26 décembre 2020

N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit

Face à une poésie écrite dans une autre langue que la sienne, l’esprit vacille. S’il est sensible à la prosodie, voire enchanté par les sonorités suggestives, il se trouve toujours ennuyé lorsqu'il s'agit de la traduire en mots. La laisser chanter telle quelle est sans doute la meilleure solution pour conserver ce qui est intraduisible mais laisse dans les limbes quantité de nuances, voire le sens même du propos. Autant écouter de la musique…

Depuis des lustres je suis hanté par la poésie de Dylan Thomas (1914-1953), tout particulièrement par ce vers qui donne le titre à un recueil acquis il y a bien longtemps.
En cette fin d’année tourmentée, il prend un sens inattendu.
Il est possible d’y voir avant tout l’expression de l’angoisse devant la mort, particulièrement celle d’un être cher, ici le père. Mais c’est aussi l’opposition lumière obscurité, qui s'impose comme une irréfragable évidence, conditionnant l’être et imprimant son rythme et son impérative antinomie sur nos vies...
La nuit est-elle celle, transfigurée et pleine d’espérance de Noël, celle illuminée que célébrait Novalis, ou bien celle profonde du temps, dans lequel on progresse à tâtons à la lueur vacillante de nos fragiles illusions ? Est-elle cette nuit qui pèse sur nos jours et qu’on tente de conjurer à minuit par mille vœux au seuil de chaque nouvelle année ?
Dans une époque en proie au doute, plus encline que jamais aux rumeurs et aux croyances, craignant de plus en plus de s’appuyer sur ses repères ancestraux, tremblante d’une peur névrotique face à l’avenir et au progrès technique, sans foi, sans philosophie, sans élévation, ces vers sont comme une exhortation, un appel, une révolte:
Do not go gentle into that good night
Rage, rage against the dying of the light...

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