26 octobre 2022

Intermezzo #3

Certains moments musicaux peuvent s’inscrire dans la vie, aussi profondément que le sens même d’exister. Si la musique de Bach, tel un fleuve nourricier de l’esprit, a creusé en moi les gorges les plus profondes, les plus splendides et les plus vertigineuses, il en est d’autres, empreintes de mystère et de magie, devenues non moins consubstantielles à mon être. La grande sonate pour piano en Fa dièse mineur de Robert Schumann fait partie de ces impressions indélébiles.
Dédiée par le duo imaginaire “Florestan et Eusebius”, à la bien-aimée Clara, elle illustre la gémellité ontologique de toute chose, de tout sentiment, de tout principe. De fait, le musicien se dédouble et se montre ainsi tantôt impétueux et fantasque, tantôt rêveur et mélancolique, pour exprimer sa passion.
La mélodie suit un parcours d’une amplitude magnifique dont la scansion épouse parfaitement les transports complexes de l’âme. On passe souvent du legato le plus effusif au staccato aussi explosif qu’impérieux. Il y a beaucoup de ruptures dans le rythme de cette pulsation intime, mais à chaque fois ce qui pourrait se rompre ne fait que rebondir avec plus de force. On est porté par de fulgurantes ascensions aériennes qui s'épanouissent, à l’instar d’une pyrotechnie incandescente, en cascades éblouissantes.
Le premier mouvement commence avec une douceur infinie, un poco adagio, avant de prendre son envol en majesté, emportant tout au passage, au sein d'une effervescence tourbillonnante.
Une apaisante aria vient comme une pause langoureuse qui offre l’occasion d’une méditation mélancolique.
Puis la chevauchée reprend de plus belle avec la vivacité joyeuse et cataractante du scherzo, pour s'achever en apothéose sur un finale tourmenté, tantôt interrogatif, tantôt bouillonnant, voire martial, mais également indiciblement serein… Une éblouissante aventure romantique en somme, et une sublime incantation à l'amour et à la liberté, tout en fulgurances !
Parmi les interprétations magistrales de cette œuvre, il y a celle trop peu connue de Jean Martin, celle émouvante de la très regrettée Catherine Collard et plus récemment celle, d'une liberté splendide, d'Alexandre Kantorov.

Illustration: Bateaux dans le Port de La Rochelle. Acrylique 2022

21 octobre 2022

Ci-gît l'Auto

Pour son retour après 4 ans d'absence, le Salon "mondial" de l'Auto de Paris ressemble fort à un enterrement de première classe. Le gigantesque espace d'exposition se révèle tristement dépeuplé. Les travées paraissent d'autant plus vastes et bien illuminées qu'elles sont désespérément vides. Manquent en effet à l'appel quantité de marques, parmi les plus prestigieuses: Abarth, Alfa Romeo, Audi, BMW, Citroën, Fiat, Hyundai, Kia, Lamborghini, Land Rover, Lexus, Maserati, Mercedes, Opel, Porsche, Seat, Skoda, Toyota, Volkswagen !
Que vaut donc une manifestation amputée de tant des fleurons qui lui donnaient tout son sel ?

Signe des temps, la voiture électrique est propulsée au devant de cette scène étique. Où l'on découvre que les marques chinoises écrasent la concurrence, augurant d'une déferlante prochaine. La plus représentée se nomme Build Your Dreams (BYD). Drôle de nom pour un spectacle en eau de boudin, voire un cauchemar pour les amateurs de liberté et de belles cylindrées !

L'affiche du salon illustre trop bien l'évolution à laquelle on assiste. L'auto y est représentée comme évanescente, sans forme, sans âme, sans personnalité. L'oukase décrété par les gnomes écervelés qui tiennent les leviers des pouvoirs publics (enfin, ce qu'il en reste…) pousse les constructeurs à faire leur révolution culturelle et le troupeau bêlant des consommateurs vers l'abîme. Ce grand bond en avant dont Mao n'aurait pas désavoué l'inspiration ubuesque a peu de chance de tendre vers l'Éden "décarboné" qu'on nous promet.
Lorsqu'on écoute François-Xavier Pietri, ancien directeur de la rédaction du quotidien La Tribune, Christian Gérondeau, qui fut Délégué interministériel à la sécurité routière, ou même Carlos Tavares, PDG du mastodonte Stellantis, cette fuite en avant risque fort d'être un désastre économique, social et même écologique.
Non content de s'être vautré dans sa politique énergétique, M. Macron, venu en grande pompe saluer les exposants, joue les inaugurateurs de chrysanthèmes. Alors qu'il serait peut-être encore temps d'infléchir une politique hasardeuse, il la conforte au contraire et se vante de ruiner sous peu toute la filière consacrée aux véhicules thermiques, qui faisaient une des dernières forces industrielles de l'Europe !

15 octobre 2022

Intermezzo #2

Plutôt que de s'appesantir sur le drame social à la française dont la grève-blocage sauvage des raffineries par la CGT constitue une nouvelle illustration, plutôt que d’évoquer la marée montante de l'inflation, celle irrépressible de l’immigration clandestine, et de maints fléaux minant le quotidien, évoquons un peu la problématique du CO2 ou dioxyde de carbone qui serait paraît-il la pire menace pesant sur la planète.
Contrairement à une idée reçue, le CO2 n’est pas un polluant mais un composant naturel de l’air, indispensable même à la vie puisqu’il joue un rôle essentiel dans la photosynthèse végétale. A noter toutefois que les plantes qui absorbent de grandes quantité de CO2 en rejettent également en l’absence de lumière…
Les autres êtres vivants, notamment les mammifères et plus particulièrement les êtres humains produisent du gaz carbonique au cours de la respiration. Il y a 100 fois plus de ce composé dans l’air expiré que dans celui qu’on inspire ! Chaque être humain rejette près d'1 kg de CO2 par jour soit plus de 350 kg par an, c'est à dire plus de 2 milliards de tonnes pour l'ensemble des habitants de la planète bleue.
Tout étant relatif, cette production est supérieure à celle de l’ensemble du trafic aérien et à peine inférieure à celle due aux pots d’échappement des automobiles. Encore faudrait-il prendre en compte les émissions des autres mammifères, notamment les animaux domestiques et ceux d’élevage. La première ministre de Nouvelle-Zélande y a pensé, car elle a récemment confirmé sa volonté de taxer les fermiers pour le CO2 émis par les vaches !

 

Illustration: bateaux du musée maritime. Port de La Rochelle. Acrylique. 2022.

07 octobre 2022

Intermezzo #1

Sentiment de lassitude. Il n'y a plus grand chose hélas à commenter dans l'actualité. Tout va de mal en pis et tout part à hue et à dia. A quoi bon rajouter du malheur au malheur ? Au surplus, nous allons vers l'automne et l'hiver, saisons mortelles. Paradoxe sublime, il faut se raccrocher à l’espoir, face à l’impéritie gouvernementale, que le réchauffement climatique ne soit pas un vain mot, et qu'il nous préserve quelque peu des frimas et du froid à venir…
Le prix Nobel de littérature vient d’être attribué à la française Annie Ernaux, illustre inconnue pour l'immense majorité de ses compatriotes. Il paraît qu'elle écrit de belles histoires, mais qu'elle dit des choses idiotes lorsqu'on l'interroge. Heureusement, elle est rarement questionnée…
De toute manière, dans ce monde incohérent, tout se vaut et rien n'a d'importance. Tout le reste n'étant, comme chacun sait, que littérature…
Paul Morand qualifiait son journal intime d'inutile, mais il l'écrivait quand même. Jean-François Revel jugeait Descartes "inutile et incertain", condamnant de facto tout un pan de la philosophie, dont il s'était pourtant fait l'historien. Malherbe considérait qu'un poète n'était "pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles", ce qui ne l'empêcha nullement d'écrire de magnifiques vers, passés à la postérité… John Keats voulut quant à lui que soit écrite sur sa tombe l'épitaphe suivante, si peu appropriée à son cas : "ci gît celui dont le nom fut écrit sur l'eau…" Enfin Lavater, priait pour "que Dieu préserve ceux qu'il chérit des lectures inutiles."
Sans doute ce blog fait-il partie de cette écume dont il ne reste rien lorsque la vague se retire...

Je regarde souvent cette écume marine qui vient lécher les pieds du port de La Rochelle dont je suis devenu citoyen occasionnel depuis peu. C'est une source d'inspiration pour tenter de transcrire en peinture ce dialogue indicible, parfois violent, parfois plein de tendresse, entre la terre ferme et l'élément liquide…

Illustration : Porte de la Grosse Horloge et Vieux Port, La Rochelle. Acrylique 2022.