne jamais laisser s'effriter le précieux ciment qui les unit. Plus de deux siècles attestent de la solidité de l'édifice et de son efficacité, et la devise scellant l'union paraît plus solide que jamais : e pluribus unum. Les nations européennes auraient intérêt à s'en inspirer. Les mêmes causes ayant tendance à produire les mêmes effets, il y a fort à parier que ce principe, appliqué à la vieille Europe, pourrait contribuer puissamment à intégrer dans un ensemble homogène, les nations d'autrefois pour construire un vrai projet moderne et novateur. Ni l'adhésion des pays de l'Est, ni le morcellement de certains états artificiels comme l'était la Yougoslavie, ne devraient poser problème, si la règle était appliquée avec bon sens. L'Europe préserverait ses particularités régionales tout en constituant progressivement une force indivisible, parlant au monde d'une seule voix.

Certes, ni le Kosovo, ni la Serbie n'appartiennent à l'Europe, mais puisque cette dernière a commencé à manger l'ancienne Yougoslavie en intégrant la Slovénie, comment peut-elle s'extraire de ce sujet ? Comment peut-elle prétendre exercer une influence bienfaisante en étant incapable de s'exprimer et d'agir sur ce qui se passe à ses portes ou en son sein même ? Force est de constater hélas que l'Europe fédérale, seule perspective vraiment rationnelle d'édification d'un ensemble digne de ce nom, reste un voeu pieux. Continuerons-nous longtemps encore à brinquebaler et à tergiverser, en nous regardant chacun le nombril national, tandis que le monde se transforme autour de nous ?

25 juin 2007

L'Europe à nouveau sur les rails


C'est un peu l'image que renvoyait l'Europe ces derniers temps : celle d'un train de marchandises, arrêté en rase campagne. Ses wagons étaient toujours attachés entre eux, mais il n'avaient plus ni dessein, ni destination.

Il faut rendre hommage à Nicolas Sarkozy. Moins d'un mois et demi après son élection, il est parvenu à redonner un élan à cette machinerie toujours fumante, mais immobile. Il n'a pas ménagé sa peine. Selon sa méthode, il s'est rendu à tous les endroits où il y avait des frictions. Et surtout il n'a pas éludé la responsabilité que portait la France dans cet échec : « Je comprends les réticences, je suis le représentant d'un pays qui a dit non à la constitution ».
Pour une fois la France a fait profil bas. Pour une fois elle a semblé vraiment tenir compte de l'opinion de ses partenaires et les a respectés. Et pour une fois elle a exprimé une vraie conviction, celle de construire avec ses voisins un avenir commun. Cela fut payant. La partie est encore loin d'être gagnée mais elle est bien engagée. Le climat a paru bon, même détendu. Les échanges ont été directs et pragmatiques.
On n'avait pas vu ça depuis longtemps. Et tant pis pour la constitution. De toutes manières à 27, il était devenu illusoire d'espérer mener à bien un projet aussi complexe.

Avec un peu de chance le mini-traité sera suffisamment simple pour être efficace et suffisamment approfondi pour constituer le socle solide d'une vraie nation européenne...