31 août 2008

Non, non, rien à Changé


C'est d'une voix enrouée, mal assurée, énervée, que Nicolas Sarkozy a tenté de justifier le financement du futur Revenu de Solidarité Active. A l'évidence, sa prestation du 28 août, révélait un manque inhabituel de conviction et d'enthousiasme.
Il faut dire que ce n'est pas facile d'avoir à se déjuger en affirmant exactement le contraire de ce qu'on clamait haut et fort peu de temps auparavant.
Comme par une ironie du sort il choisit la petite ville de Changé en Mayenne, pour faire ces navrantes révélations. Est-ce à dire qu'il voulait signifier un revirement fataliste de stratégie, ou bien est-ce au contraire à l'enterrement du « Changement » qu'il conviait la France ? Dans les deux cas l'évènement incite à la tristesse et au découragement.
Sur la réforme elle-même, pas trop de difficulté à craindre pour le président, tant il joue sur le velours moelleux du consensus. Le principe même de ce RSA est en effet à peu près unanimement approuvé : « Une mesure formidable » a même déclaré l'orfèvre en langue de bois droitière qu'est Jean-François Copé (France Info 29/08). Le même Copé se réjouit sans rire, du fait que désormais les bénéficiaires du RMI « ne perdront pas d'argent lorsqu'ils retrouveront un travail payé à hauteur du SMIC horaire » !
A croire l'ancien ministre du Budget, pour pallier les effets néfastes d'un système bancal et incroyablement pervers qui impose une norme salariale inférieure aux largesses accordées aux personnes sans travail, on ne fait donc rien d'autre que lui coller une rustine légale supplémentaire compliquant encore un peu les choses et grevant le budget de l'Etat. Magnifique logique que n'aurait pas désavouée le Savant Cosinus.
Rien ne permet d'affirmer à ce jour que cette nouvelle allocation sociale soit plus efficace que les innombrables dispositifs ingénieux et bien intentionnés issus de l'imagination fertile des bureaucrates de l'Etat-Providence. Un fait est sûr : elle coûtera cher, et comme d'habitude, probablement plus que prévu.
Car le plus grave dans cette affaire est en effet le revers de la médaille. Même si la mesure se nourrit de bons sentiments et – soyons optimiste – procure quelque amélioration à ses destinataires potentiels, quel en sera le bénéfice global si pour la financer on crée un inconvénient au moins égal en valeur absolue ? Peut-on commettre une bonne action avec le fruit d'une mauvaise, fût-ce en lui donnant le joli nom de "solidarité active" ?
Une fois encore, les leçons de
Frédéric Bastiat sur « ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas » devraient s'imposer à nos dirigeants. On se souvient de la fameuse parabole du carreau cassé qui décrit si bien cette problématique universelle. Je préfère toutefois citer ici les propos sombres mais prémonitoires que le grand économiste libéral tenait à son ami Courdroy le 2 février 1848, trois semaines avant la révolution qui vit la monarchie de Juillet partir en capilotade : « Depuis dix ans, de fausses doctrines, fort en vogue, nourrissent les classes laborieuses d’absurdes illusions. Elles sont maintenant convaincues que l’Etat est obligé de donner du pain, du travail, de l’instruction à tout le monde. Le gouvernement provisoire en a fait la promesse solennelle ; il sera donc contraint de renforcer tous les impôts pour essayer de tenir cette promesse, et, malgré cela, il ne la tiendra pas. Je n’ai pas besoin de te dire l’avenir que cela nous prépare…».
Hélas force est de constater que Nicolas Sarkozy, peut-être affolé par les mauvais chiffres actuels, peut-être sous la pression d'un entourage très cul-béni mais peu inspiré, est en train de tourner complètement casaque. Après l'invraisemblable taxation des chaines de télévision privées pour financer leurs homologues du « Service Public », après le racket sur les Assurances Mutuelles de Santé pour tenter de combler le déficit abyssal de la Sécurité Sociale, voici la petite épargne asséchée pour abonder « la rosée fécondante de l'impôt de solidarité ».
L'embellie n'aura donc guère duré plus d'un an. Encore faut-il insister sur le fait que le torrent de réformes audacieuses se résume surtout à des mots et à un immense chantier à peine entrepris. En la circonstance, Sarkozy se vante d'avoir redonné de l'argent « en haut » en créant le bouclier fiscal et en allégeant l'ISF. Mais dans le premier cas il n'a fait qu'imposer à l'Etat une barrière ubuesque contre ses propres attaques et dans le second, qu'édulcorer un impôt que tous les gens sensés savent stupide et que tous les pays voisins, même socialistes, ont aboli. Il n'y a vraiment pas de quoi se féliciter et sûrement aucune légitimité à en tirer pour ressortir de plus belle la massue fiscale sur le plus grand nombre.
Au moment où la France s'enfonce dans le marasme économique, Sarkozy qui se targuait pour l'en sauver, de franchir le Rubicon des idées reçues, s'arrête avant même le milieu du gué, ne sachant plus vers quelle rive aller. Calamiteuse hésitation surtout s'il s'inspire du funeste Guizot qui face au libéralisme se comporta comme l'âne de Buridan, s'il écoute une épouse richissime qui a le coeur sur la main mais ignore totalement le monde réel à la manière de Marie-Antoinette, ou bien des conseillers experts en oeuvres de bienfaisance et pétris de bonnes intentions, mais persuadés qu'il n'est de richesses que d'Etat ! Le pire est que les sondages, de nouveau en ascension, l'encouragent à abandonner la proie pour l'ombre...
PS : Pendant ce temps les Etats-Unis, dont tous les experts réunis annonçaient une fois encore le déclin et la récession économique, enregistrent un rebond imprévu de croissance . Dixit Le Monde du Jeudi 28 août : "Le département américain du commerce a révisé en forte hausse la croissance de l'économie des Etats-Unis au deuxième trimestre. Le produit intérieur brut (PIB) de la première économie mondiale a finalement progressé de 3,3 %, en rythme annuel, d'avril à juin, bien au-dessus de l'estimation initiale de 1,9 %". Il faut préciser que dans ce pays, le président qu'il est de bon ton de qualifier "de plus mauvais et de plus impopulaire de tous les temps", n'a pour sa part, jamais fléchi dans sa détermination et ses convictions...

Aucun commentaire: