07 décembre 2017

Necrostalgia

Selon Victor Hugo, la meilleure façon d’avoir raison c’est d’être mort.
Le grand homme incarna cet adage, qui souffrit de son vivant de l’exil, et qui eut droit à de somptueuses funérailles nationales.
Cette semaine, les assauts de louanges qui suivent la disparition de Jean d’Ormesson et dès le lendemain, celle de Johnny Hallyday, confirment le constat de l’auteur des Misérables.
Certes ces deux là furent plutôt choyés de leur vivant par l’opinion publique. Mais il n’en fut pas toujours ainsi et bien que leurs destins respectifs soient plutôt éloignés, ils se ressemblent à maints égards.

Ils prêtèrent le flanc à la critique, l’écrivain pour son engagement à droite et son côté vieille France, le chanteur pour ses manières un tantinet rustiques et son style jugé parfois un peu ringard.
Tous deux surent pourtant esquiver ces moqueries en les acceptant de bonne grâce, avec une indifférence classieuse, désarmante. Ce faisant, ils réussirent à se faire respecter de tous y compris de l’intelligentsia…

Si aucun des deux ne révolutionna le genre dans lequel ils firent carrière avec succès, chacun fit ce qu’il put pour servir son art de son mieux. Il y eut certainement la même sincérité dans l’amour de la littérature de l’un et dans la passion du rock ‘n roll de l’autre. Les deux durent leur célébrité à un charisme exceptionnel, l’un dans les salons parisiens, l’autre sur les scènes de ses concerts. Nul doute qu’ils procurèrent du plaisir à leurs publics respectifs et leur respectable longévité n’est pas le moindre de leurs talents.

Mais si pour paraphraser Jean d'Ormesson, on peut dire malgré tout que leur vie fut belle, que restera-t-il dans les mémoires ?
L'auteur de la Gloire de l'Empire écrivit beaucoup mais ses romans laissent le goût de l’eau de rose, déjà quelque peu évaporé, et les idées qu’il développa dans ses nombreux ouvrages philosophiques sont aussi légères que des papillons. Tout ça s’envole avec grâce mais sans lendemain. On dit qu’il excellait dans l’art de la conversation, mais son style était fait de pirouettes et de mots d’esprit. Pour élégants qu’ils fussent, ils n’ont pas de vraie trajectoire et peu de consistance durable hélas.
Johnny Hallyday fut parait-il le Elvis français, c’est tout dire. En dépit d’une voix de stentor qu’il savait faire vibrer avec beaucoup d’expressivité et parfois même de tendresse, il restera sans doute comme un suiveur de modes. Après avoir adapté nombre de standards américains, il sut faire appel à de bons auteurs compositeurs qui lui permirent d’inscrire quelques titres qui résonneront longtemps dans les oreilles françaises:  Que Je T'aime, l'Envie d'Avoir Envie, Retiens La Nuit, Laura, Quelque Chose de Tennesse...
Mais françaises, car si tous deux trouvèrent la gloire chez eux, s’ils résument un peu l’esprit d’un pays, ils ne parvinrent pas à le faire rayonner à travers le monde.

Aujourd’hui, les hommages pleuvent. Il faut dire que notre époque n’a plus guère de héros, pour reprendre le mot du Président de la République, et les médias sont à cours de sujets mobilisateurs. Tout le gratin rapplique pour apporter force témoignages larmoyants. Ainsi va le monde….

Tout bien pesé, si Dieu existe, il les enverra sans doute au Paradis car ils ont fait beaucoup plus de bien que de mal à leurs contemporains...

1 commentaire:

claude a dit…

j'aimais bien le papillon qui butinant de fleur en fleur de génereuses citations nous ouvrait gaiement l'immense jardin de sa culture Et puis il a parlé de Venise comme personne ....