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28 août 2025

Pour Boualem Sansal 4

Pour conclure la séquence consacrée à Boualem Sansal, quelques mots s’imposent au sujet de son ultime ouvrage, publié avant son incarcération.
Il serait sans doute excessif de comparer cet essai en forme de plaidoyer, à la fameuse “Défense et Illustration de la Langue Française” que le poète Joachim du Bellay écrivit à l’époque de la Renaissance, mais après tout l’enjeu est comparable. La question est de savoir s’il existe encore un espoir de redonner vie à une langue sur le déclin, que certains politiciens captieux ont déjà enterrée, au profit d’une “créolisation” ?
Il est clair que Boualem Sansal, considère l’appauvrissement de la langue qui lui est si chère, comme un fait relevant de l’évidence. Mais loin d’une jolie terminologie exotique il voit plutôt l’émergence d’un baragouin associant« le globish de quincaillier, mortel avec l’accent franchouillard, le wesh-wesh des quartiers qui se parle droit dans les yeux, l’index levé sur le ton de la harangue, la langue inclusive qui exclut tout, n’inclut rien et au final éteint la vie dans le confusionnisme. »

Celui qui se définit comme “un écrivain francophone à la retraite en recherche d’une vraie espérance”, part évidemment d’un constat assez pessimiste, selon lequel “la France n’est plus la France ni des Lumières, ni des Trente Glorieuses, celle du Général prédestiné, ou même de Mitterrand qui gardait le goût de la grande littérature française, mais celle des ennemis de la France et de son peuple.”
Il déplore le mépris grandissant pour “une langue qui fut celle de la puissance, de la liberté, de la beauté, de la connaissance, de la diplomatie, de la Révolution universelle, de la séduction, de l’art de vivre dans la légèreté.”

L’époque serait donc rien moins que climatérique car « Il n’y a de peuple que dans une culture et une langue, de culture et de langue que dans la liberté, de liberté que dans le courage et l’honneur, de courage et d’honneur que dans l’amour de son pays et des siens. La rupture de la chaîne signifie la mort du peuple et la dislocation du pays ».
D’où la nécessité pour lui d’exhorter sa seconde patrie à faire du français “une cause nationale, une affaire de sécurité nationale, une question de toute première importance, de vie et de mort. C’est par la langue que les peuples pèchent et meurent, c’est par elle qu’ils vivent et prospèrent.”
Il rappelle à cette occasion que notre langue n’est plus le domaine exclusif de la France, qu’il s’agit en quelque sorte d’une cause dépassant largement le cadre étroit de l’hexagone et il appelle tous ceux qui pratiquent le français à se rassembler : “Je trouve injuste que nous, Francophones assidus, n’avons pas droit de regard sur l’évolution de la langue française. Nous sommes pourtant cinq fois plus nombreux que les Français de souche, est-ce juste ? Un jour, nous serons fondés de (sic) créer notre propre Église, l’Académie Francophone Intercontinentale, dans laquelle les Français seront certes admis mais comme vestiges d’une époque révolue.”

On peut évidemment se demander si les propos de Sansal ne viennent pas un peu tard, si ses espérances ne sont pas hélas utopiques vu la domination écrasante de l’anglais. Il n’a certes pas tort lorsqu’il souligne que “les grands empires qui ont fait l’histoire ont disparu de la sorte, dans le mélange des genres, le dérèglement des sens et le pourrissement des âmes.” Mais la mondialisation est devenue un fait incontournable et on ne voit pas bien ce qui pourrait redonner du lustre et de l’autorité à l’esprit français tel qu’il régna autrefois.

Même s’il peut apparaître désespéré, le combat de Boualem Sansal a quelque chose de grandiose. Si certains peuvent voir l’écrivain comme un perdant magnifique, un égaré “venu trop tard dans un monde trop vieux” pour reprendre le fameux mot de Musset, voire un traître à la cause pour les plus radicaux, nul ne peut nier son courage.
Très seul hélas, il est un beau trait d'union entre l'Algérie et la France, lumineux, éclairant, sincère, iconoclaste, érudit (on ne relève dans son ouvrage qu’une seule erreur factuelle : il attribue la saga d'Astérix et Obélix au dessinateur belge Hergé ! )
Il incarne, en tant qu’intellectuel, une chance, un espoir pour les deux pays, frères ennemis, de voir un jour réconciliés leurs destins croisés. Hélas, l'actualité donne à penser que ce jour est très lointain. De plus en plus lointain même tant il y a de haine revancharde recuite d'un côté de la Méditerranée, et d’indifférence dédaigneuse, bardée d'obséquiosité hypocrite de l'autre.

Dans un dernier chapitre intitulé de manière prémonitoire “en guise d’adieu”, Sansal résume sa pensée sous forme d’un petit décalogue humble mais sarcastique destiné aux parents des générations futures :
“Ton enfant tu aimeras et éduqueras
Lire, écrire et compter devra
Mémoriser apprendra et n’oubliera.
Dans la littérature tu le pousseras
« Bon vent », lui diras lorsqu’il prendra son envol
Ainsi le monde a vécu, survécu et survivra
Ton enfant n’en sera pas le fossoyeur
Ni toi son éducateur le coupable
Mais le ministre par ignorance crasse
Et le bouffon du roi par pauvreté d’esprit de son maître.”

Ainsi donc Boualem Sansal peut légitimement figurer au rang des imprécateurs et des lanceurs d’alerte. Mais il y a incontestablement une certaine naïveté dans son discours à l’instar de sa “Lettre d'amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre” parue en 2021. Il a payé cher ses opinions. Qu’adviendra-t-il de son message et de sa personne ? Quand cessera-t-on dans ce bas monde de censurer et d'emprisonner des gens pour délit d'opinion ?
Il faut imaginer ne serait-ce qu'un seul instant, à la manière de John Lennon, que l’avenir appartienne un jour aux rêveurs…

23 août 2025

Pour Boualem Sansal 3

2084 : la fin du monde

Sous ce titre catastrophiste, Boualem Sansal propose une fiction futuriste très sombre, qu’on pourrait évidemment placer dans le sillage du fameux 1984 de George Orwell.
A ceci près que le monde terriblement organisé, quadrillé, inquisiteur, qu’il décrit n’est pas le fruit d’une robotisation extrême au service d’un état bureaucratique centralisé imposant un matérialisme sans foi.
C’est au contraire un pouvoir se réclamant exclusivement de Dieu, entièrement dévoué à son culte, se targuant de connaître la volonté de ce dernier et s’arrogeant le droit d’y assujettir de gré ou de force tout être humain.
En l’occurrence, Dieu a pour nom Yölah, et son messager s’appelle Abi.
Nul ne sait trop comment ni quand s’est établie cette théocratie pour la bonne et simple raison qu’elle a tout mis en œuvre pour tenter de rayer le passé des esprits. Ainsi est décrite sa genèse, dans un lointain indéterminé: “un autre monde était né, dans une terre purifiée, consacrée à la vérité, sous le regard de Dieu et d’Abi, il fallait tout renommer, tout réécrire, de sorte que la vie nouvelle ne soit d’aucune manière entachée par l’Histoire passée désormais caduque, effacée comme n’ayant jamais existé.”

A l’issue d’un long séjour en sanatorium pour soigner une tuberculose, le jeune Ati éprouve comme une seconde naissance et entreprend un long parcours spirituel pour tenter de percer les arcanes de cet Abistan étrange dans lequel il se trouve brutalement plongé.
Au début, il est presque émerveillé par le bonheur apparent et la sérénité de ses habitants. Tout semble harmonieux sous la lumière de Yölah. Chacun communie dans l’écho de ses commandements, répercuté à l’infini par les porte-voix de ses zélateurs dévoués. Partout l’on entend les mêmes préceptes, les mêmes formules magiques : « Yölah est juste », « Yölah est patient », « Yölah est grand », « Abi te soutient », « Abi est avec toi »... Partout, on récite avec ardeur les odes écrites de la main d’Abi.

Mais peu à peu, se fait jour une autre réalité, savamment cachée derrière les apophtegmes emphatiques. Si la patience est certes “l’autre nom de la foi”, Ati comprend au détour de quelques propos distillés par des sages de rencontre que ce sont surtout l’obéissance et la soumission, qui font “le bon croyant”.
En poussant ses investigations, il découvre que l’Appareil du Pouvoir, constitué d’innombrables instances d’endoctrinement et de contrôle, peut amener ses assujettis à “adorer la soumission jusqu’à la folie”, ce qui signifie être esclave sans avoir conscience de l’être. Tout s’éclaire alors pour le jeune pèlerin avide d’explication: “la liberté était là, dans la perception que nous ne sommes pas libres mais que nous possédons le pouvoir de nous battre jusqu’à la mort pour l’être.”

Dans la foulée, la mécanique infâme d’un système totalitaire, prétendument de droit divin, se démasque dans toute son horreur. Ati effaré “fait la perturbante découverte que la religion peut se bâtir sur le contraire de la vérité et devenir de ce fait la gardienne acharnée du mensonge originel.”
Il mesure la perversité d’un Appareil d'Etat qui va “jusqu'à s’inventer de faux ennemis qu’il s’épuise ensuite à dénicher pour, au bout du compte, éliminer ses propres amis”.
Il comprend enfin qu’à l’instar du système politique de l’Angsoc, décrit par George Orwell, tout repose sur le mensonge. Aux trois principes de base “La guerre c’est la paix”, “La liberté c’est l’esclavage”, “L’ignorance c’est la force”, les féaux de Dieu en ont ajouté trois autres : “La mort c’est la vie”, “Le mensonge c’est la vérité”, “La logique c’est l’absurde”. C’est donc ça l’Abistan, le règne du non sens et de l'arbitraire, une vraie folie.

C’est en définitive le message essentiel de ce roman fascinant et bien écrit, souffrant toutefois d’une ambiance un peu trop fantasmagorique et d’un certain manque d’incarnation des personnages, notamment du héros : sans la liberté de parole et de pensée et sans la connaissance du passé, il n’est plus de vérité ni de raison qui vaille.
La politique de la tabula rasa détruit les acquis du passé, annihile l’esprit critique et toute initiative individuelle.
On pense bien sûr à Orwell mais également à Koestler ou Ayn Rand qui furent parmi les romanciers les plus clairvoyants pour révéler la monstruosité des totalitarismes païens..
Quel que soit le modus vivendi, le résultat est le même.
Ici, l’allusion religieuse est limpide et il faudrait être aveugle pour ne pas voir les ressemblances entre Yölah et un autre dieu dont l’absolutisme s’étend de manière inquiétante à la faveur d’un prosélytisme relevant de plus en plus du sectarisme pour ne pas dire du fanatisme. A chacun d’en tirer les conclusions qui s’imposent car si le pire n’est jamais certain, la liberté n’est jamais définitivement acquise…

21 août 2025

Pour Boualem Sansal 2

Poste restante : Alger.

Sous-titré “Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes”, cet ouvrage est une supplique adressée au peuple algérien afin qu’il prenne conscience de son infortune mais aussi de ses atouts et qu’il trouve la force de construire un avenir plus ouvert et souriant à la hauteur de ce qu’il mérite.
Et ça commence par une description apologétique de l’Algérie, qui selon l’auteur, est bien autre chose que ce à quoi on la réduit souvent : “elle est là, au cœur du monde, c’est un grand et beau pays, riche de tout et de trop, et son histoire a de quoi donner à réfléchir : mille peuples l’ont habitée et autant de langues et de coutumes, elle a bu aux trois religions et fréquenté de grandes civilisations, la numide, la judaïque, la carthaginoise, la romaine, la byzantine, l’arabe, l’ottomane, la française…”

Fort de cette image et de ce passé, le peuple algérien a dans ses fibres et dans sa culture, quelque chose d’universel : “il est arabe, cela est vrai, mes frères, à la condition de retirer du compte les Berbères (Kabyles, Chaoui, Mozabites, Touareg, etc., soit 80 % de la population) et les naturalisés de l’Histoire (mozarabes, juifs, pieds-noirs, Turcs, coulouglis, Africains… soit 2 à 4 %). Les 16 à 18 % restants sont des Arabes, personne ne le conteste.”
S’agissant du fait religieux, si l’islam domine, Sansal insiste sur la nécessaire tolérance et l’ouverture d’esprit car “affirmer solennellement, et de manière bruyante, que le peuple algérien est musulman revient à dire : Qui n’est pas musulman n’est pas des nôtres. Or, on ne peut oublier cette fatalité : tout croyant trouvera sur sa route plus croyant que lui. Si de l’étincelle ne jaillit point la lumière, alors le feu ira à la poudre.”
Quant à la langue, il souligne que “ si l’arabe classique est langue officielle, c’est vrai, elle n’est pas maternelle, pour personne.”
Après avoir rappelé que “l’arabe classique s’enseignait tranquillement dans les écoles coraniques et les medersa, et très officiellement dans les lycées appelés franco-musulmans, qui [...] ont produit de très fins lettrés”, il regrette l’arabisation à marche forcée qui selon lui n’ouvre aujourd’hui que les portes de la mosquée. Quant à l’arabe dialectal dit pataouète, il n’a de rôle que anecdotique, et sera toujours impuissant à porter l’expression de l’unité nationale. En définitive, Sansal affirme en substance que le français était la meilleure chance d’ouverture au monde, rappelant l’apostrophe arrogante du “grand écrivain” Kateb Yacine : « Le français est à nous, c’est un butin de guerre. »

Boualem Sansal évoque à maintes reprises l’histoire de l’Algérie, en s'attachant tout particulièrement à commenter celle des dernières décennies.
Même si “la guerre de libération” menant à l’indépendance est pour lui un marqueur fondateur, il ne raye pas d’un trait de plume ce qu’apporta à son pays la France. Il cite même, non sans un peu de provocation Ferhat Abbas, premier président du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), lorsqu’il affirma que “la nation algérienne est née avec la colonisation”, idée d’ailleurs reprise par le "grand historien et ancien intellectuel du FLN", Mohamed Harbi, qui écrivit “qu’en vérité, notre modernité a commencé avec la colonisation”.
Le règne du FLN qui s’installa au départ des Français ferma hélas la porte au renouveau espéré. “Le peuple n’eut pas le temps de poser son barda qu’il fut dépossédé de sa guerre, de sa gloire, de ses souffrances, de ses sacrifices, donc de sa liberté chèrement payée”.

Un nouvel espoir se fit jour en octobre 1988 “ce mois fabuleux, ces jours électriques, ces heures vertigineuses où tout paraissait possible : renverser la dictature du parti unique, le FLN, chasser le tyran de son fauteuil, prendre notre destin en main, nous ouvrir au monde”.
Hélas, “le rêve a duré cinq jours, pas un de plus”…
Il y eut certes l’embellie apportée par Mohamed Boudiaf, à la mémoire duquel l’auteur a dédié sa Lettre. Président de l’Algérie de janvier à juin 1992, “le preux, l’innocent qui a cru que le pandémonium céderait devant la sainteté” fut assassiné à Annaba le 28 juin 1992 par un officier de la garde présidentielle.
S'ensuivit une atroce guerre civile (1992-1999) : “deux cent mille morts, des dégâts incalculables, quatre coups d’État, du remue-ménage dans le sérail, le tout accompagné d’un pillage systématique du pays.”

Puis, pour finir, le “référendum pour la réconciliation et la paix” du 29 septembre 2005, qui tourna hélas à la mascarade : “Ce jour, nos voix ont été réquisitionnées pour amnistier ceux qui, dix années durant et jusqu’à ce jour, nous ont infligé des douleurs à faire pâlir de jalousie Satan et son armée infernale”.
Une fois encore la perspective de jours plus heureux a fait long feu, “et voilà qu’aujourd’hui, nous en sommes là, hagards et démunis, immobiles et penauds, n’ayant plus rien à renier ou à aimer…”
Puisqu’il faut garder une lueur d’espoir, Sansal veut encore croire qu'un meilleur avenir soit possible pour son pays. Il imagine et souhaite "qu’en application du référendum de 2005, le peuple parvienne un jour à obtenir enfin un programme de développement économique et social qui soit vrai, la tenue urgente d’élections générales anticipées sous l’égide de l’ONU, la réécriture de l’Histoire en insistant sur ses points négatifs, l’envoi du FLN au musée, la réhabilitation pleine et entière des victimes du terrorisme…”

18 août 2025

Pour Boualem Sansal 1

La faiblesse avec laquelle la France a réagi à l'innommable emprisonnement en Algérie de Boualem Sansal relève de l'abjection. Comment qualifier autrement l'apathie de nos dirigeants face à ce qu'il faut bien considérer comme une injustice flagrante, un acte arbitraire manifeste, et vis-à-vis de notre pays comme un camouflet ou pire, comme un crachat jeté au visage ?
La mesure de la réaction française fut donnée par Emmanuel Macron, qui pour toute sanction se borna à déclarer le 6 janvier 2025, que par cet acte, l'Algérie “entre dans une histoire qui la déshonore…”
Le même qui affirmait en évoquant la menace russe, qu’il fallait être craint pour être libre, s’aplatit comme une limande face au tyranneau méditerranéen qui le nargue.
Cela signifie en effet, de la part de notre gouvernement, l’abandon pur et simple d'un écrivain, francophone de surcroît, dont la respectabilité tient au nombre de prix qu’il reçut pour ses œuvres et à qui fut accordée la nationalité française en hommage à son talent, à la hauteur de sa pensée et en reconnaissance de l’amour immense, qu’il a maintes fois clamé, pour la France.

Aujourd'hui, il est traité plus bas que terre par le pays qui l'a vu naître, et considéré comme insignifiant par celui qui l'avait adopté, occulté même par ceux qui le couvraient il y a peu, d’honneurs et de louanges. Son triste sort révèle la nature totalitaire de l’Algérie, mais aussi la bassesse affligeante de politiciens au courage de poltrons et au cœur de caillou. Prolixes en discours emphatiques, ils s'enfuient devant l'obstacle, inscrivant par leur lâcheté une honte inextinguible au fronton de notre république déjà décatie. Près d’un an après son incarcération scandaleuse, Boualem Sansal est quasi oublié. Deviendra-t-il une énième victime de l’interminable tragédie franco-algérienne ?

Il est vrai que l’écrivain s’est souvent fait imprécateur, ne lésinant pas sur les provocations. Les médias ont largement relaté les critiques acerbes qu’il adressait régulièrement aux dirigeants de son pays et même aux nôtres, n’hésitant pas à affirmer haut et fort à maintes reprises au sujet de l'État algérien qu’il s’est constitué en oligarchie mafieuse qui se développe avec la protection de la France.
Son retour en Algérie après avoir émis d’aussi lourdes accusations, peut faire dire à certains qu’il s’est en toute connaissance de cause jeté dans la gueule du loup.
Mais pour sévères et téméraires qu’ils fussent, ses propos ne méritaient sûrement pas la mise au cachot et s’il est permis de voir quelque chose de positif dans son emprisonnement, c’est qu’il prouve en quelque sorte qu’il avait raison. On peut en l’occurrence penser au drame vécu en d’autres temps et en d’autres lieux mais pour des raisons comparables par Soljenitsyne.

Je ne connaissais l'homme que de réputation et pour ce que j'en avais vu lors d'émissions et d'interviews télévisées.
Je me suis empressé, avec certes un peu de retard, de plonger dans sa littérature, m'enrichissant de la lecture de trois de ses nombreux ouvrages : Poste restante : Alger (2006), 2084, la fin du monde (2015) et le dernier en date : Le français, parlons-en (2024).
Ces livres apportent un éclairage original sur quelques-unes des problématiques actuelles, très prégnantes à ses yeux. Pour ce faire, l’auteur a fait appel à trois genres différents : lettre ouverte pour le premier, roman pour le second, essai pour le troisième. Et pour nourrir la réflexion, il a mis trois sujets brûlants sur le métier. En premier lieu, le mal endémique et en apparence incurable qui ronge l’Algérie depuis des décennies. Suit une réflexion sur l’absolutisme d’une religion conquérante, écrasant tout dans son extension, notamment la liberté, la faculté de critiquer et l'esprit des lumières. Et pour finir, le questionnement sur l'essence de la langue française et son positionnement actuel et futur de part et d'autre de la Méditerranée.