30 novembre 2021

Rues des Boutiques Obscures

Ce titre emprunté à Patrick Modiano pour dire la tristesse dans laquelle s'abîment les rues de nos villes, soumises à des politiques insensées de restriction, voire de mortification.

Alors que Noël approche, on voit bien quelques décorations et guirlandes lumineuses apparaître de ci de là.
Accrochées au-dessus des rues depuis déjà plus d’un mois et demi, elles se balançaient, désespérément éteintes, au gré des mauvaises brises et des frimas automnaux...

Si les fêtes vont être l’occasion d’une embellie éphémère, force est de constater qu’en dehors de ces périodes fastes, un nombre croissant de cités de France sont plongées dans le noir absolu, parfois dès 21h. Au motif de je ne sais quelles économies qu’il faut bien qualifier de bout de chandelle, les maires bien intentionnés ont pris la détestable habitude de transformer rues, boulevards et avenues en trous noirs sitôt la nuit tombée. Seuls quelques prodigues magasins gardent encore leurs vitrines allumées.
Si l’état financier de notre pays et de nos communes est à ce point dégradé, il y a de quoi vraiment s’inquiéter. Pour marcher sans risque de trébucher dans ces ténébreuses artères, rappelant les coupe-gorges d’autrefois, on est désormais bien souvent contraint de se guider à la lumière maigrelette de son smartphone. N’est-ce pas pourtant la priorité des priorités que de veiller, par mesure de sécurité, à éclairer les trottoirs et les chaussées ?

Je me souviens d’un article paru il y a quelque temps, comparant à partir de photos nocturnes prises par satellite, la densité lumineuse des agglomérations à travers le monde. D’après l’auteur on pouvait juger de la prospérité et de la liberté d’un pays à l’illumination de ses villes. Le journaliste constatait tragiquement l’absence de toute lueur émanant de la Corée du Nord. Serons-nous bientôt réduits à cette misère ?
Cette évolution est d’autant plus absurde qu’on se lamente à longueur de journées sur la désertification des centres villes, sur l’abandon de quartiers entiers à la délinquance, et qu’on s’interroge vainement sur les moyens d’enrayer ce désastre.
Et c’est totalement incompréhensible à une époque où les techniques d’éclairage ont été l’objet d’améliorations majeures, tant pour l’efficacité que pour le coût, grâce notamment aux fameuses LED.

Quelle affliction de voir ainsi nombre de cœurs de villes transformés en cités interdites. L'absence de lumière n'est hélas pas seule en cause. Il n’y a quasi plus de toilettes publiques gratuites depuis des lustres, le ramassage des ordures est de plus en plus aléatoire, assujetti qu’il est à des tris et des politiques de plus en plus complexes et versatiles.
La circulation est quant à elle devenue un enfer pour les automobilistes, en raison de règles de conduite absurdes, de limitations de vitesses ineptes, de racket au stationnement, et de pièges en tous genres. On voit des couloirs réservés aux transports collectifs larges comme des pistes d’aéroport. Les bus y passent à toute allure, parfois quasi vides, en même temps que les vélos et les trottinettes, tandis que les voies laissées aux autos sont de plus plus étroites, semées d’innombrables panneaux de signalisation et d’interdiction, bordées par des plots en béton agressifs et des balises en matière plastique aux couleurs criardes.
Le pire du pire est toutefois la multiplication d’ubuesques chicanes qui réduisent brutalement le trafic à une voie unique, créant à n’en pas douter un surcroît de pollution carbonée en raison des bouchons occasionnés…
Est-il dit que jamais plus on ne pourra s’extasier comme Richard Bohringer qui s’exclamait “c’est beau une ville, la nuit” ?


25 novembre 2021

COVID Forever

Selon Ovide (qui ne connaissait pas le COVID...), “le feu couvert est le plus ardent”…
On croyait le virus assoupi, le voici qui se réveille brutalement. On pensait l’avoir repoussé tel Satan, mais il nous retombe dessus "comme l’éclair" pour parler à la manière de René Girard.
Cette nouvelle vague, est-ce un nouvel assaut meurtrier ou bien une cinquième colonne plus ou moins fantasmée ?

Une chose est sûre, les pouvoirs publics sont une fois de plus pris au dépourvu. Hier encore, les représentants de l’État Providence, toujours contents d'eux, chantaient qu'ils avaient réussi à obtenir un des meilleurs taux vaccinaux d’Europe si ce n’est du monde. Grâce à ce beau résultat, et passe sanitaire aidant, nous pouvions selon eux affronter sereinement l’avenir, contrairement à nombre de pays alentour. Las ! Aujourd’hui M. Attal, Porte-Parole du gouvernement parle d’une poussée fulgurante qui s’abat sur le pays.
M. Castex, Premier Ministre, promettait l’invincibilité pour les veinards ayant été vaccinés. L’imprudent qui paradait hilare, il y a quelques jours à peine, sans masque ni gel hydro-alcoolique, distribuant les accolades et les poignées de mains, en veux-tu en voilà, est testé positif ! Contraint de se confiner, il ne fait guère de publicité pour sa politique hasardeuse.

Le fait est que tout le monde se trouve à nouveau dérouté par le génie évolutif de ce foutu microbe qui empoisonne la planète depuis bientôt deux ans. Le vaccin qui semblait une arme très efficace ne tient pas vraiment ses promesses. On savait que son efficacité n’était pas totale mais on commence à douter des 90% de protection durable annoncés quand on voit grossir le flux de malades qui se croyaient immunisés, dans les hôpitaux et plus particulièrement en réanimation. Selon l’OMS, la protection contre le variant delta ne serait plus que de 40%. Pire, selon certaines études, les vaccinés, même asymptomatiques, pourraient propager le virus presque aussi facilement que les non vaccinés !
Autrement dit, c’est toute la stratégie reposant sur le fameux passe sanitaire qui se voit remise en cause. Comme le répète non sans raison Marine le Pen, il vaut mieux croiser une personne non vaccinée mais testée négative qu’une autre ayant reçu ses 2 injections en bonne et due forme mais porteuse du virus comme M. Castex !

Plus que jamais, on entend tout et son contraire à propos du COVID. Les antivax et autres complotistes repartent à l'offensive, avec parfois une mauvaise foi et une violence hallucinantes. D'autres qui croient détenir la vérité scientifique condamnent ex cathedra tous les contrevenants au consensus. Le Moyen-Âge est donc de retour.
La tendance est aujourd'hui naturellement de proposer une troisième dose vaccinale, puisqu’il n’existe pas d’autre alternative. On peut espérer qu’elle permette, comme les autorités réputées compétentes l'affirment, de limiter l’ampleur des pics d’infections sévères à venir, en attendant l’immunité collective qui ravalera peut-être cette infection au rang des viroses bénignes. Mais si tel est le cas, à quoi bon maintenir le passe sanitaire, qui n’a pas permis d’éviter ces nouvelles vagues et qui n’offre en réalité qu’une garantie très aléatoire, voire faussement rassurante ?

Au point où nous sommes rendus, l’exemple de pays qui ont fait le choix de laisser circuler le virus semble assez raisonnable. C’est la stratégie la moins contraignante et la moins complexe à mettre en œuvre. Et il n’y a pas lieu de craindre de drame majeur eu égard à l’efficacité des vaccins pour prévenir les formes sévères. Cette attitude suppose toutefois que l’organisation du système de santé soit de nature à affronter d’éventuels afflux de patients vers les hôpitaux. Après deux ans de pandémie, cela ne semble hélas toujours pas le cas de la France...
Pour alimenter les craintes relatives à une baisse progressive d'efficacité du vaccin, on apprend ce jour même qu'en Israël 9% des personnes récemment diagnostiquées avaient suivi un schéma vaccinal complet comprenant une troisième injection... Le ministre de la santé annonce déjà envisager une quatrième dose...
 
PS: Ce billet a été écrit juste avant l'émergence brutale du nouveau variant dit "omicron", très contagieux à ce qu'on dit et pas nécessairement sensible aux vaccins actuels, dont l'OMS affirme qu'il "présente un risque très élevé au niveau mondial..."
Retour à la case départ ?

14 novembre 2021

Novembre, une Elégie



Ici à peine un voile embrasse l'horizon
Noyé dans les vapeurs moroses de novembre
La plage est pétrifiée dans une gangue d'ambre
Tandis que l'esprit erre au bord de la raison

Le soleil brille encor malgré cette saison
Maudite, où la Nature avilie se démembre
La mer devient hostile et la forêt se cambre
Anticipant hélas tourmente et fanaison

C’en est déjà fini des trop belles journées
Des songes amoureux, et des vertes années
Où chacun s’imagine hors du froid et du temps.

Il faut s’emmitoufler, penser à la vieillesse
Et peut-être à mourir, mais non sans la sagesse
Qui vous dit malgré tout d’attendre le printemps...

10 novembre 2021

La Foire aux Gaullistes

La nullité abyssale atteinte par le débat d’idées en France a trouvé une nouvelle illustration avec la pantalonnade cérémoniale à laquelle s’est prêtée une bonne partie de la classe politique pour commémorer la disparition du général de Gaulle (1890-1970
).
De l’extrême-droite apostate à la gauche équivoque en passant par la droite déconfite en dévotion, ils étaient tous ou quasi à Colombey les Deux Eglises pour se faire voir au pied de la tombe du Grand Charles ce 9 novembre.
Quelle mouche a piqué ces gens pour qu’ils ressentent ce besoin impérieux de faire allégeance à des souvenirs poussiéreux qui nous ramènent invariablement à l’an quarante ?
Est-ce le signe que le pays est indécrottablement englué dans les mythes d’une doxa faisandée pour ne pas dire largement falsifiée depuis des décennies “pour la bonne cause” ?
Est-ce tout simplement l’instinct grégaire qui pousse chacun à suivre le mouvement, même s’il ne mène nulle part, par crainte de rester au bord du chemin ?

Eric Zemmour a échappé de peu à ce rituel grotesque. Sans doute la provocation a-t-elle ses limites. Il faut dire qu’on l’attendait au tournant, puisqu’il se permet de balancer l’encensoir autour des mânes de l’homme du 18 juin, tout en se faisant le suppôt satanique de Pétain ! Tout au plaisir de savourer ces pirouettes qui font enrager les bien-pensants, il pouvait toutefois se payer le luxe de rester tranquillement chez lui et même de démentir la rumeur selon laquelle il allait choisir ce moment chargé d’histoire pour annoncer officiellement sa candidature.

Au moment où la France aurait tant besoin de vrais décideurs les yeux tournés vers l’avenir, dénués d’idéologie face aux réalités du monde actuel, et pourvus d’un solide bon sens, quelle pitié de voir les foules compassées s’étriper autour d’un héritage somme toute assez peu enviable.
Car enfin qu’a-t-il laissé, ce commandeur de la Nation, qui s’est fait renvoyer dans ses foyers sans ménagement par les Français à l’issue d’un référendum perdu, après le calamiteux épisode de mai 68 (contrairement à d’autres, il eut au moins la dignité de partir…) ?
Il symbolise plus que tout autre le centralisme bureaucratique, l’autoritarisme étatique, la pléthore administrative et la folie des grandeurs.
Qu’a-t-il de si glorieux, lui qui s’exila en Angleterre au moment de la débâcle et qui revint pour tirer les marrons du feu, après la bataille, dans le sillage de l’armée américaine ? lui qui n’hésita pas à faire cause commune avec les communistes pour s’installer au pouvoir ? Qui nationalisa à tour de bras et laissa faire les horreurs entachant la Libération, notamment la spoliation ignominieuse de Renault ?
Qu' a-t-il vraiment fait pour la grandeur de la France, lui qui démantela son empire colonial et qui enferma son pays dans un anti-américanisme insensé, conduisant à son isolement et à la réduction de son influence. Il avait fait le bon et seul choix de décoloniser (après avoir juré le contraire), mais il bâcla cette entreprise de manière si lamentable qu’aujourd’hui encore on en paie les conséquences...
Il lui reste certes d’avoir promulgué la Constitution de la Vème république, mais elle est à bout de course et nombreux sont ceux qui n’en veulent plus (sans bien savoir ce qu’ils souhaiteraient à la place)...
Il serait peut-être temps enfin de tourner la page (en relisant l’excellent ouvrage de Jean-François Revel sur “le Style du Général”) !