La nouvelle est tombée comme un couperet juste avant Noël: les hôpitaux publics accusent un déficit financier inédit.
Plus de 1,5 milliards d'euros pour l'année qui s'achève, soit 3 fois celui de 2016 !
Fait inquiétant, presque toutes les structures sont touchées : des plus petites aux plus grandes, des hôpitaux de proximité aux centres hospitalo-universitaires (CHU).
Derrière ce constat, certains veulent voir les effets néfastes de la fameuse tarification à l'activité (T2A). On trouve parmi ces contempteurs les représentants habituels du courant anti-libéral reprochant aux hôpitaux d'être gérés comme des entreprises ou encore refusant pour le système de santé l'obligation d'être rentable, c’est à dire d’équilibrer ses dépenses avec ses recettes.
Ces doux utopistes imaginent encore et toujours qu'il existe une corne d'abondance permettant de trouver toujours plus de moyens pour combler les déficits, voire qu'il suffit de décréter l'effacement d'une dette pour qu'elle disparaisse comme par magie.
Hélas, la ministre de la santé elle-même semble avoir fait sienne cette théorie fantasmagorique en reprenant à son compte l'antienne fallacieuse qui voudrait "qu'on soit arrivé au bout d'un système". Suffirait-il donc d'en trouver un autre pour que tout aille mieux ?
Force est de constater que perdure la mauvaise habitude hexagonale qui consiste à casser le thermomètre lorsqu'il indique une poussée de fièvre...
Des réformes, l'hôpital n'en a pas manqué assurément. Elles se succèdent à chaque changement de gouvernement ou presque, pourtant, nous sommes toujours en attente de celle qui va tout changer. Cette frénésie légale est un leurre, de toute évidence. Après des décennies de lois, de réglementations, de planification, le problème reste entier. Si l'on acceptait enfin de prendre en considération le principe de réalité ?
Il est bien temps par exemple de s'apercevoir des défauts de la T2A. Voilà bientôt 15 ans qu'elle est entrée en application dans notre pays, avec le souci de corriger les défauts des systèmes qui l’avaient précédée, à savoir, les prix de journées, puis le budget global.
La T2A a été importée des Etats-Unis ainsi que le Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information (PMSI) sur lequel elle repose. Elle est en application dans de nombreux pays et s'avère de par sa nature même, le moins mauvais système qui soit.
Elle oblige en effet à décrire l’activité en la codant, ce qui conduit à classer les patients dans des Groupes Homogènes de Séjours (GHS) auxquels des tarifs forfaitaires sont affectés. C'est plus précis et efficace que la simple comptabilisation du nombre de journées ou de venues, et plus équitable et responsabilisant qu'un taux arbitraire de reconduction d’une enveloppe non moins arbitrairement établie.
Certes la T2A est inflationniste, poussant à faire le plus d’activité possible, mais si le payeur fait bien son travail, il veille à débusquer les abus: l’activité sur-codée ou bien réalisée sans vraie justification. C’est donc à l’Assurance Maladie de garantir par ses contrôles la pertinence et la réalité des prestations délivrées aux patients. Ces derniers devraient également avoir un rôle vertueux s’ils étaient vraiment en mesure d’exiger les meilleurs soins au moindre coût, comme il le font pour leurs achats domestiques.
On a beau prétendre que la santé n’est pas une marchandise, elle a tout de même un coût, et il faut bien qu’il soit assumé par quelqu’un…
Ceci étant, si la T2A était sujette à de telles dérives mercantiles, les hôpitaux engrangeraient plutôt des bénéfices que des pertes. Or c’est tout le contraire qui se passe, sans doute parce que le problème est ailleurs…
Conçue pour facturer les actes et prestations au juste prix de manière forfaitaire, la plus simple possible, la T2A est devenue au fil des ans un vrai embrouillamini. Résultat, elle n’est plus en adéquation avec les coûts réels.
A force de pondérations de plus en plus alambiquées, certains soins se trouvent manifestement sur-valorisés, d’autres plus nombreux hélas, sont au contraire sous-estimés. Pire, au terme d’un circuit amphigourique d’allocation de ressources, l’Administration reprend parfois une partie de ce qu’elle octroie, en instituant des réfactions peu compréhensibles. Entre autres exemples, les tarifs des séjours hospitaliers sont ainsi grevés d'étranges coefficients consistant à les rogner pour constituer des enveloppes supposées être redistribuées ici ou là afin de pallier certaines inégalités ou disparités.
En fin de compte la régulation prix-volumes appliquée par l’Etat consiste à diminuer par tous les moyens la facture liée à l’activité, à mesure qu’elle croît, pour rester dans le cadre annuel fermé du fameux Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie (ONDAM). Il s’agit in fine, d’endiguer le coût de la médicalisation croissante de la société, favorisée paradoxalement par ce même Etat, qui n’a de cesse de vanter l’accès gratuit aux soins pour tous...
Parallèlement à la baisse des tarifs, de grands plans étatisés contraignent les établissements à réduire de manière drastique la durée des séjours, à transformer quantité de ces derniers en venues sans nuitée (on appelle ça le “virage ambulatoire”), et à faire évoluer l’hospitalisation de jour vers des prises en charge toujours plus légères, s’apparentant à de simples consultations externes.
Si cette logique n’est pas mauvaise en soi, elle devrait découler avant tout des progrès techniques et de l’appréciation médicale du risque plutôt que de diktats décrétés ex cathedra. Elle suppose en effet une adaptation progressive et délicate des structures prodiguant les soins. Au surplus, celle-ci n'est pas sans conséquence financière car la valorisation des prestations est inversement proportionnelle à leur lourdeur.
Ainsi, l’éventail descriptif des prestations, ce qu’on appelle en jargon technique le case-mix, se décale vers les moins rémunératrices. En fin de compte, contrairement à une idée reçue, l’activité des hôpitaux n’est pas en baisse, elle évolue…
Face à cette mutation à marche forcée, aux conséquences mal anticipées, le service public n’a guère de marge de manœuvre pour se restructurer. Il est soumis à un régime ubuesque d’autorisations pour faire évoluer son organisation et il lui est interdit de toucher à la masse salariale qui représente environ 70% des charges. Le challenge est donc inatteignable et les économies se réduisent à des bouts de chandelle. Pour gagner un peu de souplesse en matière de gestion des ressources humaines, les contrats précaires de type CDD se multiplient de manière scandaleuse...
A ce jeu insane, faussé par les grands principes idéologiques dont la France est friande, s’ajoute le fait qu’une partie importante de l’activité échappe toujours à la T2A. Il en est ainsi des secteurs de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), toujours soumis au principe de la Dotation Globale. D’autres missions, dites “d’intérêt général”, sont financées par des enveloppes octroyées au bon vouloir des Agences Régionales de Santé, mais sans corrélation évidente avec les coûts qu'elles sont supposées couvrir. Enfin, il faut savoir que le tarif d’un séjour hospitalier, lorsqu’il n’est pas "remboursé à 100%” par l’Assurance Maladie, relève encore des antiques prix de journées, pour le calcul du "ticket modérateur", à la charge du patient ou de sa mutuelle !
Au total, s’agissant de la gestion des établissements publics de santé, toutes les strates des systèmes successifs continuent donc d’exister dans la plus grande confusion. L’ensemble du système est devenu si complexe qu’il donne l’impression de ne plus être maîtrisé par personne. Il est générateur d’une bureaucratie en inflation permanente. Dans les hôpitaux, les services logistiques ne cessent d’accroître leurs effectifs et le temps passé par les soignants à des tâches administratives augmente sans fin. Il faut savoir que les établissements sont soumis à des normes de sécurité ou de qualité draconiennes, confinant parfois à l'absurde lorsqu'elles interdisent a priori la pratique de certaines activités, au motif que le nombre de patients traités est jugé trop faible ou bien que les ratios légaux de personnel par lit ne peuvent être garantis, faute de moyens.
Face à cette usine à gaz invraisemblable, la ministre de la santé Agnès Buzyn ne semble pas avoir l’intention de simplifier les choses mais au contraire d’ajouter de nouvelles complications et de nouvelles réglementations lorsqu’elle évoque notamment “des financements aux parcours, à la qualité, à la pertinence des soins et des actes…”
Il faut enfin ajouter à cet incessant remue-ménage budgétaire, de nouvelles directives légales qui imposent désormais aux établissements de se regrouper et de mutualiser leurs ressources. Il s’agit de constituer, dans le cadre de nouvelles entités géographiques créées pour la circonstance, ce qu’on appelle les “Groupements Hospitaliers de Territoires” (GHT). La mise en place de cette machinerie demandant à des hôpitaux parfois distants de plusieurs dizaines de kilomètres, de travailler ensemble sans pour autant fusionner, est mal comprise sur le terrain et génère pour l’heure une foultitude de dépenses supplémentaires. Les “économies d’échelles” promises par les Pouvoirs Publics, pour illusoires qu’elles soient probablement, sont sans cesse repoussées, tant la réorganisation s’avère laborieuse. Nombre de patients et de personnels sont désormais quotidiennement sur les routes. Pour les premiers, les soins coûtent de plus en plus cher car le beau principe théorique de “gradation des soins” impose en pratique bien souvent qu'ils soient prodigués sur plusieurs établissements successifs, avec toutes les redondances que cela suppose. S’agissant des soignants, ils sont également contraints de se partager sur plusieurs sites pour pallier le manque de praticiens dans les petites structures. Ils sont donc contraints à des déplacements incessants, pour les soins mais également pour assister à des réunions à n’en plus finir, car aux instances de chaque établissement s’ajoutent de nouvelles, à l’échelon territorial ! Au temps perdu s’ajoute le sentiment de disperser son énergie à tous vents.
Dans cette centralisation qui ne dit pas son nom, plutôt que de favoriser les télécommunications, on a décrété que les GHT devaient être dotés de systèmes d’informations "convergents", ce qui oblige à passer des marchés colossaux pour remplacer les logiciels existants par d’autres de plus en plus complexes, puisqu’il faut gérer de manière “communautaire” les identités, les mouvements et les dossiers médicaux. Leur fonctionnement, soumis à des cahiers des charges monstrueux, est grevé d’aléas et de bugs auxquels il n’est plus possible de remédier localement car la maintenance, comme nombre de services, est externalisée. Les hôpitaux-clients deviennent captifs de fournisseurs peu réactifs, car de moins en moins soumis à la concurrence, lorsqu’ils ne sont pas tout bonnement dépassés par l’ampleur de la tâche..
Quant à la mutualisation des achats, qui figure parmi les objectifs de cette réforme, elle s’annonce très délicate, bridée par un code des marchés publics des plus rigides, et promet une perte d’autonomie pénalisante pour les plus petits établissements. Rien ne dit que les fameuses économies soient au rendez-vous, sachant par expérience que les coûts de fonctionnement diminuent rarement avec l'accroissement de la taille des structures.
Au total, le système hospitalier français se trouve dans une situation absurde, obligé en quelque sorte d’appuyer en même temps sur le frein et l'accélérateur. D’un côté on le pousse à dépenser toujours plus, et de l’autre on serre chaque année davantage la vis budgétaire. Malgré le déficit actuel, la ministre de la santé a demandé la mise en œuvre d’un nouveau plan d’économies de 1,6 milliards d’euros en 2018. Paradoxe étonnant, la plupart des gens croient toujours de bonne foi que la santé est gratuite dans notre pays !
Il y a décidément quelque chose de pourri dans le modèle social à la française... Et ce n'est sans doute pas la T2A !
Plus de 1,5 milliards d'euros pour l'année qui s'achève, soit 3 fois celui de 2016 !
Fait inquiétant, presque toutes les structures sont touchées : des plus petites aux plus grandes, des hôpitaux de proximité aux centres hospitalo-universitaires (CHU).
Derrière ce constat, certains veulent voir les effets néfastes de la fameuse tarification à l'activité (T2A). On trouve parmi ces contempteurs les représentants habituels du courant anti-libéral reprochant aux hôpitaux d'être gérés comme des entreprises ou encore refusant pour le système de santé l'obligation d'être rentable, c’est à dire d’équilibrer ses dépenses avec ses recettes.
Ces doux utopistes imaginent encore et toujours qu'il existe une corne d'abondance permettant de trouver toujours plus de moyens pour combler les déficits, voire qu'il suffit de décréter l'effacement d'une dette pour qu'elle disparaisse comme par magie.
Hélas, la ministre de la santé elle-même semble avoir fait sienne cette théorie fantasmagorique en reprenant à son compte l'antienne fallacieuse qui voudrait "qu'on soit arrivé au bout d'un système". Suffirait-il donc d'en trouver un autre pour que tout aille mieux ?
Force est de constater que perdure la mauvaise habitude hexagonale qui consiste à casser le thermomètre lorsqu'il indique une poussée de fièvre...
Des réformes, l'hôpital n'en a pas manqué assurément. Elles se succèdent à chaque changement de gouvernement ou presque, pourtant, nous sommes toujours en attente de celle qui va tout changer. Cette frénésie légale est un leurre, de toute évidence. Après des décennies de lois, de réglementations, de planification, le problème reste entier. Si l'on acceptait enfin de prendre en considération le principe de réalité ?
Il est bien temps par exemple de s'apercevoir des défauts de la T2A. Voilà bientôt 15 ans qu'elle est entrée en application dans notre pays, avec le souci de corriger les défauts des systèmes qui l’avaient précédée, à savoir, les prix de journées, puis le budget global.
La T2A a été importée des Etats-Unis ainsi que le Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information (PMSI) sur lequel elle repose. Elle est en application dans de nombreux pays et s'avère de par sa nature même, le moins mauvais système qui soit.
Elle oblige en effet à décrire l’activité en la codant, ce qui conduit à classer les patients dans des Groupes Homogènes de Séjours (GHS) auxquels des tarifs forfaitaires sont affectés. C'est plus précis et efficace que la simple comptabilisation du nombre de journées ou de venues, et plus équitable et responsabilisant qu'un taux arbitraire de reconduction d’une enveloppe non moins arbitrairement établie.
Certes la T2A est inflationniste, poussant à faire le plus d’activité possible, mais si le payeur fait bien son travail, il veille à débusquer les abus: l’activité sur-codée ou bien réalisée sans vraie justification. C’est donc à l’Assurance Maladie de garantir par ses contrôles la pertinence et la réalité des prestations délivrées aux patients. Ces derniers devraient également avoir un rôle vertueux s’ils étaient vraiment en mesure d’exiger les meilleurs soins au moindre coût, comme il le font pour leurs achats domestiques.
On a beau prétendre que la santé n’est pas une marchandise, elle a tout de même un coût, et il faut bien qu’il soit assumé par quelqu’un…
Ceci étant, si la T2A était sujette à de telles dérives mercantiles, les hôpitaux engrangeraient plutôt des bénéfices que des pertes. Or c’est tout le contraire qui se passe, sans doute parce que le problème est ailleurs…
Conçue pour facturer les actes et prestations au juste prix de manière forfaitaire, la plus simple possible, la T2A est devenue au fil des ans un vrai embrouillamini. Résultat, elle n’est plus en adéquation avec les coûts réels.
A force de pondérations de plus en plus alambiquées, certains soins se trouvent manifestement sur-valorisés, d’autres plus nombreux hélas, sont au contraire sous-estimés. Pire, au terme d’un circuit amphigourique d’allocation de ressources, l’Administration reprend parfois une partie de ce qu’elle octroie, en instituant des réfactions peu compréhensibles. Entre autres exemples, les tarifs des séjours hospitaliers sont ainsi grevés d'étranges coefficients consistant à les rogner pour constituer des enveloppes supposées être redistribuées ici ou là afin de pallier certaines inégalités ou disparités.
En fin de compte la régulation prix-volumes appliquée par l’Etat consiste à diminuer par tous les moyens la facture liée à l’activité, à mesure qu’elle croît, pour rester dans le cadre annuel fermé du fameux Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie (ONDAM). Il s’agit in fine, d’endiguer le coût de la médicalisation croissante de la société, favorisée paradoxalement par ce même Etat, qui n’a de cesse de vanter l’accès gratuit aux soins pour tous...
Parallèlement à la baisse des tarifs, de grands plans étatisés contraignent les établissements à réduire de manière drastique la durée des séjours, à transformer quantité de ces derniers en venues sans nuitée (on appelle ça le “virage ambulatoire”), et à faire évoluer l’hospitalisation de jour vers des prises en charge toujours plus légères, s’apparentant à de simples consultations externes.
Si cette logique n’est pas mauvaise en soi, elle devrait découler avant tout des progrès techniques et de l’appréciation médicale du risque plutôt que de diktats décrétés ex cathedra. Elle suppose en effet une adaptation progressive et délicate des structures prodiguant les soins. Au surplus, celle-ci n'est pas sans conséquence financière car la valorisation des prestations est inversement proportionnelle à leur lourdeur.
Ainsi, l’éventail descriptif des prestations, ce qu’on appelle en jargon technique le case-mix, se décale vers les moins rémunératrices. En fin de compte, contrairement à une idée reçue, l’activité des hôpitaux n’est pas en baisse, elle évolue…
Face à cette mutation à marche forcée, aux conséquences mal anticipées, le service public n’a guère de marge de manœuvre pour se restructurer. Il est soumis à un régime ubuesque d’autorisations pour faire évoluer son organisation et il lui est interdit de toucher à la masse salariale qui représente environ 70% des charges. Le challenge est donc inatteignable et les économies se réduisent à des bouts de chandelle. Pour gagner un peu de souplesse en matière de gestion des ressources humaines, les contrats précaires de type CDD se multiplient de manière scandaleuse...
A ce jeu insane, faussé par les grands principes idéologiques dont la France est friande, s’ajoute le fait qu’une partie importante de l’activité échappe toujours à la T2A. Il en est ainsi des secteurs de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), toujours soumis au principe de la Dotation Globale. D’autres missions, dites “d’intérêt général”, sont financées par des enveloppes octroyées au bon vouloir des Agences Régionales de Santé, mais sans corrélation évidente avec les coûts qu'elles sont supposées couvrir. Enfin, il faut savoir que le tarif d’un séjour hospitalier, lorsqu’il n’est pas "remboursé à 100%” par l’Assurance Maladie, relève encore des antiques prix de journées, pour le calcul du "ticket modérateur", à la charge du patient ou de sa mutuelle !
Au total, s’agissant de la gestion des établissements publics de santé, toutes les strates des systèmes successifs continuent donc d’exister dans la plus grande confusion. L’ensemble du système est devenu si complexe qu’il donne l’impression de ne plus être maîtrisé par personne. Il est générateur d’une bureaucratie en inflation permanente. Dans les hôpitaux, les services logistiques ne cessent d’accroître leurs effectifs et le temps passé par les soignants à des tâches administratives augmente sans fin. Il faut savoir que les établissements sont soumis à des normes de sécurité ou de qualité draconiennes, confinant parfois à l'absurde lorsqu'elles interdisent a priori la pratique de certaines activités, au motif que le nombre de patients traités est jugé trop faible ou bien que les ratios légaux de personnel par lit ne peuvent être garantis, faute de moyens.
Face à cette usine à gaz invraisemblable, la ministre de la santé Agnès Buzyn ne semble pas avoir l’intention de simplifier les choses mais au contraire d’ajouter de nouvelles complications et de nouvelles réglementations lorsqu’elle évoque notamment “des financements aux parcours, à la qualité, à la pertinence des soins et des actes…”
Il faut enfin ajouter à cet incessant remue-ménage budgétaire, de nouvelles directives légales qui imposent désormais aux établissements de se regrouper et de mutualiser leurs ressources. Il s’agit de constituer, dans le cadre de nouvelles entités géographiques créées pour la circonstance, ce qu’on appelle les “Groupements Hospitaliers de Territoires” (GHT). La mise en place de cette machinerie demandant à des hôpitaux parfois distants de plusieurs dizaines de kilomètres, de travailler ensemble sans pour autant fusionner, est mal comprise sur le terrain et génère pour l’heure une foultitude de dépenses supplémentaires. Les “économies d’échelles” promises par les Pouvoirs Publics, pour illusoires qu’elles soient probablement, sont sans cesse repoussées, tant la réorganisation s’avère laborieuse. Nombre de patients et de personnels sont désormais quotidiennement sur les routes. Pour les premiers, les soins coûtent de plus en plus cher car le beau principe théorique de “gradation des soins” impose en pratique bien souvent qu'ils soient prodigués sur plusieurs établissements successifs, avec toutes les redondances que cela suppose. S’agissant des soignants, ils sont également contraints de se partager sur plusieurs sites pour pallier le manque de praticiens dans les petites structures. Ils sont donc contraints à des déplacements incessants, pour les soins mais également pour assister à des réunions à n’en plus finir, car aux instances de chaque établissement s’ajoutent de nouvelles, à l’échelon territorial ! Au temps perdu s’ajoute le sentiment de disperser son énergie à tous vents.
Dans cette centralisation qui ne dit pas son nom, plutôt que de favoriser les télécommunications, on a décrété que les GHT devaient être dotés de systèmes d’informations "convergents", ce qui oblige à passer des marchés colossaux pour remplacer les logiciels existants par d’autres de plus en plus complexes, puisqu’il faut gérer de manière “communautaire” les identités, les mouvements et les dossiers médicaux. Leur fonctionnement, soumis à des cahiers des charges monstrueux, est grevé d’aléas et de bugs auxquels il n’est plus possible de remédier localement car la maintenance, comme nombre de services, est externalisée. Les hôpitaux-clients deviennent captifs de fournisseurs peu réactifs, car de moins en moins soumis à la concurrence, lorsqu’ils ne sont pas tout bonnement dépassés par l’ampleur de la tâche..
Quant à la mutualisation des achats, qui figure parmi les objectifs de cette réforme, elle s’annonce très délicate, bridée par un code des marchés publics des plus rigides, et promet une perte d’autonomie pénalisante pour les plus petits établissements. Rien ne dit que les fameuses économies soient au rendez-vous, sachant par expérience que les coûts de fonctionnement diminuent rarement avec l'accroissement de la taille des structures.
Au total, le système hospitalier français se trouve dans une situation absurde, obligé en quelque sorte d’appuyer en même temps sur le frein et l'accélérateur. D’un côté on le pousse à dépenser toujours plus, et de l’autre on serre chaque année davantage la vis budgétaire. Malgré le déficit actuel, la ministre de la santé a demandé la mise en œuvre d’un nouveau plan d’économies de 1,6 milliards d’euros en 2018. Paradoxe étonnant, la plupart des gens croient toujours de bonne foi que la santé est gratuite dans notre pays !
Il y a décidément quelque chose de pourri dans le modèle social à la française... Et ce n'est sans doute pas la T2A !
1 commentaire:
Que de tristes constats
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