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21 mars 2019

Grand Débat : Démocratie et Citoyenneté

Au moment où est publié, sous l'égide de Jérôme Fourquet, le constat accablant de la décomposition de notre société, sous le titre évocateur de l'Archipel Français, il semble bien temps de se préoccuper de ses valeurs cardinales que sont la démocratie et la citoyenneté.
Le sous-titre de l'ouvrage donne la mesure du désastre, en qualifiant notre pays de "nation multiple et divisée".
Les citoyens se regroupent désormais en tribus de plus en plus indifférentes les unes aux autres quand elles ne se vouent pas une franche détestation réciproque. Il n'y a plus guère de dessein commun et la démocratie elle-même s'effrite au gré des combats et revendications communautaires.
Au nom d'une vaine égalité, la liberté est chaque jour un peu plus rognée, et l’État plus lâche et indéterminé que jamais, fait peser toujours plus sur le pays son emprise à la fois molle, contraignante et stérilisante...
Le questionnaire proposé par les Pouvoir Publics peut donc paraître assez éloigné de la réalité et les réponses ne peuvent être que bridées, telles celles qui sont relatées ci-dessous :

VIE INSTITUTIONNELLE ET DÉMOCRATIQUE

En qui faites-vous le plus confiance pour vous faire représenter dans la société et pourquoi ?

Je ne sais pas trop tant j'ai l'impression que l'idéal d'une démocratie libre et responsable ne cesse de s'éloigner. Je ne me sens proche d'aucun programme politique. Même l'échelon local est loin des préoccupations de terrain, miné qu'il est par les réglementations, la peur du risque, l'irresponsabilité et la bureaucratie

En dehors des élus politiques, faut-il donner un rôle plus important aux associations et aux organisations syndicales et professionnelles ?
Oui

Si oui, à quel type d'associations ou d'organisations ? Et avec quel rôle ?
Oui aux syndicats sous réserve qu'ils ne vivent pas des subsides de l’État ce qui est indécent, qu'ils soient indépendants des partis et des idéologies politiques et qu'ils prennent en compte l'intérêt des salariés avec plus de pragmatisme. Même remarque pour les associations et les lobbies de tout poil...

Que faudrait-il faire pour renouer le lien entre les citoyens et les élus qui les représentent ?
Que les élus se montrent moins démagogues et qu'ils mettent vraiment en œuvre leurs programmes. Qu'ils fassent preuve de plus de conviction et de détermination dans leur politique et qu'ils veillent à apprendre aux citoyens à se passer peu à peu de l’État, comme le préconisait Tocqueville. Qu'ils soient plus économes des deniers publics et qu'ils réduisent la bureaucratie administrative et réglementaire.

Le non-cumul des mandats instauré en 2017 pour les parlementaires (députés et sénateurs) est :
Je ne sais pas...

Pourquoi ?
Ce n'est pas tant le cumul qui paraît néfaste que les véritables rentes de situations dont semblent bénéficier à vie les politiciens, restant toujours très éloignés de la société civile. En somme il faudrait des mandats moins longs et sans trop de renouvellement.

Que faudrait-il faire pour mieux représenter les différentes sensibilités politiques ?
Il eut mieux valu ne pas ostraciser le Front National depuis des décennies, ce qui a fini par poser un vrai problème de représentation démocratique. J'ai eu honte que le candidat élu à la présidence de la république soit élu avec 82% des voix en 2002, alors qu'il n'avait fait que 19% au premier tour. La même remarque pourrait s'adresser à Emmanuel Macron, vainqueur sans surprise en 2017, même si le score final était moins "soviétique"... A ce jour le paysage politique est totalement dispersé et peu crédible à l'exception du Rassemblement national qui fait un bloc portant les idées d'un tiers des Français sans qu'il lui soit possible de gagner un scrutin national. Quoique peu enclin à partager ses idées, je trouve cet état de fait désolant et grave pour notre république.

Pensez-vous qu'il serait souhaitable de réduire le nombre d'élus (hors députés et sénateurs) ?
Oui

Si oui, lesquels ?
Les députés pourraient être moins nombreux (300 suffiraient amplement), les sénateurs également (100 tout au plus), à condition de rééquilibrer les poids respectifs des 2 chambres. Il faudrait également faire un grand ménage dans les collectivités territoriales pléthoriques, mais leur donner en contrepartie plus de pouvoir.

Que pensez-vous de la participation des citoyens aux élections et comment les inciter à y participer davantage ?Elle est nécessaire au bon fonctionnement d'une démocratie, pour peu qu'on redonne du sens au jeu politique, ce qui découle de tout ce qui est dit plus haut.

Faut-il prendre en compte le vote blanc ?
Non, ce n'est qu'un marqueur navrant de la désaffection des citoyens pour le jeu démocratique.

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour mieux associer les citoyens aux grandes orientations et à la décision publique ? Comment mettre en place une démocratie plus participative ?
Faire plus confiance au terrain. En France tout descend de Paris, mais rien n'y remonte ou quasi. Le principe de subsidiarité est excellent, qui veut qu'on parte de l'échelon local et qu'on ne confie à celui au dessus que ce qui ne peut être traité. Dans cette perspective, les consultations et/ou les référendums locaux sont souhaitables, comme en Suisse.

Faut-il faciliter le déclenchement du Référendum d'Initiative Partagée (le RIP est organisé à l'initiative de membres du Parlement soutenu par une partie du corps électoral) qui est applicable depuis 2015 ?
Non, si cela s'entend à l'échelon national
. C'est un leurre, irréalisable en pratique, qui n'aboutit qu'à déstabiliser le pouvoir ou à générer des frustrations dans la population.

Que faudrait-il faire pour consulter plus directement les citoyens sur l'utilisation de l'argent public, par l’État et les collectivités ?
Inverser le sens des communications, qui doivent pouvoir remonter du terrain et non descendre du haut de la pyramide comme des certitudes intangibles. Il faudrait que les Pouvoirs Publics soient plus à l'écoute de ce qui se passe dans les villes et dans les campagnes et qu'ils soient mus par des impératifs pragmatiques plus que par des principes idéologiques.

Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent-elles jouer pour représenter nos territoires et la société civile ?
Le Sénat doit accroitre son poids tout en réduisant ses effectifs et son train de vie à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis. Il doit jouer le rôle de contrepoids à l'Assemblée. Le Conseil Économique et Social pourrait tout bonnement être supprimé (tout comme nombre d'autres instances...) Il n'y a pas un Français sur dix qui sait à quoi il sert... Ou plutôt, la plupart pensent qu'il s'agit d'une des nombreuses officines de l’État, qui servent à recaser les politiciens sur le carreau...

Faut-il les transformer ?
Oui

Si oui, comment ?
En réduisant les effectifs du Sénat (un ou deux sénateurs par département par exemple) et lui donner plus de pouvoir législatif. Supprimer le Conseil Économique est Social et Environnemental...


VIE CITOYENNE


Que proposez-vous pour renforcer les principes de la laïcité dans le rapport entre l’État et les religions de notre pays ?

Au point où nous sommes rendus, la situation est quasi désespérée... L'Islam est conquérant et les Pouvoirs Publics sont impuissants pour enrayer cette progression qui grignote peu à peu leur emprise. Les autres religions ne sont pas sources de tant de problèmes.

Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?
Par le respect des lois. Des lois moins nombreuses mais plus fermement appliquées ! Le recours à la jurisprudence chaque fois que possible. Une justice plus impartiale et plus indépendante de l’État et des idéologies politiques.

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour renforcer l'engagement citoyen dans la société ?
Faire comprendre aux citoyens que la liberté implique la responsabilité et que l’État ne peut pas tout...

Quels sont les comportements civiques qu'il faut promouvoir dans notre vie quotidienne ou collective ?
Le plus urgent serait sans doute de sanctionner vraiment toutes les incivilités du quotidien.

Que faudrait-il faire pour favoriser le développement de ces comportements civiques et par quels engagements concrets chacun peut-il y participer ?
Désengager l’État de notre quotidien dans lequel il s'immisce à tout moment.

Quelles sont les incivilités les plus pénibles dans la vie quotidienne et que faudrait-il faire pour lutter contre ces incivilités ?
Les dégradations du bien commun (déjections canines, tags, casse...) Bruit (vélomoteurs), manifestations violentes, consommation ostensible de boissons alcoolisées, tension latente (mendicité, chiens)

Que peuvent et doivent faire les pouvoirs publics pour répondre aux incivilités ?
Être plus ferme dans l'application des lois et dans les sanctions pour leur violation...

Quel pourrait être le rôle de chacun pour faire reculer les incivilités dans la société ?
Se montrer soi-même bon citoyen.

Quelles sont les discriminations les plus répandues dont vous êtes témoin ou victime ?
Aucune, personnellement, fort heureusement. Les vraies discriminations sont de nos jours auto-infligées par des communautés revendiquant haut et fort leur "différence" et rejetant à ce titre les autres...

Que faudrait-il faire pour lutter contre ces discriminations et construire une société plus solidaire et plus tolérante ?
Vaste programme...

Pensez-vous qu'il faille instaurer des contreparties aux différentes allocations de solidarité ?
Oui

Si oui, lesquelles ?
Le respect des objectifs pour lesquels ses aides sont faites, le comportement citoyen, l'irréprochabilité vis à vis des lois....


IMMIGRATION ET INTÉGRATION


Que pensez-vous de la situation de l'immigration en France aujourd'hui et de la politique migratoire ? Quelles sont, selon vous, les critères à mettre en place pour définir la politique migratoire ?

Le sentiment qui domine est que l'immigration n'est pas maitrisée et que par voie de conséquence, elle se solde par un accueil assez déplorable de la part de notre pays, et un communautarisme arrogant et in fine, peu de volonté d'intégration de la part des migrants...

En matière d'immigration, une fois nos obligations d'asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ?
Oui à condition de définir clairement quelles sont les "obligations d'asile", trop souvent galvaudées.

Que proposez-vous afin de répondre à ce défi qui va durer ?
Difficile en quelques lignes de proposer des solutions concrètes s'opposant au laisser aller navrant auquel on assiste depuis tant de temps.

Quelles sont, selon vous, les modalités d'intégration les plus efficaces et les plus justes à mettre en place aujourd'hui dans la société ?
Être plus exigeant sur les engagements des migrants à s'intégrer et à respecter les lois françaises. En contrepartie, leur faciliter certaines démarches et leur montrer plus d'empathie


En définitive, à l'issue de ce questionnaire, l'avenir s'inscrit dans l'interrogation-titre de l'ouvrage de Jérôme Fourquet : "Où allons nous ?"

27 janvier 2018

Double discours

Pour sa première participation au forum économique international de Davos, en tant que président de la république, Emmanuel Macron s’est livré à un véritable show devant un parterre paraît-il par avance conquis, de hauts dignitaires et de chefs d’entreprises de tous pays.
“France is back” a-t-il proclamé de manière quelque peu emphatique, en faisant étalage avec un brin de forfanterie, de sa maîtrise de la langue anglaise. S’ensuivit un discours fleuve dont une partie fut prononcée dans la langue de Shakespeare et l’autre plus prosaïquement dans celle de Molière…
 
Même pour les grincheux qui le trouvent piètre orateur, cette prestation a prouvé que M. Macron manie bien le verbe et fait preuve d’un sens aigu de la communication.
La question qui reste en suspens est de savoir si ses actions sont à la hauteur du discours et si derrière les formules brillantes le propos est toujours cohérent. Et là les doutes surgissent..
Cette intervention polyglotte laisse un goût un peu étrange. Après avoir en anglais tenté de réenchanter le libéralisme économique, force est de considérer qu’il fit à peu près l’inverse en français.

Dans un premier temps, M. Macron a en effet vanté la "baisse du coût du travail et du capital", la "flexibilité" et souhaité une réforme du travail qui réaligne la France sur les standards de l'Allemagne et de l'Europe du Nord: "moins par la loi, plus par le consensus".
On se souvient que quelques jours à peine avant Davos, le Président avait reçu en grande pompe au château de Versailles 140 chefs d’entreprises, parmi les plus influents de la planète en vantant le slogan “ChooseFrance”. Ébouriffante mise en scène à peine ternie par la contribution de M. Ferrand qui pour justifier tout cet apparat, ne trouva rien de mieux à sortir que le bon vieux dicton qui veut “qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre”. On connut accroche plus flatteuse…

Le plus inquiétant toutefois est que dans la seconde partie de son intervention, de loin la plus longue hélas (plus d’une heure), M. Macron se lança dans un sermon moralisateur allant à l’inverse de tout ce qu’il avait asséné l’instant d’avant.
A l’instar d’un vieux socialo-altermondialiste rassis, il a insisté sur les enjeux "d'une croissance équitable", et "la nécessité de se battre pour l'environnement et contre l'évasion fiscale" (sic dixit Hufftington Post). Selon les propos rapportés dans le Courrier International, il a également réclamé "plus de coopération internationale en Europe et, au-delà de ça, plus de régulation, et de dirigisme à l’échelle mondiale”.
Le rêve d’un Nouveau Monde libéré s’est ainsi transformé en un vrai cauchemar aux accents anti-capitalistes, que n’aurait pas renié M. Mélenchon.
Pire, le chef de l’Etat, s’est tout à coup mué en oiseau de mauvais augure annonçant que “les grands acteurs du numérique vont provoquer des disruptions qui vont détruire des millions d'emplois.”
Et quant aux solutions proposées, elles semblent tout droit sorties de la boîte à outils hollandaise : “Nous gouvernements, allons donc devoir reformer massivement les gens. Si les entreprises ne contribuent pas par leurs impôts à financer cet investissement, que dire aux classes moyennes de nos pays ».
Sur la régulation financière, Emmanuel Macron a aussi demandé “que le FMI et les institutions de surveillance prudentielles élargissent leur surveillance à ces pans entiers qui échappent à tout contrôle, comme le bitcoin dont la volatilité inquiète les régulateurs, ou comme la finance de l'ombre, qui prospère en dehors des réglementations.”
A croire M. Macron, sans cette nouvelle avalanche de régulations et de bureaucratie, “Schumpeter va très rapidement ressembler à Darwin”.
Autrement dit, le monde sombrera dans un capitalisme sauvage, soumis à l'abominable loi de la jungle, “struggle for life” en anglais. Refrain trop classique et par trop désespérant.

Quand faut-il donc croire M. Macron ? Lorsqu’il chante les mérites de la libéralisation ou au contraire lorsqu’il prône le renforcement des réglementations et des contraintes étatiques ?
Face à une conjecture aussi nébuleuse, il n'est pas très étonnant qu’arrivé “en terrain conquis et dans un ciel lumineux” (Figaro), M. Macron s’en retourne rhabillé pour l’hiver par les commentaires plus que dubitatifs de la presse étrangère . Ainsi selon le journal allemand Die Welt, “Macron est venu, il a vu – il a déçu”, car s'il était attendu “comme le Messie, le sauveur de l’Europe, plus encore le sauveur du monde, par son intervention qui n’en finissait pas, il a produit de lui-même le désenchantement”...
Cette histoire me rappelle hélas les revirements de Nicolas Sarkozy, quelque mois après son élection, relatés dans ce billet désabusé de 2008...

31 juillet 2017

Encore une loi inutile...

Au terme d’un marathon de plus de cinquante heures, ponctué par la discussion de quelques 800 amendements, l’Assemblée Nationale a finalement accouché du projet de loi ordinaire visant à restaurer «la confiance dans la vie politique
Adopté à une très large majorité, il ouvre selon toute probabilité la voie à une usine à gaz législative vérifiant une nouvelle fois l’adage de Montesquieu selon lequel “les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires”.
Pour moraliser la sphère politique, il faudrait sans doute autre chose que cet assommoir bien intentionné dont la mise en oeuvre risque d'entraîner un nouveau déluge de paperasserie, de contrôles et de bureaucratie.

Ainsi la suppression proposée de “l’indemnité représentative de frais de mandat”, qui était fondée sur l'attribution d'une enveloppe forfaitaire mensuelle d’un peu plus de 5000 euros, va se traduire par l’obligation de déclarer toute dépense par une note de frais dont la légitimité sera jugée par on ne sait trop qui et on ne sait jusqu’à quel montant… Bonjour la simplification !
Les emplois familiaux seront interdits, ce qui suppose là aussi des contrôles pointilleux de tous les recrutements, et pour chacun, l’analyse méticuleuse du degré de parenté avec l’élu. Vaste fumisterie, qui ne manque pas de sel au moment même où le président de la république est en train d’aménager un statut privilégié pour son épouse !
Afin de lutter contre le lobbying, “un registre des déports” sera institué pour lister les conflits d’intérêts que chaque élu devra déclarer à chaque fois que cela serait susceptible d’entacher la légitimité de son vote. Encore un flicage en perspective du moindre fait ou geste et des polémiques à n’en plus finir…
Dans le même ordre d’idée, on imagine le travail de détective des fonctionnaires chargés de faire respecter l’interdiction pour un élu d’être partie prenante d’une société de conseil pendant ou moins d’un an avant un mandat !

S’agissant du statut judiciaire des élus, les députés ont là encore reculé devant la simplification. A l’obligation dure mais saine d’avoir un casier vierge, ils ont préféré la promulgation d’une liste des condamnations ou poursuites incompatibles avec l’exercice de représentant du peuple.
Parlons enfin d’un des joyaux de cette loi en gestation : la création d’une “Banque de financement des partis”, encore appelée "banque de la démocratie" supposée octroyer plus équitablement les prêts et financements que ne le font paraît-il les banques privées. Au vu des expériences passées de banques nationalisées, on peut sérieusement en douter, et de toute manière cette  lourde et dispendieuse machinerie paraît redondante avec le “médiateur du crédit aux partis et aux candidats” que la même loi se propose d’instituer…

L’abolition de la réserve parlementaire pourrait en définitive être la seule mesure s’apparentant à une certaine clarification, générant au surplus quelques substantielles économies. Cette coquette enveloppe, de plus de 100.000€ annuels, dont jouissent les députés et sénateurs pour distribuer comme bon leur semble aides et subventions, coûte en effet 146 millions d’euros à l’Etat. Elle a maintes fois été accusée de donner lieu à de nombreux abus relevant du favoritisme ou du clientélisme. Sa suppression paraît donc bienvenue, à condition qu’elle ne soit pas remplacée par un dispositif aussi coûteux et tarabiscoté.
On parle en effet déjà de sa substitution par un “fonds d'action pour les territoires et les projets d'intérêt généraux”....

Pendant ce temps le Président de la République procède benoîtement à la nationalisation des chantiers navals de Saint-Nazaire, dont l’entreprise coréenne STX vendait sa part majoritaire, tout cela pour éviter de la céder au groupe italien Fincantieri.
En la circonstance, on serait tenté de dire que M. Macron a tout faux.
Il ne s’agit ni d’une bonne décision car les nationalisations sont en règle de bien piètres solutions, surtout pour un Etat endetté jusqu’au cou, ni d’un geste fair play vis à vis d’un partenaire européen, ni enfin d’une opération rentable car cette branche de STX, malgré ses belles réussites et un carnet de commande bien rempli, n’était semble-t-il pas bénéficiaire.
Décidément, tout change, mais rien ne change….

12 mars 2017

L'Etat voit tout

Au chapitre de l’étatisation toujours croissante du système de santé français, on pourra prochainement ajouter une nouvelle avancée décisive. Elle concernera le domaine de la gestion des données médicales personnelles.

Conséquence directe de la loi dite de modernisation du système de santé promulguée le 26 janvier 2016, et du décret n°2016-1871, publié en décembre dernier, un monumental serveur informatique dédié à la santé va en effet très prochainement voir le jour.
Derrière l’appellation anodine de SNDS (Système National de Données de Santé), il s’agit en réalité ni plus ni moins d’un nouvel avatar du Big Brother décrit autrefois par George Orwell.


Selon le ministère de la santé, ce système « aura vocation à regrouper les données de santé de l’assurance maladie obligatoire, des établissements de santé, les causes médicales de décès, les données issues des maisons départementales des personnes handicapées, ainsi qu’un échantillon de données de remboursement d’assurance maladie complémentaire ».
Ainsi, dès le 3 avril 2017, toutes les feuilles de soins, les visites chez les médecins, les prescriptions de médicaments et les séjours à l’hôpital seront systématiquement envoyés dans cette base, qui de facto, colligera plus d'un milliard d'actes médicaux par an.

Cette nouvelle usine à gaz, “unique en Europe, voire au monde”, comme le revendiquent fièrement les experts de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), va réunir dans une même base 67 millions d'habitants !


La santé en France va donc entrer dans l'ère du "big data", sans que soit précisé clairement à quoi pourra servir ce gigantesque entrepôt, ni quelles seront les personnes autorisées à l’exploiter, et dans quelles conditions. On reste à ce jour à l'annonce de quelques objectifs très vagues et bien intentionnés : “une meilleure gestion des politiques de santé”, “le moyen d’assurer le suivi des politiques de santé en cours et d’en faire le bilan”, de “permettre une mise sur le marché de médicaments plus adaptée”, et in fine de tendre vers “la diminution du déficit de la sécurité sociale…”


Placée sous le contrôle de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), les données constituant le SNDS seront paraît-il "pseudonymisées" afin de préserver la vie privée des personnes : aucun nom, prénom, adresse ni numéro de sécurité sociale n’y figureront, si l’on en croit les concepteurs de ce système.

La Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL), paraît quant à elle, plutôt réservée. Selon l’avis émis par ce pseudopode de l’Etat, prétendu indépendant: « le SNDS est susceptible de permettre l’accès à des données de santé à caractère personnel concernant l’ensemble des bénéficiaires de l’assurance maladie. Elle relève également que “le nombre d’utilisateurs potentiels du SNDS est susceptible d’être élevé et que le législateur a prévu que certains de ces utilisateurs y auront un accès permanent.”

En vérité, d’après ce que l’on sait, il sera “possible de ré-identifier un patient, à partir des données, pour le contacter dans des cas exceptionnels et très précis, notamment pour l’avertir d’un risque sanitaire grave auquel il serait exposé, ou bien pour proposer à certains patients atteints de maladies rares de contribuer à une recherche, dès lors qu’il n’existe pas de solution alternative…”


Force est de conclure qu’il n’y aura donc sous peu, quasi plus de limite à l’emprise de l’Etat sur nos vies, sur nos misères, nos maladies et notre intimité. Les droits qu’il s’arroge semblent ne jamais devoir s’arrêter, sans que cela semble choquer grand monde, dans un pays qui se targue pourtant de porter très haut la défense des libertés individuelles. Faut-il croire notre cher Etat-Providence, lorsqu’il affirme qu’il n’y a aucun danger à ce qu’il sache tout de nous…. sauf notre nom ?


Il faut ajouter que ce pur joyau de la centralisation bureaucratique sera amené à compléter le fameux Dossier Médical Personnel dit DMP, que les Pouvoirs Publics s’échinent à mettre en place depuis 2004, lui aussi aux frais des contribuables.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler que l’Etat avait créé en 2009 une agence spéciale pour s’en occuper, l’ASIP (Agence des Systèmes d'Information Partagés de Santé).

La première expérimentation s’est soldée par un fiasco, qui fut épinglé par la Cour des Comptes, laquelle évaluait en 2011 les coûts engloutis en pure perte dans cette machinerie, à plus d’un demi-milliard d’euros ! Pour mémoire, le ministre de l’époque avait annoncé que le DMP devait permettre d’en économiser trois sur les dépenses de santé, dès 2007 !

Résultat, l’ASIP fut déchargée de cette mission, mais ne fut ni sanctionnée, ni dissoute pour autant, et le dossier fut transmis tout simplement à la CNAMTS...


Pendant ce temps, l’Etat entreprend dans chaque région, de réunir bon gré, mal gré, les établissements de santé publics en formant des Groupes Hospitaliers de territoires (GHT).
Cette vaste opération de centralisation ne date certes pas d’hier, et tous les gouvernements, quelque soit leur couleur politique, y ont peu ou prou apporté leur contribution. Elle fut amorcée dès 1996 avec le fameux plan Juppé qui vit la création des Agences Régionales de l’Hospitalisation. Jugé insuffisamment efficient, encore et toujours par la Cour des Comptes, le dispositif fut pourtant renforcé en 2009, avec la création des Agences Régionales de Santé issues de la loi HPST (Hôpital Patients Santé territoires).

Aujourd’hui, si l'on n’ose franchement parler de fusions hospitalières, le mot est sur toutes les lèvres et l’évolution semble inéluctable quoique très laborieuse, tant elle véhicule de non-dits, de faiblesses, de contraintes, et d’interactions parfois ubuesques entre les champs politiques et administratifs.

Ce plan, qui devait lui aussi générer de substantielles économies, aboutit surtout pour l’heure, par sa rigidité et les normes planificatrices qu’il impose, à plonger les petits établissements dans des marasmes financiers inextricables et ne contribue pas peu à la désertification médicale qu’on voit s’étendre dans les petites villes et les campagnes.


Par un paradoxe étonnant, dont seul la machinerie étatique a le secret, ces établissements en cours de restructuration se voient privés d’outils d’analyse stratégiques, au moment où ils en auraient le plus besoin !
Une des premières mesures entourant la création des GHT est en effet de mettre en place des “Départements d’Information Médicale de Territoire”, placés sous la responsabilité de médecins de santé publique. Ces structures sont supposées rassembler celles qui existaient déjà dans chaque établissement depuis la mise en oeuvre du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI). 

Créés au début des années 90, lorsque la loi obligea les hôpitaux et cliniques à évaluer leur activité plus précisément que par le nombre d'entrées et les durées de séjours,  les DIM ont pour mission cardinale de recueillir et de coder toute l’information médicale liée aux hospitalisations.
Depuis 2004 ces informations permettent une tarification forfaitaire au séjour, dite tarification à l’activité ou T2A. Ainsi, chaque mois, les DIM adressent à leur ARS de référence les résumés standardisés réputés “anonymes” de leur établissement, ce qui permet à cette dernière de délivrer en contrepartie, un arrêté de versement de la dotation financière, calculée sur la base de tarifs nationaux affectés aux Groupes Homogènes de Malades.

En plus de son rôle économique majeur, le PMSI, qui décrit assez finement l’activité médicale, constitue également un outil d’analyse utile
en matière de stratégie, quoiqu'il soit biaisé par ses réformes incessantes.
Les DIM peuvent ainsi travailler de manière fructueuse avec les Directions des établissements, afin d’élaborer sur des critères objectifs, les actions de réorganisation ou de restructuration hospitalières et inter-hospitalières.

Depuis une vingtaine d’années, les ARH puis les ARS avaient pris l’initiative de faciliter la tâche des DIM en leur adressant chaque année l’ensemble des Résumés Standardisés Anonymes de leur région. Il s’agissait d’une base de données très intéressante pour comparer l’activité des établissements, évaluer leurs points forts et leurs faiblesses en termes d’activité, et mesurer leurs zones d’attractivité respectives.

Or l’incroyable écheveau légal qui vaut aujourd’hui aux donnés de santé d’être hyper-centralisées à l’échelon national, interdit désormais aux établissements et donc aux GHT tout neufs, de pouvoir traiter directement celles qui leur seraient utiles. Au motif que ces résumés de séjours anonymes n’empêchent pas la possibilité de “ré-identification des patients”, les médecins responsables de DIM s’en sont vus brutalement privés !


Ainsi le Pouvoir s’arroge le droit de constituer un serveur colossal en garantissant qu’il n’y a aucun risque d’atteinte à la confidentialité, et dans le même temps dénie aux acteurs de terrain, dont c’est la mission, le droit de traiter à leur échelle ces mêmes données ! Cela ne manque assurément pas de sel. Ubu n’aurait sans doute pas désavoué...

Lorsqu’on les interroge sur les raisons de ces contradictions, les Pouvoirs Publics restent évasifs en renvoyant sur le magmatique SNDS, ou plus généralement opposent une fin de non recevoir.
A ce jour en effet, ni la Direction Générale de l'Offre de Soins (DGOS), ni le ministère, ni même le Médiateur de la République, n’ont pris en considération la pétition adressée de toute la France par 218 médecins et techniciens de l'information médicale suppliant de desserrer ce carcan…



LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires

LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (1), JORF du 27/01/2016.

Décret n° 2016-1871 du 26 décembre 2016 relatif au traitement de données à caractère personnel dénommé « système national des données de santé »
 
Système National des Données de Santé (SNDS). Jean-Christophe André pour le Cabinet Deprez Guignot Associés 23/03/16

26 juin 2015

Une France vraiment moisie

Le déchaînement de violence dont l'actualité nous donne le navrant spectacle, à l'occasion du conflit opposant les taxis aux VTC (voitures de transport avec chauffeurs), fait resurgir l'expression de « France moisie », trouvée il y a quelques années pour un de ses éditoriaux sulfureux par Philippe Sollers.

Si le propos s'apparentait comme souvent, à un fatras dans lequel le meilleur côtoyait le pire, le titre était bon, il faut bien le reconnaître, et parfaitement adapté à la situation actuelle...
Elle est là dans toute sa réalité, cette France qui sent le vieux, l'archaïque, le renfermé.
Quoi de plus méprisable en effet que cette déferlante de haine qui anime une corporation s'estimant lésée dans ses acquis par de nouveaux opérateurs qualifiés de " délinquants sans carte pro ni assurance", venus piétiner leurs plates-bandes ? On se croirait transporté au pays des castes ou bien revenu au temps des privilèges.

Certes les chauffeurs de taxi ont payé cher leur rente de situation, leur asservissement protecteur au consortium étatisé qui réglemente depuis la nuit des temps leur profession. Les fameuses « licences » délivrées au compte-goutte par les Préfectures peuvent leur coûter jusqu'à 200.000€, tant est féroce la spéculation alimentée par la rareté absurde du sésame.

Là est d'ailleurs le vrai problème : on touche une fois encore du doigt les effets dévastateurs des régulations et des réglementions auxquelles les Français pourtant frondeurs par nature sont si attachés.
Et plus que jamais, le gouvernement se trouve pris à contre-pied par l'évolution des techniques, et de fait, est empêtré dans ses contradictions idéologiques.
Il y a un an à peine le premier ministre déplorait une « France bloquée ». Elle l'est assurément, mais à qui la faute si ce n'est à lui et à tous les gens qui partagent avec lui les mêmes idées obsolètes et doctrinaires, voire contradictoires ou incohérentes ?
Par un paradoxe bien de chez nous, alors que les taxis se livrent à des violences inacceptables, c'est la société UBER qui est mis au ban par le sinistre ministre de l'Intérieur Cazeneuve !

Le vieux mythe de l'Etat-Providence montre une fois encore toute la perversité de ses bonnes intentions. Cet épisode qui fait honte à notre pays sur la scène internationale permet de vérifier que L'Etat étouffe ceux qu'ils prétend protéger et organise la pénurie. Ce schéma est reproductible mille fois. On l'a vu avec les lois insanes dites Duflot du nom de la calamiteuse et éphémère ministresse du logement. On le voit avec l'hôtellerie,
le commerce en ligne, l'ouverture réglementée des magasins, le pléthorique code du travail...
En l'occurrence, les taxis n'ont pas tort de récriminer contre une « concurrence déloyale ». Mais ils se trompent de cible en s'attaquant à des challengers jugés trop libres. La solution n'est-elle pas de libérer un peu ceux sur lesquels pèsent des contraintes excessives plutôt que de contraindre les autres ?

Pour finir sur une note humoristique, qu'il soit permis de pointer l'inanité des prétendues bonnes actions gouvernementales, avec les récentes et grotesques initiatives de l'inénarrable Ségolène Royal, se faisant fort d'interdire au bon peuple l'usage du Nutella ou du RoundUp ! Devant tant de candeur ubuesque Alfred Jarry doit être transformé en turbine dans sa tombe...
En définitive, pour paraphraser les slogans libertaires de la fin des années soixante qui voyaient « sous les pavés la plage », on pourrait percevoir sous ceux, de plus en plus usés du socialisme, la liberté qui pousse, et rappeler plus que jamais « qu'Il est interdit d'interdire... »

23 octobre 2013

Endettement fatal


« L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »
Cette citation de Frédéric Bastiat n'a jamais été aussi criante de vérité qu'aujourd'hui. Tout particulièrement dans le monde occidental où les gouvernements sont arrivés à un niveau d'endettement astronomique, à force de faire croire à leurs citoyens, qu'ils pouvaient subvenir à tous leurs besoins.

L'épisode du shutdown qui a ébranlé l'Amérique et fait couler pas mal d'encre durant quelques jours, illustre cette inconséquence de plus en plus préoccupante. En ce mois d'octobre, la dette accumulée par le gouvernement fédéral des Etats-Unis a dépassé le montant vertigineux des 17.000 milliards de dollars ! Elle représente plus de 100% du PIB de ce pays. Elle a augmenté de près de 70% depuis l'arrivé de Barack Obama au pouvoir en 2008... Yes he could do it !
Jusqu'où ira cette folie exponentielle ? Combien de temps peut-on tenir à ce rythme ?
C'est la question qu'ont posé, pour la troisième fois depuis 2011, les Républicains majoritaires à la Chambre des Représentants, en refusant de relever sans condition, une nouvelle fois le plafond de cet endettement. Ce qu'ils demandent, c'est que l'Etat s'engage à réduire enfin significativement les dépenses publiques, au moment où l'application de la réforme du système de santé voulue par le président américain promet une nouvelle flambée (au moins 1000 milliards de dollars à ce que l'on dit).
Simple question de bon sens évidemment.
Pourtant, les réactions de la plupart des commentateurs furent en la circonstance, proprement sidérantes. Pour les résumer, un article du Monde suffit. Intitulé « Le piteux spectacle de Washington », il ne s'appesantit guère sur le caractère dramatique de la situation de « la plus puissante démocratie du monde », mais sur le fait « qu'un groupe d'élus ultraconservateurs a décidé de barrer la route à une loi instituant une assurance-santé universelle. »

Les auteurs de cette charge lourdement lestée de plomb idéologique, qualifient donc l'attitude des Républicains de « chantage », de « spectacle affligeant », et n'hésitent pas à y voir l'expression des dysfonctionnements criants de la démocratie américaine ! Et pour ces gens incurablement amblyopes, les fameux Tea Party, dont le but est précisément de restaurer les idéaux des Pères Fondateurs de la République Américaine, incarneraient une extrême-droite revancharde et bornée.
Venant de Français, l'accusation pourrait faire rire. Elle traduit hélas une inconscience largement répandue qui fait froid dans le dos.

On a entendu il y a quelques jours à peine, les experts du FMI proposer pour éponger « une fois pour toutes » l'endettement public, l'instauration d'une supertaxe de 10% « sur tous les ménages disposant d'une épargne nette positive ». Comment des gens réputés sérieux peuvent-ils envisager et pire encore, rendre publique une telle hypothèse ? Elle vient tout d'abord contredire de manière flagrante le discours auquel cette institution nous avait habitués, suggérant de modérer la pression fiscale pour doper la confiance et la compétitivité, qui sont selon elle « les clés d'un redémarrage de la croissance ». Surtout, elle n'aurait évidemment aucune chance d'être plus efficace que la multitude d'impôts et contributions existants, puisque la dette nationale représente à ce jour en France, un montant de 30.000 euros par citoyen ! Au surplus, elle n'empêcherait pas dès l'année suivant cette ponction, la reconstitution du gouffre, car à ce jour rien ne semble pouvoir endiguer les dépenses publiques. Pour finir, elle ébranlerait sans doute un des derniers piliers tenant encore debout dans ce monde de gabegie et d'irresponsabilité, tuant définitivement la confiance en l'Etat et provoquant une panique mortelle...

Ruiner une fois pour toutes, tous ceux qui ne le sont pas encore, voilà comment on peut entendre cette proposition incroyable... Tout ça pour tenter de combler les déficits abyssaux d'Etats-Providence devenus pléthoriques, et incapables gérer leur budget. Vont-ils finir par nous entraîner tous dans leur faillite ? Au secours ! Les prédictions d'Ayn Rand sont en train de se réaliser !

10 novembre 2012

Sourires dévastateurs

Les maîtres-penseurs de l'intelligentsia peuvent fêter la victoire de Barack Obama et les bellâtres du Show Biz se goberger, après avoir battu la campagne frénétiquement à son profit pendant des mois. Leur idole ne quittera pas la Maison Blanche. Et leur bête noire, Mitt Romney l'a dans les gencives !
C'est donc reparti pour 4 ans.
Sur la forme rien à redire : M. Obama est un séducteur né. Il a la silhouette gracile d'une « gravure de mode » comme dirait ma chère maman, il a de la prestance et du charisme. Son sourire est une vraie publicité pour les dentifrices et autres cures de blanchiment des dents. Il parle bien et sait manier l'humour avec dextérité pour conquérir les foules versatiles. Grâce à ces atouts médiatiques, son bilan n'a somme toute pas trop pesé sur l'Opinion Publique. Le trompeur Yes We Can a bien vite été oublié par l'inconstance populaire.
Si l'on était peu convaincu au départ, on pourrait certes reconnaître à M. Obama quelques mérites. Se réjouir par exemple du retour de la croissance qui vient de s'amorcer aux USA, en même temps qu'une réduction du déficit commercial. Encore timide mais largement supérieur à toutes les espérances en Europe. On pourrait s'ébaudir de la bonne santé éclatante de Wall Street qui a vu le Dow Jones passer de 8500 points fin 2008 à près de 13000 aujourd'hui. On pourrait être heureux que le président ait renoncé à trop augmenter la pression fiscale, conservant notamment les allègements décidés par George W. Bush. On pourrait le féliciter d'avoir veillé à la bonne santé des banques, notamment celle du géant Goldman Sachs à l'égard de laquelle il ordonna il y a quelques mois l'abandon de toute poursuite pénale relative à la crise des subprime... On pourrait lui rendre grâce d'avoir sauvé la filière automobile en tirant d'affaire quelques grands trusts, notamment Chrysler, General Motors... On pourrait enfin lui tresser des lauriers pour avoir optimisé la facture énergétique américaine en laissant libre cours aux forages extrayant du pétrole et du gaz de schiste...

Mais paradoxalement, ces bons points, plutôt qu'égayer ses supporters, progressistes, alter-mondialistes, écologistes et autres bien pensants, devraient les faire enrager. Ce n'est pas vraiment ça qu'ils espéraient de celui en qui ils voyaient naïvement un messie. D'autant plus que ce qu'ils attendaient tarde à se concrétiser.
Il n'y a rien de nouveau sur le front des ponts-aux-ânes sociaux tels que peine de mort, vente libre des armes, réduction de l'émission de gaz à effet de serre... Même sa réforme du système de santé peine à convaincre. A la fois trop audacieuse et pas assez, elle pourrait ne pas faire mieux que celle entreprise par le Gouverneur Romney dans le Massachusetts en 2006 (déresponsabilisation, couverture incomplète, augmentation des coûts pour tous les assurés et pour l'Etat, listes d'attentes...).
Mais plus grave, le mandat qui s'achève est marqué par un appauvrissement massif du pays. Quarante-sept millions d'Américains dépendent à ce jour de l'aide alimentaire (contre moins de 30 en 2008). Les plans de relance ont plombé la dette fédérale, qui a augmenté de manière délirante, dépassant allègrement les 100% du PIB. Elle est passée de 10.000 à 15.000 milliards de dollars, soit une progression de 4 milliards de dollars par jour pendant 4 ans ! Parallèlement le chômage en dépit d'une embellie de dernière minute, sujette à controverse, n'a cessé de progresser pour plafonner autour de 8%. Facteur aggravant, le délai moyen pour retrouver du travail s'allonge de manière dramatique (40 semaines, alors que la durée d'indemnisation aux USA n'excède pas 27).
Passons sur la politique internationale. Si certains sont heureux du déclin de l'influence américaine qui s'accélère, d'autres peuvent légitimement s'inquiéter de cette présidence en apparence indifférente au monde, qui parle fort, mais dans les faits, prône le repli ou bien l'inaction. Le passé a montré si souvent que les absences de l'Amérique avaient des conséquences graves. Lorsque le chat n'est pas là, les souris dansent...

En bref, le Président a été réélu essentiellement parce que sa séduction opère toujours auprès d'une clientèle rêveuse, plus exigeante sur le beau parler et les bonnes intentions, que sur l'action concrète et l'esprit pratique. Ce nouveau mandat sera-t-il différent ? L'expérience lui aura-t-elle apporté le pragmatisme ? Ou bien au contraire, tirera-t-il de ce succès un peu inespéré, la raison de se montrer encore plus idéologue ?
Le système américain est ainsi fait que la brièveté des mandats et les contre pouvoirs, pondèrent l'action du chef de l'Etat. Les citoyens n'ont pas donné à M. Obama carte blanche. Il devra cohabiter comme il le fait depuis 2 ans, avec une chambre des représentants hostile. Ce contexte sera-t-il propice à l'émergence d'un consensus efficace en période difficile ?
Les premières perspectives ne sont pas très réjouissantes. Elu par des minorités, le Président risque de continuer à les flatter. Un chiffre issu du dernier scrutin interroge. Les Noirs ont voté à 93% pour Obama (CNN New York Time). Ne s'agit-il pas d'un signe inquiétant de dislocation partisane de la communauté nationale ? Que dirait-on si 93% des Blancs avaient voté pour Romney ?
Comme beaucoup de soi-disant « progressistes », Obama fonde une bonne part de sa stratégie sur une démagogie dangereuse, consistant à nourrir les illusions, en agitant de beaux, mais creux idéaux. Derrière l'emphase et les rengaines, il n'hésite hélas pas à diviser et à montrer du doigt les boucs émissaires. Avant de faire la paix avec elles, il traita les banques de Fat Cat Bankers. Il dénigra la richesse personnelle du candidat Romney. Aujourd'hui même, il annonce qu'il faut taxer davantage les riches pour éponger les déficits accumulés par son administration. On croirait entendre du Hollande...

Un des constats de cette élection, est que les USA semblent tendre toujours plus vers le modèle de l'Etat-Providence, et donc à s'éloigner de celui de la Société Ouverte. Les réformes entreprises ont presque toutes ce caractère définitif et fermé, qui effraie ceux qui restent attachés envers et contre tout à l'Esprit de Liberté. Les Tea Parties, qui portaient un espoir de retour aux sources des Pères Fondateurs semblent un peu en recul par les temps qui courent. L'avenir est-il encore à un vrai monde libre ?

08 octobre 2012

Sommes-nous égaux en matière de santé ?

Un billet récent du professeur Flahault, directeur de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), attire l'attention sur une controverse passionnante en matière de santé publique. Une de celles en tout cas que j'affectionne...
A partir d'un travail réalisé récemment par le professeur Johan Mackenbach, titulaire de la chaire de Santé Publique à l'Université Erasmus de Rotterdam, elle se focalise sur l'incapacité des pays à haut niveau de protection sociale, à réduire significativement et durablement les inégalités en matière de santé.


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La santé est-elle conditionnée avant tout par la facilité de l'accès aux soins ? C'est la question cruciale qui se pose en l'occurrence.
Oui, serait-on tenté de répondre, si l'on suit l'idée communément répandue, qui sous-tend à peu près toutes les politiques de tous les gouvernants dans notre pays depuis des années.
Non, selon la conception libérale qui m'est chère, et que je défends dans ce blog. Qui fait de la liberté une valeur plus haute que l'égalité, et de la responsabilité un concept préférable à celui d'assistance. Et qui distingue l'égalité des droits et celle des conditions, en faisant de la première un objectif, et de la seconde une chimère.

En lisant l'analyse du Pr Flahault, je me suis réjoui car elle apporte de l'eau semble-t-il au moulin libéral, en diagnostiquant l'échec, au moins relatif, des systèmes de santé des pays à haut niveau de protection sociale, dans leur efforts pour réduire les fameuses inégalités de santé.
Un des constats majeurs faits par le Pr Mackenbach est en effet qu'« il n’y a pas de corrélation entre le niveau de protection sociale et les inégalités ».
Le paradoxe n'est qu'apparent. Et s'il répond sans doute à des raisons multiples, une d'entre elles paraît relever de l'évidence : parmi les facteurs qui concourent à une bonne santé, figurent avant tout les habitudes de vie individuelles, lesquelles ne se répartissent pas de manière égalitaire. D'où il découle que, même si toute la population jouit de la même « assurance maladie universelle obligatoire », cela n'empêche pas certains d'être plus malades que d'autres. De la même manière, bien que tous les automobilistes soient assurés, on observe que certains ont plus d'accidents que d'autres...
Il est même tentant d'aller plus loin en évoquant le caractère déresponsabilisant d'un système qui procure une couverture automatique, en apparence gratuite puisque prélevée à la source, sur les salaires. N'incite-t-elle pas à prendre des risques ? N'encourage-t-elle pas à abuser des bienfaits dudit système ?

Au surplus, il y a un corollaire : rien n'indique qu'un système égalitaire rime nécessairement avec la qualité des soins qu'il dispense. On eut une illustration de ce fait lors de la publication retentissante par l'OMS d'un classement des systèmes de santé, fondé non pas sur la qualité mais sur la facilité d'accès aux soins. Il relégua ainsi les USA dans le bataillon des pays sous-développés, alors que chacun connaît le rayonnement et la capacité à innover des établissements de santé et des universités outre atlantique. Certes il existe là bas des inégalités en terme de santé, qu'on se plaît en Europe et particulièrement en France, à monter en épingle, parfois jusqu'à la caricature. On oublie généralement de préciser qu'une des causes de cet état de fait réside dans l'absence de couverture maladie obligatoire. Les Américains qui jusqu'à présent ont privilégié la liberté à l'égalité considèrent qu'il relève de la responsabilité individuelle de souscrire un contrat d'assurance pour se protéger soi-même. Ont-ils tort, ont-ils raison ? Vaste débat, que le président Obama s'efforce d'éteindre en instituant un système à l'européenne, duquel il sera sans doute quasi impossible de sortir, et qui soulève une question fondamentale. Sur le long chemin qui mène à la démocratie éclairée, est-il préférable pour améliorer la maturité des citoyens, de recourir à la contrainte ou plutôt à la persuasion ?

Au total, partant du constat navrant que « nos sociétés contemporaines très développées ont failli à éliminer – ou même seulement de réduire – les inégalités sociales de santé », M. Flahault aboutit logiquement à une interrogation : «Faut-il une redistribution encore plus radicale que celle réalisée par les pays considérés aujourd’hui comme parmi les plus avancés de la planète dans ce domaine ? »
Il y répond de manière pragmatique en proposant une « évaluation rigoureuse plutôt qu’idéologique ».
Sur ce point, comment ne pas le suivre totalement, même si force hélas est de déplorer qu'en France, nous sommes plus que jamais sur la mauvaise voie, puisque le choix suivi par les Pouvoirs Publics est manifestement celui de l'idéologie...

09 juillet 2012

Obamacare : un dilemme cornélien


En France où l'on s'enorgueillit d'avoir le meilleur système de protection sociale du monde, la récente décision de la Cour Suprême américaine (29/06/12), consistant à avaliser une des mesures clés du projet de loi proposé par l'administration Obama, dit « Affordable Care Act », en réjouit plus d'un.
Rappelons brièvement qu'il s'agit d'obliger par la Loi, tous les citoyens à contracter une assurance maladie (individual mandate), de manière à faire diminuer subséquemment le pourcentage de la population ne bénéficiant pas d'une couverture ad hoc. 
L'épineux problème en la circonstance, était de déterminer si cette contrainte était compatible avec l'esprit de la Constitution, lequel protège plus que tout les libertés individuelles. La décision de la Cour, prise de justesse (5 voix contre 4), semble donc aller contre un des principes fondamentaux de la république américaine.
Comme l'ont fait remarquer certains commentateurs, il s'agit sans doute d'un choix dicté plus par le contexte politique, que par le souci de respecter la stricte constitutionnalité de la loi. Peut-être pour ne pas risquer de paraître agir sous l'effet de considérations idéologiques, le président conservateur de la Cour, le juge John Roberts a ainsi rejoint dans leur choix ses quatre collègues libéraux (au sens américain c'est à dire progressistes, c'est à dire plutôt de gauche). La Loi peut ainsi entrer en vigueur et les Etats-Unis pourront donc afficher prochainement, à l'instar de nombre de pays développés, un taux proche de 100% d'assurés sociaux...
Peut-être pourrait-on avancer une autre explication plus machiavélique, en considérant la décision de la Cour comme un cadeau empoisonné fait au président en exercice, à quelques mois d'un enjeu électoral majeur. Cette victoire est en effet à double tranchant pour le président Obama puisqu'elle va conduire à alourdir la fiscalité (sanctionnant notamment les récalcitrants). Le risque est également d'obérer la croissance puisque la réforme pèsera sur les entreprises, surtout petites et moyennes, qui seront de fait mises à contribution pour aider leurs salariés à s'assurer. Enfin elle plombera encore un peu plus le déficit fédéral puisque les évaluations les plus réservées, font état de quelques 1000 milliards de dépenses supplémentaires. Autant d'arguments que sauront sans doute utiliser les Républicains dans la campagne qui commence...
Sur le fond de la mesure, et ses conséquences en terme philosophique, il y a beaucoup à dire. Car même si l'on est encore loin du système français, régi par une obligation et un monopole, c'est un pas de plus vers le contrôle étatique de la protection sociale et un accroissement significatif de l'emprise étatique sur l'organisation de la société.
Partant d’une conception libérale, cette réforme apparaît comme démagogique, dispendieuse, mais pire encore, constitue globalement un recul sur le chemin qui mène à la société ouverte et responsable (« Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui » affirmait Alexis de Tocqueville).
Naturellement, il est souhaitable que tous les citoyens disposent d’une assurance maladie (et qu’ils en comprennent bien le principe afin de ne pas en dégrader le fonctionnement…) Pour être fair play, il faut tout de même reconnaître au moins une vertu à l'obligation faite de s'assurer : celle d'éviter la fâcheuse propension des gens à ne souscrire un contrat d'assurance, que le jour où ils ont besoin d'en toucher les prestations...

Mais le système proposé par le président Obama, agit par la contrainte et la déresponsabilisation, alors que le meilleur moyen de progresser vers une société adulte serait plutôt de convaincre. Dans un pays libre et éclairé, l’assurance maladie relève à l’évidence de la responsabilité individuelle et non de celle de l’Etat. L’étatisation de l’assurance maladie s’inscrit dans le mythe si bien décrit en une seule phrase, par Frédéric Bastiat : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde… » D'un point de vue libéral, on pourrait même proposer de juger le degré d'évolution d'une société et d'éclairement de ses citoyens, sur le poids de la tutelle étatique. La relation entre les deux étant inversement proportionnelle...
Même si à la faveur de la mystification du New Deal, le pouvoir de l’État n'a cessé d'enfler outre-atlantique, les Américains restent envers et contre tout, très largement attachés au principe de la liberté individuelle. En Europe, où nous avons depuis longtemps cédé aux sirènes de l’Etat-Providence, et où nous attendons tout de son pouvoir « absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux », nous peinons à comprendre cet idéal de société ouverte construit de bas en haut, tendant in fine, vers le self-government. Hélas notre modèle, qui pouvait faire illusion en période d’abondance, est aujourd’hui en grande et durable difficulté. Est-il encore temps de le revoir avant l’infantilisation et la faillite générales ?