Nicolas
Sarkozy, le « candidat sortant » paie lourdement et assez
injustement ses erreurs de communications, mais bien plus grave à
mes yeux, un certain manque de convictions. Son quinquennat aura été
marqué par trop de revirements et d'inconséquences pour qu'on en
retienne une ligne directrice claire. Il y eut des choses
sympathiques sans nul doute, mais quel brouillamini en définitive !
L'étatisme n'a en rien été entamé, et pas davantage la
bureaucratie planificatrice, centralisatrice et déresponsabilisante.
En dépit de velléités, il n'a pas vraiment réussi à placer la
France dans une perspective nouvelle pour affronter les défis du
monde contemporain. Résultat, ses adversaires n'ont pas changé
d'opinion et il est probable qu'il a déçu un certain nombre de ceux
qui espéraient en lui. Pourtant, et cela montre le niveau du débat
politique, il reste le candidat le plus crédible, celui qui
a – et de loin – la meilleure stature internationale, ce qui est
un atout majeur. Mais ses contradictions et ses tergiversations au sujet du
modèle de société vont peser très lourdement dans la décision.
Est-il possible que s'inverse le cours annoncé des événements ?
Peu probable, ou bien cela relèvera de l'exploit...
En
face, François Hollande, en dépit d'une formidable pression
médiatique en sa faveur (et au discrédit de Nicolas Sarkozy), ne
déclenche aucun enthousiasme, aucun élan populaire. Son discours évoque irrémédiablement le vieux radis (vaguement rose à
l'extérieur, blanc à l'intérieur et si désespérément creux...) Il n'a
certes pas eu besoin de forcer son talent, ni même à trop gauchir
son discours. Le changement, mon œil ! Quelques grosses ficelles et attrape-nigauds démagogiques et le tour semble joué. Il a soigné
sa ligne, changé de costume, surfe mollement sur le mécontentement,
et cela pourrait suffire tant l'anti-sarkozysme est devenu fort.
Après
nous avoir joué le rôle de la gauche dure, robespierriste sinon
bolchevique, après s'être gargarisé d'appels à la révolution, Jean-Luc
Mélenchon s'aplatit comme une limande devant le candidat PS qu'il
accusait d'être l'incarnation du conformisme petit bourgeois et de la veulerie vis
à vis de la mondialisation et du capitalisme honnis. Étrange
retournement de situation. Tout n'était que manœuvre. Après avoir
ratissé les résidus des gauches les plus archaïques du monde,
l'objectif était donc simplement de ramener le butin sur un plateau
au capitaine de pédalo. Ce dernier savoure cette reddition sans
sourciller, avec condescendance, mais les gogos seront-ils gogos à
ce point pour croire à de telles simagrées ? Peut-être hélas...
Le
Front National reste le problème incontournable de la vie politique
française. L'espoir d'avoir enrayé la machine infernale en 2007 est
cruellement démenti. Force est de constater que le piège ourdi par
Mitterrand fonctionne encore ! Et plus que jamais Marine Le Pen
espère la victoire du camp socialiste, qui fera fructifier son
pré-carré et risque de lui ouvrir de belles perspectives pour dans
cinq ans et sans doute même avant. Surtout si le retour de la
proportionnelle permet à son parti d'accéder aux tribunes représentatives.
La preuve semble faite qu'on ne résoudra pas le problème en
ignorant, en ostracisant, ou pire en insultant le Front National ou ses électeurs.
Seule la dédiabolisation peut laisser espérer le retour d'un climat
politique plus serein. Madame Le Pen paraît prête à cette
éventualité, et décidée à briser l'isolement forcé dans lequel reste
enfermé son parti. Si le chef de l'Etat perd cette élection, la
recomposition de la droite sera-t-elle à l'ordre du jour ?
Quant
à François Bayrou, il passe sans doute définitivement à côté de
son destin à cause d'un entêtement morbide et d'un égocentrisme
invétéré. A force de pratiquer la logique circulaire jusqu'à
l'absurde, il est certes au centre, mais celui-ci devient une vraie
singularité. Un point microscopique autour duquel tourne avec une
superbe indifférence pour lui le microcosme politique. A contrario
du Front National le MODEM est totalement isolé par la seule volonté
de son leader. Par voie de conséquence il est en passe de
s'effondrer sur lui-même, comme un trou noir. Belle satisfaction !
S'agissant
des autres, après qu'on a beaucoup trop entendu parler d'eux, les voilà
ramenés brutalement à l'importance qu'ils méritent, celle de
roupie de sansonnet...
A
l'image du calme précédent les cyclones, il règne dans le pays un
étrange flottement. La crise est bien là, toute proche et tout se
passe comme si personne ne la voyait vraiment. On l'évoque par
allusion, mais aucune stratégie pragmatique ne paraît vouloir s'y
opposer.
A
l'approche de terribles turbulences, les Français vont-ils succomber
à l'envie d'essayer un petit tour de pédalo ? Hélas, ça
semble bien possible...
5 commentaires:
J'aime beaucoup le photo! Ça me rappelle l'optique de Obama!
Cher Pierre, merci de ton analyse loin de toutes celles des médias sobre et saine. pas vraiment excitant le Hollande, mais bon... Quant à Sarkozy... tant pis pour lui. je n'ai pas oublié son ouverture à gauche (on n'avait pas voté pour lui pour çà ...!)RAMONE
je me bouffe la rate à vous envoyer un "commentaire" mais ça n'arrive pas, warum denn?
Ah!ça y est!Herzlichen dank!
Oui, je voulais vous dire mon étonnement! Je tombe par hasard sur votre blog alors que je cherchais à grignoter un petit en cas sur Durrell et le Tao. Je trouve le vôtre qui me renseigne et qui me plaît. Bonne plume, bonne facture, me voilà en pays ami. La chose n'est pas si fréquente. Je pousse un peu pour voir et, là, surgissent quelques lignes d'humeur chiffonnée, "réalistes" c'est à dire résignées sur les candidatures pour le 6 mai. Je sais, oui, Hollande, c'est ni Arcole ni le 18 juin. Mais de là à prêter une "stature" à Sarkozy , serait-ce par contraste! Je réagis car je pense qu'en matière politique l'esthétique générale des choses est la clé absolue. Est-ce que vous croyez que Durrell, soit dit en passant, ami de Lacarrière et de Miller dont j'ai l'intuition qu'ils n'auraient pas été très sarkozistes, aurait trouvé une "stature" à Sarkozy? Et Nietzsche, sarkozyste? Sarkozy nuisible petite bombe bourrée de ressentiment, de frutration, de vengeance qui dès qu'il est dépassé par un problème ne sait pas faire autre chose que brandir le révolver de la morale.Ou plutôt du moralisme dont on sait bien qu'il est l'art et la manière de tenir pour responsables de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font ceux dont on a la responsabilité.
Bon, voilà, comme pénitence vous me relirez "Citron acides" et vous voterez pour Hollande en espèrant qu'avec lui au moins la fonction créera l'organe.
Nikos Koran www.polissecours
Merci de vous êtes arrêté quelques instants chez moi. Et merci de la mansuétude avec laquelle vous jugez mes écrits sur Durrell. S'agissant de la politique, c'est autre chose... Nous ne partageons à l'évidence pas le même point de vue. Tant pis. Si vous lisez un peu mon blog, vous verrez que je ne suis pas très tendre avec l'actuel locataire de l'Elysée. Mais tout étant relatif, permettez moi de le trouver quand même nettement meilleur que le gars du PS.
S'agissant de Durrell, s'il fut avare d'opinions politiques, il exprima toutefois un vif dégoût pour le socialisme, qu'il connut de près en Yougoslavie. Et un des attraits qu'il trouva à la France de son époque, et qui le décida à s'y installer, fut sa faible pression fiscale...
Bien à vous.
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