27 février 2014

True Blue

Quel choc, cette (re)découverte du Blues dans l’interprétation qu’en donne Archie Shepp ! J’avais dans l’esprit le turbulent défenseur de l'african soul, passé par les glapissements frénétiques du free jazz le plus débridé, et pour le reste, égaré dans d’interminables digressions au groove un peu filandreux. C’était vraiment mal connaître le lascar…
Quelques productions datant des années 90 sur lesquelles je suis tombé par hasard, ont radicalement et définitivement changé mon opinion.

Dans une première session en quatuor, datée de 1992, Black Ballads, il a certes un peu délaissé la fougue des années d’insurrection, mais c’est pour se dévouer plus que jamais à l'expression d'un spleen coruscant, débordant de force et de suavité. Frissons garantis. Sans doute la présence du délicat pianiste Horace Parlan est-elle pour quelque chose dans ce climat d'infinie tendresse qui caractérise l'ensemble des prises. Toujours est-il qu'on baigne ici dans une volupté presque websterienne, ponctuée d'envolées lyriques que le cher et regretté Coltrane n'aurait pas désavouées. On trouve ici quelques belles et nostalgiques compositions personnelles (I Know About Life, Deja Vu) alternant avec de grands classiques qu'on redécouvre sous un jour somptueux (Georgia On My Mind, Embraceable You, Smoke Gets In Your Eyes, How Deep Is The Ocean, Ain't Misbehavin').
Un vrai moment de grâce…


Amoureusement remastérisées en 2012 par Tetsuo Hara pour Venus Records, Blue Ballads et True Ballads datant de 1995 et 1996 confirment l’illumination. Sur des standards éprouvés, il brode ici des mélopées languides, à la beauté extrêmement pénétrante, non dénuées d’un swing débordant de générosité (Blue and Sentimental de Count Basie ou bien les très latinos If I Should Lose You, Nature Boy). De la période free, il reste certes quelques couacs sublimes et savants dérapages dans les aigus, et certains pourront même trouver qu'il abuse un peu du procédé, mais personne ne niera qu'il reprend toujours la situation en main avec brio. Au surplus, il est encadré une fois encore par un pianiste en état de grâce, ici John Hicks, et une excellente section rythmique (George Mrasz à la contrebasse et Idris Muhammad à la batterie). Au sax, le style erratique aux sonorités bien rondes et puissantes de Shepp trouve ici sa plénitude, dans une atmosphère black and blue, idéalement magnifiée par les photos de jaquette empreintes d’une lasciveté troublante. Parfois il se met à chanter, et c'est également profond et très convaincant (More than you know, ou l'extatique Alone Together). De savoureux moments assurément…


Enfin, True Blue, enregistré en 1998 est une vraie apothéose. Totalement investi dans son odyssée musicale, Shepp livre des soli incandescents marquant sans nul doute d’une pierre blanche l’histoire du jazz. Il puise son inspiration de manière très éclectique et on retient particulièrement les lamentations déchirantes inspirées de Coltrane (Lonnie’s lament), le feeling à fleur de peau qui sourd d’un air de Cole Porter (Everytime We Say Goodbye) ou de Lawrence et Altman (All Or Nothing At All), la moelleuse pulsation d’une tendre ballade empruntée à J. Styne (Time After Time), la douce nostalgie d’une chanson de Trénet (Que reste-t-il de nos amours) et l’abandon dans la suavité d’une délicieuse composition de Billy Eckstine (I Want To Talk About You). Tous ces instants qui s’étirent voluptueusement en vous filant d’ineffables frissons sont tout simplement magiques. La formation qui entoure le saxophoniste est idéale. John Hicks s’y révèle plus que jamais un pianiste particulièrement sensible et la section rythmique est parfaitement dans le groove (George Mrasz à la contrebasse, Billy Drummond à la batterie). Un must, superbement mis en valeur par le parfait remixage effectué par les studios japonais Venus.

Le bleu est donc bien la couleur de la vérité. Et lorsqu’elle vient du coeur par le blues, c’est évidemment la plus belle qui soit...


En écoute sous ces liens :
Black Ballads
Blue Ballads 
True Ballads 
True Blue

26 février 2014

Bach est une fête...

La musique de Johann Sebastian Bach (1702-1766) procure une telle joie, une telle béatitude, qu'elle conduit nécessairement à un moment où un autre, l'esprit vers un abîme de perplexité.

Lorsqu’on a la chance d’être un tant soit peu initié aux bienfaits de cette “offrande musicale”, il est bien difficile d'imaginer en effet la vie sans elle, et on perçoit alors l'indicible vertige de l'inconnu sous-tendu par cette fragile mais irréfragable présence.

Elle est assurément une réalité pleine de splendeur pour ceux qui en jouissent, mais combien d'âmes n'ont pu ou ne peuvent profiter de ce trésor ? Et pour un Bach s'exprimant dans ce monde sublunaire, combien d'autres sont restés dans les limbes éthérés ?

Le raisonnement mathématique donne une idée de l'infini côtoyant sans cesse l’univers perceptible. Il est toujours au moins un nombre, et sans doute une multitude, au dessus du dernier qu'on puisse concevoir. Et dans tout système de logique formelle affirmait Gödel, il existe toujours au moins une proposition indécidable.
Dans le Monde, serait-on tenter de penser, il y a toujours au moins une porte donnant sur l’Incommensurable, grande ouverte, mais impossible à franchir...
Il est donc imaginable qu'au dessus de ces sommets artistiques en apparence insurpassables, résident des merveilles encore plus inouïes… La musique est peut-être une sorte de seuil au bord de l’éternité.
En attendant de pouvoir apporter quelque réponse tangible à ces mystères, une chose est sûre : Bach ne cessera d’enchanter la vie intérieure de ceux qui lui prêteront une oreille attentive…


Le DVD permet de profiter pleinement de cette magie, dans des interprétations exceptionnelles. Quelques réalisations remarquables donnent la mesure de l’inspiration qui anima l’immortel Cantor de Leipzig.

Les variations Goldberg constituent l'un des sommets de cette oeuvre prodigieuse. Il est difficile même de trouver les mots pour qualifier toute la fulgurance de ces 30 petites variations enchâssées dans un double aria. Ce mystère qui fait qu'on est plongé dans une extase unique dès les premières notes, et ce jusqu'à la fin. Ce mystère qui fait que l'effet se reproduit sans aucune usure ni lassitude au fil des écoutes successives, tant il y a dans cette musique, de beauté, d'équilibre, de simplicité et de complexité mélodique tout à la fois. Les variations Goldberg ont donné lieu à tellement d'interprétations qu'on pourrait imaginer qu'il n'y a plus vraiment la place pour une nouvelle. Pourtant chacune a sa légitimité assurément, et il n'est pas rare qu'un même artiste ressente le besoin d'en enregistrer plusieurs versions. Ce fut le cas de Glenn Gould dont le nom reste indéfectiblement attaché à la transcription pour piano qu'il fit des ces oeuvres.
Il est indéniable que le passage du clavecin au piano permit d'ouvrir des perspectives inespérées à cet inoxydable trésor. L'instrument, très bricolé de Gould avait une sonorité mate, parfois un peu métallique, évoquant les premiers piano-forte. Il sublima ce manque d'ampleur par ses célèbres vocalises en arrière plan. Sa version la plus aboutie, réalisée à la fin de sa vie, filmée en 1981 par Bruno Monsaingeon, reste un repère incontournable. En resserrant son jeu sur l'essentiel, le dépouillant d'artifices et de fioritures, et avec un remarquable esprit de synthèse, il conféra à l'oeuvre une puissante unité, une homogénéité extraordinaire. Il est quasi impossible d'interrompre l'écoute une fois commencée.


Pareillement, il faut se laisser saisir par l'Allemande qui débute la première des six suites qui n'ont de françaises que le nom... C'est à un doux ravissement, ininterrompu, qu'elle invite le mélomane.
Jouées en public, quasi sans reprendre haleine, par Andras Schiff, ces mélodies, à la fois simples et pénétrantes forment un continuum merveilleux.
La présentation est pourtant austère et les amateurs de jeux de scène en seront pour leurs frais assurément. L'artiste est vêtu à la manière d'un clergyman, et à part les mains dansant avec grâce sur le clavier, le spectacle est inexistant. Il faut même fermer les yeux pour goûter pleinement la saveur indicible de ces mélodies. Pourquoi donc avoir les images me direz-vous ? Sans doute parce qu'elles témoignent de la réalité de ce concert (pourquoi le public s'est-il déplacé, puisqu'il est assis douloureusement sur des bancs de bois, et qu'il n'a même pas le privilège de voir les mains du pianiste ?)
Sans doute aussi parce qu'il y a un supplément d'âme dans une interprétation vivante, dénuée de tout artifice technique. Et pourquoi s'en priver, sachant que rien n'empêche de s'en passer ?


Splendide idée, à l'inverse, que de proposer l'interprétation du colossal chef d'oeuvre musical intitulé Clavier bien tempéré, par quatre musiciens différents ! Deux livres de 24 préludes et fugues, il faut dire que le sujet, par son ampleur monumentale, s'y prêtait.
Ils sont magnifiquement enregistrés et filmés dans des conditions très originales : celles du direct mais sans public, chaque artiste étant au piano dans un décor unique et à la fois changeant. Pour Andrei Gavrilov ce sont les lignes épurées et l'austère dépouillement des salles de la New Art Gallery à Walsall. Pour Joanna McGregor c'est l'étrangeté baroque du palais Güell de Barcelone. Nikolai Demidenko évolue quant à lui dans le cadre somptueux du Palazzo Labia à Venise. Angela Hewitt enfin, joue derrière les murailles médiévales du château Warburg d'Eisenach.
Que retenir de cette expérience ? Des sensations merveilleuses, car il règne au long de ces deux DVD un climat empreint d'une sérénité extatique et l'impression d'une grande homogénéité, en dépit de l'alternance voulue dans l'interprétation aussi bien que dans le choix des lieux. Les prises de vues sont absolument magnifiques et plutôt que d'assister à un spectacle statique devant une assistance recueillie, on apprécie cette promenade intimiste, ravissant les yeux autant que les oreilles. S'agissant de ces dernières, disons en quelques mots, qu'elles apprécient la plénitude fluide du jeu de Gavrilov, la puissance retenue et l'élégance de celui de Demidenko, la saveur fruitée, et la grâce mutine caractérisant le phrasé d'Angela Hewitt, la technique éblouissante et le souci d'authenticité de Joanna McGregor.
On dit que ces œuvres se situent à un niveau si haut, qu'elles découragèrent tous les musiciens qui vinrent après Bach de s'attaquer au genre contrapuntique. Il est vrai qu'on se demande ce qu'on pourrait encore ajouter. Plus on écoute cette musique, plus on en perçoit l'inépuisable richesse. Et bien sûr plus on comprend le supplément d'âme indicible qui fait que Bach est aussi essentiel à l'expression musicale que l'air et l'eau le sont à la vie…


Avec ses manières de sale gosse, Le jeune pianiste à la mèche rebelle David Fray a de quoi en énerver a priori plus d’un. Mais lorsqu’il s’installe au piano, il faut bien reconnaître qu’il émane de lui quelque chose d’autre qu’une simple allure. A-t-il pour autant l’envergure d’un Glenn Gould qui fut lui aussi, en dépit d’un immense talent, un tantinet cabotin ? C’est une question finalement accessoire, si l’on admet prendre du plaisir à entendre les concertos BWV 1055, 1056 et 1058, joués par ces doigts juvéniles.
Or le charme opère. Au clavier, le toucher s’avère gracieux, subtil et original, et l’artiste montre qu’il sait s’élever beaucoup plus haut que son instrument. Grâce à la caméra décidément inspirée, de Bruno Monsaingeon, qui sait se faire petite souris durant les répétitions, on mesure la capacité du sémillant maestro à concevoir ces fabuleux concertos comme des ensembles cohérents où l’orchestre n’est pas seulement le faire valoir du piano, mais le partenaire à part entière d’un dialogue équilibré (sublime adagio tout en délicats pizzicati du BWV 1056, durant lequel l'artiste et le Deutsche Kammerphilharmonie Bremen qui l'accompagne, semblent littéralement en apesanteur...). Au surplus, on perçoit comment il est possible de trouver dans ces mélodies rebattues, la possibilité de renouveler les phrasés, pour leur garder leur merveilleuse intemporalité… Plus que jamais, Bach est une fête !

Et pour achever ce parcours initiatique, comment ne pas revenir encore et toujours aux Variations Goldberg, dans la transcription pour trio à cordes, violon, alto et violoncelle, qu’en fit Dimitri Sitkovetsky. Interprétée par l’ensemble ZilliacusPerssonRaitinen, elle est d’une pureté formelle quasi absolue, sublimant les voix dont le chant s’élève sans retenue. On rejoint par anticipation, l’émotion suscitée par les plus bouleversants instants des derniers quatuors de Beethoven. Comment JS Bach parvint-il à partir des sonorités grêles et stridulantes du clavecin, à exprimer tant de grâce, tant d’universalité, et tant d’éternité, voilà sans doute une des questions les plus troublantes qui soient en matière artistique...

Pour y goûter un peu :
Concerto BWV 1055 (David Fray)
Goldberg Variations (Glenn Gould)

14 février 2014

L'égalitarisme entre doctrine et duplicité


Le porte-à-faux intellectuel qui fragilise tôt ou tard toute pensée dite “de gauche”, se manifeste de manière particulièrement palpable par les temps qui courent.
Faute de pouvoir poursuivre le raisonnement jusqu’au bout de sa logique destructrice, comme au temps du communisme, le décalage entre l’idéologie et la réalité contraint les soi-disant progressistes  à réviser sans cesse leurs positions.
Ils se livrent à des contorsions de langage confinant parfois carrément au comique, pour masquer leurs reculades ou bien dissimuler les restes peu avouables du catéchisme auxquels ils se raccrochent encore. Mais parfois, sous leurs pieds la faille s’élargit tellement qu’elle les conduit au grand écart dont ils ne se sortent qu’au prix de mensonges éhontés.


En matière économique, les atermoiements et renoncements du Président de la République sont risibles. Autant ses charges contre la Finance Internationale et sa vindicte à l’encontre des Riches sonnaient faux comme du toc, sauf pour des gogos décérébrés par une haine primaire du capitalisme, autant son prétendu virage social-démocrate ne peut convaincre que les sots ou les amateurs de couleuvres (il semble au vu des sondages, qu’ils soient finalement assez peu nombreux...).

Dire tout et son contraire, voilà certes un travers assez partagé au sein de la classe politique, mais dans le genre palinodique, il faut bien reconnaître que les Socialistes ont porté la technique à un paroxysme.
A propos de la fumeuse “théorie du genre”, qui agite les esprits, et de sa déclinaison bouffonne sous la forme des “ABCD de l’égalité”, combien de sottises, de contrevérités et de propos de mauvaise foi peut-on entendre de la bouche des satrapes qui tiennent les ficelles du pouvoir !
Puisque leurs intentions sont facilement déchiffrables par tout un chacun, et pour imbéciles qu’elles puissent paraître, ils pourraient au moins avoir le courage de les défendre. Au lieu de ça on a droit de leur part à un festival de faux semblants assez indignes.

Pour preuve, Manuel Valls, ci-devant ministre de l’intérieur, a sombré dans l’idiotie pure, en assimilant
la “manif pour tous” du dimanche 2 février, avant même qu’elle ne se déroule, aux “forces sombres de la division”, allant jusqu’à accuser ses participants “de faire régner un climat comparable à celui des années 30” et à promettre "une très grande sévérité" de la part des forces de police.
Mais la championne grinçante de cet art de la dissimulation et de l’amalgame, est la ministre “des droits des femmes”, Najat Belkacem. Affichant un sourire carnassier, elle fusille systématiquement d’un regard noir, assassin, toute personne osant s’élever contre les dogmes sur lesquels elle veille, comme une louve, sur ses petits. On a pu la voir lors d’une récente émission télévisée, à propos de l’infâme bouillon idéologique égalitaire concocté dans le grand chaudron de l’Education Nationale, ne pas hésiter à nier l’évidence. A la manière d’une mécanique sinistre et sans âme, elle n’eut de cesse de reprocher à ses contradicteurs, tantôt de propager des rumeurs, tantôt de se poser en adversaires du louable dessein tendant à instaurer l’égalité hommes-femmes.
Son registre est limité mais parfaitement maîtrisé. Quelque soit la force de l’argument qu’on lui oppose, telle une apparatchik disciplinée, jamais elle ne dévie d’une ligne dialectique aussi simple que fallacieuse, au risque de faire injure à son intelligence, qu’elle a pourtant vive. Enfermer son esprit dans un tel carcan, si jeune, c’est atroce et si vain...

Ces gens espèrent-ils par ces stratagèmes médiocres, pouvoir encore longtemps mystifier l’opinion publique ? Hélas, même si les cotes de popularité s’effondrent, si le rideau mité du Socialisme se déchire de part en part, si les illusions se dissipent, on sait trop que la crédulité se nourrit des mensonges et de la duplicité… Jusqu’à quand ?

09 février 2014

L'ère de l'art laid

Éternellement sans doute on s'interrogera sur la nature de la chose artistique. Mais, plus que jamais, le trouble est dans les esprits. Les sentiments extatiques qu'on peut éprouver en regardant un tableau de Rembrandt, en écoutant la musique que Bach ou en lisant une poésie de Baudelaire, n'ont pas grand chose à voir sans doute avec ceux que suggèrent nombre d'oeuvres d'art modernes.

Un nouvel exemple en est donné depuis quelques jours, avec la polémique née de l'installation d'une bizarre statue du sculpteur Tony Matelli dans le parc du prestigieux Wellesley College (Massachusetts). Bizarre en ceci qu'elle représente de manière hyperréaliste mais on ne peut plus triviale, un homme errant comme un somnambule dans la neige, avec pour seul vêtement, un slip informe. Les bras mollement tendus en avant, le visage livide, les yeux a demi clos et la bouche entrouverte, ce personnage sans âme, sans âge, et sans expression semble sorti d'un mauvais film d'horreur.

Censé promouvoir l'exposition dudit sculpteur dans les locaux de l'université (exclusivement féminine soit dit en passant...), cet individu égaré ne déclenche pas vraiment la sympathie des étudiantes puisqu'elles sont à ce jour plusieurs centaines à avoir demandé son retrait au motif qu'il serait « source d'appréhension, d'effroi, susceptible de raviver des souvenirs traumatiques d'agressions sexuelles chez certains membres de la communauté. »

En réponse à cette réprobation, le président de l’université et le directeur du musée ont fait une réponse délicieusement académique, affirmant notamment que «les meilleures œuvres d’art ont le pouvoir de stimuler des émotions profondes et de provoquer de nouvelles idées, cette statue ne faisant pas exception», avant de se réjouir qu’elle ait déclenché «une conversation passionnée sur l’art, le genre, la sexualité et l’expérience individuelle, à la fois sur le campus et les réseaux sociaux.» L'artiste quant à lui, probablement ravi in petto du petit effet produit, a fait mine de tomber des nues : «Je n'ai absolument pas voulu choquer quiconque...»

Chacun est juge naturellement, mais je suis prêt à parier qu'avec le recul du temps, « l'émotion profonde » provoquée par les œuvres de Matelli sera bien peu de chose face à celle éternelle qu'on éprouve en admirant les statues de Praxitèle, de Michel-Ange ou Rodin. Baudelaire s'attachait à transcender la laideur du monde pour en faire surgir la beauté. Rien de cela ici. Juste une laideur atrocement banale...

30 janvier 2014

Décidément, le Socialisme, ça ne marche pas...

"Le Socialisme, ça ne marche pas". Certains se souviennent peut-être de cette phrase émanant de la bouche de l’ancien président de la république Valéry Giscard d’Estaing.
Dite sans doute au moment de l’élection de 1981, force est de reconnaître qu'elle n’a pas vraiment convaincu les Français de l’époque !
Il faut dire que le septennat qui s’achevait n’était guère enthousiasmant. Commencé sous le vibrant pavillon de la "société libérale avancée", il tourna vite en eau de boudin à force de vouloir "gouverner la France au centre".
Résultat on vit surtout se pérenniser le dirigisme étatique, et la prolifération des impôts, contrebalancés par quelques réformes sociales à teneur "progressiste".
Hormis la disparition de l'incroyable ministère de l'information, l'étatisme régnait, c'est un fait. Quand on songe qu’il fallut attendre 1978 pour voir enfin la libération du prix du pain ! S’agissant de la fiscalité, c'est peu dire qu'elle fut alourdie. Ce fut un festival tous azimuts, sur les revenus, sur le pétrole,
et pour finir, sur la consommation, avec l’extension du domaine de la TVA…
En définitive cette politique s'accompagna d'une baisse de la croissance, tandis que les dépenses publiques s'accroissaient, et qu'apparaissaient les déficits et l'endettement publics. Le chômage quant à lui fut multipli
é par 2, touchant près de 1.5 millions de personnes en 1981. 
Il faut naturellement préciser que François Mitterrand, élu lui, carrément sur le thème des recettes socialistes, fit mieux encore, puisqu’il doubla à nouveau le nombre de demandeurs d'emplois en moins de 3 ans, tout en donnant libre cours aux dépenses, provoquant  par là même une hausse exponentielle de la dette…

A peine 2 ans après l’élection de François Hollande l’échec de ce type de stratégie est à nouveau patent. Lui qui se vantait il y a quelques mois encore d’être un “président socialiste” collectionne les bides et les fiascos.
L’échec de sa politique est avant tout économique : ni inversion de la courbe du chômage, ni même stabilisation comme il tente encore de le faire croire (+ 5,7% en un an et 10.000 demandeurs d’emplois supplémentaires, rien que pour décembre !), ni réduction du déficit budgétaire, qui caracole largement au dessus des critères de Maastricht, à plus de 4%, ni réduction de l’endettement colossal du pays qui approche les 100% du PIB. Le tout, malgré un feu roulant de nouveaux impôts, taxes et prélèvements obligatoires !
Le "redressement productif", bien loin de ses mirobolants objectifs, en est réduit à sauver quelques emplois de la débâcle infernale des plans sociaux qui se succèdent depuis quelques mois.
S'agissant de la croissance, il continue de l'appeler de ses voeux stériles, imaginant sans doute qu'elle puisse tomber du ciel comme la pluie (il est vrai que pour la venue de cette dernière, il semble avoir un certain talent...).  Hélas la progression du PIB reste dans notre pays anémique, une des plus basses des grands pays d’Europe, et pour cause : tout est fait pour bloquer son redémarrage... 

Or non seulement François Hollande ne peut plus invoquer la responsabilité de ses prédécesseurs, mais il n'a plus d'argument portant sur la crise internationale, la France se singularisant désormais par ses mauvais résultats ! Il en porte donc désormais seul tout le poids...

L’échec est également flagrant au plan sociétal : la promulgation forcenée d’une flopée de lois égalitaires à la noix, d’annonces contradictoires ou calamiteuses en matière de justice et de sécurité, ont aggravé la fameuse “fracture sociale” évoquée autrefois par Jacques Chirac. La délinquance flambe (17% d'augmentation en un an, rien que pour les cambriolages de résidences secondaires). On assiste parallèlement à une montée vertigineuse de l'intolérance, et de l'anti-sémitisme. La manifestation controversée du 22 janvier “Jour de colère” illustre la cristallisation spontanée des multiples mécontentements populaires que sa politique est en train de provoquer.
Confronté à cette montée des périls, le gouvernement essaie de masquer son impuissance par une surenchère de projets de lois insanes, et manifeste un autoritarisme déplacé, qui rogne de plus en plus la liberté d’expression.
Dans ce tourbillon désolant, l’éducation, livrée à la tutelle d’un doctrinaire de la révolution, qui se croit toujours en 1789, est en train de s'abîmer dans la médiocrité générale. La dégringolade de la France dans toutes les comparaisons internationales s'accélère, au point que le déclin semble de plus en plus irréversible. Puisqu'il n'est plus question d'enseignement, on s'écharpe à coups de succédanés idéologiques. Une phrase stupide d'une élue PS, aux relents formolés de marxisme-léninisme, affirmant que "les enfants n'appartiennent pas à leurs parents" déclenche une tempête médiatique, et on  gonfle les parents et leur progéniture avec une ubuesque "théorie du genre" encore appelée "ABCD de l'égalité", prônant l'uniformisation générale des individus...

Echec en matière de politique internationale enfin, car il faut bien constater l’absence de stature du chef de l’Etat, qu’on traite au mieux avec indifférence, et au pire dont on se gausse d’un bout à l’autre de la planète.
Ses interventions militaires relèvent de l’aventure. On ne sait pas grand chose de ce qui se passe vraiment au Mali, tandis qu'en Centrafrique, les violences se déchainent sous les yeux des quelques malheureux soldats envoyés là bas, sans but précis et sans appui significatif de la communauté internationale.

A côté de ce bilan piteux, on a droit à toutes sortes d’échos peu ragoûtants concernant l’entourage de membres éminents du gouvernement, et se rapportant à des faits de favoritisme voire de sordide délinquance. Pour des gens qui se répandent en leçons de vertu, au nom de leur chère doctrine socialiste, ça fait un peu désordre ! Quant au Président lui-même, on ne peut pas vraiment dire qu’il donne par sa vie sentimentale, le contre exemple de son incurie politique, puisqu'il étale au grand jour frivolité, désinvolture et muflerie !
Pourtant, avec son air envers et contre tout jovial, il continue imperturbablement de palabrer. Il annonce, à la stupéfaction largement feinte de ses coreligionnaires, qu’il n’est désormais plus vraiment socialiste, mais social-démocrate, tout en reconnaissant avec un large sourire, que ses promesses n'étaient que du flan. A quand l’aveu d’échec de son orientation politique ? Ça donnerait tout son sens à la citation giscardienne prise dans son intégralité : “Le socialisme, ça ne marche pas, mais seuls les socialistes peuvent le prouver…”

23 janvier 2014

Lueurs libérales

Dans la désespérante médiocrité du débat politique en France, qui végète dans les poncifs, les raccourcis caricaturaux, et les tabous idéologiques les plus archaïques, les amoureux de la démocratie et de la liberté guettent avec patience toute nouveauté susceptible de poindre à l’horizon.


C’est peu dire que l’espoir est ténu, tant l’esprit français semble à mille lieues du libéralisme. Première valeur du fameux triptyque républicain, et essentielle, puisque toutes les autres lui sont conditionnées, la Liberté ne semble pas passionner grand monde.
Pire, la France dont nombre de penseurs ont pourtant porté très haut au plan conceptuel les idées libérales, n'a pour ainsi dire jamais bénéficié de leur application pratique. Elles furent parfois instillées à doses homéopathiques et à certains moments même un peu plus, pour sauver de la ruine les théories socialisantes. Mais personne n'osa s'en réclamer clairement.

Il faut remonter à Turgot pour trouver un homme d'Etat épris de libéralisme. Celui-ci, qui aurait sans doute évité à la France bien des mésaventures, a malheureusement été très largement incompris par ses contemporains, au point que Louis XVI dut le révoquer en 1776, ironie de l'histoire, au moment précis où la Liberté trouvait sa terre d’élection en Amérique !
Depuis, en France, quasi personne n'a repris le flambeau… On connut des révolutions, des coups d'état, des empires, des retours de royauté, et une ribambelle de républiques, mais de régime libéral, point...


De nos jours, Alain Madelin tenta bien de faire renaître de ses cendres ces idées progressistes dans toute l’acception du terme. Hélas, il se heurta à un mur d’intolérance et de sectarisme. Il se retira de la vie politique, laissant en déshérence son parti “Démocratie Libérale”, après avoir essuyé un revers électoral cuisant lors de l’élection présidentielle de 2002, où il n’atteignit même pas la barre des 5% au premier tour. On se souvient que Jacques Chirac fut élu avec près de 83% des suffrages, à la grande honte d’un pays décidément en froid avec les règles démocratiques !

Depuis, on compta quelques initiatives sympathiques, mais tournant à peu près toutes au fiasco. Ainsi Alternative Libérale créée en 2006 par Edouard Fillias ne décolla jamais vraiment et ne put même pas présenter son candidat en 2007, faute d’avoir recueilli les 500 signatures requises. Il se rangea piteusement derrière François Bayrou, avant de fusionner en 2011 avec le Nouveau Centre d’Hervé Morin...
Le Parti Libéral Démocrate sorti des ruines d’Alternative Libérale ne fit pas mieux et soutint Bayrou en 2012 au premier tour de l’élection présidentielle (lequel se désista pour Hollande...), avant de se fondre dans l’UDI en 2013….


Sauf à sombrer dans le désespoir le plus noir, lorsqu'on est épris de liberté, on se raccroche à toute lueur dans ce tunnel politique infâme qui asphyxie le pays depuis si longtemps !
C'est dire l'intérêt avec lequel on peut considérer l'initiative audacieuse d'un entrepreneur un peu fou, Denis Payre. Après avoir été à l’origine de quelques belles réussites commerciales ayant rapidement acquis une envergure internationale (Business Objects, Kiala…), il s’attaque hardiment aux problèmes de notre société, en fondant un mouvement baptisé “Nous Citoyens”.

Sans cacher ses ambitions politiques, ce qui n’est pour l’heure qu’une association, aspire avant tout à donner le rayonnement qu’elles méritent à des idées fondées sur le bon sens et le pragmatisme. Les chantiers ne manquent pas : Vie Politique, Economie, Education, Santé, Logement, Europe, Environnement, lutte contre l’exclusion… Tous ces domaines où malgré son omniprésence, l’Etat se révèle de plus en plus dépassé, et incapable d’apporter de réelles solutions.
Parmi les tares qui sont dénoncées et auxquelles il est urgent de s’attaquer figurent une dépense publique hors de contrôle, une fiscalité confiscatoire, un chômage de masse désolant.

Tout se tient dans ce tourbillon qui tourne à la manière d’un cercle vicieux.
Pour le rompre, ce sera sans nul doute difficile et probablement douloureux tant il y aura de principes à remettre en cause, tant il sera problématique de désamorcer l’idéologie dominante de l’Etat-Providence. Chacun est invité à proposer son opinion dans cette démarche participative originale. C’est peut-être l’amorce d’un vrai débat, sans tabou. Une bouffée de liberté et une perspective de responsabilité citoyenne. Qui sait ?

17 janvier 2014

Replâtrage social-démocrate

Or donc, François Hollande aurait effectué son « virage idéologique » (dixit Le Monde). De « Socialiste », il serait devenu « Social-Démocrate » !
Le pire est qu'au terme d'une éprouvante conférence de presse de deux heures trente, devant un parterre de journalistes sous contrôle, il semblerait avoir convaincu la quasi totalité des observateurs qui saluaient cet audacieux revirement. Extraordinaire naïveté ou bien incurable idiotie de la part de ces pseudo-experts confits en politique ?
C'est bien là la question...
Grande indulgence en tout cas vis à vis de celui qui, par ses escapades amoureuses grotesques, affichait la veille encore, toute son inconséquence, et une frivolité stupéfiante. “Moi président de la République” disait-il, “je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire.” Tu parles !
Sauf lorsqu'il se révolte, le peuple n’est vraiment pas très exigeant…
En l'occurrence, comment faire encore confiance à cet homme qui n'a eu de cesse de dire tout et son contraire ? Quand faut-il le croire ? Lorsqu'il déclare, en faisant vibrer ses bajoues bourgeoises, « ne pas aimer les riches », et affirmer que « la Finance Internationale » est son seul vrai ennemi, ou bien lorsqu'il se prétend avec un sourire mielleux « l'ami des entreprises et du commerce » et qu'il leur propose, trop poli pour être honnête, d'alléger soudainement les charges qu'il s'était fait un devoir d'alourdir sur leur dos ?
Faut-il être né de la dernière pluie pour croire à ce « pacte de responsabilité » plus flou que Londres dans le fog. Faut-il être niais pour avaler le « choc de simplification » alors que se profilent déjà à l'horizon de nouveaux rouages du monstre bureaucratique : « Observatoire des Contreparties », « Conseil Stratégique de la Dépense Publique... »
Le fait est que pour l'heure, le coquin a pris tout le monde de court : les entreprises font semblant de se rallier, les adversaires politiques sur sa droite sont stupéfaits. Comme des nigauds pusillanimes, ils ne savent trop quelle position adopter. Sur sa gauche, certains se sentent sans doute un peu les dindons de la farce, mais qu'importe, ils ont tellement l'habitude de devoir avaler des couleuvres qu'ils le font d'autant mieux si un peu de tonique libéral est versé dans leur vinaigre socialiste ! Mélenchon gueule pour le principe. Mais le désert de l'indifférence s'agrandit autour de lui. D'autres expriment une inquiétude plus ou moins feinte : Benoît Hamon a demandé à s'entretenir avec le Président ! Quant au sémillant Montebourg enfin, il enfourche une fois encore son canasson et monte à la charge : il réclame en échange des nouvelles promesses, rien moins que la création de 2 millions d'emplois au MEDEF ! (Le Figaro)
Moralité : La France est vraiment un pays extraordinaire : les politiciens de droite dite "libérale" n'ont de cesse de critiquer le libéralisme lorsqu'ils parviennent au pouvoir (cf les diatribes virulentes de Chirac le comparant au communisme, et les discours enflammés de Sarkozy contre "le capitalisme international"). Ceux de gauche font l'inverse.
Tout ça témoigne surtout d'un manque de conviction déplorable et n'aboutit en définitive, qu'à maintenir le pays dans ce marécage étrange qu'on appelle social-démocratie, où pour empêcher le char de l'Etat de s’abîmer dans le pétrin, on appuie en même temps sur le frein et l'accélérateur...
Un commentateur étranger (Stefan De Vries de RTL Nieuws) a trouvé le mot juste en s'exclamant à propos de ce show, que "le seul moment fort fut lorsque le Président annonça que la conférence de presse était terminée..."

Illustration : Dupinade, eau-forte, anonyme 1830

12 janvier 2014

Comédie républicaine


Ainsi la France, qui tel un vieux rafiot sinistré prend l'eau de toutes parts, la France sous ses airs de vieille cocotte fardée et enfarinée, se paie encore (et à crédit) le luxe d'offrir en spectacle avec une délectation morbide, ses turpitudes et malfaisances au monde entier ! Le stuc des moulures allégoriques et les dorures repeintes des palais de la République craquent sous l'immondice. Tout le monde voit cette dernière ronger les derniers pans de nos institutions délabrées, sauf nous !

Ces dernières semaines ont été une forme d'apothéose dans le genre. Le chef de l'Etat, non content sans doute de sa politique sans queue ni tête, qui produit les résultats accablants que chacun connaît, préfère avec une frivolité puérile, courir les jupons ! Son intervention, un temps cachée, de la prostate, ne l'empêche manifestement pas d'user de sa fonction, si je puis dire, pour séduire les donzelles. La rumeur prétend qu'il s'agirait peut-être d'un programme sur mesure, de rééducation périnéale...

Passons sur ces incartades que les tenants de l'esprit gaulois pardonnent depuis belle lurette à leurs dirigeants, supposés pourtant les représenter. Secrets d'alcôves, cachotteries amoureuses, don-juanisme d'arrière cuisine, tout cela est si excitant, quand au même moment le pays sombre, entraînant peu à peu dans la misère un nombre grandissant de malheureux !

A côté de ces babioles, il y a plus sérieux.
Au pays de la Liberté-Égalité-Fraternité, le règne des censeurs est de retour ! Avec à la tête de ces derniers, le ministre de l'intérieur en personne. Cheveux aussi raides que la justice, sourcils droits comme des épées, menton en galoche et torse bombé sous son imperméable étriqué, c'est à lui désormais qu'il revient de décréter ce qui est bon pour nos oreilles de citoyens imbéciles.
Toute allusion publique aux tabous de l'époque est interdite qu'on se le dise, c'est sa loi. Et pour cette occasion, il montre une efficacité stupéfiante ! Je n'avais pas souvenir qu'on puisse décongeler l'appareil judiciaire, des juges jusqu'au Conseil d'Etat, aussi vite !

Le plus étrange en la circonstance, est qu'on mette autant de zèle à empêcher de s'exprimer une idéologie cousine de celle même revendiquée haut et fort par nos dirigeants. Le National-Socialisme ne dit-il pas clairement qui sont ses ascendants ?

Là est le vrai problème. Le Socialisme tout court est la pire calamité que l'humanité ait engendrée. Le verdict de l'Histoire est absolument implacable. Après tous ses méfaits horribles (commis au nom du bien, ce qui est un facteur aggravant), il devrait être banni entièrement et définitivement des esprits.
Pourtant, de manière incompréhensible, tout un pan de cette idéologie maléfique est resté vivace, et pire, a encore pignon sur rue ! Tandis que le nazisme a fort heureusement fait l'objet d'une éradication impitoyable, il y a plus de 60 ans, le socialisme qui l'engendra, entre autres catastrophes, continue en toute impunité d'étendre ses horribles étendards rouge sang. Le Chef de l'Etat lui-même n'a aucune honte à s'en réclamer !
Même s'il est habitué à dire tout et son contraire, la bienséance élémentaire devrait lui rappeler qu'en prononçant ce mot de socialisme, c'est un peu comme s'il posait son postérieur rebondi sur 100 millions de morts (au bas mot).


Aujourd'hui le paradoxe est tel qu'en faisant semblant d'adresser des louanges à Hitler vous risquez la prison, tandis que vous pouvez chanter en toute sincérité et sur tous les tons celles de Staline et de Mao, ou faire passer pour de l'humour subtil, le fait d'entonner l'Internationale comme l'aristocrate Jean D'Ormesson ! 
Vous pouvez aussi bien pisser sur le Christ ou déféquer sur les autels, cela ne vous vaudra pas pire punition que l'indifférence, et peut-être au mieux, de toucher quelques subventions de l'Etat, au nom de la protection de la chose artistique. Avec un peu de chance cela vous procurera même, avec la complaisance des médias, une célébrité illusoire et très éphémère !
Tout cela est parfaitement inepte et donne la mesure de la débilité dans laquelle est plongée notre médiocre démocratie. Force est de constater que nous ne sommes pas dans une société responsable (l'avons-nous été un jour?). L'Etat accroît de jour en jour son emprise. Désormais, il revendique en plus de toutes ses attributions, celle de police de la pensée. A quand le retour du ministère de l'Information, et la nationalisation des médias et de l'internet ?

Évidemment, si l'on pouvait interdire à tous les crétins de parler, quelle tranquillité pour les grands esprits. Quel ennui aussi, puisqu'il n'y aurait plus de controverse...

08 janvier 2014

La République est en danger !

La France, en dépit de ses atouts, continue donc de s'enfoncer tandis que la quasi totalité des nations de l'OCDE sont en train de sortir de la crise. A qui la faute ?
Devinez...

Comme cela devient difficile, près de 2 ans après le "changement" promis, de coller les responsabilités sur le dos de son prédécesseur le président de la république a recours à tous les artifices, plus spécieux ou hasardeux les uns que les autres.

L'enfumage tout d'abord, qui essaie de faire prendre des vessies pour des lanternes en affirmant à la manière du docteur Coué que l'inversion de la courbe du chômage est là. Aucune chance que cela se produise puisqu'il a tout fait pour serrer les freins de la croissance et bloquer toute velléité entrepreneuriale ! N'empêche, cela occupe les médias et les observateurs sans imagination. Comme dans le désert des tartares, ils scrutent un horizon désespérément morne et figé, dans l'attente de ce qui ne viendra jamais...

Autre tactique tout aussi miteuse : donner l'illusion d'un changement de politique. Le fameux virage libéral que certains ont cru entrevoir au milieu des annonces vagues faites lors des soporifiques voeux élyséens. Le chef de l'Etat a reconnu que les impôts étaient "trop lourds" et osa soutenir que l'Etat est lui-même "trop lourd, trop lent, trop cher" ! La belle affaire, après avoir chanté sous tous les airs les louanges de l'Etat-Providence, et au moment même où il augmente encore la pression fiscale via la TVA ! Y a-t-il des gens assez crédules pour accorder encore quelque crédit à ces fariboles ?
Sans doute assez peu...

Du coup, pour tenter de faire oublier ou au moins de distraire l'opinion publique de sa politique aussi désastreuse qu'erratique, le gouvernement allume des contre-feux sociaux un peu partout.
On a vu les lois ineptes ou les annonces provocatrices donnant l'illusion que la gauche reste "progressiste", au risque d’aggraver les clivages d’une société à bout de souffle (mariage homosexuel, accès facilité à l'IVG, projets et rapports plus ou moins délirants concernant l'euthanasie, le droit de vote aux étrangers et aux mineurs, l'intégration des immigrés...).

Aujourd'hui, c'est le chiffon rouge du racisme et de l'anti-sémitisme qu'on agite frénétiquement, en lui donnant une perspective effrayante. Selon les nouveaux prophètes de malheur, c'est la République même qui serait en danger ! Après la grotesque affaire de la banane, c'est l'humoriste (si l'on peut dire) Dieudonné qui fait l'actualité.
Les rodomontades de l'olibrius ne sont pas nouvelles, mais tout se passe comme si on voulait leur donner le maximum de retentissement. Pas de jour sans qu'on monte en épingle médiatique le moindre de ses écarts de langage ou sa gestuelle équivoque. Et pour faire bonne mesure, on nous bassine avec le prétendu danger que ces pitreries feraient peser sur l'ordre public, alors que tant de sotte permissivité ont mené le pays à la désagrégation morale et culturelle !

Après avoir savamment dopé l’extrême-droite, tout en en caricaturant les idées, et en les diabolisant par pur calcul politique, les bien pensants découvrent avec une apparente stupeur, que de fâcheux fâchistes sortent désormais de leurs propres rangs ! Le choc est rude pour ces hypocrites pris à leur propre jeu ! Après une période d’indulgence, les pharisiens à l’esprit large se transforment en puritains intolérants.
Une sinistre comédie associe de manière grotesque, des trublions plus ou moins comiques et autres agitateurs avides de choquer le bobo, des Pouvoirs Publics faisant mine d'être aux abois, un ministre de l’intérieur s’érigeant en censeur intrépide, une presse moribonde, shootée aux sensations factices et aux scoops d’un jour.
Spectacle pitoyable qui ne peut que faire honte à ceux qui portent encore en eux une certaine idée de la démocratie, de la liberté et de la responsabilité.
Dans l’indifférence dédaigneuse du Monde, qui a d’autres chats à fouetter, la France fière comme le Titanic, s’enfonce doucement, mais irrémédiablement. C’était donc ça la république “apaisée”, “ré-enchantée”, que promettait le candidat Hollande...

31 décembre 2013

Vertiges

Elle danse en rêvant de lendemains inouis
Et son vol au dessus des choses la transporte,
Elle tangue et l'élan l'enivre mais qu'importe
Où mène le vertige au fond rouge des nuits !

Elle tourne en chantant, saoulée par de longs cris
De joie. Fière, elle exulte à se sentir si forte
Et croit naïvement son ancienne vie morte
Tandis que dans la fête elle perd ses esprits

Elle ploie sous le strass et sous la fanfreluche
Son rythme s’alourdit, son pas est incertain
Sa vue même se trouble, elle erre, elle trébuche

En proie aux illusions tout est proche et lointain
Folle, elle s’abandonne à ce déséquilibre
Et s’affale, oubliant qu’hier, elle était libre !

15 décembre 2013

Le coup du Père François

Encore une voix qui s'élève pour dénoncer les prétendus méfaits du libéralisme ! Et pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit de celle du pape François...
A travers son exhortation Evangelii Gaudium, publiée par le Vatican à la fin du mois de novembre, ce dernier s'exprime en effet vertement à son sujet, sans toutefois aller jusqu’à le citer nommément.

Ce document de plus de 200 pages, consacré à “l'évangélisation joyeuse” charrie certes comme il se doit, des tombereaux de bonnes intentions et de belles paroles auxquelles il apparaît difficile de ne pas adhérer au moins par la pensée.
Le pape s'y montre d’emblée d’humeur allègre, rappelant notamment que “la joie de l’Évangile remplit le coeur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus”. En abordant les problèmes du monde contemporain, il fait même preuve d’un certain optimisme, en évoquant “les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication.”

Hélas, bien vite le tableau s’assombrit, à mesure qu'il rentre dans le vif du sujet.
On peut certes encore le suivre lorsqu’il déplore cette “tristesse individualiste qui vient du coeur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée” qui gagne du terrain dans nos sociétés de confort matériel. On ne saurait évidemment lui donner tort, tant la futilité de notre univers semble évidente...
Comment ne pas partager également son sentiment lorsqu’il affirme “qu’on ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim.”
Tout cela n’est pas d’une originalité fracassante, mais il faut hélas reconnaître qu’il y a, qu’il y eut, et qu’il y aura sans doute encore longtemps une part de vrai…

Là où le propos devient beaucoup plus étonnant, voire déroutant, c’est lorsque le souverain pontife se lance tout à trac dans une violente diatribe aux accents clairement politiques. Est-ce le rôle du pape de dénoncer “une économie de l’exclusion”, avec des termes ressemblant étrangement aux saillies grinçantes de Mélenchon ou de Besancenot ? Est-il vraiment dans son rôle lorsqu’il affirme “qu’aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible ?”

Sans doute a-t-il le droit de dire ce qu’il a envie de dire après tout, mais à prendre un ton aussi partisan, il risque fort de tomber de son piédestal de commandeur des âmes chrétiennes. Surtout, il s’expose à la controverse, donc à voir singulièrement se réduire la portée de sa parole. Ce qu’elle paraît gagner en actualité, elle le perd en universalité, et une telle intrusion dans la science économique peut devenir aussi discutable que le furent les parti-pris anti-scientifiques de l’église d’autrefois.

En quoi devons nous croire le pape lorsqu’il affirme que dans nos sociétés, “on considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter ? ” ou qu’il ajoute que “nous avons mis en route la culture du déchet qui est même promue.”
Et lorsque il nie que la croissance économique, puisse être favorisée par le libre marché, et qu’elle soit en mesure de produire “une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde”, il ne fait qu’émettre une opinion personnelle, que chacun est en droit de contester, car le rapport à Dieu paraît en l’occurrence bien lointain !

Il s’en éloigne d’ailleurs encore un peu plus à chaque page de ce qui s’apparente en définitive à un manifeste. Ainsi François ressort la bonne vieille symbolique de “l’adoration de l’antique veau d’or”, dont il voit “une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain.”
Emporté par son élan, il croit bon de reprendre à son compte l’adage qui veut que “les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, [tandis que] ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité.”

La satire anti-libérale et anti-capitaliste est limpide. Non seulement le pape se fait le contempteur de l'économie de marché, mais il plaide pour l'étatisme contre l'initiative privée, jusqu'à adopter un point de vue radicalement partisan, condamnant "les idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière" et "qui nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun." En clair, il reproche à ces idéologies d'instaurer "une nouvelle tyrannie invisible, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable !"
Cela le conduit à cette occasion à faire un amalgame des plus douteux avec “une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales !” Pour un peu il se ferait le chantre de l’impôt ! Un peu fort de café tout de même...
Dès lors, il apparaît clairement qu’on a quitté le champ de l’opinion, pour entrer dans celui du slogan. Ainsi le pape se livre dans la foulée, à la critique de la mondialisation avec des accents franchement “alter-coco”, en dénonçant “une détérioration accélérée des racines culturelles, avec l’invasion de tendances appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies.”

Le grand reproche qu’on peut faire à cette longue oraison est de manquer largement sa cible. Elle s’attaque en effet au modèle de la société ouverte sur lequel reposent les pays développés, en tentant de reprendre le ton martial dont Jean-Paul II usa contre le système communiste.
Mais ce dernier avait une légitimité reposant sur le fait qu’il s’adressait à un régime totalitaire dans lequel les individus ne jouissaient d'aucun droit, sauf celui de se taire.
Dans les sociétés démocratiques que François prend pour cible en revanche, les citoyens sont acteurs de leur destin et des lois qui les régissent. Le droit de vote n'est pas un vain mot et la responsabilité citoyenne a une vraie signification.
Or le pape fait comme si les peuples étaient assujettis, voire broyés par un odieux système. Il parle même de "tyrannie invisible", ce qui paraît pour le moins excessif.
A aucun moment il ne s’adresse à l’initiative individuelle qui devrait être le moteur essentiel du progrès. Nulle part il ne fait des femmes et des hommes les clés d'un avenir meilleur.

Plus grave, la tonalité étrange des propos du pape déborde le monde de la finance.
Il déplore notamment “une société de l’information qui nous sature sans discernement de données, toutes au même niveau, et qui finit par nous conduire à une terrible superficialité au moment d’aborder les questions morales.” C'est vrai, mais qui est le plus coupable ? Le système qui délivre trop d'informations ou bien les individus incapables de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie dans cette abondance, et de discerner dans le flux qui les assaille celles qui sont importantes ? Ne vaut-il pas mieux avoir trop d’informations, et de sources multiples que pas assez, et d’un seul canal ? Le problème ne vient-il pas du manque d'éducation, du peu d'esprit critique, et de cette envahissante pensée unique dont il se fait lui-même, le colporteur ?

Plus loin, le pape constate que “La famille traverse une crise culturelle profonde.” Mais il ne dit rien des lois qui un peu partout détruisent avec méthode les repères sur lesquels elle est fondée, selon les canons chrétiens.
S’agissant même de la religion, ses mots résonnent bizarrement. Il pointe un doigt accusateur en direction de certaines régions du monde frappées “par une désertification spirituelle, fruit du projet de sociétés qui veulent se construire sans Dieu ou qui détruisent leurs racines chrétiennes”. Là, dit-il, «le monde chrétien devient stérile, et s’épuise comme une terre surexploitée, qui se transforme en sable. »
On comprend une fois encore, qu’il dénonce à mots couverts le mode de vie occidental. Bien qu’il soit sévère, le constat pourrait peut-être porter, si à l’inverse il ne manifestait une lénifiante mansuétude vis à vis de l’islam conquérant : “Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux.”
Et comme il est sur le sujet particulièrement en verve, il ajoute que “Nous chrétiens, nous devrions accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans nos pays, de la même manière que nous espérons et nous demandons être accueillis et respectés dans les pays de tradition islamique.”

Il y a de quoi être un peu éberlué. Le pape imagine-t-il que les musulmans soient si mal traités dans les sociétés démocratiques de culture chrétienne ! A-t-il réellement perçu comment sont traitées ses ouailles dans la plupart des pays musulmans ?
Il faut chercher avec attention pour trouver une brève allusion à “la violente résistance au christianisme” qui dans certains endroits, “oblige les chrétiens à vivre leur foi presqu’en cachette dans le pays qu’ils aiment...” Et il faut être attentif pour trouver “l’humble imploration” à ces pays “pour qu’ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, prenant en compte la liberté dont les croyants de l’Islam jouissent dans les pays occidentaux !”

En terminant la lecture de cette longue exhortation, il difficile de s’exonérer d’un sentiment d’exaspération, voire d’incompréhension. A peu de chose près, on dirait le discours d’un politicien gauchisant.
La théologie de la libération qui fit florès en Amérique du Sud semble bel et bien de retour. Elle contribua hélas à ancrer le socialisme dans cette partie du monde, sans résultat probant après des décennies, sur l’état de pauvreté des pays concernés.
On se souvient que Jean-Paul II avait mis en garde contre la dérive politique à laquelle cette idéologie exposait, en rappelant aux prêtres qu’ils devaient être « des guides spirituels, pas des dirigeants sociaux ni des cadres politiques ou des fonctionnaires d'un ordre séculier. » Le pape François est en passe d’oublier cette recommandation, ce que la réaction de médias paraît confirmer. Par exemple le site Rue 89 qui jubile : "cette fois, c’est sûr, le pape est socialiste !" Ou bien de magazines, moins catégoriques, mais qui s’interrogent : "Le pape est-il marxiste ?" (Le Point), "Le pape François, un socialiste ?" (La Vie)...

L’avenir permettra sans doute de trancher. Toujours est-il que le discours pontifical s’inscrit hélas dans ce paradoxe troublant : on reproche au capitalisme de viser à enrichir les gens, au motif qu’il ne parvient pas à abolir la pauvreté, tandis qu’on porte au crédit du socialisme d’appauvrir les riches (sauf la nomenkaltura), même s’il ne fait qu’aggraver le sort des pauvres… Comprenne qui pourra !

11 décembre 2013

On enterre bien les symboles...

Le concert planétaire de louanges et d’hommages entourant la disparition de Nelson Mandela (1918-2013) a de quoi décourager de toute contribution le blogueur observateur et modeste chroniqueur de son temps. Que peut-on ajouter à ces dithyrambes tous azimuts ? Comment faire preuve d’une once d’originalité dans cette explosion universelle de conformisme bien pensant ?
En même temps, comment ne pas évoquer l’évènement ? Comment passer sous silence ce gigantesque ralliement oecuménique ?
Il est aussi vain de vouloir ajouter encore un peu d’encens à ces entêtantes vapeurs séraphiques, que de rester “dans son lit douillet”, en “n’écoutant pas le clairon qui sonne”, comme Georges Brassens le quatorze juillet…

Il est possible toutefois à cette occasion funèbre, de ne pas être trop triste. De se réjouir même, de cette union de façade, de toutes ces têtes couronnées, de tous ces grands de ce monde. Leur empressement délirant est un signe des temps. Cela dépasse évidemment de loin la personnalité du défunt, et pour beaucoup c’est sûr, le zèle est sans doute dicté par la nécessité d’être vu, bien plus que par l'émotion. Mais c’est un fait, cette véritable béatification laïque est une occasion en or d’exprimer de beaux sentiments. On a pu voir de tout dans cette kermesse héroïque : un chef d’Etat faire cause presque commune avec son prédécesseur, en dépit d’une féroce haine réciproque; le président des Etats-Unis rire à gorge déployée en se faisant prendre en photo fraternelle avec ses homologues danois et anglais, et l’instant d’après, dans un geste qualifié “d’historique”, serrer chaleureusement la paluche de l’infâme tyran cubain…

Il est possible enfin et surtout, de retenir de l’homme qui vient de disparaître, le sourire radieux qu’il dispensait si généreusement, et qui sera pour l’éternité, le signe le plus prégnant et sincère d’une volonté de réconciliation nationale en Afrique du Sud. Certes tous les problèmes sont loin d’avoir été résolus par ce messie des temps modernes, mais la symbolique est puissante. Elle tranche en tout cas heureusement avec le rictus tragique qui barrait le visage du militant en lutte. Il faut espérer que ce visage rayonnant reste dans les esprits pour incarner la liberté, l’ouverture et le respect mutuel qui sont les ingrédients indispensables d’une vraie démocratie !

30 novembre 2013

Un Nabi flambant neuf

Une rétrospective en cours, au Grand Palais (2/10/13 au 20/01/14), à Paris, permet de (re)découvrir Félix Vallotton (1865-1925), un artiste sans doute un peu trop méconnu.
Audacieux dans ses cadrages et l’éclat tranchant des couleurs, son art peut apparaître comme sobrement classique par les thèmes abordés, la manière peaufinée de les traiter et la grâce des courbes qui les arrondissent. Etrange, non ?

Vallotton fut un membre discret de l’exotique tribu Nabi, dont on connaît surtout Sérusier, Bonnard ou Vuillard. On trouve chez eux un peu de l’exubérance colorée de Gauguin, qui s’exprime par grands aplats contrastés. Un brin de sophistication et de mystère également, qui semble s’inscrire pour Vallotton dans une ambiance très “art nouveau”.

Les formes, notamment féminines ont des ondulations câlines à se pâmer, mais aussi quelques reflets d’un gris métallique qui sont ancrés dans une froide et technique modernité. Peut-être que l’époque, charnière entre deux mondes y est pour quelque chose...

Vallotton, c’est l’anti-impressionnisme en quelque sorte. Quasi contemporain de Claude Monet (1840-1926) et de Renoir (1841-1919), il est à mille lieues des nébulosités transcendantes de ces derniers. Fini le flou, adieu l’impression, les traits sont nets, les formes simples, le propos sans détour.
Celà n’exclut en aucune manière l’élégance et la légèreté comme en témoigne ce magnifique et virevoltant instantané de la jeune fille au ballon rouge. On dirait un papillon, ivre de liberté… Ou cette scène au symbolisme troublant, montrant, ou plutôt suggérant, un couple émergeant de l’obscurité d’une loge de théâtre, qui sert d’affiche à l’exposition.
Parfois, il y a de la chaleur dans cet univers. Une touffeur oppressante même, comme dans cette chambre rouge, dont le point de vue semble resserré sur un douloureux mystère, ou une sourde colère, qui sait ?

Au delà de la maîtrise des pigments, Vallotton démontre un sens acéré du dessin. Quelques traits, quelques flaques d’encre lui suffisent à tracer avec une force magistrale un portrait ou bien une scène complexe, de foule par exemple. Il a l’art de simplifier les choses pour exprimer l’essentiel, de manière très pénétrante. En plus de sa carrière de peintre, il fut un illustrateur très percutant, faisant le bonheur des lecteurs de La Revue Blanche.
Un grand artiste assurément dans cette période si riche en talents, où ce que l’on nommait “art” était encore de l’art...