27 novembre 2007

Les Variations Goldberg



Trente variations derrière un doux prélude
S'élèvent en chantant dans le cœur de la nuit.
L'esprit soudainement délivré de l'ennui
Se laisse gagner par une étrange quiétude.

Car il n'est rien de beau que la musique élude
En cette mélodie au sens universel,
Et des tréfonds de soi jusqu'aux confins du ciel
Elle agit comme un baume empreint de certitude.

L'infini se contracte et devient transparent.
Il se mêle à la vie, formant une rivière
Et son cours indicible est calme et rassurant.

Chaque note dans l'âme allume une lumière
C'est l'éternité dans cette fantasia,
Qui s'enfuit portée par une ultime aria...

26 novembre 2007

Les obscurs fondements de la haine


On apprenait ces derniers jours l'inculpation pour crimes contre l'Humanité, de l'ancien vice-premier ministre et surtout président du Présidium d'Etat du Cambodge, Khieu Samphan.
Plus de 30 ans après les faits, on peut se demander si un procès est encore utile. Le vieillard n'est plus que l'ombre du bouillonnant révolutionnaire d'antan. Le rire sauvage et carnassier a laissé place sur son visage décomposé, à une moue molle et dédaigneuse. Il est malade et se déplace avec peine. Comment pourrait-il donc encore nuire ?
Mais si l'on peut estimer aujourd'hui qu'un procès est bien dérisoire, c'est pour mieux se demander comment de tels individus ont pu continuer à jouir d'une totale liberté depuis leurs forfaits ? Comment ces gens qui en moins de 4 ans ont massacré le tiers de leur pays sont parvenus à se faire oublier si longtemps ?
Il y a des mystères troublants...

Faut-il revenir sur cette sombre histoire où sous les yeux d'un Occident lâche et complaisant, un peuple fut massacré, ruiné, humilié ? Faut-il rappeler que ces insurgés qui s'emparèrent du pouvoir à Pnomh Penh en 1975, sortaient tout droit des universités françaises ? Qu'ils y avaient appris sous un jour enchanteur les vertus supposées de la révolution et de la dialectique marxistes ? Et qu'ils avaient été encouragés à mettre en pratique ces monstruosités, par les plus hautes sommités intellectuelles de l'époque ?
Oui car ils le firent avec un zèle hallucinant.
Chez les révolutionnaires du « Kampuchea démocratique », tout était froidement calculé, planifié.
En 1977 Khieu Samphan était fier de déclarer : « Nous devons exterminer l’ennemi. Tout doit être fait avec ordre et à fond. Il ne faut pas se laisser distraire mais continuer le combat en supprimant toute apparence d’ennemi en tout temps. »
Pour avoir une idée des abominations de cette époque,
on ne saurait trop conseiller de revoir l'admirable et bouleversant film de Roland Joffé, la Déchirure (The killing Fields)
Aujourd'hui Khieu Samphan, ce monstre sans âme démontre qu'au surplus, il est veule. Il n'a toujours pas conscience de l'énormité de ses crimes et ne regrette en la circonstance que sa « naïveté ». Pire, il tente misérablement de minimiser son action passée. « Mon rôle était largement honorifique. Dans les faits, j'assumais plutôt un travail de bureau » bafouillait-il médiocrement dans un entretien au Figaro en 2004 !
Lui qui fut l'instigateur de cette révolution, qui la mit en oeuvre de bout en bout, qui assuma les plus hautes responsabilités gouvernementales pendant cette sinistre période, et qui ne fut jamais inquiété par les purges sanglantes décimant régulièrement les rangs même du Parti, lui qui commanda sans aucun doute possible toutes ces atrocités, il voudrait faire croire qu'il n'était en somme qu'un grouillot !
Mais plus que la mesure du poids des responsabilités pesant sur un homme, ce qui fascine dans cette affaire, c'est l'indulgence dont on fait preuve encore de nos jours pour le socialisme. Cette idéologie a inspiré toutes les horreurs qui ont ensanglanté le XXè siècle. Du nazisme au stalinisme, du trotskisme au maoïsme, du Vietnam au Cambodge, de la Corée à Cuba, le socialisme partout apporte la misère et la désolation.
Certes il se montre parfois sous un visage plus présentable, en apparence inoffensif, toujours paré des beaux idéaux d'égalité et de justice sociale. Mais si le poison pur tue net, une seule goutte suffit à pervertir le moindre breuvage. Dans le règne des idées, il en est de même. On peut penser que la plupart de nos systèmes politiques sont heureusement suffisamment robustes pour résister à ces effets néfastes. Mais à bien y réfléchir, à défaut de celle du prolétariat, la dictature des principes empoisonne bel et bien à petit feu nombre de problématiques très actuelles. Qu'on pourrait espérer résoudre dans de bien meilleures conditions si le seul souci d'objectivité prévalait...

17 novembre 2007

L'esthétisme glacé de Stanley Kubrick


Entre deux tranches de révolution russe, dans lesquelles le bolchevisme passerait presque pour une douce praline, et une resucée aigre de repentance, sortie des barils usés de la « collaboration franco-allemande», Arte distille en ce moment une grande rétrospective consacrée à Stanley Kubrick (1928-1999).
Le mélange très kitsch des genres, qui constitue la marque de fabrique de la petite chaîne culturelle, donne l'occasion de réévaluer l'importance réelle de ce réalisateur hors norme. Et de constater hélas comme a mal vieilli cette oeuvre dans l'ensemble assez boursouflée.
Si l'on résume la période Noir et Blanc du cinéaste au film le plus célèbre, Docteur Folamour, on ne peut être qu'affligé. Bien qu'il soit encore souvent qualifié de « farce irrésistible et désopilante », avec le recul du temps il relève surtout de la caricature grotesque. Le triple jeu de Peter Sellers est ridicule. Le savant fou est particulièrement gratiné dans le genre. Si certains parviennent à rire aux érections intempestives en forme de salut hitlérien, du bras mécanique, ils ne sont vraiment pas difficiles. Bref objectivement, l'ensemble se hisse à peine au niveau d'une pochade telle Mars Attacks, en beaucoup plus prétentieux...
On pourrait évidemment s'appesantir davantage sur les autres réalisations de cette première période. Certaines ont des qualités (Ultime razzia notamment), mais elles ont de toute manière largement été éclipsées par les films tournés en couleur.
En dépit du caractère assez hermétique du message qu'ils véhiculent en règle, ces derniers ont tous été largement encensés à la fois par la critique et par le public.
En gloire, 2001, l'Odyssée de l'Espace est probablement celui qui domine cette production. Près de 40 ans après sa création il garde une place éminente dans les mémoires. Pour un film de science-fiction c'est une prouesse exceptionnelle. La réalisation extrêmement soignée, la crédibilité des décors et de l'intrigue, qui n'exclut toutefois pas la dimension philosophique voire métaphysique, le choix judicieux de l'ambiance musicale, tout se conjugue pour faire de ce film un véritable chef d'oeuvre.
A côté de ce spectacle impressionnant, les autres longs métrages paraissent presque falots, à l'exception notable de Shining, totalement sublimé par la composition extraordinaire de Jack Nicholson. Mais ni la violence théâtralisée d'Orange Mécanique, ni la beauté glacée de Barry Lyndon, ni les outrances de Full Metal Jacket ne parviennent à ébranler le mythe de l'aventure cosmique de 2001. Il y a trop d'artifice et de complaisance dans le premier, de mièvrerie et de longueurs monotones dans le second, et pas assez d'humanité ni de hauteur de vue dans le troisième.
C'est en somme un peu la faiblesse de Kubrick. Incontestablement il possédait une grande maîtrise technique, un style original et une vraie vision esthétique, mais il lui manquait la sensibilité qui lui aurait permis de leur conférer une vibration émotionnelle. Son art, qui consista le plus souvent à adapter à l'écran des livres écrits par d'autres, reste ainsi souvent froid, sans âme, comme désincarné. Le pire étant hélas son dernier opus Eyes Wide Shut dont le propos oiseux s'enlise interminablement dans une mélasse rococo de fort mauvais goût.
Stanley Kubrick restera donc au moins l'homme qui donna au film de science fiction ses lettres de noblesse. Ce n'est déjà pas si mal. D'ailleurs, le silence intersidéral convient en somme assez bien à ce cinéaste dont la destinée solitaire et ombrageuse n'est pas sans évoquer le loup de Vigny : « A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse, seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse »

16 novembre 2007

In memoriam Norman Mailer


Norman Mailer (1923-2007), représente à lui seul, tout un courant de pensée très répandu, celui de la gauche bourgeoise occidentale, bien pensante mais dévorée par la mauvaise conscience. Il illustre ainsi en quelque sorte paradoxalement l’anti-américanisme autochtone dont les héritiers comptent actuellement des gens comme Noam Chomsky ou Michael Moore. C’est probablement un peu en raison de cette auto-flagellation permanente qu’on l’adore à l’étranger et tout particulièrement en France, dans les milieux « branchés ».
Bien sûr, il n’y a rien d’obligatoirement choquant à émettre une opinion négative sur son propre pays. Mais le caractère systématique, quasi prévisible, des diatribes finit paradoxalement par renforcer indirectement la thèse inverse à celle soutenue au départ. Le vrai risque est peut-être même de déclencher par effet de balancier, un mouvement en sens contraire tout aussi outrancier que le sien.
Mailer, sous des allures « progressistes », condamna en réalité son talent à végéter dans un jus acre, mélange de mauvaise foi et de mauvaise conscience. Il s’exprima avant tout par l’art de donner des leçons malgré (ou pour masquer) l’erreur quasi permanente dans laquelle il s’obligea en quelque sorte à évoluer, vus les préjugés à partir desquels son jugement se construisait.
Reprenant un pont-aux-ânes hélas classique (interview pour la chaîne de TV NBC en 1999), il révéla avoir été profondément influencé par Marx, faisant des théories du barbu doctrinaire le centre de gravité de toute pensée. Cela le conduisit, par une étrange hémianopsie, à occulter définitivement quantité de penseurs plus pertinents, automatiquement qualifiés de déviants.
Sa vision manqua singulièrement de perspective et presque invariablement son opinion resta au ras des choses.
Il haissait les « bons Américains », ceux-la même qui malgré leurs défauts ont fait de l’Amérique ce qu’elle est, mais il fut un peu court dans les propositions alternatives. Pas de projet, guère d’aspiration précise et l’obligation de faire machine arrière, à chaque fois que le cours des évènements lui donna tort. Et les désaveux furent nombreux dans son parcours intellectuel ! Exemple, pour mieux porter son idéal de Gauche, il fut candidat à la mairie de New York, dont il qualifia lui-même les habitants de « gens biens » ; résultat, il fut battu à plate couture, ne réunissant qu’à peine 6% des suffrages.
Il se prétendit avant-gardiste mais il réussit à s’attirer les foudres des mouvements féministes, en raison de propos maladroits voire, de son propre aveu, idiots. Pire, il faillit même assassiner sa propre femme d'un coup de couteau un soir de beuverie (la seule action qu'il avoua regretter)...
Ses prises de position très critiques face au système judiciaire de son pays témoignèrent également du caractère hasardeux de son jugement. Il usa par exemple de toute son influence pour obtenir la libération conditionnelle d'un voyou, un certain Abbott, lequel ne trouva rien de mieux à faire que d’assassiner un homme de sang froid quinze jours après sa sortie de prison !
Pour s’excuser, l’écrivain utilisa alors des arguments qui font insulte à son intelligence tant ils sont éculés. C’est naturellement la société qu’il jugea responsable de ne pas avoir su « accompagner » l’individu, pour permettre sa réinsertion harmonieuse. Lui même ne nia pas d’ailleurs, sa propre responsabilité ! Il pensait que « cela se passerait bien » !
Il recommença le même type d'erreur lorsqu'il prit, de manière lyrique et quelque peu ampoulée, la défense de Gary Gilmore à la fin des années 70 (Le Chant du Bourreau). Faisant fi des sanglots attendris de l'écrivain qui prétendait plaider sa cause, le condamné choisit résolument, non sans panache, non sans courage, la peine de mort plutôt que l'emprisonnement à vie...
En matière de politique internationale, sa clairvoyance ne fut guère meilleure. Revenant en 1984 d’URSS, Mailer avait acquis la conviction que cette dernière était inoffensive, car les gens étaient « fatigués, déprimés et incapables de faire la guerre ». Au moment où les Soviétiques hérissaient la frontière est-allemande de missiles SS20, et où ils occupaient sauvagement l’Afghanistan, ses propos avaient quelque chose de comique. Rarement époque fut plus dangereuse, mettant face à face un gigantesque conglomérat lézardé, ruiné mais surarmé d'un côté, et une Europe avachie dans la prospérité et le pacifisme de l'autre.
En somme, Mailer fut constamment déchiré, il aimait son pays et dans le même temps il reconnaissait le détester. Il ne supportait pas l’american way of life, mais ne pouvait s’en passer. Il fut en quelque sorte la mouche du coche, inutile et horripilante. Certes, il vénèra tout de même Kennedy, et lui attribua quantité de qualités, mais il lui fut d’autant plus facile de les citer qu’elles ne purent jamais se manifester par des réalisations concrètes, vu la brièveté de son mandat ! Il ne s’appesantit pas naturellement sur les frasques de sa vie privée, sur la désastreuse opération de la Baie des Cochons, ni sur les raisons qui le poussèrent a entraîner son pays dans le bourbier de la guerre du Vietnam…
En revanche, pas un président républicain ne trouva grâce à ses yeux partisans; Nixon fut qualifié d’habile gangster, Reagan était « creux comme une calebasse »…
Où donc résida son talent de visionnaire ? Il fut habité par une aigreur perpétuelle, ridiculisant tout ce qui portait une aspiration. Il aimait humer le fumet des décompositions, respirer l’odeur de l’abjection ; il avait comme une délectation morbide pour la fange (son tout dernier ouvrage sur Hitler, "Un Château en Forêt" en témoigne encore).
Il imaginait que tout n’est
dans ce bas monde, que complots, calculs et manigances. A cause de celà, il passa à côté des réalités, les découvrant toujours après coup, dans le rétroviseur. Ou bien jamais. A 84 ans, quelques semaines avant sa mort, il restait persuadé que le communisme était un danger inventé de toutes pièces par son pays en mal d'ennemi ! Tout comme l'islamisme de nos jours, pour servir d'alibi à la « guerre sainte » de George Bush ! Il osa même qualifier les attentats du 11 septembre 2001 « d'égratignure sur la carapace » de son pays au motif qu'ils ne firent que 3000 morts sur 300 millions d'habitants !
Mailer s’est beaucoup impliqué dans la vie intellectuelle et politique de son pays, mais de son œuvre touffue et pestilentielle, il risque fort de ne rester que quelques débris fumants, sans grande utilité pour comprendre l’histoire.

13 novembre 2007

Honneur à Charles Lindbergh

C'est un fait qui réunit un quasi consensus dans les cénacles de la Pensée Unique : le célèbre aviateur Charles Lindbergh était un ardent défenseur du régime nazi auquel il rêvait ni plus ni moins d'asservir l'Amérique !
On a pu vérifier l'adage encore samedi dernier lors de l'émission de Laurent Ruquier, « On n'est pas couché ». Eric Zemmour, d'habitude plus inspiré, non seulement confirma l'assertion, mais enfonça le clou en affirmant qu'on savait ça depuis des lustres, et de toute manière qu'à l'époque (les années 30) tout le gratin influent aux USA avait une vraie dévotion pour le führer : le père Kennedy, les aïeux Bush etc... ( à propos du dernier livre de Paul-Loup Sulitzer )!
Il faut préciser qu'en 2004, l'écrivain américain Philip Roth avait largement contribué à répandre cette idée saugrenue avec son roman « Le complot contre l'Amérique ».
Cet ouvrage se veut une réécriture de l'histoire, à partir d'une hypothèse personnelle plutôt fantaisiste de l'auteur. Il paraît qu'on appelle ça une uchronie. Un exercice qui pourrait être amusant s'il se limitait à l'instar de Blaise Pascal, à imaginer par exemple ce qui serait advenu si le nez de Cléopâtre eût été plus court... Mais qui peut s'avérer extrêmement déplaisant lorsqu'il se fonde sur des amalgames grossiers, sur des insinuations calomnieuses voire carrément sur le mensonge. On sait trop bien qu' « avec des si on pourrait mettre Paris en bouteille ». On peut donc ruiner une réputation ou tout simplement, pervertir la réalité.
L'Opinion Publique est devenue si crédule qu'elle a tendance à prendre pour argent comptant toutes les affabulations pour peu qu'elles soient suffisamment médiatisées. Aujourd'hui, à lire Roth, et à entendre ce qu'on dit « dans le poste », il est donc admis que Lindbergh était profondément anti-sémite, admirateur béat de Hitler et qu'avec de telles opinions en tête, il était sur les rangs pour l'élection à la présidence de la république américaine en 1940, ce qui aurait pu bouleverser la face du monde !
Or une analyse rapide de quelques sources d'origine diverses sur internet, permet d'infirmer sans peine cette croyance abracadabrante.
On peut vérifier tout d'abord que Lindbergh, descendant d'émigrés suédois, est bien l'aviateur qui pour la première fois en 1927, à l'âge de 25 ans, a rallié en vol solitaire Paris à partir de New-York. Ouf ! On l'avait presque oublié...
Il n'était certes pas le premier à traverser l'Atlantique en avion puisque l'équipage constitué de John Alcock et Arthur Whitten Brown avaient rejoint en 1919 l'Irlande à partir de Terre-Neuve. Mais personne avant lui n'avait encore fait le voyage New York-Paris seul et sans escale.
Lindbergh connut une gloire indescriptible après cet événement. A la mesure de celle qui accompagna les astronautes qui les premiers foulèrent le sol lunaire. Il la paya toutefois très cher. En 1932, son fils aîné fut enlevé contre rançon et assassiné par ses ravisseurs. Comme on peut s'en douter cette terrible épreuve le marqua définitivement.
En 1936, Lindbergh, qui était un homme de science accompli, fut envoyé en Europe à la demande de l'armée américaine en mission d'étude aéronautique. Il séjourna ainsi plusieurs fois entre 1936 et 1938 en Allemagne où il put, grâce à l'amitié qui le liait au pilote Ernst Udet, observer, à loisir les avions de la Luftwaffe dont la qualité l'impressionna. Ses constatations furent sans aucun doute utiles aux ingénieurs américains pour améliorer leurs propres techniques.
En France où il vécut également durant ces années, il se lia avec Alexis Carrel, prix Nobel de Médecine, et les deux hommes travaillèrent sur un projet de coeur artificiel.
Dans l'immédiat avant-guerre, Lindbergh sous-estima manifestement le danger représenté par l'Allemagne nazie. Il fut pacifiste au moment des évènements de Munich, estimant que l'entrée en guerre à l'époque, aurait conduit notamment l'Angleterre, à une défaite quasi certaine. Il faut ajouter qu'à l'instar de nombreuses personnes, il pensait que le plus grand danger de l'époque était le communisme, qui menaçait à ses yeux toute la société occidentale. Cette opinion fut aussi celle du Général Patton et bien sûr de Churchill qui l'exprima plus tard :"j'ai peur que nous n'ayons tué le mauvais cochon"
. Bien avant guerre Lindbergh avait pour sa part prédit avec une surprenante précision l'installation du rideau de fer.
Lorsque le conflit éclata, Lindbergh se rangea du côté des nombreux Américains qui étaient opposés à toute intervention en Europe. Sous la bannière du Mouvement America First ils ne faisaient en réalité que reprendre à la lettre les conseils de George Washington, enjoignant à ses compatriotes, pour pérenniser la démocratie en Amérique, de ne jamais se mêler des affaires européennes. Il faut rappeler aussi qu'ils avaient été échaudés par l'expérience de 1918 et avaient très mal vécu lors du traité de Versailles, l'acharnement français et anglais à humilier l'Allemagne vaincue.
En 1941, il eut quelques paroles malheureuses, accusant notamment les Anglais, les Juifs et l'Administration Roosevelt de presser les Etats-Unis d'entrer dans une guerre qui ne les concernait en rien (tiens ça pourrait évoquer certaines prises de positions au sujet de l'Irak...). Dans le même temps il affirmait toutefois que ces propos n'étaient pas une attaque du peuple juif ou anglais « qu'il admirait tous les deux ». La même année, il déclara d'ailleurs « qu'aucune personne dotée d'un minimum de dignité et d'humanité ne pouvait tolérer le traitement que faisait subir l'administration allemande aux Juifs ». Plus tard, après guerre lorsque l'horreur des camps de concentration fut dévoilée il manifesta un grand désespoir ne n'avoir pas été assez clairvoyant.
Lors de l'attaque de Pearl Harbor, Lindbergh comprit que l'intervention américaine était indispensable. Il combattit d'ailleurs dans le Pacifique et tous les témoignages de l'époque vantent son courage et son patriotisme. Au surplus, il améliora les qualités techniques des bombardiers P38 en leur permettant de faire des missions beaucoup plus longues et efficaces.
Enfin, à aucun moment de cette période tumultueuse, contrairement à la supposition de Philip Roth, il ne manifesta la moindre intention d'être candidat à l'élection présidentielle...
Après guerre, Lindbergh exerça des fonctions de conseiller technique auprès de l'US Air Force et de la compagnie PANAM. Il fut un précurseur dans la défense de l'environnement, combattant notamment pour la protection de certaines espèces animales en danger, comme les baleines. Dans l'une de ses dernières interventions, pour le magazine Life, il définit ainsi sa conviction : « Le futur de l'Humanité dépend de notre capacité à combiner la connaissance scientifique avec la sagesse de la nature »
Il mourut en 1974 à Hawaï où il est enterré.
Ainsi toute personne de bonne foi peut facilement se faire une idée claire de ce que fut la vie de Charles Lindbergh. Elle est loin des ragots infâmes colportés ces derniers temps par des ignares ou des médisants. Si comme la plupart d'entre nous Lindbergh eut une personnalité contrastée, s'il lui arriva de se tromper, nul doute qu'il ne mérite pas l'opprobre dont certains cherchent à le couvrir. Il fut un homme honnête et courageux, et un héros plutôt modeste. Là est la réalité.

09 novembre 2007

Brothers in arms


Nicolas Sarkozy est allé outre-atlantique renouer les liens de fraternité établis autrefois sur les champs de bataille de l'Indépendance, entre notre pays et l'Amérique par Lafayette, Rochambeau et Washington.
Il était temps !
La France hélas avait montré depuis tant de décennies, à travers l'attitude de ses dirigeants, une image d'elle si arrogante et pour tout dire si stupide à cette grande nation que ces relations s'étaient bien effilochées.
Grâce soit rendue à notre président d'avoir eu le vrai courage d'afficher clairement ses convictions et d'avoir su trouver les mots simples et justes qui effacent en si peu de temps tant d'incompréhension et de vilenie. Aujourd'hui un certain nombre de Français se sentent au fond d'eux un peu mieux et surtout moins honteux.

En réaffirmant que « la France est l'amie de l'Amérique », Nicolas Sarkozy fait chaud au coeur de tous les amoureux de la Liberté. Lorsqu'il exalte le fameux rêve américain qui a permis "de prouver à tous les hommes que la liberté, la justice, les droits de l'homme, la démocratie n'étaient pas une utopie mais au contraire la politique la plus réaliste qui soit et la plus susceptible d'améliorer le sort de chacun", il se situe dans le droit fil de la pensée magnifique des Pères Fondateurs. En constatant que « la grandeur de l'Amérique, c'est d'avoir réussi à transformer son rêve en une espérance pour tous les hommes » il rend un hommage mérité aux hommes prodigieux qui ont su faire du Contrat Social de John Locke une réalité objective, et qui en rédigeant la Constitution, ont créé une oeuvre qui pourrait servir de modèle quasi universel d'organisation des sociétés humaines. Il salue enfin un pays qui a su rester fidèle à son idéal, et qui continue de mener un combat pour la liberté et l'émancipation des peuples, fort honorable même s'il est possible d'en contester certaines modalités.


Les applaudissements nourris des membres du Congrès, l'attention amicale prodiguée par le Président de la République à son homologue français, démontrent que les Américains ont assez de grandeur d'âme pour oublier toute rancune sitôt qu'on cesse de les mépriser.

Bref, ils ont bien les qualités de ce que nous n'aurions jamais dû oublier ni douter qu'ils sont : des amis indéfectibles...

PS : A voir absolument : l'allocution de Nicolas Sarkozy faite aux Français d'Amérique, le 7/11/07, tant elle est réjouissante par son style direct, détendu et humoristique. Incontestablement, le ton a bien changé en politique...


08 novembre 2007

Vers des hôpitaux de concentration...


L’hôpital est de nouveau sur la sellette.
Dans un dossier spécial publié par le magazine
Valeurs Actuelles le 26/10/07, sous le doigt accusateur du professeur Bernard Debré, le réquisitoire est terrible : l'hôpital serait tout bonnement en faillite ! Pourtant les constats sur lesquels il s’appuie paraissent pour le moins forts discutables.
Passons sur le catastrophisme journalistique à sensation («la mort du dispositif hospitalier public est désormais annoncée ») , et les récriminations de quelques patrons parisiens en vue, plaidant de manière éhontée pour leur chapelle, avec des arguments rappelant le temps du mandarinat !
La thèse principale, selon laquelle pour bien soigner, « il faudrait regrouper les installations au sein d’hôpitaux plus grands » est depuis quelques années très tendance. Or elle ne repose sur aucune certitude scientifique et contredit de manière flagrante la
décentralisation dont les Pouvoirs Publics nous ont si souvent chanté les louanges.

De fait, au moins trois types de raisons plaident contre l’organisation concentrationnaire des soins :
-Les grosses structures sont toujours les plus dispendieuses et les plus difficiles à gérer. A quantité d'activité médicale donnée, elles consomment plus d’examens, emploient plus de personnel et génèrent une plus grande inertie administrative. Depuis l’avènement du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), on sait par exemple que 18 des 31 Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) sont gravement et chroniquement déficitaires, en dépit des dotations budgétaires colossales qu'ils engloutissent chaque année. L’hôpital Pompidou, fleuron du système français est un des plus luxueux, des plus modernes, et des mieux dotés en médecins d’Europe (près d’un praticien par lit !). Or on apprend de la bouche du Pr Deloche, que « quatre chirurgiens sont ainsi partis à Londres, à New York et en Australie ../.. où ils sont en moyenne trois fois mieux rémunérés et travaillent dans de bien meilleures conditions. » Ahurissant !

-En matière de qualité, il n’est pas prouvé que les statistiques soient forcément défavorables aux structures de taille modeste. On s’étonne par exemple, que des gens sérieux puisent baser leur raisonnement sur un nombre brut d’interventions chirurgicales sans prendre en compte la nature des actes effectués et les ratios par praticien. Ce qui paraît essentiel c’est de juger les gens sur la qualité réelle de leurs prestations, non sur des quota définis a priori. On a fermé des maternités au seul motif qu’elles ne réalisaient pas assez d’accouchements alors qu’on ne pouvait rien leur reprocher en terme de prise en charge. Aujourd’hui on redécouvre les vertus de l’accouchement à domicile, qui est la règle aux Pays-Bas dans 30% des cas…
Enfin, contrairement à ce qui est écrit, les statistiques d’activité sont désormais publiques et servent comme chacun sait depuis plusieurs années, à établir des palmarès dont la presse est friande. Il faut à cet égard rappeler la réticence étrange manifestée par certaines gigantesques organisations hospitalières (Paris, Lyon, Marseille) pour dévoiler certains de leurs chiffres. Les donneurs de leçons ne sont pas toujours des modèles...

-Les progrès techniques permettent aujourd’hui de réaliser des interventions autrefois très lourdes, dans un contexte beaucoup moins agressif pour les patients. Là où il fallait ouvrir le thorax et interrompre le cœur pour le revasculariser, un simple cathéter introduit à travers la peau suffit le plus souvent. Les interventions à visée oncologique autrefois très mutilantes, sont remplacées de nos jours par des gestes anodins parfois menés sous simple endoscopie, sans même une nuit passée à l’hôpital. Enfin les développements de la télématique offrent la possibilité théorique de transmettre des images et d’amener le même niveau d’expertise médicale en tous points du pays, sans avoir à déplacer les malades. C’est à la fois plus humain, plus efficace, et plus économique.
A l’heure où l’on déplore le manque de médecins dans certaines régions et dans les campagnes, et où les routes vers les grandes métropoles sont engorgées, comment justifier la fermeture systématique des petits hôpitaux ? Le danger aujourd’hui n’est pas de compter "une moyenne de 10 établissements par département", mais à court terme plus qu’un seul, transformé en une sorte de monstrueux kolkhoze de soins…
Enfin, il faut savoir que si les trois-quarts des hôpitaux sont lourdement déficitaires, les cliniques privées ne sont guère mieux loties. Elles se regroupent elles aussi par la force des choses, mais 60% d’entre elles sont en situation financière très difficile.

Au total, s’il est insensé de prétendre que tout puisse être fait partout, le bon sens exige une répartition équilibrée des ressources, dans une logique d’émulation saine et claire. Le système de santé français a trop souffert d’une planification rigide fondée sur des diktats théoriques. Résultat, rien ne va et rien n’est convenablement régulé comme vient encore de le souligner la Cour des Comptes.

L’Administration tutélaire de la santé est pléthorique mais inefficace. On ne compte plus les plans ni les instances soi-disant décisionnaires. De sigles en abréviations, ils s’emmêlent, se contredisent ou se superposent en un écheveau de plus en plus inintelligible pour le commun des mortels : DHOS, ATIH, ARH, SROS, COTER, DRASS, DDASS, CRAM, URCAM, ORS, HAS, bientôt ARS...

Est-ce qu’enfin la France sera capable de trouver des solutions pragmatiques à ses problèmes ? Saura-t-elle donner une vraie autonomie de gestion aux hôpitaux, cesser les subventions à fonds perdus, exploiter le meilleur du progrès technique, encourager les initiatives innovantes ? Là résident les enjeux véritables.

Petit aperçu de l'armada administrative gouvernant et planifiant paraît-il la santé en France :
DHOS : Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins
ATIH : Agence technique pour l’Information Hospitalière
ARH : Agence Régionale de l’Hospitalisation
SROS : Schéma Régional d’Organisation Sanitaire
COTER : Comité Technique Régional
DRASS : Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales
DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales
CRAM : Caisse Régionale d’Assurance Maladie
URCAM : Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie
ORS : Observatoire Régional de la Santé
HAS : Haute Autorité en Santé
MEAH : Mission d'Etude et d'Analyse Hospitalière
GMSIH : Groupement pour la Modernisation du Système d'Information Hospitalier
ARS : Agence Régionale de Santé....

29 octobre 2007

L'épreuve de force


Rarement un président de la République n’avait manifesté un tel dynamisme, sitôt entré en fonction.
Rarement on avait vu une telle liberté de ton mais également un tel sens de l’ouverture tous azimuts.

Nicolas Sarkozy, puisqu’il s’agit de lui, fait preuve dans tous les domaines, en dépit de circonstances plutôt contrariantes, d’une énergie étonnante. Il semble animé d’un vrai désir de moderniser les institutions du pays. Il ne s’embarrasse guère avec le protocole et son discours direct et pragmatique paraît vraiment empreint de sincérité.
Il est difficile de nier ce constat, même si l’on peut douter qu’il s’inscrive dans la durée.
Pourtant on voit et on entend s’agiter une nuée de conservateurs, plus que jamais crispés sur des notions archaïques, faisant feu de tous bois pour nourrir ce qui semble n’être avant-tout qu’un anti-sarkozysme totalement irrationnel.
Après les simagrées au sujet de l’ADN, celles sur Guy Môquet, les pleurnicheries rituelles des tartufes du droit au logement, on a pu s’en rendre compte encore vendredi, lorsque le Président de la République est allé à la rencontre des cheminots de la SNCF. Le chef de l’Etat était venu, certes pour dire qu’il ne céderait pas, conformément à ses engagements électoraux, sur la réforme des régimes spéciaux de retraite, mais aussi pour rassurer sans artifice : « Je m'engage à ce que personne ne perde de sa retraite en cotisant plus. Votre statut de cheminot, vous le garderez. On peut discuter de tout: la politique de l'emploi et des salaires, la pénibilité, la décote, la date d'application ».
Mais à toutes ses explications, une seule réponse : un niet primaire et définitif et aussitôt, le chantage mécanique à l’insurrection : «C'est la rue qui va parler », « De toute manière nous avons toujours obtenu satisfaction et tous les premiers ministres ont toujours été contraints de reculer… » Et c’est effectivement reparti. Après la grève de la SNCF, voici celle d’Air-France, puis le 20 novembre celle de toute la fonction publique. Eternelle comédie des prétendus défenseurs du Service Public, en réalité des fossoyeurs.

Mais aujourd’hui, les temps sont peut-être en train de changer.
Un nombre croissant de Français semblent apercevoir enfin derrière les discours racoleurs des résistants de la 25è heure, la vraie réalité. Ils s’éveillent au Monde et ce qu’ils perdent en crédulité et en illusions, ils le gagnent en lucidité et en détermination.
De son côté la forteresse syndicale se fissure de plus en plus. Elle s’épuise derrière ses murailles de préjugés et d’arrogance. Elle s’asphyxie dans les pestilences déprimantes d’une contestation sans vrai but. Il est même permis d’espérer que les dirigeants syndicaux soient en train de comprendre que leur rôle n’est pas de maintenir artificiellement gonflées les baudruches idéologiques usées de la Lutte des Classes.
Ils ont tellement mieux à faire en participant de manière raisonnable au mieux-être des entreprises, et en acceptant le principe d’une émulation saine, source de satisfaction professionnelle en même temps que d’amélioration du service rendu.

L’avenir dira si les turbulences actuelles préludent à une grave crise sociale, dont le pays pourrait pâtir gravement, ou au contraire s’il s’agit des derniers soubresauts d’un big-bang révolutionnaire qui n’en finit pas de capoter dans le nihilisme existentiel...

23 octobre 2007

Aux fanatiques de la Vertu


En ces temps de déraison, où le désir morbide de repentance côtoie la mauvaise foi et le sectarisme, où certaines commémorations pathétiques éclipsent la mémoire de tant d’injustices, et où la récupération politique du passé devient le sport favori de gnomes ivres de surenchères verbales, mais incapables d’exister par eux-mêmes ; en ces temps médiocres et arides, qu’il soit permis d’évoquer le souvenir d’un doux poète, qui mourut innocent sous la hache féroce de ceux qui prétendaient fonder la plus belle et la plus vertueuse des républiques.
Celui qui n’avait d’autre passion que l’amour de la Beauté, et qui voulait donner aux idées neuves de Bonheur et de Liberté, l’écrin de la perfection antique, périt d’avoir osé dire leurs vérités aux zélateurs bornés et fanatiques de la Révolution.Du fond de l’infâme cachot où il fut jeté sans raison, et dont il ne sortit que pour monter sur l’échafaud, il eut la force de chanter dans des ïambes sublimes le drame indicible qui à travers lui, dévastait un pays pourtant si orgueilleux d’avoir avec emphase déclaré au Monde, les « Droits de l’Homme et du Citoyen».

André Chénier, que les tyrans sans-culotte décrivirent comme un « prosateur stérile » et que Victor Hugo considéra lui, comme un génie « romantique parmi les classiques » mourut sacrifié au nom de trop belles idées, trop bien appliquées.
Ses vers désespérés rappellent aujourd’hui la nécessité d’être humble, surtout quand on se targue de manier les grands principes. Si d’aucuns refusent de lire la lettre de Guy Môquet, pourquoi ne retourneraient-ils pas à la source de cette poésie si poignante, qu’il faudrait ne jamais oublier ?
Vienne, vienne la mort! Que la mort me délivre!
Ainsi donc à mon cœur abattu
Cède aux poids de ses maux? Non, non. Puisse-je vivre!
Ma vie importe à la vertu.
Car l'honnête homme enfin, victime de l'outrage,
Dans les cachots, près du cercueil,
Relève plus altier son front et son langage,
Brillants d'un généreux orgueil.
S'il est écrit aux cieux que jamais une épée
N'étincellera dans mes mains;
Dans l'encre et l'amertume une autre arme trempée
Peut encor servir les humains.
Justice. Vérité, si ma main, si ma bouche,
Si mes pensers les plus secrets
Ne froncèrent jamais votre sourcil farouche,
Et si les infâmes progrès,
Si la risée atroce, ou, plus atroce injure,
L'encens de hideux scélérats
Ont pénétré vos cœurs d'une longue blessure;
Sauvez-moi. Conservez un bras
Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge.
Mourir sans vider mon carquois
Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange
Ces bourreaux barbouilleurs de lois!
Ces vers cadavéreux de la France asservie,
Egorgée! O mon cher trésor,
O ma plume! Fiel, bile, horreur. Dieux de ma vie!
Par vous seul je respire encor…

22 octobre 2007

Contes de la folie ordinaire


En médecine, il est difficile de garantir les résultats des traitements qu’on entreprend. En psychiatrie c’est encore plus difficile.
Le principe de précaution - et le simple bon sens - obligent donc à rester modeste et à savoir remettre en cause à tout moment sa démarche diagnostique et thérapeutique.

Ce n’est pourtant pas ce qu’on a pu observer au cours de deux affaires récentes, très médiatisées.

Il y a quelque mois, un délinquant sexuel multi-récidiviste était libéré de prison, emportant avec lui une ordonnance de Viagra délivrée par un médecin du Centre Pénitentiaire. Coïncidence fâcheuse, quelques jours après sa sortie, l’individu commettait une nouvelle agression sur un enfant et retournait illico en prison.
De cette incroyable histoire, que tira-t-on comme conséquence ? Qu’il fallait procéder d’urgence à la création d’hôpitaux fermés !
Mais que pourraient apporter de telles structures quand on mesure en la circonstance, l’irresponsabilité dont fit preuve le corps médical ? Non seulement l’initiative fut immédiatement critiquée, mais elle s’accompagna d’un flot de mauvaise foi assez stupéfiante.
Le Dr Sylvie Ballanger praticien hospitalier à la Prison de la Santé, interrogée par le Figaro (10/08/07) s’exclama sans rire qu’une telle proposition reviendrait à « recréer le bagne de Cayenne » et que cela « n’empêcherait nullement les pédophiles d’agir ».
Dans le même temps elle refusa de reconnaître la moindre responsabilité au médecin prescripteur qui selon elle avait agi « sans avoir accès au contenu de la fiche pénale du patient et qui donc n’était pas au courant de la dangerosité du détenu ». Vraiment respectueux du secret le toubib…
Allant encore plus loin, elle affirma benoîtement que le Viagra ne créait « pas de pulsions, ni de désir sexuel », et simplement « qu’il favorisait l’acte sexuel », « sans en être à l’origine ».
Et elle termina son argumentation sur cette perle inouïe : « il n’y a d’ailleurs pas de contre-indication pour les pédophiles… »

Un tel niveau d’inconséquence, de légèreté et de négationnisme fait frémir… On pense à l’histoire de la dame qui pour sécher le poil de son chat, passa carrément l’animal au four à micro-ondes et qui au vu du résultat plutôt « cuisant », poursuivit le fabricant au motif qu’il n’avait pas averti du danger d’une telle utilisation de l’appareil !

Il y a quelques semaines, à Lormont, près de Bordeaux, une autre affaire défraya la chronique.
Un déséquilibré mental en permission tuait sa mère à l’arme blanche avant de la découper en morceaux qu’il entreprit de jeter du haut de l’immeuble où la malheureuse habitait.

Encore une fois, aucun regret, aucun questionnement de la part des gens qui avaient remis en liberté la veille un tel individu. Les médecins se bornèrent à dire que son état était pour eux « stabilisé », qu'il ne manifestait aucune agressivité, et se dédouanèrent en rappelant que la psychiatrie « n’était pas une science exacte »... Merci pour l’information, on est en effet bien avancé !
Il faut mentionner que le forcené avait trucidé quelques années plus tôt un co-détenu dans la prison où il séjournait après avoir agressé des policiers et qu'il avait à l’époque bénéficié d’un non lieu « psychiatrique ».

Il faudrait tout de même savoir. Si l’on affirme de quelqu’un qu’il est dans un état stabilisé, c’est donc qu’il est au moins un peu responsable de ses actes, sinon, ce sont les médecins qui portent eux le poids d'erreurs fatales, et qui devraient pour le moins se poser des questions.
On peut tout de même difficilement se satisfaire en guise de consolation, du propos lénifiant d’un des médecins : "seulement 5% des homicides sont causés par des malades mentaux"…

Est-on d'ailleurs si sûr que les 95% restants sont des gens parfaitement normaux ? Et qu'est-ce donc en fin de compte que la "normalité" dans de tels cas de figures ?

12 octobre 2007

Ce grand cadavre à la renverse


Bernard-Henri Lévy sait comme personne se mettre en scène, il possède un art consommé de faire mousser dans les médias le moindre de ses aphorismes et la plus insignifiante de ses paroles.
Et comment l'attaquer ? Ce général chamarré de la « nouvelle » philosophie pompière a trouvé une position inexpugnable. Il se situe si loin de toute logique, par delà même le ridicule, dans une bulle exquise de morale séraphique... De ces hauteurs éthérées, avec son éléphantesque quincaillerie dialectique, Il peut dès lors enfoncer hardiment les portes grandes ouvertes du conformisme, et s'attaquer aux plus plates problématiques intellectuelles tout en donnant l'impression d'être Hannibal gravissant les Alpes !
Les salons dorés et les plateaux-télé rutilants, au sein desquels il donne à voir son altier profil, sont autant de champs de batailles, qu'il sillonne en tous sens avec une admirable opiniâtreté. Il y mène héroïquement son combat « progressiste », non sans risque – mais assumé – de prendre ici ou là une énorme tarte à la crème en travers de la gueule... Qu'importe, armé de son inépuisable moulin à paroles, il déclame, il exhorte, il fustige, il persifle. Bref, il n'a pas son pareil pour faire reluire tout ce qui est creux, et pour allumer dans les cieux bas de la pensée franchouillarde, de brillantes mais fugaces étincelles...
Aujourd'hui il signe avec pompe et circonstance, le constat de décès de la Gauche. Franchement, ce n'est pas vraiment un scoop (il recourt à une citation de Sartre datant des années 60...). Depuis le temps qu'elle se ratatinait, on pouvait surtout se demander pourquoi elle n'était pas encore enterrée !
Qu'on ne s'y trompe pas pourtant, selon lui ce « grand cadavre » bouge encore. Et, Pater familias aidant, il y reste envers et contre tout accroché par toutes ses fibres. Ne serait-ce que par fidélité à son père, le digne fils a décidé qu'il serait toujours sur ce bord de la rive. Elle est putride, elle est déviante, elle ne mène à rien de concret ou bien à des horreurs, mais tant pis il continuera de suivre cette voie.
Se lavant les mains des innombrables dérives totalitaires, chauvines, anti-sémites, anti-américaines, anti-libérales, ou bourgeoises, il se raccroche à quelques vieilles lunes qui seraient paraît-il consubstantielles à la gauche : anti-colonialisme, anti-fascisme, dreyfusardisme, cosmopolitisme... Et pour finir, Mai 68 au travers duquel il continue de voir avec émerveillement « libertés nouvelles, modernité, allégresse; poésie ... »
Tout ça relève du badinage de collégien premier de la classe. C'est appliqué, bien intentionné, mais un tantinet niaiseux.
Même si l'homme est parfois touchant et même si tout n'est pas faux loin de là dans son bagout hétéroclite, il passe une fois encore à côté du vrai sujet et ici, des vrais et terrifiants cadavres. Ceux avant tout des malheureux que la Gauche a assassinés par millions au seul motif qu'ils n'étaient pas du bon côté. Mais aussi les momies infâmes de leurs bourreaux implacables, si longtemps encensés. Et celles enfin des idéologues aux mains sales par qui tout le mal est venu.
En la matière il n'est pas nécessaire de savoir si l'on est de droite ou de gauche, pour préférer toujours et de très loin Voltaire à Rousseau, Locke à Saint-Just, Hume à Hegel, Tocqueville à Marx, et Aron et Camus à Sartre.
Et pour avoir ces derniers temps, la nausée devant les rites compassionnels autour de la dépouille pseudo-christique de Che Guevara, laborieusement exhumée de la fange dans laquelle ce faux héros était tombé par sa propre faute...

09 octobre 2007

Les nouveaux calotins

La médiocrité du débat politique en France donne parfois des hauts-le-coeur. Surtout quand l'argumentation s'appuie sur les artifices usés d'une morale sulpicienne à deux balles, rancie dans le marigot gluant des truismes républicains les plus surannés. Ça pue la tartuferie, c'est écoeurant.
Le pataquès fait au sujet des tests ADN pour prouver les liens familiaux d'étrangers candidats au regroupement familial est révélateur de cet état d'esprit boursouflé et insane. On pourrait multiplier les citations grandiloquentes, mais les propos de Mouloud Aounit, président du MRAP donnent à eux seuls la démesure de cette tempête dans un verre d'eau bénite. Il s'agit selon cette belle âme d'une régression, d'une « une tache qui souille la page de l'histoire des droits et des libertés fondamentales" !
Ben voyons ! Rien que ça. Nous sommes dans un monde si parfait, si vertueux, si généreux, qu'on se demande en effet comment un gouvernement peut être assez tordu pour inventer de tels stratagèmes xénophobes.
Trop contente de trouver une occasion de faire prendre l'air à ses étendards moisis, la vieille garde sonne la charge. Tout le ban et l'arrière ban des vicaires et autres zélateurs de l'orthodoxie intellectuelle alter-trotsko-bobo accourt comme une nuée de mouches attirées par un morceau de viande. Regardez la "pétition d'ouverture" lancée selon le rite établi, mercredi dernier par Charlie Hebdo et SOS-Racisme : ils sont tous là, en rangs d'oignons, confits dans leur jus bien pensant. "Touche pas à mon ADN !" bêlent-ils à l'unisson. Pour eux assurément, nul besoin de test génétique pour se regrouper. L'instinct pétitionnaire les réunit à coup sûr. A leur tête, le grand satrape Robert Badinter ne mâche pas ses mots : "Ce que nous faisons là est une erreur (...). Le retentissement que ce texte aura en Afrique et dans d'autres pays sera totalement négatif".
Et ce tribunal de la pensée unique, à l'instar de ses sinistres précurseurs de l'Inquisition ne plaisante pas. Chaque mot est pesé, analysé, interprété pour débusquer les vils relaps inspirés par Satan. Celui à qui échappe ne serait-ce qu'un « détail » signe son arrêt de mort. On se moque des raisons pratiques qu'il invoque pour justifier son action. Peu importe de savoir si l'immigration clandestine existe, nul besoin d'en mesurer les conséquences néfastes sur l'équilibre déjà fragile d'une société cacochyme, et pas davantage naturellement de nécessité d'évaluer rationnellement les moyens d'une éventuelle maîtrise de ce fléau des temps modernes. Le but est simple, quasi pavlovien dans sa nature réflexe : décréter ex cathedra que les gouvernants sont des hérétiques, que leur l'intention est nécessairement mauvaise, perverse, et rejeter en bloc leurs propositions, leur action et pour tout dire leur légitimité...

06 octobre 2007

Se souvenir de si belles nuits...


Ce coffret magnifique c'est en quelque sorte l'apothéose de David Gilmour. Comme un merveilleux et poignant chant du cygne après l'album un peu léthargique de l'année dernière. Avec un titre qui, s'il ne sonne pas tout à fait comme un adieu, exprime une indicible nostalgie : Remember That Night.

Mais si le souffle créatif paraît affaibli, l'artiste heureusement s'avère toujours capable de rassembler des forces incroyables pour livrer la quintessence de son génie musical. On trouve ici parmi nombre de trésors, quelques magistrales interprétations des grandes compositions du Floyd. Notamment une des plus sublimes versions qui soient de Shine On You Crazy Diamond. Avec David Crosby et Graham Nash en forme de choeur s'il vous plaît. Ou encore Comfortably Numb, introduit de manière superbe et déchirante par David Bowie.

Dans cette fameuse ambiance d'extase flottante, bleue, rouge et multicolore, traversée de lasers tranchants comme des rayons issus de diamants utopiques, l'esprit s'égare et s'imagine en bateau ivre, échappé au temps, mais sillonnant sereinement une ineffable mer de raison. Et après les réminiscences de Rimbaud, on songe aux mots de Baudelaire : « là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté ».

Alors oubliées les réserves, au diable les réticences, profitons de ce fabuleux feu d'artifice en espérant qu'il soit suivi d'autres. Et prolongeons le plaisir avec le second DVD rempli de pépites inattendues (Astronomy Domine en studio par exemple...).

Un seul regret toutefois faute de disposer d'un standard haute définition : que le son ne soit pas en DTS qui serait nettement meilleur que le Dolby Digital...

25 septembre 2007

La Cour fait ses comptes


J'avoue éprouver un certain amusement lorsque je prends connaissance des rapports publiés par la Cour des Comptes.
Je m'interroge sur l'utilité des constats pertinents et souvent accusateurs, pondus avec une régularité métronomique par cette docte assemblée de magistrats chargés de contrôler la gestion de l'Etat.
Ils s'échinent à « épingler » méticuleusement les défaillances et les lacunes des institutions et ministères, mais tout cela s'apparente à un jeu puisque le système continue en réalité de tourner en rond, à l'abri de ce délicieux théâtre de l'illusion.
Cette année, dans son rapport sur la Sécurité Sociale, la vénérable assemblée a renoncé semble-t-il à s'attaquer aux causes du monstrueux déficit (près de 12 milliards d'euros pour 2007). Elle se borne à proposer d'augmenter les ressources en « élargissant l'assiette des prélèvements ». Jamais à cours d'idées en la matière, elle suggère de jeter cette fois dans la grande marmite sans fond, le produit de nouvelles taxations sur les stock-options, les indemnités de départ en pré-retraite ou de licenciements ! Ça ne mange pas de pain comme on dit, et c'est tellement politiquement correct. Plutôt que de revoir des pratiques douteuses ou de prôner davantage de responsabilité, pourquoi ne pas continuer de se servir sur la bête tant qu'elle a encore un peu de lard !
Elle trouve également que les médecins sont trop payés et ironise même sur des dépassements d'honoraires « assez loin du tact et de la mesure prescrits par le code de déontologie ». Faut-il y voir l'incapacité des Pouvoirs Publics et de l'Assurance Maladie à contrôler efficacement le bien fondé des pratiques, en dépit des kyrielles de fonctionnaires chargés de cette tâche ? Est-ce le constat de l'inanité de la monstrueuse nomenclature baptisée CCAM, mise en oeuvre à grands frais en 2005 et réputée neutre et irréprochable ? Ou bien de la faillite du très emphatique « Parcours de soins coordonné» inauguré bruyamment par le gouvernement en 2004, et qualifié aujourd'hui de « maquis tarifaire illisible par l'assuré » ?
Pareillement, les censeurs s'insurgent au sujet « de la mauvaise répartition des médecins entre spécialités et entre territoires ». Étrange constat dans un pays qui a installé le plus fabuleux dispositif de planification qu'on puisse imaginer ! La Cour des Comptes pointe non sans raison, l'imbécillité d'une telle bureaucratie et propose – hélas un peu tard – de « réduire le nombre d'instances chargées des questions de démographie médicale ». Mais paradoxalement elle en rajoute une couche en suggérant dans le même temps de contrôler de manière autoritaire les installations des jeunes praticiens et en allant jusqu'à recommander la mise en place de « mécanismes de pénalisation financière » afin de « mieux répartir l'offre sur le territoire et de préserver l'égal accès aux soins »...
Face enfin aux gâchis de la scandaleuse usine à gaz du Dossier Médical Personnel (DMP), elle reste étonnamment muette. Plus fort, elle propose même sur ce projet « un pilotage renforcé par la tutelle ».
Bref le manège administratif n'a pas fini de tourner, et les comptes de dériver..

18 septembre 2007

Poncifs et idées reçues


L'Académie de Médecine vient de rendre public un rapport sur les causes du cancer en France. Il démolit nombre d'idées reçues, qu'on entend bien souvent colportées depuis quelques années, sans vrai fondement scientifique.

D'abord, il affirme que la mortalité par cancer est en diminution (-13% entre 1968 et 2002). Il s'agit d'une bonne nouvelle en soi, qui contredit de manière cinglante les sombres prédictions des experts en sinistrose.

Ensuite il remet de l'ordre au sujet des facteurs favorisant la survenue de ces affections. Si près de la moitié des tumeurs restent d'étiologie incertaine, l'écrasante majorité des autres relèvent de causes plutôt triviales, impliquant tout simplement la responsabilité individuelle : tabagisme et alcoolisme avant tout, obésité, sédentarité, exposition excessive au soleil. Il évoque également le rôle de certains agents infectieux notamment viraux et celui de toxiques professionnels. Mais, au grand dam des sermonneurs, la pollution n'intervient que pour 0,5% des patients !

Cela rappelle la polémique survenue il y a quelques années au sujet de la mort des abeilles, que des ratiocineurs bornés mettaient arbitrairement sur le dos des fabricants de pesticides. Aujourd'hui on sait que ce phénomène est beaucoup plus complexe, et on s'oriente avant tout vers une cause virale !
Cela rappelle également les vitupérations du Professeur Belpomme, oncologue très médiatique, en 2004, à propos des méfaits de la pollution. Je reprends l'analyse que j'en avais faite pour la revue DH Magazine :

C’est désormais une mode que d’accuser la société moderne de tous les maux dont souffre l’Humanité. Du terrorisme à la canicule en passant par la mort anormale des abeilles, à l’évidence, il n’y a qu’un seul coupable, le Progrès !

La croisade virulente lancée par Philippe de Villiers en faveur des hyménoptères, n’est probablement pas exempte de calcul politique. Les jérémiades bruyantes mais confuses des altermondialistes non plus. Pour autant, il ne sont pas les seuls à excéder les limites de la bienséance. Le pamphlet tonitruant au sujet des « maladies créées par l’homme » du Professeur Belpomme s’inscrit dans l’outrance, tant il contient d’approximations, de contrevérités et d’incitations à la panique, indignes d’un homme de science.
Ce médecin oncologue ordonnateur nous dit-on du « Plan Cancer » promu par le président Chirac, place son propos dans le champ du catastrophisme le plus noir. Il n’annonce en effet rien moins que la fin de l’humanité à l’horizon 2100 et fait notamment de la pollution la cause première des maladies tumorales !
Curieusement, ces propos alarmistes sont en contradiction flagrante avec ceux d’un autre grand spécialiste le Pr Khayat, présenté lui, comme « Conseiller permanent de la Mission interministérielle pour la lutte contre le cancer ». Dans un récent ouvrage, ce dernier déclare en effet avec enthousiasme que : « Les progrès accomplis dans la recherche contre le cancer, les avancées thérapeutiques sont devenus tels qu'ils ouvrent devant nous, sans aucun doute permis, de merveilleux chemins vers l'espoir. »
Alors qui croire ? Doit-on faire confiance à des experts aussi antithétiques ?
Le tableau brossé par le Pr Khayat est peut-être un peu trop idyllique, mais à bien y regarder, les arguments dont use et abuse le Pr Belpomme apparaissent hautement discutables, voire partisans et idéologiquement très marqués.
Son constat est caricatural. Il affirme gravement que les maladies cancéreuses sont « en augmentation dans tous les pays industrialisés ». Sur 150.000 décès annuels par cancer en France, il en impute 30.000 au tabac, et « une très grande partie » des 120.000 restants à « à la dégradation de l’environnement » !
On chercherait vainement des preuves tangibles à ces énormes affirmations. L’augmentation du nombre de cancers depuis quelques décennies a quelques raisons simples : accroissement de la population, vieillissement progressif et mise en œuvre de moyens de dépistage précoce.
Mais derrière cette recrudescence apparente, se cache en réalité le déclin de certaines tumeurs, particulièrement celles dans la genèse desquelles l’alimentation est susceptible de jouer un rôle important : l’estomac et l’œsophage.
Au surplus, contrairement à ce qu’insinue le Professeur Belpomme, la mortalité a commencé de décroître dans beaucoup de pays, au premier rang desquels figurent les USA qui furent les premiers à mettre en œuvre de vraies mesures préventives. La baisse y est particulièrement sensible pour les cancers les plus fréquents : poumon, prostate, côlon, sein.

Si l’on s’attache enfin à analyser les causes des maladies tumorales malignes, on ne saurait mélanger les certitudes et les hypothèses. Chacun sait que les deux principaux toxiques pourvoyeurs en cause restent le tabac et l’alcool, dont la consommation n’a cessé de croître jusqu’à ces derniers mois. On peut également s’interroger avec inquiétude sur le nombre croissant de cas de mélanomes, provoqués par le bon vieux soleil dont les vacanciers sont si friands.
On invoque souvent les facteurs environnementaux dans le développement inquiétant de certaines tumeurs dont les lymphomes. Bien qu’il ne soit pas possible d’éluder la responsabilité potentielle des pesticides, cette hypothèse est loin d’être vérifiée à ce jour. En revanche les arguments sont nombreux pour accuser les facteurs génétiques et les agents infectieux. La liste est longue des microbes impliqués avec certitude dans les prolifération tumorales : papillomavirus, HTLV1, VIH, herpès, Epstein-Barr, hépatites B et C, helicobacter, campylobacter…
Enfin, la médecine elle-même n’est pas innocente. On estime entre 700 et 1000 par an, les cancers causés par les examens radiologiques ! Et nombre de médicaments se sont avérés cancérogènes, parmi les traitements hormonaux ou immunosuppresseurs. Or ces derniers sont de plus en plus souvent utilisés pour soigner les maladies tumorales elles-mêmes, les affections auto-immunes ou encore comme thérapeutiques « anti-rejet » des greffes d’organes.
La prudence doit être naturellement la règle avant de commercialiser de nouveaux produits chimiques. Il est excessif pourtant de prétendre que rien ne soit fait, même si notre pays a du retard par rapport à d’autres. En tout état de cause, accuser comme on le fait souvent avec beaucoup d’a priori, le système « ultra-libéral », ou la collusion de l’Etat et des grands trusts agrochimiques relève du délire obsessionnel et n’est assurément pas très constructif. Les pays ayant fait le choix d’économies planifiées par l’Etat furent par le passé montrés du doigt en raison de leur mépris total de l’environnement. En France, les principaux scandales récents touchant à la santé publique (sang contaminé, hormone de croissance, vache folle) n’ont pas permis de disculper les instances officielles soi-disant indépendantes…

En matière de solution, sauf à refaire la révolution anti-capitaliste, les propositions sont maigres. Le professeur Belpomme, affirme que : « l’agriculture bio doit être soutenue économiquement ». En dehors du charme passéiste des traditions, il n’existe pourtant guère d’arguments plaidant pour la supériorité du « bio », si tant est qu’on puisse lui donner une définition claire. Au contraire, on connaît depuis longtemps le rôle cancérogène de nombreux produits naturels. Parmi les plus connus figurent l’aflatoxine et la patuline, sécrétées par des moisissures telles que les pénicillium et aspergillus contaminant régulièrement les pommes et autres fruits et légumes.
Il y aurait bien une solution pour éviter autant que faire se peut d’employer des pesticides et insecticides, ce serait de recourir aux OGM, mais je crains que pour beaucoup de gens dans notre pays, le remède n’apparaisse pire que le mal ! Pourtant si le choix leur était laissé, il y a fort à parier que les abeilles ne se tromperaient pas…

14 septembre 2007

De la sottise, érigée en art médiatique


L'actualité, par médias interposés, sert régulièrement son lot d'imbéciles magnifiques à l'admiration versatile des foules. Ces derniers temps trois sont sortis brillamment des rangs :
Honneur aux dames, une place de choix revient à Fanny Ardant. Comparer l'actrice à un grand cheval n'est pas très original mais sied bien à son tempérament. Sans aller jusqu'à insinuer qu'elle en a quelque peu le physique, c'est peu de dire qu'elle rue dans les brancards et qu'elle a une certaine propension à hennir à tous crins. Elle vient de se faire remarquer en qualifiant de « héros » le terroriste Renato Curcio, fondateur en Italie des affreuses Brigades Rouges. Peu avare de louanges en la circonstance, elle a même jugé cet épisode sanglant, « captivant et passionnant » ! On atteint là sans nul doute un sommet exquis dans le crétinisme bourgeois. On retrouve en effet, portée au paroxysme, la tendance perverse à encenser les fausses valeurs, et à débiter à la tonne en toute inconséquence, les lieux communs les plus ronflants, qu'on ne peut que regretter sitôt dits.
José Bové continue lui tranquillement en toute impunité, son petit bonhomme de chemin dévastateur, le long des champs d'OGM. Comme les anciens barbares il détruit tout ce qu'il ne connaît pas. Derrière lui l'herbe ne doit pas repousser. Simple principe de précaution... Curieusement les Pouvoirs Publics paraissent bien indulgents vis à vis de ses provocations infantiles. Faiblesse, lâcheté, ou bien conviction qu'il finira par lasser l'opinion publique ?
Last but not least, Dominique de Villepin qui après son Waterloo politique, trouve opportun de sortir un n-ième ouvrage à la gloire de Napoléon.
On pouvait l'entendre il y a quelques jours sur France-Inter, dans son style inimitable fait de clinquantes ampoules et d'onctueuses circonlocutions, comparer à mots couverts Nicolas Sarkozy au Bourgeois Gentilhomme. Il a du culot le bougre. Lui à qui le rôle irait si bien avec ses manières empanachées d'aristocrate d'opérette, attaché à la forme bien plus qu'au fond des choses !
Lui qui du temps qu'il se croyait un vrai destin national, bombait élégamment le torse sous l'oeil complice des photographes, sur la plage de la Baule. Lui qui n'aime rien tant que parler devant les caméras, il prétend aujourd'hui que la communication, « ça isole », et « qu'on s'appartient mieux quand on se promène seul » comme Jean-Jacques, « qu'on lit ou qu'on travaille »... Il oublie le contentement de soi évident qui s'exprimait sur son visage de muscadin lorsqu'il déclamait ses discours racoleurs à l'ONU.
Mais les revers de fortune obligent parfois à des révisions douloureuses et il se console en occultant les rêves du passé. A croire l'ancien premier ministre, en acceptant cette fonction il n'avait qu'un souci en tête : "servir le pays et non ses intérêts". Il n'y avait "aucune rivalité entre lui et Nicolas Sarkozy", et "pas de place pour une ambition présidentielle". Sans blague...
*****
Pour finir sur une réflexion plus collective, au sujet de la réapparition de Ben Laden, il y aurait beaucoup à dire pour qualifier les réactions de la Presse. Tout d'abord sur l'importance démesurée donnée à ce non événement. Le clip horrible mettant en scène cette sinistre arsouille a fait la une des journaux et de leur sites internet comme s'il s'agissait d'une déclaration majeure d'un chef d'Etat. Il est resté plusieurs jours par exemple en page d'accueil du Figaro, bien qu'il n'y ait rien de neuf dans cette litanie insoutenable d'abjections et de vilenies. Rien qu'on ne sache déjà hormis la couleur de la barbe...
Plus grave encore, on entend de ci de là les commentateurs proclamer qu'il s'agit de la preuve de la vitalité d'Al Qaeda, et de l'échec retentissant de la stratégie de George Bush. Air connu mais plutôt lassant. A croire que ces gens souhaitent la pérennité du terrorisme...
Tout de même. Personne ne peut ignorer qu'aucun attentat de s'est reproduit en Amérique depuis 2001 en dépit des menaces incessantes. Chacun a pu constater en Europe même, les progrès enregistrés dans cette lutte depuis quelques années. Grâce à une bonne collaboration internationale et une vigilance de tous les instants, plusieurs tentatives ont été déjouées, dont une très récemment en Allemagne. La menace certes est toujours présente, mais elle semble mieux contenue.
S'agissant enfin de l'Irak, pour la première fois on parle d'amélioration de la situation. La bataille est loin d'être gagnée mais elle n'est sûrement pas perdue et il appartient plus que jamais aux nations libres d'aider ce pays à conquérir durablement la paix et à s'inscrire dans une vraie logique de progrès. On a trop tendance à occulter le fait que plusieurs milliers de jeunes gens ont donné leur vie dans ce but.

05 septembre 2007

Fine and Mellow

Septembre est là avec ses parfums nostalgiques. Soleil incliné, douceur des jours mais moroses perspectives... Le temps idéal pour le Blues.

Avec un DVD consacré à Billie Holiday je me laisse aller à ce tendre et doux désespoir. (Yet now despair is mild disait Shelley...) Sorti à tout petit prix chez Salt Peanuts, il permet de retrouver Lady Day au travers de quelques sessions envoûtantes. De 1950 à 1959, l'année même de sa disparition, le charme opère pleinement derrière ces images en noir et blanc, incertaines mais si évocatrices. Comment résister à cette voix fragile mais indicible qui dit de manière bouleversante la grandeur tragique de l'existence ? Cette manière poignante de transcender humblement le drame du quotidien : If you treat me right, baby I'll stay home everyday If you treat me right baby I'll stay home night and day...

Comment rester insensible à ces mélodies simples qui glissent comme des larmes chaudes, en apaisant pour le coeur et l'esprit, les peines et l'anxiété ? Et comment ne pas fondre devant ces regards empreints d'une grâce aérienne, qui vous interrogent au delà du temps qui s'écoule.

Pas un commentaire superflu, pas une coupure ne viennent interrompre ces instants ensorcelants. L'émotion est là, à l'état pur.

On retrouve notamment cette session magique, rassemblant autour de la chanteuse une pléiade d'artistes et d'amis particulièrement inspirés et attentionnés. Roy Eldridge, Vic Dickenson, Ben Webster, Gerry Mulligan, Coleman Hawkins et naturellement Lester Young. D'elle et de lui, tous deux si torturés par la vie, tous deux si proches et si loin en même temps, Alain Gerber a dit des mots que je ne peux m'empêcher de répéter ici tant ils sont magnifiques et justes : « trop émerveillés d’être ensemble pour ne pas rester des amants chastes, qui n’enlacent que leurs musiques. Qui se moquent des fêlures dans les ciels de faïence . Et qui font des miracles comme on fait des chansons. »

Pour ceux qui voudraient retrouver un peu de la substance de ce jazz intense et languide, je conseille l'écoute d'un disque de Madeleine Peyroux (Careless Love). Cette jeune Américaine a des inflexions qui ne sont pas sans rappeler celles de la Reine dont elle s'inspire manifestement. Très bien accompagnée, elle parvient à faire beaucoup mieux qu'une imitation. C'est donc vrai, le Blues ne meurt jamais.

30 août 2007

Riches heures en Saintonge


On laisse toujours un peu de son âme dans les lieux qu'on visite, en voyage. Lorsque ce dernier s'achève, c'est une sorte d'amertume qui nous étreint. Le sentiment de devoir, pour revenir à la réalité, arracher aux endroits fraîchement quittés, cette partie de soi qui semble vouloir y rester cramponnée.
Il y a quelques jours à peine je me promenais au coeur de la Saintonge. Cette région me séduit à chacun de mes passages et c'est à grand peine que je dois m'en extraire. J'aime son calme et sa tranquillité. Grossièrement traversée par un axe qui va de Saint-Jean d'Angély à Talmont sur la Gironde, elle a son coeur à Saintes. Cette dernière, lovée dans les méandres de la Charente, semble vivre au rythme tranquille des eaux du fleuve, sous le regard impassible de Bernard Palissy, l'enfant du pays qui ne ménagea pas sa peine pour trouver le secret de la faïence émaillée.


En longeant la rive, le soleil estival donne aux amples perspectives un éclat doré délicat, qui rejaillit de la belle pierre blanche des bâtiments. Dans les rues, les maisons cossues et bien proportionnées abritent de jolis magasins et les principaux services publics sont également richement logés. Sur les rives du fleuve de vastes jardins fleuris invitent au repos et à la réflexion. On trouve dans cette cité la trace de son histoire antique : l'Arc dédié à Tibère et Germanicus, ou bien encore les restes du grand amphithéâtre romain. De ce dernier on aperçoit la flèche de l'église Sainte-Eutrope. Elle rappelle la ferveur religieuse de la ville, qui offrit longtemps l'hospitalité aux pèlerins de St-Jacques de Compostelle. Aujourd'hui, les édifices d'inspiration plutôt romane, sont les centres de gravité des principaux quartiers : outre Saint-Eutrope, il y a la cathédrale Saint-Pierre inachevée quoique très retouchée depuis le Moyen-Age, et surtout sur la rive droite, la magnifique Abbaye aux Dames dont la longue façade s'allonge en majesté jusqu'au noble et austère clocher de pierre, bordée par une claire esplanade juste ombragée par quelques grands arbres.
Dans la ville en fin d'après-midi règne une douce chaleur. On dîne dehors sous les mûriers, d'une salade agrémentée de fois gras et de gésiers. On savoure alors in petto les agréments de cette région privilégiée. A l'est les vignobles de Cognac. A l'ouest l'air de la mer, le réseau inextricable des parcs à huîtres, et les vestiges alanguis des lignes de défense contre les Anglais. Brouage notamment, village insolite aux rues pavées, ivres de soleil. Un axe principal traverse la cité comme une arête et se distribue en impasses bornées par les remparts « à la Vauban ». Mais ils ne veillent plus que sur des salines herbeuses à perte de vue.
Au sud c'est l'estuaire de la Gironde. J'aime me rendre à Talmont, ce petit village juché sur la falaise crayeuse, tout entier symbolisé par son adorable église, Sainte-Radegonde.
Au dessus du flux boueux des eaux, au bout de fragiles échafaudages en bois, les carrelets nostalgiques étendent leurs grandes nasses arachnéennes. Talmont est devenue hélas un haut lieu touristique. Les petites ruelles bordées de roses trémières ont vu leurs maisons peu à peu rénovées. Elles sont rutilantes mais de plus en plus livrées au commerce des babioles et des souvenirs. Je crains que ce genre de réhabilitation, pourtant bien intentionnée, ne fasse tôt ou tard, fuir l'esprit des lieux. Mais comment préserver l'existence de tels sites sans en stériliser l'âme ?