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11 septembre 2011

9/11 : Entre Tristesse et Espoir


Dix ans après le cataclysme qui ébranla la naïve insouciance du monde occidental et frappa cruellement les New-yorkais dans leur chair, force est de constater que les archaïsmes sont restés très présents dans une bonne partie de l'opinion publique.
En Europe et particulièrement en France, le consensus anti-américain est toujours solide, sous le voile d'hypocrisie que l'élection d'Obama a tendu au dessus de cette montagne de mauvaise foi haineuse. Grattez un peu et vous retrouverez tous les poncifs du genre. Par exemple, en lisant les nombreux commentaires au récent billet d'Yvan Rioufol, on peut s'en faire une idée assez précise. La théorie du complot généralisé a encore de nombreux adeptes. Comme celle qui prétend que les Etats-Unis ne peuvent justifier leurs interventions armées que par des mensonges délibérés, ou bien qu'ils n'ont pour objectifs que la poursuite du pétrole ou de sordides considérations mercantiles.
Depuis 2001, le monde a beaucoup changé malgré les dénégations arrogantes et confuses de nombre de songe-creux, arc-boutés sur leurs lubies irresponsables. Il a changé à tel point qu'il est bien difficile d'expliquer l'opiniâtreté avec laquelle ils cultivent envers et contre tout des clichés construits sur la base de rumeurs ou de fantasmes, alors que l'information est disponible en abondance. C'est un grand mystère qui caractérise notre époque, sur lequel s'interrogeait en son temps Jean-François Revel (La Connaissance Inutile). Mais c'est un fait, le grégarisme tient lieu désormais d'attitude, et la reprise en boucle de slogans fait trop souvent office de raisonnement.
Curieusement, pour beaucoup de ces gens, l'incapacité maladive à voir les réalités telles qu'elles sont, n'a d'égale que l'indifférence qu'ils manifestent pour le monde qui les entoure. Pire encore est le mépris quasi systématique pour tout ce qui touche ou se fait à l'étranger, dont la tentation protectionniste est une des navrantes et chauvines formes d'expression.

Le Monde a changé et probablement va changer encore profondément dans les années qui viennent. L'Occident est en train de perdre sa prééminence, c'est un fait. Mais au nom de quoi faudrait-il souhaiter que perdure une situation dans laquelle notre bien-être s'apparentait à une égoïste sinécure, ignorante de la misère dans laquelle végétait, et parfois était littéralement enfermée, une grande partie de la planète ?
Les socialistes de tout poil et les alter-mondialistes, soit disant généreux et altruistes, prétendent que le modèle de la société ouverte capitaliste approfondit les inégalités et propage la pauvreté à travers le monde. Dans le même temps ils s'insurgent contre la concurrence déloyale que les pays émergents imposent aux pays développés.
Ils ne veulent donc pas voir avec leurs yeux de taupes, qu'à l'inverse de leurs refrains, la prospérité est en train de faire irruption dans nombre de pays ayant fait le choix du capitalisme. Ils ne voient pas non plus que le protectionnisme qu'ils réclament à corps et à cris ne ferait que rétablir les affreuses barrières derrière lesquelles tant d'horreurs et d'injustices ont été commises.

Les prosélytes du paradigme "progressiste" se sont trop longtemps accommodés de terribles disparités pour aujourd'hui continuer à donner des leçons d'égalité. Leur inspiration froidement matérialiste a trop montré d'arrogance envers toutes les religions pour accuser l'Amérique, un des pays les plus tolérants, de sectarisme bigot et de fanatisme anti-islamique.

Les tragiques événements de 2001 ont ébranlé le monde. Mais cette orgie insensée de violence a provoqué une brutale et sans doute salvatrice prise de conscience.
La coalition internationale menée par les Etats-Unis a permis de faire des progrès considérables dans la lutte contre le terrorisme qui gangrenait le monde. Elle a qu'on le veuille ou non, instillé un parfum de démocratie dans tout le Moyen-Orient, et même au delà. Et certains commencent manifestement à y prendre goût.
Tout ça est bien fragile et l'actuel bouleversement des grands équilibres économiques n'arrange pas les choses. Mais plus que jamais l'avenir est ouvert. Il dépendra de ce que nous en ferons.

Les récents propos du Président Obama montrent qu'en dépit des difficultés conjoncturelles, l'état d'esprit outre-atlantique n'a pas vraiment changé. C'est encourageant. Il conserve, comme à l'époque de George W. Bush, une bonne dose d'optimisme et de foi, nécessaire pour tirer tous les enseignements d'un drame qui s'éloigne mais dont la trace restera à jamais présente :
"Ceux qui nous ont attaqués le 11 septembre voulaient creuser un fossé entre les Etats-Unis et le reste du monde. Ils ont échoué. En cette dixième commémoration annuelle, nous sommes unis avec nos amis et partenaires dans le souvenir de tous ceux que nous avons perdus dans ce combat. En leur mémoire, nous réaffirmons l'esprit de partenariat et de respect mutuel dont nous avons besoin pour réaliser un monde où chacun vivra dans la dignité, la liberté et la paix" (Le Figaro)

20 mai 2011

Question de repères

En ces temps troublés, le désappointement manifesté par nombre de gens est compréhensible. Et il est normal qu'à la faveur des péripéties actuelles, la théorie du déclin de l'Occident revienne en force. C'est un thème récurrent, tout comme celui de la déchéance de l'Empire Américain.
Fort heureusement jusqu'à preuve du contraire, et en dépit de quelques fissures, ce jour fatidique est sans cesse repoussé. Évoqué par un blogueur ami, le Pr Poindron, je me permets humblement d'y revenir aujourd'hui, avec mon optique personnelle, sans doute éminemment critiquable.
Si je partage largement son analyse clairvoyante, pleine de bon sens et son souci d'équité, il me semble tout de même essentiel de souligner le péril qu'il y aurait d'emprunter, par désillusion, des chemins de traverse, ou bien de trop céder à l'émotion de l'instant, qui fait parfois prendre les vessies pour des lanternes.
Précisément, sous des apparences excessives, le système américain nous donne en ce moment, une magistrale leçon de vraie démocratie. Il est certain que les images que nous voyons ont une force terriblement dévastatrice, décuplée par leur répétition insensée. Mais sauf erreur judiciaire monumentale, elles sont en définitive fort utiles pour faire sauter le couvercle doré des privilèges, complaisances, arrangements et acoquinements qui protègent trop souvent les élites et certains idéologues imbus de leurs principes soi-disant intangibles. Car ces tares minent dangereusement l'esprit de liberté et l'égalité des droits indispensables à la pérennité de notre modèle de société. Contrairement à ce que l'ineffable BHL voudrait, M. Strauss-Kahn est à New-York, un justiciable comme les autres, et c'est tant mieux.
Certaines procédures peuvent paraître étranges ou inappropriées. Elles ont parfois plus d'importance qu'il n'y paraît et les condamner trop vite pourrait amener des catastrophes bien pires que le triste spectacle auquel on assiste. Rappelons-nous l'histoire du soldat romain qui ne comprenant pas la nature des cercles tracés sur le sable par Archimède, lui-même indifférent au tohu bohu accompagnant la chute de Syracuse, tue le savant d'un coup de glaive.

Si les caméras aujourd'hui ne laissent aucun répit à l'ancien directeur du FMI, c'est parce qu'il occupait une position éminente, qui exigeait de lui une conduite irréprochable et un grand sens des responsabilités.
Tant qu'il était sur son piédestal, il bénéficiait, avec une satisfaction évidente, de l'éclairage flatteur des sunlights et de l'illusion doucereuse des sondages. Il ne peut aujourd'hui, compte tenu des charges qui pèsent sur lui, se plaindre de la cruauté de ces mêmes lumières, qui le poursuivent dans sa descente aux enfers.
Remarquons en tout cas, que c'est la presse qui focalise de manière outrancière l'attention publique sur sa personne. Aucune chaîne de télévision, aucun journal n'est obligé d'exhiber avec autant d'insistance ce fatum consternant, et personne n'est tenu d'en suivre à la minute les sordides détours.
Pendant ce temps de son côté, la justice a commencé sans retard son travail, et semble-t-il avance rapidement, avec efficacité. Et force est de reconnaître qu'elle ne se commet pas à jeter grand chose en pâture à ces meutes avides de scoops, réduites de fait aux supputations et rumeurs stériles... La liberté est à ce prix.

Illustration : Sont-ce des spirales ou bien des cercles ?

15 février 2011

George W. Bush avait peut-être raison...

C'est un fait, j'aime assez la provocation. Avec un tel titre je vais donc faire une fois encore figure d'iconoclaste, voire pire.
Et pourtant...
George W. Bush croyait que l'Irak et même l'Afghanistan étaient solubles dans la démocratie. D'une manière générale, il imaginait possible que toutes les nations du Proche-Orient puissent un jour être gouvernées par des dirigeants que le peuple serait en mesure de congédier, ou de renouveler par des élections libres.
Aujourd'hui, on voit des quantités de gens bien intentionnés exulter et s'ébaudir devant les promesses de lendemains qui chantent en Tunisie, en Egypte, et ailleurs. C'est à peine si un doute traverse leur esprit. La révolution, même violente, ne peut que donner naissance à la démocratie !

Puisse le cours des évènements leur donner raison.
N'empêche... Pourquoi a-t-il fallu qu'ils fassent la fine bouche (sans jeu de mot) lorsque l'Amérique, prenant la tête d'une vertueuse croisade, appela tous les gens de bonne volonté à les suivre dans leur objectif de dégommer, non sans vraie raison, des tyrannies autrement plus costaudes et cruelles que celles qui chancellent à l'instant présent ?

A ce jour, même si l'équilibre est fragile, et si de nombreux périls subsistent, l'Irak est incontestablement un pays où les élections sont libres. N'y a-t-il pas là un exemple de nature à galvaniser les foules à Tunis, au Caire et ailleurs, pour secouer le joug qui pèse sur elles depuis trop longtemps ? Difficile à affirmer, mais c'est désormais un fait : si plusieurs peuples parviennent à trouver un chemin vers la liberté, la fameuse théorie des dominos a quelques chances de devenir une belle réalité.
Et ce chemin, que Jean-François Revel évoquait autrefois en parlant de "regain démocratique", il est imaginable qu'un nombre croissant des habitants de ces pays espèrent vraiment le prendre. On peut être consterné par la nuée de Tunisiens qui s'abat soudain sur l'Europe, mais dans leur désespoir, il y a comme une légitimation du système démocratique, qui plus est, "capitaliste" : Pour nous, l'Italie, c'est le paradis !" (Figaro 14/02/11).
Si un jour pas trop lointain l'Iran est contaminé par cette fièvre d'émancipation, ce sera une région brûlante du globe qui pourrait changer de visage et accéder à une vision apaisée de la gouvernance interne et des relations internationales.

S'il est un vœu à faire, c'est que tout puisse évoluer en ce sens et que les nations libres soient en mesure d'aider la liberté à progresser. Sans naïveté, sans complaisance, sans hypocrisie, mais avec autant de fraternité et de force qu'il est possible.
Au lendemain de la dernière guerre, plusieurs dictatures infâmes s'effondrèrent grâce à la détermination des puissances alliées. Qui eut pu croire à l'époque que ces nations qui étaient devenues maudites, fussent en mesure de retrouver si vite, la voie de la respectabilité ?

22 décembre 2010

Une femme disparaît

En saluant devant les portes de l'éternité, la mémoire de Jacqueline de Romilly (1913-2010), c'est évidemment un bel et noble esprit que je voudrais honorer.
C'est aussi le souvenir ébloui de la merveilleuse épopée que toute sa vie durant, elle chercha à faire revivre par la pensée et par l'écriture : la Démocratie Athénienne.
Il y aurait sans doute une foule de choses à dire sur cette œuvre monumentale, pas toujours facile d'accès, mais une de ses forces fut de montrer avec éclat, l'importance que revêt l'éducation dans l'édification et la pérennisation d'une société de liberté et de justice.
Dans un de ses ouvrages traitant des "Problèmes de la Démocratie Grecque*", elle évoquait superbement ce point de vue en s'appuyant sur certains penseurs de l'antiquité. Isocrate par exemple, qui dans l'aréopagitique soulignait que "c'est par l'effet d'une mauvaise éducation que l'on prend l'indiscipline et la licence pour la liberté démocratique".
A contrario, "les gens qui ont été élevés dans la vertu savent obéir aux plus imprécises des lois".
On ne saurait rêver plus belle vision, ô combien prophétique du rêve de self-government qui pourrait caractériser selon certains Libéraux, une société parvenue à l'âge de raison et donc de liberté et de responsabilité.
Cette conception frappe en tout cas, par son intrépide modernité.
Lorsque, forte de sa connaissance du monde ancien, Jacqueline de Romilly affirme que "l'éducation est la condition de la vertu, qui seule permet le bonheur et la liberté des Etats", on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec l'idéal des pères fondateurs de la démocratie américaine, tel qu'il apparaît notamment dans la déclaration d'indépendance.
Il y a plus qu'un écho entre ces deux expériences, l'américaine et la grecque, séparées par deux millénaires, mais une chose est sûre : toutes deux furent caractérisées par de spectaculaires progrès dans tous les domaines de ce qu'on peut appeler la civilisation.
Hélas, l'aventure athénienne périclita, si je puis dire, à la fin du siècle de Périclès. Beaucoup de malheurs s'ensuivirent pour l'humanité et beaucoup de siècles de régression se succédèrent avant de renouer avec l'idéal démocratique. J'ignore si le fait de ne plus cultiver l'amour de l'antiquité et d'abandonner la pratique des langues mortes constituent des signes prémonitoires du déclin de la démocratie occidentale. S'agissant de l'éducation, il est certain qu'elle bat de l'aile. Il est non moins sûr qu'il s'agit d'un mauvais augure, eu égard au délitement de la pensée, et au navrant galvaudage de l'idée de liberté auxquels on assiste en parallèle. Plus que jamais il y a lieu de se souvenir de l'avertissement d'Isocrate, relayé par Jacqueline de Romilly.

Pour conclure, il me vient l'idée d'évoquer ici le souvenir du grand poète français André Chénier (1762-1794), qui fut la victime innocente des "bourreaux barbouilleurs de lois" de la Révolution. Il aimait passionnément l'antiquité, et voulait la réconcilier avec son temps à travers le syncrétisme de la poésie : "Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques".
Sans nul doute cet extrait délicieux des Bucoliques, pourrait s'adresser à cette femme, écrivain magnifique, esprit irradiant, qui vient de nous quitter...

Vierge au visage blanc, la jeune Poésie
En silence attendue au banquet d'ambroisie,
Vint sur un siège d'or s'asseoir avec les Dieux,
Des fureurs des Titans enfin victorieux.
La bandelette auguste, au front de cette reine
Pressait les flots errants de ses cheveux d'ébène;
La ceinture de pourpre ornait son jeune sein,
L'amiante et la soie, en un tissu divin,
Répandaient autour d'elle une robe flottante,
Pure comme l'albâtre et d'or étincelante.
Creux en profonde coupe, un vaste diamant
Lui porta du nectar le breuvage écumant.
Ses belles mains volaient sur la lyre d'ivoire.
Elle leva ses yeux où les transports, la gloire,
Et l'âme et l'harmonie éclataient à la fois
Et, de sa belle bouche, exhalant une voix
Plus douce que le miel ou les baisers des Grâces,
Elle dit des vaincus les coupables audaces,
Et les cieux raffermis et sûrs de notre encens,
Et sous l'ardent Etna les traîtres gémissants...

* Jacqueline de Romilly. Problèmes de la démocratie grecque. Editions Hermann 1975. Réédité en poche : Agora Pocket 1996

12 février 2009

The Union must be preserved...


Un prénom de prophète pour un destin de patriarche.
Abraham Lincoln (1809-1865) dont on fête le 12 février l'anniversaire, et cette année le bicentenaire de la naissance, fut en quelque sorte le père de la Nation Américaine. Il fut celui qui parvint à vraiment sceller, au prix d'une guerre civile et de sa propre vie, ce projet titanesque, élaboré par quelques colonies anglaises en mal d'indépendance, 20 ans avant sa naissance (George Washington fut élu premier président le 4 mars 1789), et qui faillit s'effondrer faute de fondations suffisamment cohérentes.
Élu en 1861, avec 40% des voix seulement, à la faveur des divisions régnant dans le Parti Démocrate, il avait acquis une stature nationale quoique nettement minoritaire, avec des positions clairement anti-esclavagistes. En 1858, il se désolait en effet : «Une maison divisée contre elle-même ne peut rester debout. Je crois que ce régime ne peut se prolonger de façon permanente, mi-esclavage, mi-liberté.»
Précisons que jusqu'à cette date, le délicat problème de l'esclavage avait été solutionné de manière plutôt hypocrite : le compromis étonnant du Missouri en 1820, avait en effet circonscrit à la latitude de 36°30, la limite des états autorisés à le pratiquer !
A l'époque, les USA en pleine expansion, voyaient régulièrement leur territoire s'agrandir grâce à de nouveaux états gagnés vers l'Ouest. Tant qu'ils rentraient dans la Fédération par couple, l’un au dessus, l’autre au dessous de la ligne ainsi définie, l’accord, bien que boiteux, fonctionnait tant bien que mal. Mais l’acquisition de nouvelles terres en Floride, puis surtout de celles achetées au Mexique, principalement situées au dessous du tracé fatidique, entraîna un déséquilibre croissant et fit craindre que s’affirma tôt ou tard la suprématie d’un modèle sur l’autre.
L'élection de Lincoln précipita quasi instantanément le cours tragique du destin. Avant même la prise de fonctions du nouveau président, la Caroline faisait sécession, le 20 décembre 1860. Ce furent bientôt 12 Etats confédérés qui affirmèrent leur volonté de divorce, se regroupant sous la houlette d'un président élu par leurs soins, Jefferson Davis, et avec une nouvelle capitale, Richmond en Virginie.
La quasi totalité du mandat de Lincoln fut consacrée à ses efforts pour gagner l'effroyable guerre civile qui s'ensuivit. Il y mit tant d'énergie qu'il est bien difficile de trouver la trace de quelque autre action significative dans les diverses biographies et récits historiques de cette époque. Même l'abolition de l'esclavage passa au second plan, puisqu'il ne l'entérina qu'en 1863, quelques mois avant la bataille de Gettysburg qui marqua le tournant décisif du conflit.
Il faut dire que l'affaire semblait de prime abord mal engagée pour les Etats loyalistes. L'intrépidité des troupes sudistes et leur détermination faillit vraiment mettre à mal l'Union, et les Yankees ne parvinrent à s'imposer qu'au terme d'effroyables combats faisant plus 600.000 morts (sur une population de quelques trente millions d'âmes).
Le premier mérite de Lincoln fut d'avoir poursuivi contre vents et marées un seul et même but : préserver l'Union à tout prix. Le second fut d'adopter lors de la victoire, une attitude magnanime, refusant notamment de juger pour trahison le général sudiste Lee et accordant aux vaincus meurtris la même attention qu'aux vainqueurs harassés : « Sans malveillance envers personne ; avec compassion pour tous ; avec fermeté dans la poursuite du bien, tel que Dieu nous donne de le voir, efforçons-nous de mener à terme l’œuvre que nous avons entreprise ; de panser les plaies de la nation ; de veiller sur celui qui a porté le poids de la bataille, sur sa veuve et sur son orphelin… de faire tout pour défendre une paix juste et durable, parmi nous et avec toutes les nations. »
Hélas cette grandeur d'âme n'empêcha pas le Sudiste aigri John Wilkes Booth de l'assassiner lâchement d'une balle dans la nuque, alors qu'il assistait à une représentation théâtrale, quelques jours après le début de son second mandat, le 14 avril 1865.
En quatre petites mais terribles années, Lincoln avait toutefois atteint son but : sceller solidement l'Union Américaine. Sa mort tragique ne fit que renforcer cet acquis en illuminant l'homme d'une aura quasi surnaturelle.

31 mars 2008

Tocqueville sous le scalpel des exégètes


Tocqueville deviendrait-il à la mode en France ?
Ségolène Royal
qu'on eut facilement imaginé fâchée avec lui s'en réclame au contraire en révélant notamment que « sa lecture est stimulante » et qu'il est à ses yeux l'un de ceux qui « ont le mieux analysé et anticipé les conséquences de la suppression des hiérarchies statutaires de l'Ancien Régime et les paradoxes de cette passion de l'égalité qui en résulte ».
Lucien Jaume, qui serait « l'un des meilleurs spécialistes du libéralisme », publie de son côté un ouvrage biographique sur l'auteur de la Démocratie en Amérique. Et Marc Fumaroli, de l'Académie Française, en fait cette semaine le sujet d'une analyse raisonnée dans la magazine Le Point.
Faut-il pour autant se prendre à espérer qu'enfin notre pays se mette à rendre l'hommage qu'il mérite à l'un de ses plus extraordinaires penseurs politiques ?
Je crains bien que non.
Non pas que je me fasse quelque illusion sur un éventuel revirement des idées au Parti Socialiste. Il faudra encore beaucoup d'eau à couler sous les ponts et de nuages à courir sur nos têtes pour voir se concrétiser cette interminable mutation.
Non ce qui semble plus préoccupant, c'est la présentation qui est faite de Tocqueville par des clercs réputés cultivés, modérés et réfléchis. Le titre de la chronique de Mr Fumaroli a lui seul en dit déjà long : « Tocqueville et ses arrières pensées ».
Mais de quelles arrières pensées s'agit-il ? Qui pourrait prétendre voir dans le magistral et limpide essai sur la démocratie moderne quelque obscur dessein caché ?
Tout d'abord, Mr Fumaroli, qui a lu le livre de Lucien Jaume, insinue qu'à travers son expérience outre-atlantique, ce serait en fait de la France dont Tocqueville parle. Plus fort il affirme que Raymond Aron et François Furet, qui ont puissamment contribué à propager la pensée tocquevillienne seraient en réalité passés à côté de l'oeuvre.
Grâce à une lecture « comparative plus poussée » des deux volumes de « De la démocratie », Lucien Jaume quant à lui, en aurait élucidé la vraie nature, et au passage mis à mal celle « plus ou moins naïvement célébrante dont se délectent les Américains » !
Il faut hélas se rendre à l'évidence, Mr Fumaroli et sans doute Lucien Jaume n'ont pas une très haute opinion des ces derniers, qui auraient fait de Tocqueville « le Saint-Thomas de l'orthodoxie néoconservatrice, préparant les esprits à l'invasion de l'Iran et au bombardement humanitaire de la Serbie » ! On croit rêver...

Le noble Normand n'aurait donc rien exprimé d'autre, dans son enquête que « ses intimes nostalgies, espoirs et angoisses, confinant au mythe personnel caché dans un langage à double fond ». Et derrière l'apologie de la démocratie américaine, qu'il est tout de même difficile de nier, ces deux professeurs prétendent qu'il soutenait en définitive, l'idéal plutôt tarabiscoté « d'une société féodale dont la démocratie américaine perpétuerait ou retrouverait les doux traits communautaires abolis en France par le Centralisme... »
Un peu fort de café tout de même.
Je n'ai pas eu l'occasion de parcourir en profondeur la thèse de Mr Jaume, mais quelques extraits suffisent pour s'émouvoir. A l'en croire, Tocqueville était assez indifférent ou pour le moins ambigu face à l'Amérique elle-même : « Tantôt il en fait l'éloge (dignité de l'homme, respon­sabilité personnelle, sentiments de sympathie et de sociabilité), tantôt il en dépeint des travers inquiétants (égoïsme, dissolution sociale, médiocrité des dirigeants, matérialisme des intérêts particuliers, tyrannie des majorités, État à la fois providentiel et écrasant). Le lecteur est donc conduit à se demander ce qu'il faut en penser. »
De là à interpréter ce qu'il a voulu dire il n'y a qu'un pas, qu'il semble franchir sans scrupule en s'interrogeant gravement : «Lui, Tocqueville, que pense-t-il de ce qu'il dépeint ?»
Mais l'art de lire entre les lignes, qui peut donner lieu à de belles exégèses philosophiques, paraît parfaitement déplacé dans une prose aussi claire et précise que celle de Tocqueville. Il a décrit et magnifié l'organisation politique américaine c'est sûr, mais il est allé beaucoup plus loin. Il a tout simplement compris que ce modèle, fondé sur le libre choix du peuple, allait inéluctablement gagner l'ensemble du monde et prévu par de sublimes déductions, la plupart des défis, des écueils et des dangers auxquels il serait confronté.
Naturellement son opinion est parfois nuancée car il n'avait pas pour objectif devant ses fabuleuses découvertes, d'abandonner tout esprit critique et son oeuvre n'était pas de circonstance, et encore moins celle d'un flatteur. C'est précisément ce qui en fait sa richesse et qui a fait qu'aux Etats-Unis, on l'a prise, contrairement à l'idée de Mr Fumaroli, davantage comme une leçon que comme « un livre culte de l'auto-idolâtrie américaine ».
Il est vrai que les cerveaux en Europe ont été tellement habitués à la suffisance sans limite des penseurs marxistes, à l'encensement philosophique sans mesure ni discernement, de cette abominable perversion, qu'ils peuvent éprouver de la peine à imaginer un mode de pensée différent.
Devant cette incompréhension et ces contre-sens apparents, il est intéressant de chercher quelque réponse auprès d'un vrai connaisseur du libéralisme. Comme par hasard, je tombe sur un texte que Jean-François Revel écrivit au sujet d'un précédent livre de Lucien Jaume. Je le livre ici tant il me conforte :
« J’ai lu avec beaucoup d’intérêt, lors de sa publication en 1997, le livre de Lucien Jaume, L’Individu effacé ou Le paradoxe du libéralisme français.
Membre du jury du Prix Guizot, je suis même de ses admirateurs qui, par leur vote, ont fait obtenir le prix 1998 à cet ouvrage.
Mais l’estime que j’exprimais ainsi pour l’auteur et pour l’érudition avec laquelle il embrasse son sujet ne signifie pas que son interprétation générale de l’héritage libéral français ne m’inspirait aucune perplexité.
Le but de Lucien Jaume est de nous persuader que les libéraux français du XIXe siècle, en réalité, étaient étatistes et que donc les néolibéraux actuels, pervertis par l’école austro-anglo-américaine, partisans de la privatisation et de la déréglementation, n’ont pas le droit de s’en réclamer. Nos libéraux du temps des Lumières et du XIXe siècle n’ont jamais voulu supprimer l’État.
Bien sûr que non, mais entre supprimer l’Etat et lui retirer les tâches qu’il exécute mal et au prix fort, il y a une différence, que Turgot, le premier, a inégalablement précisée. Ou encore Tocqueville, qui n’a cessé de se plaindre de l’excès du centralisme étatique français et de ses méfaits... »
Et pour donner le mot de la fin à Tocqueville, je ne peux résister à l'envie de livrer quelques réflexions qui disent assez son opinion et semblent éloignées du culte nostalgique de la féodalité auxquels certains semblent vouloir réduire le champ de sa pensée :
-Je ne crois pas à tout prendre qu'il y ait plus d'égoïsme parmi nous qu'en Amérique; la seule différence, c'est que là il est éclairé et qu'ici il ne l'est point. Chaque Américain sait sacrifier une partie de ses intérêts particuliers pour sauver le reste. Nous voulons tout retenir et souvent tout nous échappe.
-L'intérêt bien entendu est une doctrine peu haute, mais claire et sûre. Elle ne cherche pas à atteindre de grands objets; mais elle atteint sans trop d'efforts tous ceux auxquels elle vise. Comme elle est à la portée de toutes les intelligences, chacun la saisit aisément et la retient sans peine. S'accommodant merveilleusement aux faiblesses des hommes, elle obtient facilement un grand empire, et il ne lui est point difficile de le conserver, parce qu'elle retourne l'intérêt personnel contre lui-même et se sert, pour diriger les passions, de l'aiguillon qui les excite.
-Je ne craindrais pas de dire que la doctrine de l'intérêt bien entendu me semble de toutes les théories philosophiques, la mieux appropriée aux besoins des hommes de notre temps.
-Les Américains ont combattu par la Liberté l'individualisme que l'égalité faisait naître, et ils l'ont vaincu.
-Aux Etats-Unis, on s'associe dans des buts de sécurité publique, de commerce et d'industrie, de morale et de religion. Il n'y a rien que la volonté humaine désespère d'atteindre par l'action libre de la puissance collective des individus.
-Nul ne saurait apprécier plus que moi les avantages du système fédératif.J'y vois l'une des plus puissantes combinaisons en faveur de la prospérité et de la liberté. J'envie le sort des nations auxquelles il a été permis de l'adopter.
-Pour ma part, je ne saurais concevoir qu'une nation puisse vivre ni surtout prospérer sans une forte centralisation gouvernementale. Mais je pense que la centralisation administrative n'est propre qu'à énerver les peuples qui s'y soumettent parce qu'elle tend sans cesse à diminuer parmi eux l'esprit de cité. Nous avons vu qu'aux Etats-Unis, il n'existait point de centralisation administrative. On y trouve à peine la trace d'une hiérarchie. La décentralisation y a été portée à un tel degré qu'aucune nation européenne ne saurait souffrir.../...Mais aux Etats-Unis, la centralisation gouvernementale existe au plus haut point.
-Il arrivera un temps où l'on pourra voir dans l'Amérique du Nord 150 millions d'hommes égaux entre eux, qui tous appartiendront à la même famille, qui auront le même point de départ, la même civilisation, la même langue, la même religion, les mêmes habitudes, les mêmes moeurs, et à travers lesquels la pensée circulera sous la même forme et se peindra des mêmes couleurs. Tout le reste est douteux, mais ceci est certain. Or, voici un fait entièrement nouveau dans le Monde, et dont l'imagination elle-même ne saurait saisir la portée...
Le Point 1854 27/3/08
« Tocqueville », chez Fayard, par Lucien Jaume
« De la Démocratie en Amérique » Alexis de Tocqueville. Garnier Flammarion. Préface de François Furet.

31 janvier 2008

Le secret de Jefferson


Thomas Jefferson (1743-1826) fut l'un des plus éminents hommes d'état américains. Il fait partie des illustres Pères Fondateurs de la République Américaine. Et fut notamment le principal artisan de la déclaration d'indépendance, dont la proclamation le 4 juillet 1776 est commémorée chaque année aux Etats-Unis comme fête nationale.
Son génie fut à multiples facettes. Cet homme, avide de connaissances, avait à force de patience, constitué une des plus vastes bibliothèques de son pays, qu'il légua au Congrès à la fin de sa vie. En plus d'être un gentilhomme cultivé, il était doté d'une ingéniosité rare. A l'instar de son contemporain Benjamin Franklin, il inventa quantité de machines et dispositifs variés notamment dans le domaine agraire. Il était également architecte et dessina dans un style néoclassique un brin inspiré de Palladio, entre autres, le capitole de Richmond en Virginie, la rotonde de l'université dont il fut le fondateur, et naturellement sa maison de Monticello.
Ami de la France où il séjourna comme ambassadeur de 1784 à 1789, il jugea sévèrement la corruption et les excès de cour du régime monarchique finissant. S'il avait une sympathie pour les idées nouvelles, il fut toutefois dégoûté par les débordements de 1789 dont il fut le spectateur attentif.
Jefferson était plutôt modeste. Lui qui présida les Etats-Unis durant 8 ans ne voulut pas que cela fut mentionné sur sa tombe. Pour la postérité, il n'était fier que de 3 actions : la déclaration d'indépendance, la fondation de l'Université de l'état de Virginie, et la loi sur les libertés religieuses de la même Virginie.
Cet amoureux inconditionnel de la liberté, était animé d'une pensée résolument décentralisatrice, marquée par une défiance naturelle pour tout gouvernement. Considérant qu'il s'agissait d'un mal nécessaire, il souhaitait que l'étendue des pouvoirs de ce dernier soit la plus limitée possible. En ce sens il s'opposait au fédéraliste Hamilton qui prônait au contraire un état central fort.
Sa vision pragmatique le conduisit à faire des choix heureux. Il parvint ainsi à obtenir le plus paisiblement possible de Napoléon 1er, qu'il lui cède pour un prix d'ami la Louisiane, ce qui doubla d'un coup la superficie des Etats-Unis ! Il fut l'initiateur de la Conquête de l'Ouest qu'il préfigura en commandant la fameuse expédition Lewis et Clark, laquelle explora les terres inconnues, jusqu'aux rives du Pacifique. Enfin, bien qu'il fut partisan d'une grande liberté d'expression en matière de croyance religieuse, il était quant à lui agnostique et oeuvra infatigablement pour la séparation de l'église et de l'Etat.
Pourtant Jefferson, cet homme vénérable, d'une probité exemplaire emporta avec lui un terrible secret. Lui qui perdit à l'âge de 39 ans, son épouse très aimée Martha, peu après la naissance de leur 6è enfant, et qui jura alors de ne jamais se remarier, fait l'objet d'une étrange rumeur, jamais confirmée, jamais infirmée.
Propagée initialement par un journaliste résolument hostile à ses idées, James Callender, elle l'accusait d'entretenir des relations charnelles avec une esclave qui était à son service, Sally Hemings (1773-1835).
On ne sait pas grand chose de cette femme, si ce n'est qu'elle fut la mère de 6 ou peut-être même de 7 enfants. Elle vécut à Monticello jusqu'à la mort du président et certains prétendaient que sa progéniture avait quelque ressemblance physique avec le grand homme. Deux de ses fils, Eston et Madison affirmèrent même que leur père était Thomas Jefferson. A l'inverse, la première fille du président, Martha Jefferson Randolph soutenait le contraire, attribuant l'air de famille à l'implication du frère cadet Randolph, ou bien des neveux de Jefferson, Peter et Samuel Carr...
Il n'est pas inutile de mentionner que Jefferson qui n'était selon toute probabilité pas raciste au sens où on l'entend communément (il abolit la traite des noirs) avait une réticence avouée pour le métissage : « The amalgamation of whites with blacks produces a degradation to which no lover of his country, no lover of excellence in the human character, can innocently consent »
La controverse sembla pouvoir être tranchée en 1998, lorsque des analyses ADN furent effectuées par le Dr Eugene Foster sur les descendants des amants supposés. Elles ne levèrent toutefois pas définitivement pas le doute. S'il existe indéniablement des points communs génétiques entre les familles Hemings et Jefferson, la responsabilité de Thomas ne peut pas être affirmée avec plus de force que celle de son neveu Peter ou celle de son frère, tous deux ayant fréquenté Monticello régulièrement...
Les avis restent à ce jour partagés. Certains ont fait leur choix. Ainsi James Ivory dans son film Jefferson à Paris évoque sans ambiguïté les amours de Thomas Jefferson et de Sally Hemings.
Pour d'autres, l'incertitude persiste. Même si la liaison est plausible, voire probable, il est possible de rester dubitatif à l'instar des membres de la
Thomas Jefferson Heritage Society. S'il est en effet envisageable que Jefferson ait pu avoir à un moment ou un autre des relations avec Sally, on imagine tout de même mal qu'il les ait poursuivies avec une assiduité telle qu'elles mènent à la conception de 6 enfants (dont le dernier Eston, naquit alors qu'il avait atteint 65 ans) ! Comme on comprend mal que jamais il n'y ait fait la moindre allusion, même à titre posthume. D'autant qu'il connaissait les insinuations qu'on faisait à ce sujet. Si la rumeur était fondée, on peut penser qu'il eut ressenti tôt ou tard le besoin de l'avouer. Si elle était fausse en revanche, il pouvait lui paraître vain de tenter de s'en défendre, vu qu'il lui était impossible de fournir quelque preuve tangible...
Entendons-nous bien, le plus troublant en la circonstance, n'est pas que Jefferson ait pu entretenir une relation amoureuse avec Sally Hemings. Etant veuf, il n'était lié par aucune obligation après tout et pour un homme aussi libre et ouvert d'esprit, la condition de Sally ne pouvait représenter un obstacle insurmontable. Le plus troublant, si l'histoire est vraie, est qu'il éprouvât le besoin de la tenir cachée, et ne reconnût aucun des enfants (mais il les émancipa tous).

Eu égard aux très grandes qualités humaines de cet homme, et parce qu'imaginer un tel mensonge par omission paraît déplacé, je suis tenté pour ma part de lui accorder le bénéfice du doute...

26 janvier 2007

De la Démocratie active

Une fois n'est pas coutume, je me fends de propos élogieux pour l'émission de France-Inter animée par Nicolas Demorand (le Sept-Neuf Trente).
Elle fut le régal intellectuel de mon petit déjeuner ce matin, grâce à l'invité Stephen Breyer, juge à la Cour Suprême des États-Unis, qui avec douceur, humour, et en français, a donné aux auditeurs qui voulaient bien l'entendre, une lumineuse leçon de démocratie (à propos de son nouvel ouvrage : Pour Une Démocratie Active).


J'en ai retenu 3 points essentiels car transposables immédiatement dans le cloaque conceptuel qui caractérise actuellement la France :
-Dans une société libre et par nature responsable, il est vain et inutile de proposer des lois interdisant d'exprimer certaines thèses, notamment négationnistes. Les Américains, en avance sur nous, n'ont peur d'aucune opinion. Ils pensent en effet qu'il n'y a rien de tel pour montrer l'inanité d'un point de vue, que de le confronter aux autres.
-Les vertus du débat d'opinion : La peine de mort a peu de chances d'être abolie aux États-Unis tant que le peuple n'y est pas favorable dans son ensemble, même s'il n'y a rien de figé pour autant en la matière, comme le passé l'a montré, et pas de religion universelle. Tout est affaire de contexte. En France c'est le fait du prince qui s'est imposé, et ce dernier pour marquer son empreinte, veut désormais le rendre irréversible...
-La sanction par le vote : Dans un pays où l'information circule librement, il est idiot de reprocher à George Bush ses mensonges au sujet de l'Irak. Contrairement à ce qui se passe habituellement chez nous, le président n'a pas décidé seul l'intervention militaire. Tout comme Kennedy au Vietnam, il lui a bien fallu emporter la conviction de ses compatriotes. Le congrès dans son immense majorité a trouvé convaincante l'argumentation proposée, ainsi que les électeurs au moins jusqu'en 2004. Au demeurant, comme pour le Vietnam, si la raison immédiate invoquée était discutable, les arguments de fond ne manquaient pas.
On peut toujours gloser ou se répandre en vitupérations haineuses, la seule question qui vaille aujourd'hui est : comment faire pour éviter en Irak l'échec cuisant du Vietnam ?
Enfin, Mr Breyer a terminé avec un élégant hommage à Tocqueville, qui pourrait flatter les Français si seulement ils mesuraient à sa juste valeur l’œuvre de cet illustre compatriote...