Un des risques engendrés par la démonétisation de l'argent, c'est à dire par son découplage d'avec les métaux précieux, c'est de lui faire perdre, par négligence ou excès de spéculation, toute valeur.
Tant que l'argent était échangeable contre de l'or (et à plus forte raison s'il était constitué de pièces d'or), il ne pouvait comme l'a démontré Jean-Baptiste Say, tomber en dessous de la valeur intrinsèque du métal. Même en cas de crise de confiance, il restait possible d'échanger ce dernier contre des biens de consommation.
En revanche, le papier dont sont faits les billets de banque n'a aucune valeur en soi, et la monnaie totalement dématérialisée, dite « scripturale » pas davantage. Leur valeur est fondée sur la confiance qu'on a de pouvoir les échanger contre des biens. Si cette confiance vient à s'altérer, la valeur peut donc s'amoindrir jusqu'à devenir nulle.
Un retour vers le passé montre que ce genre de mésaventure n'est pas qu'un risque théorique, et l'histoire fabuleuse de John Law de Lauriston (1671-1729) est de ce point de vue édifiante.
Cet aventurier d'origine écossaise, homme d'affaires audacieux, communicant génial et spéculateur inspiré, débarqua en France au début du XVIIIè siècle, alors qu'il fuyait son pays où il avait été condamné à mort pour avoir tué un rival amoureux en duel.
A la fin du règne de Louis XIV, l'économie était quasi exsangue, cumulant les tares en tous genres : délabrement des finances publiques et du change, rendement des impôts réduit de près du tiers, taux d’intérêt élevé, pénurie de monnaie, arrêt des activités, misère... La dette publique s’élevait fin 1715 à 2 milliards de livres. La seule charge annuelle de remboursement de la dette atteignait 165 millions de livres alors que les recettes fiscales ordinaires ne dépassaient pas 69 millions de livres !
Cet aventurier d'origine écossaise, homme d'affaires audacieux, communicant génial et spéculateur inspiré, débarqua en France au début du XVIIIè siècle, alors qu'il fuyait son pays où il avait été condamné à mort pour avoir tué un rival amoureux en duel.
A la fin du règne de Louis XIV, l'économie était quasi exsangue, cumulant les tares en tous genres : délabrement des finances publiques et du change, rendement des impôts réduit de près du tiers, taux d’intérêt élevé, pénurie de monnaie, arrêt des activités, misère... La dette publique s’élevait fin 1715 à 2 milliards de livres. La seule charge annuelle de remboursement de la dette atteignait 165 millions de livres alors que les recettes fiscales ordinaires ne dépassaient pas 69 millions de livres !
C'est dans ce contexte climatérique, qu'il parvint à s'introduire dans l'entourage du Régent Philippe d'Orléans et à gagner sa confiance, avant de lui proposer une idée de réforme monétaire qui lui tenait à cœur depuis plusieurs années.
Le plan se déroula en deux étapes.
Law obtint dès 1716, dans le but de relancer le commerce, l'autorisation de créer une banque privée dont l'originalité était à partir d'un capital au départ assez modeste, de fabriquer des actions et du papier monnaie. Les billets de la banque étaient gagés par de l'or qu'elle s'engageait à restituer rubis sur l'ongle à tout moment aux déposants, ainsi qu'il était stipulé noir sur blanc : « La banque promet de payer au porteur à vue livres, en monnaie DE MÊME POIDS ET AU MÊME TITRE que la monnaie de ce jour, valeur reçue, à Paris, etc.»
Le succès de l'entreprise fut immédiat, la confiance s'établit facilement, d'autant plus que les billets étaient acceptés pour l'acquittement des impôts, et les échanges commerciaux s'enflammèrent promptement. Soutenue par la spéculation sur les ressources d'Amérique que promettait de mettre en valeur la Compagnie du Mississippi rachetée par Law, la reprise économique fut bientôt réelle, et l'Etat put commencer à remplir à nouveau ses caisses.
Le plan se déroula en deux étapes.
Law obtint dès 1716, dans le but de relancer le commerce, l'autorisation de créer une banque privée dont l'originalité était à partir d'un capital au départ assez modeste, de fabriquer des actions et du papier monnaie. Les billets de la banque étaient gagés par de l'or qu'elle s'engageait à restituer rubis sur l'ongle à tout moment aux déposants, ainsi qu'il était stipulé noir sur blanc : « La banque promet de payer au porteur à vue livres, en monnaie DE MÊME POIDS ET AU MÊME TITRE que la monnaie de ce jour, valeur reçue, à Paris, etc.»
Le succès de l'entreprise fut immédiat, la confiance s'établit facilement, d'autant plus que les billets étaient acceptés pour l'acquittement des impôts, et les échanges commerciaux s'enflammèrent promptement. Soutenue par la spéculation sur les ressources d'Amérique que promettait de mettre en valeur la Compagnie du Mississippi rachetée par Law, la reprise économique fut bientôt réelle, et l'Etat put commencer à remplir à nouveau ses caisses.
Law fut bientôt nommé Contrôleur puis Surintendant Général des Finances, et tout se passait merveilleusement bien jusqu'au moment où le Régent ordonna la création d'une Banque d'Etat en 1719. Parallèlement plusieurs compagnies faisant commerce avec les colonies et l'étranger (Sénégal, Chine, Indes orientales) fusionnèrent pour devenir la fameuse Compagnie des Indes. La souveraineté que cette dernière avait acquise sur le port de Lorient en fit une place économique de premier plan.
Mais la nouvelle banque avait toutefois introduit un changement assez fondamental, quoique d'apparence anodin, dans sa manière de procéder. Les billets n'étaient plus échangeables contre de l'or dont le titre était garanti mais contre une autre espèce, de valeur beaucoup plus aléatoire. C'étaient encore des livres mais on ne savait pas de quoi elles seraient faites. Les billets « de confiance » portaient de fait la mention : « La banque promet de payer au porteur à vue... livres, EN ESPÈCES D'ARGENT, valeur reçue, à Paris, etc. »
Mais la nouvelle banque avait toutefois introduit un changement assez fondamental, quoique d'apparence anodin, dans sa manière de procéder. Les billets n'étaient plus échangeables contre de l'or dont le titre était garanti mais contre une autre espèce, de valeur beaucoup plus aléatoire. C'étaient encore des livres mais on ne savait pas de quoi elles seraient faites. Les billets « de confiance » portaient de fait la mention : « La banque promet de payer au porteur à vue... livres, EN ESPÈCES D'ARGENT, valeur reçue, à Paris, etc. »
Law s'opposa semble-t-il énergiquement mais en vain, à ce changement. Il avait probablement pressenti ce qui allait arriver. Plus aucune limite ne s'opposait en effet à la fabrication de monnaie. La banque avait le monopole de l’émission des billets, et finançait l’État. Jusqu’à fin octobre 1720, Law émit près de 2,8 milliards de livres de billets, surtout des grosses coupures supérieures à 1000 livres.
A partir de 1719, les prix se mirent à flamber jusqu'à doubler et même à tripler. Law, fit dans un premier temps l’éloge de l’inflation. Mais preuve qu'il n'était pas dupe, il essaya de limiter la masse monétaire, et parvint à retirer de la circulation environ 1,5 milliards de livres.
Le cours des évènements était devenu hélas irréversible. Le doute se répandit rapidement, puis la confiance s'altéra. Ceux qui avaient le plus spéculé furent aussi les premiers à vouloir retirer leurs billes du jeu, provoquant une panique en chaine. Le 17 juillet 1720, ce fut le jour de la banqueroute définitive : après une semaine d’émeutes, et des morts, la banque avait renoncé à payer ses billets à ses guichets.
A partir de 1719, les prix se mirent à flamber jusqu'à doubler et même à tripler. Law, fit dans un premier temps l’éloge de l’inflation. Mais preuve qu'il n'était pas dupe, il essaya de limiter la masse monétaire, et parvint à retirer de la circulation environ 1,5 milliards de livres.
Le cours des évènements était devenu hélas irréversible. Le doute se répandit rapidement, puis la confiance s'altéra. Ceux qui avaient le plus spéculé furent aussi les premiers à vouloir retirer leurs billes du jeu, provoquant une panique en chaine. Le 17 juillet 1720, ce fut le jour de la banqueroute définitive : après une semaine d’émeutes, et des morts, la banque avait renoncé à payer ses billets à ses guichets.
Au total, cette réforme monétaire fondée sur une monnaie d'utilisation aisée, eut le mérite initial, de relancer l'économie. Tant qu'elle resta inscrite dans des règles du bon sens et de la pondération, tout se passa bien. Malheureusement l'ivresse de l'argent facile qui avait gagné les mentalités jusqu'au sommet de l'État, le goût du lucre et de la spéculation, la firent déraper et franchir les garde-fous.
En définitive elle fut comme un feu de paille, spectaculaire mais très éphémère, faute d'avoir été assuré dans la durée par des bûches plus consistantes. Elle fut une amorce ou un catalyseur mais pas plus...
Si elle permit malgré tout d'éponger une partie de la dette d'État, ce fut en la transférant sur des intérêts privés et en ruinant de nombreux épargnants.
Et elle fit perdre durablement la confiance dans le papier-monnaie et dans l'État. L'expérience pourtant ne servit pas de vaccination. La même erreur se renouvela au moment de la Révolution avec l'épisode désastreux des assignats. Il est donc décidément impossible de créer de l'argent à partir de rien...
Si elle permit malgré tout d'éponger une partie de la dette d'État, ce fut en la transférant sur des intérêts privés et en ruinant de nombreux épargnants.
Et elle fit perdre durablement la confiance dans le papier-monnaie et dans l'État. L'expérience pourtant ne servit pas de vaccination. La même erreur se renouvela au moment de la Révolution avec l'épisode désastreux des assignats. Il est donc décidément impossible de créer de l'argent à partir de rien...
Une fois encore, la morale de l'histoire peut être fournie par Jean-Baptiste Say : « Le vice de la monnaie de papier n'est pas dans la matière dont elle est faite ; car la monnaie ne nous servant pas en vertu de ses qualités physiques, mais en vertu d'une qualité morale qui est sa valeur, elle peut être indifféremment composée de toute espèce de matière, pourvu qu'on réussisse à lui donner de la valeur. Si cette valeur s'altère promptement, c'est à cause de l'abus qu'il est facile de faire d'une marchandise qui ne coûte presque point de frais de production, et qu'on peut en conséquence multiplier au point de l'avilir complètement. »
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