Michel Houellebecq avait révélé il y a quelques années, qu’il souhaitait écrire un “gros livre”. C’est chose faite avec "Anéantir*", ce pavé de 730 pages en forme d’assommoir, au titre désespérant si ce n'est franchement nihiliste.
Disons tout de suite que sa lecture n’impose paradoxalement pas un effort considérable. Non pas qu’il soit palpitant pour l’esprit, mais pas plus désagréable non plus qu’un flux d’eau tiède sur la peau… Ça s’écoule sans joie ni déplaisir.
Si l’on s’en tient à la forme, elle s’inscrit dans le style auquel nous a habitué l’auteur, fait d’une écriture plate et atone remplie de lourdeurs, de trivialités et de banalités stylistiques. La ponctuation est parfois erratique, la narration n’évite pas la vulgarité, mais tout ça est inodore, sans saveur, sans truculence (n'est pas Céline qui veut). Le récit, linéaire mais sans but, se perd en digressions interminables de peu d’intérêt : les rêves insensés du personnage principal, la description caricaturale de l’organisation des maisons de retraites qu’on appelle de nos jours Établissements D'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD), les moyens insensés auxquels il faudrait paraît-il recourir pour s'en échapper, les méandres cabalistiques dans lesquels se perdent des menées terroristes un peu ridicules, le microcosme doré de la haute fonction publique incarné par un ministre de l’Économie sans chair ni épaisseur, quoiqu’il soit qualifié de génie à l’égal de Colbert (ce qui est pour celui qui en est l’objet, un compliment à double tranchant). Et pour finir, une pesante réflexion sur la mort et sur vanité de l'existence empreinte de réminiscences freudiennes (la tumeur pharyngée qui dévore l'être...), mais ici encore, on reste étranger au drame narré de manière insipide...
Tout cela est donc très “techno” et jamais on n’éprouve le moindre frisson, ni la moindre émotion pour les êtres de papier dont l’auteur nous narre avec application et force platitudes la vie monotone, bourrée de stéréotypes et de clichés. Est-ce l’expression du spleen romantique si bien mis en vers par Baudelaire, ou Musset (dont un des personnages se plaît à scander les vers de Rolla) ? J’en doute tant l’art est ici absent.
J’ai plusieurs fois tenté d’entrer dans l’univers houellebecquien, mais à chaque fois mon impression fut dominée par la déception et je m’interroge sur les raisons qui font de cet écrivain somme toute médiocre, un champion des best-sellers en librairie. Peut-être par sa faculté étonnante à épouser avec une molle servilité les remous de l’actualité de son époque et à en décrire de manière insipide tous les poncifs sociétaux. Il ne les approuve ni ne les critique, ni même ne les commente, tout au plus, se contente-t-il de surfer dans la mousse des vanités contemporaines. Spectacle insignifiant mais qui plaît à l’évidence, dans un monde abandonnant un à un ses repères et qui donne à l'écrivain la stature de visionnaire aux yeux de certains …
Je reprends à cette occasion, le commentaire que m’avait inspiré en 2011, la lecture d’un précédent bouquin, lui aussi, “acclamé par la critique” : La Carte et le Territoire.
Le plus navrant concernant cet ouvrage, est qu'il soit parvenu à rafler le prix Goncourt.
On subodorait que ce dernier récompensait davantage l'aura médiatique et le potentiel marchand que les qualités littéraires intrinsèques. On en a ici, la confirmation éclatante.
Car il s'agit d'une bien médiocre prose, mais si conforme aux mornes standards du moment... Le genre de produit qu'on met dans son caddie au super-marché sans même y penser...
Il n'y a pas de style dans ce collage insignifiant de fragments desséchés, d'un puzzle sociétal situé dans les sphères branchées du snobisme bobo. On y trouve quelques pesants truismes sur le monde surfait des "people", un aperçu peu reluisant du "marché" de l'art contemporain, une louche assez écœurante d'autobiographie prétentieuse et grinçante, et un grotesque ersatz de polar dans le genre gore. Le tout est assaisonné de quelques annotations inutiles sur les cartes routières, les chauffe-eaux, les radiateurs, les automobiles de marque Audi ou les appareils photo numériques, et surtout de laborieuses et vaines digressions néo-déconstructivistes sur le devenir de la société post-industrielle.
L'ensemble est débité comme une sorte de jambon pâle, inodore et sans saveur. A l'image de la découpe au sens propre de la chair humaine, dépeinte dans une mise en scène atrocement banale. Il y a de la viande froide, mais où sont les tripes ? Les personnages sont absolument inconsistants et en général très antipathiques. Il s'agit de stéréotypes inexpressifs errant dans l'existence, sans but, sans passion, sans aspiration. Bref, ce bouquin sinistre est à la littérature ce que les fleurs de cimetières sont à celles de Giverny...
Disons tout de suite que sa lecture n’impose paradoxalement pas un effort considérable. Non pas qu’il soit palpitant pour l’esprit, mais pas plus désagréable non plus qu’un flux d’eau tiède sur la peau… Ça s’écoule sans joie ni déplaisir.
Si l’on s’en tient à la forme, elle s’inscrit dans le style auquel nous a habitué l’auteur, fait d’une écriture plate et atone remplie de lourdeurs, de trivialités et de banalités stylistiques. La ponctuation est parfois erratique, la narration n’évite pas la vulgarité, mais tout ça est inodore, sans saveur, sans truculence (n'est pas Céline qui veut). Le récit, linéaire mais sans but, se perd en digressions interminables de peu d’intérêt : les rêves insensés du personnage principal, la description caricaturale de l’organisation des maisons de retraites qu’on appelle de nos jours Établissements D'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD), les moyens insensés auxquels il faudrait paraît-il recourir pour s'en échapper, les méandres cabalistiques dans lesquels se perdent des menées terroristes un peu ridicules, le microcosme doré de la haute fonction publique incarné par un ministre de l’Économie sans chair ni épaisseur, quoiqu’il soit qualifié de génie à l’égal de Colbert (ce qui est pour celui qui en est l’objet, un compliment à double tranchant). Et pour finir, une pesante réflexion sur la mort et sur vanité de l'existence empreinte de réminiscences freudiennes (la tumeur pharyngée qui dévore l'être...), mais ici encore, on reste étranger au drame narré de manière insipide...
Tout cela est donc très “techno” et jamais on n’éprouve le moindre frisson, ni la moindre émotion pour les êtres de papier dont l’auteur nous narre avec application et force platitudes la vie monotone, bourrée de stéréotypes et de clichés. Est-ce l’expression du spleen romantique si bien mis en vers par Baudelaire, ou Musset (dont un des personnages se plaît à scander les vers de Rolla) ? J’en doute tant l’art est ici absent.
J’ai plusieurs fois tenté d’entrer dans l’univers houellebecquien, mais à chaque fois mon impression fut dominée par la déception et je m’interroge sur les raisons qui font de cet écrivain somme toute médiocre, un champion des best-sellers en librairie. Peut-être par sa faculté étonnante à épouser avec une molle servilité les remous de l’actualité de son époque et à en décrire de manière insipide tous les poncifs sociétaux. Il ne les approuve ni ne les critique, ni même ne les commente, tout au plus, se contente-t-il de surfer dans la mousse des vanités contemporaines. Spectacle insignifiant mais qui plaît à l’évidence, dans un monde abandonnant un à un ses repères et qui donne à l'écrivain la stature de visionnaire aux yeux de certains …
Je reprends à cette occasion, le commentaire que m’avait inspiré en 2011, la lecture d’un précédent bouquin, lui aussi, “acclamé par la critique” : La Carte et le Territoire.
Le plus navrant concernant cet ouvrage, est qu'il soit parvenu à rafler le prix Goncourt.
On subodorait que ce dernier récompensait davantage l'aura médiatique et le potentiel marchand que les qualités littéraires intrinsèques. On en a ici, la confirmation éclatante.
Car il s'agit d'une bien médiocre prose, mais si conforme aux mornes standards du moment... Le genre de produit qu'on met dans son caddie au super-marché sans même y penser...
Il n'y a pas de style dans ce collage insignifiant de fragments desséchés, d'un puzzle sociétal situé dans les sphères branchées du snobisme bobo. On y trouve quelques pesants truismes sur le monde surfait des "people", un aperçu peu reluisant du "marché" de l'art contemporain, une louche assez écœurante d'autobiographie prétentieuse et grinçante, et un grotesque ersatz de polar dans le genre gore. Le tout est assaisonné de quelques annotations inutiles sur les cartes routières, les chauffe-eaux, les radiateurs, les automobiles de marque Audi ou les appareils photo numériques, et surtout de laborieuses et vaines digressions néo-déconstructivistes sur le devenir de la société post-industrielle.
L'ensemble est débité comme une sorte de jambon pâle, inodore et sans saveur. A l'image de la découpe au sens propre de la chair humaine, dépeinte dans une mise en scène atrocement banale. Il y a de la viande froide, mais où sont les tripes ? Les personnages sont absolument inconsistants et en général très antipathiques. Il s'agit de stéréotypes inexpressifs errant dans l'existence, sans but, sans passion, sans aspiration. Bref, ce bouquin sinistre est à la littérature ce que les fleurs de cimetières sont à celles de Giverny...
* Michel Houellebecq. Anéantir Flammarion 2022