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26 août 2021

Un été pourri

D'abord, début mai, on annonça un été “chaud et sec”, plus que de nature, favorisé comme il se doit, par le réchauffement climatique. Puis, la réalité s’avérant un peu différente des prévisions, ce fut le constat d'un “été pourri”, considéré même comme un des deux les plus arrosés de pluie depuis 1959 !
Début août, à l’occasion de quelques jours de grosses chaleurs, c’est à nouveau l’alerte canicule qui fit les gros titres. Il n’en fallut pas plus pour relancer le catastrophisme climatique, alimenté entre autres par la prolifération des feux de forêts et le rapport du GIEC annonçant peu ou prou la fin du monde pour 2050, la faute incombant paraît-il exclusivement et sans aucun doute à l’activité humaine, au capitalisme et à la croissance industrielle. Forts de leurs certitudes, ces gens dont le pragmatisme n’est manifestement pas le fort, intiment, le plus sérieusement du monde, aux gouvernements concernés, de tout faire pour inverser le climat, plutôt que de s’adapter aux caprices météorologiques sans cesse évolutifs, par nature. On est ainsi bassiné en permanence par une doctrine à sens unique selon laquelle il faudrait s’arrêter de vivre pour survivre, et qui désigne des boucs émissaires illusoires pour occulter le fait qu’elle repose largement sur l’ignorance. Ce serait donc le réchauffement climatique qui allumerait des incendies, et non des imbéciles, des négligents ou des pyromanes. Avec ce parti pris, il est plus facile de se répandre en sermons universalistes et de prôner une décroissance irresponsable que de sanctionner des agissements criminels ou de préconiser un meilleur aménagement territorial pour limiter l’étendue des sinistres.

Mais le climat n’est hélas pas le seul aléa pourrissant le bel été qui était attendu par chacune et chacun.
La quatrième resucée de COVID a douché les espérances d’immunité collective et commence à faire naître un doute sérieux sur une sortie prochaine de crise. Les courbes de tendances des pays où la vaccination a été précoce et très largement pratiquée, montrent un nouveau pic de contaminations assez déconcertant. Certes l’épidémie cause moins de morts et moins d'hospitalisations, mais elle est toujours là. La crainte de voir émerger à tout moment de nouveaux variants et les dernières études tendant à démontrer que l’immunité contre ce foutu virus se perd assez vite ne sont guère rassurantes...

A l'international, la situation n’est pas beaucoup plus réjouissante. Passons sur les malheurs répétés qui frappent Haïti. Ce pays semble maudit et toute l’aide extérieure s’avère impuissante pour l’aider à affronter, autrement que par le fatalisme, les catastrophes dont il est victime. En est-il de même pour l’Afghanistan ? La réponse est à l’évidence oui. Mais derrière l’incapacité d’un peuple, supposé auto-déterminé, à faire face à son destin et à ses mauvais démons, il y a aussi la faillite de la Communauté Internationale et une grande lâcheté dont les conséquences pourraient peser lourdement sur l’avenir. L'ancien premier ministre britannique Tony Blair s’est exprimé sur le sujet sans détour ni circonlocutions. Selon lui, “le monde ne sait plus ce que défend l’Occident, tant il est évident que la décision de se retirer d’Afghanistan de cette manière était motivée non pas par la stratégie mais par la politique.“
Dans la même déclaration, il fustige “l’abandon de l’Afghanistan au même groupe que celui d’où est parti le carnage du 11 septembre, d’une manière telle qu’on semble mettre en scène notre humiliation…” C’est terrible, mais hélas trop vrai.

Bref, après cette saison vraiment pourrie, il ne reste donc plus qu’à espérer que survienne un bel été indien pour mettre un peu de baume au cœur...

14 août 2021

Adieu Kaboul, adieu Liberté

La capitale afghane n’est pas encore tombée aux mains des Talibans, mais le sort de cette ville et de tout le pays paraît d’ores et déjà scellé. La progression fulgurante des fous de Dieu ne laisse guère de doute quant à leur retour, favorisé par le désengagement américain et l’abandon de tout un peuple par la Communauté Internationale, beaucoup plus préoccupée par le COVID ou le réchauffement climatique...
La faute incombe évidemment également aux Afghans eux-mêmes et à leurs dirigeants, qui se sont montrés incapables de mettre à profit l’aide internationale colossale qui leur a été apportée durant deux décennies pour organiser une société libre, pacifique et démocratique. Tragique constat, hélas prévisible depuis déjà quelques années, et responsabilités multiples...
Ironie du sort, 2021 marque le vingtième anniversaire de l’intervention internationale entreprise à la suite des horribles attentats du World Trade Center.

Malheureusement, vingt années n’ont pas suffi pour éradiquer la vermine obscurantiste qui, telle une armée de termites opiniâtres, revient plus forte et déterminée que jamais. Tous les efforts, toute l'énergie, toutes les vies humaines consacrés à la reconstruction d’un pays en proie à la barbarie ont donc été vains. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il y a fort à craindre que l’Afghanistan retourne à la triste situation qu’il a connue lorsque la charia faisait régner une terreur moyenâgeuse. Il est également probable que ce chaos fasse le lit de nouveaux groupes terroristes.
Dans cette triste histoire, le cortège des nations montre une fois de plus son impuissance désespérante, si ce n'est une vaste indifférence. Pas un mot, pas une résolution, pas un casque bleu en provenance de l'ONU...
Chacun se bat la coulpe au souvenir des horreurs du passé en clamant “qu’on ne verra plus jamais ça”, mais l’histoire a une fâcheuse tendance à se répéter et il s’avère plus que jamais difficile de passer des paroles aux actes. Les plus audacieux se bornent à informer les rebelles qu’ils ne reconnaîtront pas un régime imposé de manière non démocratique ! Le chef de la diplomatie de l’Union Européenne, Josep Borrel prévient les Talibans : “S’ils prennent le pouvoir par la force et rétablissent un émirat islamique.../… ils subiront l’isolement, un manque de soutien international et la perspective d’un conflit continu et d’une instabilité prolongée en Afghanistan.”
Autant pisser dans un violon, face à cette horde conquérante qui n’a que faire de ces veules leçons de morale !

En attendant, on rapatrie avant la catastrophe annoncée, les ressortissants et le personnel diplomatique, à l’instar de ce qui s’était passé dans les années soixante-dix avant la chute de Saïgon, puis de Phnom Penh, puis de Téhéran, etc...
Et l’on plaint par avance avec des larmes de crocodile les populations sacrifiées sur l’autel de la couardise et de l'hypocrisie réunies. On s’attend déjà à voir errer les myriades de réfugiés, les malheureux qui n’auront d’autre espoir que de fuir et d’émigrer. Quant à ceux qui avaient déjà fait le pas et qui se trouvaient en situation irrégulière, la France généreuse annonce “avoir suspendu les expulsions de migrants vers l’Afghanistan”. Belle perspective, et beau résultat…
Comme le déplore avec amertume l’historien Jean-Charles Jauffret "Nous assistons au naufrage d'un pays en nous croisant les bras..."

10 décembre 2009

Napoléon Obama


Le 8 décembre étaient réunis chez Frédéric Taddeï, un joli plateau de beaux esprits pour discuter entre autres, de la stratégie afghane de Barack Obama.
Inutile de dire qu'elle se heurta ce soir là, comme souvent la politique américaine, à une hostilité générale.
Passons sur le discours assez confus du philosophe radical, plus ou moins marxisant, Jacques Rancière. Sur le sujet il se déclara de toute manière incompétent. Tout comme les écrivains "de gauche" (ils s'en vantent), Philippe Besson et Saphia Azzedine.
Dominique de Villepin, quant à lui épancha ses convictions les plus profondes, à l'occasion d'une longue et onctueuse digression dont il a le secret. Naturellement il dit surtout ce qu'il ne fallait pas faire et resta très évasif quant aux propositions d'actions concrètes...
Il faut dire que pour lui l'affaire est réglée comme du papier musique : l'opération afghane ne peut désormais plus être autre chose qu'un échec. Reprenant une antienne bien connue, dans ce conflit qui s'éternise, l'Occident selon lui s'embourbe. Tous les symptômes du désastre vietnamien sont réunis. Les contingents militaires sont ressentis comme des forces d'occupation par la population. Pire encore : faute d'avoir mis en place une « coopération sociale et culturelle », et à cause de la « méconnaissance des réalités locales », et de « l'injustice que nous faisons régner », « nous contribuons à entretenir la corruption ».
C'est bien simple, « en croyant agir pour le bien, c'est le mal que nous faisons... »
Pour ce Politique si audacieux, il faut donc partir au plus vite, afin d'aiguillonner le gouvernement afghan pour qu'il s'organise vraiment, en espérant que les pays avoisinants deviennent « acteurs et partenaires » d'un hypothétique renouveau régional.
Le clou de la soirée fut toutefois l'intervention de Jean Tulard, qui argua de son statut d'historien pour tenter de convaincre un auditoire quasi conquis d'avance. Ça tombait bien, l'autre partie du débat devait porter sur le projet d'abandon de l'enseignement de l'Histoire en classe de terminale !
De manière un peu prétentieuse, il commença par se lamenter sur le fait qu'à l'évidence et pour son malheur, le président américain n'avait lu ni ses livres à lui, ni ceux de M. de Villepin.
Pour M. Tulard en effet, le parallèle avec l'expédition espagnole de
Napoléon s'impose clairement. Pas plus que ce dernier, Obama ne peut gagner, car les analogies foisonnent à ses yeux : Napoléon en Espagne « apportait les principes de la révolution et la démocratie »... mais à la force des baïonnettes. Il installa un gouvernement à sa botte; il rencontra des difficultés liées à un terrain accidenté et montagneux, et pour finir une rébellion armée par des puissances étrangères, en l'occurrence l'Angleterre.
Evidemment tout ça peut faire mouche au premier abord.
Mais au fond même si, comme le fit remarquer finement M. de Villepin, « les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets », l'Histoire se répète rarement à l'identique. Ça serait un peu trop facile.
Premièrement M. Tulard dans son élan, se livre à quelques approximations et raccourcis. Prétendre que Napoléon était porteur de la démocratie est un peu fort de café. Certes, comme il le dit, il supprima l'inquisition, abolit les droits féodaux, et ferma les couvents, mais est-ce suffisant pour faire d'un dictateur un vrai démocrate ?
Comparer d'autre part, le népotisme de l'Empereur, qui plaça sur le trône d'Espagne son propre frère Joseph, avec les conditions qui ont permis l'accès d'
Hamid Karzaï au pouvoir à Kaboul, est également excessif, en dépit d'une réélection entachée d'irrégularités.
Enfin, même si la guérilla en Afghanistan est sans doute alimentée de l'extérieur, aucune nation n'apporte officiellement son soutien armé aux Talibans. Autre différence notable, les armées de l'Empire se livraient en Espagne à une vraie agression. Faut-il le rappeler, la coalition en Afghanistan, répond à l'horreur du 11 septembre 2001, et aux actions terroristes menées par les Talibans et leurs amis. D'ailleurs il faut souligner que Napoléon était très isolé face à une coalition internationale, tandis que c'est l'inverse pour Obama, même si hélas, ses alliés manquent singulièrement de détermination.
Non content de sa démonstration, Jean Tulard va encore plus loin, en évoquant par contraste avec les infortunes napoléoniennes, le succès de l'expédition française de 1823 pour rétablir sur son trône, Ferdinand VII malmené par les Cortès à dominance libérale. Mais d'emblée, ce féru d'Histoire commet une imprécision, en faisant référence au Congrès de Vienne, alors que l'intervention fut décidée par le Congrès de Vérone. Surtout, il oublie de mentionner qu'elle n'était pas une initiative isolée, mais le fruit d'une coalition internationale, placée sous l'égide de la Sainte-Alliance. Ce qui n'empêcha pas Chateaubriand, qui était alors le ministre des Affaires Etrangères, de s'en attribuer sans vergogne comme à son habitude le mérite : «Enjamber d'un pas les Espagnes, réussir là où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armes de l'homme fantastique avaient eu des revers, faire en six mois ce qu'il n'avait pu faire en sept ans, c'était un véritable prodige !» ( Mémoires d'Outre Tombe).
Ce fut certes un succès facile, mais peu glorieux et en tout cas impopulaire en Espagne, puisqu'il s'appuya sur les forces les plus rétrogrades du pays, et qu'il permit au roi rétabli dans ses prérogatives, de se livrer à des représailles sanglantes sur les élus du peuple.
Dernier point discutable, Jean Tulard laisse entendre que l'expédition fut pacifique ce qui est faux. Elle nécessita la mise sur pied d'une armée de 100.000 hommes, « prêts à marcher en invoquant le nom de Saint Louis pour conserver le trône d'Espagne à un petit-fils d'Henri IV », pour reprendre l'exclamation de Louis XVIII. Autrement dit un vrai « surge »... Précisons également qu'après la victoire, il fallut laisser sur place un contingent de 45.000 hommes durant 5 ans, jusqu'en 1828...
Tout ceci montre qu'en matière d'analogie historique, la prudence devrait être la règle. S'il faut tenir compte des enseignements du passé, rien n'est jamais écrit à l'avance et l'art du copier-coller peut s'avérer très vain.
Le succès de l'intervention afghane dépendra surtout de la capacité du peuple et de ses dirigeants à s'organiser, et de la conviction et de la détermination dont fera preuve la coalition internationale.
Il est vrai, s'agissant du Vietnam, que l'aventure s'est terminée par un échec cuisant. Ce n'est pourtant pas d'un manque de légitimité que les Américains, à l'époque très seuls hélas, ont le plus souffert, mais d'une stratégie trop hésitante, et d'un mouvement d'opinion international dévastateur, orchestré de main de maître par la propagande soviétique. Le malheur de ce pays (et du Cambodge à la suite), n'a en tout cas, pas été causé par la présence occidentale mais avant tout par son retrait, brutal et définitif. En revanche, là où la détermination fut plus forte, comme en Corée et à Taiwan, les populations n'eurent qu'à s'en féliciter.
En tout état de cause, déclarer comme on l'entend si souvent, qu'il est strictement impossible d'imposer la démocratie par la force, est un non sens absolu. L'exemple de l'Allemagne et du Japon, entre autres, sont là pour en témoigner...
PS : La pétition subite au secours de l'enseignement de l'Histoire en terminale S me suggère dans le contexte plus général de l'enseignement classique, l'image de jardiniers zélés, accourus pour prendre soin d'un petit arbuste moribond dans un champ de ruines. Autour, ils semblent ne pas voir que rien n'a survécu et que tout est à reconstruire...
Quand même : quel est le conseiller qui a soufflé au ministre de promouvoir une telle mesure ?

03 avril 2008

Le dilemme afghan

Le débat actuel sur l'envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan permet de pointer l'étrange attitude de l'Opposition et de bon nombre de ceux qui invoquent si souvent les droits de l'homme. D'un côté ils exigent une grande fermeté, vis à vis de la Chine par exemple, eu égard à ce qui se passe au Tibet, de l'autre ils accumulent les arguties pour éviter un engagement plus conséquent de la France en Afghanistan.
Alors que, plus ou moins conscients de leur impuissance face au géant chinois, ils ne trouvent rien de mieux à proposer que le boycott de la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques, ils sont prêts à tirer un trait sur les succès chèrement acquis et encore fragiles pour libérer Kaboul.

La rengaine fataliste est bien rodée mais plutôt pitoyable tant elle est marquée par la mauvaise foi : La production d'opium n'aurait jamais été aussi importante que depuis l'intervention internationale, « l'occupation » étrangère ne ferait que renforcer les extrémismes, les soldats risqueraient d'être exposés aux combats, ce serait s'aligner servilement sur la position américaine, et pis que tout, ce serait le signe que la France envisage d'intégrer le commandement de l'OTAN....
Manifestement les fulminations vertueuses contre le régime taliban qui asservissait les femmes et démolissait l'éducation et la culture, sont bien loin ! Quant à la menace permanente que fait peser Al-Qaïda, elle est quasi niée...
Pourtant, si les choses restent problématiques en Afghanistan, ne serait-ce pas comme souvent, par manque de détermination et d'unité de la Communauté Internationale ? Et les bonnes âmes si promptes à militer pour un monde meilleur, ne pourraient elles pas profiter de cette occasion à la mesure de nos moyens, pour accepter le principe d'actions concrètes ? L'engagement actuel de notre pays dépasse à peine 1500 hommes alors que le Royaume Uni en aligne près de 5000 et l'Allemagne plus de 2000. L'heure ne serait-elle pas, après avoir rendu l'hommage qu'ils méritent, aux hommes déjà présents sur place, de leur apporter des renforts qui sans nul doute faciliteraient leur tâche ?