28 février 2022

Que veut Poutine ?

S’agissant de l’issue de la crise ukrainienne actuelle, les supputations vont bon train, mais qui peut vraiment prévoir comment tout cela finira ?
En France, on se gausse de la complaisance manifestée par le passé par certains candidats à l’élection présidentielle, à l’égard du chef du Kremlin. On se moque du pari perdu d'Eric Zemmour qui jugeait il y a peu de temps, une intervention militaire russe improbable. Mais a-t-on oublié le cynisme avec lequel Emmanuel Macron disqualifiait il y a quelques mois l’OTAN, la décrivant comme étant en “état de mort cérébrale” ? Se souvient-on comme il faisait ami-ami avec le président russe lors d’entretiens très détendus à Brégançon ? Aujourd’hui il prétend qu’il ne s’agit plus du même homme, mais a-t-il vraiment sondé le secret de son âme ?

Le fait est que tout le monde s’est trompé à un moment ou à un autre sur Vladimir Poutine. On le voyait avec une belle unanimité comme un autocrate, mais qui en imposait par son calme, sa détermination, la justesse de beaucoup de ces vues, et qui était capable de surprendre nombre d’interlocuteurs par son humour caustique. Seul Joe Biden a pu paraître lucide, lui qui l’avait qualifié de “tueur” et qui avait crié au loup les jours précédents la conflagration, bien inutilement au demeurant. Clairvoyance étonnante pour une personne qui donne si souvent l’impression d’être à côté de la plaque. Les liens troubles que le président américain entretient depuis des années avec l’Ukraine sont peut-être la toile de fond d’une haine recuite et réciproque entre les deux hommes…

Pour l’heure, on loue la résistance inattendue et inespérée des forces ukrainiennes, qui freinerait paraît-il l’avancée des troupes russes. Peut-être est-ce vrai et cela contraste avec les images d’exode massif de la population, et la préparation d’assez dérisoires cocktails Molotov par des groupes d’hommes plutôt isolés. Les images sont si parcellaires et trompeuses qu’on peut tout imaginer.
Il est donc possible à l'inverse, de supposer que M. Poutine soit proche d’avoir atteint ses objectifs.
Sur les cartes, ses troupes se sont rendues maîtresses de presque tout l’Est de l’Ukraine, notamment la région du Donbass, faisant quasiment la jonction avec la Crimée via Marioupol. Et force est de penser que les frappes intensives qui se sont multipliées tous azimuts depuis le début de la guerre, épargnant le cœur des villes, ont ciblé avant tout les installations militaires et stratégiques essentielles du pays.
Tandis que l’Occident s’agite pour mettre en œuvre des sanctions massives et inédites, que la France étudie la saisie "des biens immobiliers, des voitures de luxe et des yachts", et que M. Lemaire, ministre de l’économie français, annonce avec une emphase un peu ridicule qu’il va dégainer “l’arme nucléaire financière”, M. Poutine peaufine peut-être la fin d’une opération qui pourrait mener de fait à la démilitarisation de l’Ukraine, au contrôle de la région du Donbass jusqu'à la Crimée, et in fine à dissuader définitivement Kiev d’entrer dans l’OTAN, pour adopter le statut de neutralité réclamé en vain par la diplomatie…
Hélas,  cette perspective est des plus incertaines. Elle repose sur l'hypothèse que l'esprit de M. Poutine soit encore accessible à la raison et qu'il ait gardé le sens des réalités. Au surplus, elle suppose que ses adversaires, de plus en plus nombreux et déterminés à en découdre, acceptent une telle issue. Si tel n'était pas le cas, on peut craindre que le point de non retour soit proche et qu'à tout moment les évènements puissent basculer vers l'horreur à grande échelle. A moins qu'une opposition interne au Pouvoir ou bien qu'une révolte populaire d'ampleur brise l'élan et le destin d'un dirigeant de plus en plus isolé, dont l'ambitieux fait d'armes sera le coup de trop...
Une lueur d’espoir s’allume toutefois avec la tenue de pourparlers entre délégations russes et ukrainiennes. Puisqu’il y a peu d'alternatives raisonnablement envisageables, fasse le ciel que cela soit enfin le signe du début d’une désescalade…

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