Lorsqu'on pénètre dans la nuit, on éprouve un étrange sentiment, mélange d'abandon, de solitude et de sérénité. L'apaisement qui vient après les turbulences du jour se mêle à une inquiétude diffuse. La nuit c'est un peu l'inconnu, et le sommeil qui monte irrésistiblement au creux de l'être lorsque le jour s'enfuit, provoque une sorte de détachement. Une petite mort en somme...
Les artistes et les poètes ont souvent été fascinés par ce mystère. l'un de ces derniers, l'a littéralement idéalisé et transfiguré : Novalis.
Derrière ce nom superbe se cachait le baron Friedrich Von Hardenberg (1772-1801), météore romantique qui n'atteignit pas la trentaine, mais qui laissa comme une trace singulière irradiant une sombre incandescence, les Hymnes à la Nuit.
Un petit volume en vers libres de quelques pages à peine, mais dans lequel est contenue l'indicible espérance qui l'accompagna jusqu'au seuil du tombeau.
Les artistes et les poètes ont souvent été fascinés par ce mystère. l'un de ces derniers, l'a littéralement idéalisé et transfiguré : Novalis.
Derrière ce nom superbe se cachait le baron Friedrich Von Hardenberg (1772-1801), météore romantique qui n'atteignit pas la trentaine, mais qui laissa comme une trace singulière irradiant une sombre incandescence, les Hymnes à la Nuit.
Un petit volume en vers libres de quelques pages à peine, mais dans lequel est contenue l'indicible espérance qui l'accompagna jusqu'au seuil du tombeau.
La nuit de Novalis, n'a rien d'inquiétant, ni de ténébreux. Elle est douce, limpide, émerveillée. Dans son obscurité insondable elle réunit en un panthéisme apaisé et confiant, l'idée de Dieu et celle de la béatitude infinie.
Par un paradoxe étonnant, il ouvre son chant avec une célébration de la clarté qui pourrait faire songer au rêve prométhéen de son frère en poésie que fut Shelley : « Quel être doué d'intelligence n'aime avant tout la lumière, merveille des merveilles de l'espace qui l'entoure ? Source rayonnante de joie, onde irisée, omniprésente et douce à l'éveil du jour ! »
Mais c'est pour mieux établir le contraste avec l'obscurité qui l'attire, dans laquelle il plonge avec délectation : « Je me tourne vers l'ineffable, vers la sainte et mystérieuse Nuit », et à l'emprise exquise de laquelle il associe la douce ivresse de l'hypnose opiacée : « Un baume suave s'égoutte de la gerbe de pavots que tu tiens dans la main. »
Mais c'est pour mieux établir le contraste avec l'obscurité qui l'attire, dans laquelle il plonge avec délectation : « Je me tourne vers l'ineffable, vers la sainte et mystérieuse Nuit », et à l'emprise exquise de laquelle il associe la douce ivresse de l'hypnose opiacée : « Un baume suave s'égoutte de la gerbe de pavots que tu tiens dans la main. »
Et cette Nuit n'est en rien l'abolition de la conscience mais au contraire le moyen d'accéder à une extase extra-lucide : « Les yeux infinis que la Nuit ouvre en nous paraissent plus célestes que ces étoiles scintillantes et leur regard porte plus loin... » Elle ne connaît d'ailleurs pas de limites ni spatiales ni temporelles contrairement à la Lumière : « La durée fut impartie à la Lumière, mais le royaume de la Nuit existe hors du temps et de l'espace. »
Et la clé de ce royaume indicible c'est le sommeil qui la fournit. C'est une source de pur bonheur teinté d'une connotation érotique assez audacieuse : « C'est toi [sommeil] qui enveloppes le sein délicat de la jeune fille et fais de son flanc un paradis, c'est toi ô sommeil qui surgis du fond des légendes et détiens la clé ouvrant aux demeures des bienheureux, messager silencieux de mystères sans fin. »
Et la clé de ce royaume indicible c'est le sommeil qui la fournit. C'est une source de pur bonheur teinté d'une connotation érotique assez audacieuse : « C'est toi [sommeil] qui enveloppes le sein délicat de la jeune fille et fais de son flanc un paradis, c'est toi ô sommeil qui surgis du fond des légendes et détiens la clé ouvrant aux demeures des bienheureux, messager silencieux de mystères sans fin. »
En définitive, Novalis attend la fin du jour comme une libération :
« Je vis chaque jour
De foi et de courage
Et je meurs chaque nuit
Du feu de l'extase. »
Tous les proches du poètes témoignèrent de sa tranquille assurance face à la mort. De fait, rongé par la tuberculose, il s'éteignit sans heurt, sans révolte, sans douleur, avec au coeur un sentiment confiant face à l'éternité dans laquelle basculait son être à peine sorti de l'enfance. Lui qui se lamentait : « Faut-il toujours que le matin revienne ? », trouvait enfin un sublime exutoire à sa peine...
On beaucoup glosé sur l'idéalisme de Novalis qu'on a tenté de rapprocher des théories philosophiques de Fichte ou de Hegel. En réalité, il était une sorte d'existentialiste épris d'un absolu de beauté. Au plan pictural, c'est dans les toiles de Caspar David Friedreich (1774-1840) qu'on serait tenté de voir la concrétisation de sa démarche spirituelle
Toutefois, sa pensée rapide comme l'éclair et profonde comme la nuit, s'intéressait autant aux entités mystiques qu'à la connaissance objective, notamment scientifique. Il fut dans l'esprit, assez proche de Schelling (1775-1854) dont l'objectif fut de concilier idéalisme et réalisme.
Toutefois, sa pensée rapide comme l'éclair et profonde comme la nuit, s'intéressait autant aux entités mystiques qu'à la connaissance objective, notamment scientifique. Il fut dans l'esprit, assez proche de Schelling (1775-1854) dont l'objectif fut de concilier idéalisme et réalisme.
Par certains aspects, sa vision est étonnamment moderne. Il y fort à parier qu'il se passionnerait pour les interrogations fascinantes que suscite la mécanique quantique. Et sa conception de l'infini nocturne rejoint par exemple étrangement certaines hypothèses scientifiques récentes faisant de la matière noire l'essentiel de la substance de l'Univers.
En somme, il incarne bien cette citation étincelante de Schelling : « A travers l'homme la Nature ouvre les yeux et s'aperçoit qu'elle existe... »
8 commentaires:
La "vision étonnamment moderne" de Novalis peut être perçu selon l'esthétique du romantisme allemand - quand je dis cela, je pense à Walter Benjamin et son oeuvre "Le concept de critique esthétique dans le romantisme allemand". En ce sens, à propos du romantisme d'Iéna (Schlegel, Novalis...), l'expérimentation d'oeuvre d'art se fait par la critique, c'est-à-dire, par l'auto-connaissance d'une oeuvre qui n'exprime pas "l'imitation des auteurs de l’Antiquité" (à savoir: vers la la fin du XVIIIe siècle, la thématique de la "Querelle des Anciens et des Modernes" apparaît, exactement, avec Herder, Schiller, Schlegel...).
Novalis et "la vision d'un art moderne" composent un débat très intéressant, car le "premier romantisme allemand" (avec Novalis) a été beaucoup critiqué, par exemple, par Hegel. Cette critique se renforce dans les écrits hégéliens tardifs (plus de vingt ans après la fin du cercle romantique d’Iéna). Contexte du projet de réconciliation d'art moderne en cherchant ce que Habermas a appelé le "tour de force" de Hegel par "l'auto-certification de la modernité".
Hegel à mon humble opinion a dévoyé les illuminations romantiques dans un idéalisme philosophique abscons. La vraie transcendance est celle des poètes. Ils jettent des pierres très loin qui pourront servir de repères aux sages qui les suivent...
"Idéalisme philosophique abscons" de Hegel... peut-être, mais il faut reconnaisser sa grande pertinence pour corriger ce qui lui semblait être erroné chez Kant - par example, la révision des idées sur la philosophie transcendantale qui ont été à la base de la philosophie de l'esprit chez Hegel (et même la réfutation de la théorie du droit kantienne au profit d'une conception organique de la société - la "totalité éthique").
Mes félicitations pour votre blog.
le problème c'est effectivement peut-être avant tout l'interprétation que certains ont fait de la pensée de Hegel. N'empêche, Schopenhauer, Popper ou d'autres, se méfiaient de sa doctrine historiciste. Quant à Kant, il avait lui-même mis en garde contre "toute métaphysique future
qui pourrait se présenter comme science".
un grand merci en tout cas pour votre appréciation de mon blog.
La supériorité, si l'on peut parler ainsi,du langage poétique sur le langage philosophique, c'est qu'il nous permet à travers un jeu d'images, de symboles,d'emblèmes... d'aller au delà d'une vérité que ne peut totalement circonscrire le langage conceptuel. Loin donc de s'opposer,le philosophe, pour peu qu'il reconnaisse les limites de sa pensée, et le poète, pour peu qu'il féconde sont art de philosophie,participent de la même recherche de la Vérité. La nôtre, celle du vivre ensemble et de notre rapport au monde. Comme Heidegger et Char, par exemple...
Bien à vous Philippe...
Pierre-Henri!
Mais pourquoi donc vous ai-je appelé Philippe? Pensais-je si fort, écrivant mon petit commentaire, à Philippe Jaccottet,cet immense poète suisse de langue française, traducteur de Rilke, et influencé par des Hölderlin et Leopardi et Ungaretti... De la même veine "spirituelle" finalement qu'un Novalis...
Pardon, et à bientôt de vous lire.Toujours avec grand plaisir!
Vous êtes tout excusé, je ne peux qu'être flatté d'une telle méprise ! Un jour prochain j'écrirai sûrement sur Hölderlin qui me touche énormément. Je saurai me souvenir de la belle référence à Jaccottet.
Et merci de votre fidélité qui fait chaud au coeur en cette fin d'automne bien grise.
Bonjour.J'espère que Novalis est heureux au paradis céleste avec toutes les personnes qu'il aime.J'espère l'y rencontrer un jour. Salut! Béatrice
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