28 septembre 2012

Tendre Agonie




































Il fait doux encore en Septembre
Lorsque les chaleurs de l'été
Se diluent dans la volupté
D'une lumière aux reflets d'ambre

Il fait doux lorsque le vieil astre
Inclinant ses derniers rayons
Illumine les horizons
Noyés dans un radieux désastre

Il fait doux lorsque la nuit
Répand ses suaves essences
Sur les âmes et les consciences
Qu'elle engloutit sans un bruit

Il fait doux dans la coque ronde
Moelleuse et chaude d'un cocon
Qui protège et rassure, et qu'on
Chérit par peur de voir le monde.

Il fait doux dans l'obscurité
Spumeuse des idées reçues
Où sans se soucier des issues
On entre avec naïveté

Il ferait pourtant bien meilleur
Si ce songe de crépuscule
Où tout s'abandonne et bascule
N'était le signe qu'on se meurt...

26 septembre 2012

Qui a peur de Charlie Hebo ?

On n'est pas forcé d'apprécier l'humour de Charlie Hebdo pour lui reconnaître le droit d'exister et de se livrer à son exercice de prédilection : la provocation systématique. C'est souvent très gras, très laid et en général peu contributif au débat, tant le trait est outrancier, voire grotesque, indécrottablement ancré dans le parti-pris gauchisant. Mais hormis les remugles du mauvais goût, il n'y a franchement pas de quoi fouetter un chat.
L'effet n'est de toute manière plus très souvent à la hauteur des ambitions. Qui s'émeut de nos jours de voir le pape représenté en train de sodomiser une taupe (hormis quelques grenouilles survivant encore dans les bénitiers asséchés), ou bien le Front National symbolisé par un étron fumant (sauf pour en rire bêtement chez Ruquier) ?

Mais lorsque le magazine satirique se risque à marcher sur les plates bandes de l'Islam, dans ce qu'il a pourtant de plus radical et rétrograde, on dirait au vu des réactions que cela suscite, qu'il ne met rien moins que la République en péril !

Les politiciens qui nous dirigent, d'habitude plus prompts à se faire les champions de la liberté d'expression et les ennemis de la censure, font profil bas et semblent même gagnés par la panique. Évoquant la publication récente des fameux dessins, le premier ministre se crut obligé d'exprimer « sa désapprobation face à tout excès », et d'en appeler « à l'esprit de responsabilité de chacun ». Le ministre des Affaires Etrangères a martelé de son côté qu'il était « opposé à toute provocation », et le gouvernement a procédé dans la foulée de la publication, à l'interdiction de manifestations, et au renforcement tous azimuts des mesures de sécurité. On se serait cru à la veille d'une guerre civile...

Les autres médias réunis ont joué quant à eux les hypocrites : tout en se faisant les relais complaisants des dessins incriminés, ils ont fait mine de s'interroger gravement sur « les limites du genre bête et méchant » (l'Express).
Le pire fut de lire certains éditoriaux renvoyant dos à dos sur un pied d'égalité, la satire, la caricature, et la provocation d'un côté, et de l'autre, l'intolérance, les appels au meurtre, l'obscurantisme. Ne pas voir la différence est un signe navrant de la dérive des mentalités.
Parmi les exemples les plus frappants de ce dévoiement intellectuel, figure l'opinion de Christian Makarian parue dans l'Express, reprochant à Charlie Hebdo d'avoir surenchéri sur le fameux mais anodin bout de film circulant sur le web, tournant en dérision les musulmans. Il accuse le magazine « d’emboîter le pas d'une vidéo qui est bien plus proche d'un manifeste politique extrémiste », alors même que les réactions délirantes de foules haineuses un peu partout dans le monde (même à Paris) ont semblé donner raison aux mystérieux auteurs du film incendiaire!
Plus forts encore furent les propos de Laurent Joffrin publiés dans le Nouvel Obs du 20/09 affirmant « qu'en caricaturant Mahomet, nos confrères se retrouvent aux côtés de fanatiques islamophobes. Et font des islamistes les premiers défenseurs de l'Islam. »

On pense à l'incroyable mauvaise foi (à moins que ce ne soit courte vue) des gens qui accusaient d'anti-communisme primaire, tous ceux qui osaient il y a quelques décennies s'attaquer à l'idéologie asservissant tant de malheureuses populations derrière le rideau de fer. Tandis que des peuples étaient opprimés aux portes du monde libre, et qu'un effroyable totalitarisme se faisait de jour en jour plus menaçant, il fallait selon ces culs bénis d'inspiration munichoise, pratiquer la coexistence pacifique, jouer la détente pour apaiser le monstre...

L'histoire paraît se répéter. Ce qui est effrayant, en la circonstance, c'est l'inversion des valeurs à laquelle on assiste. Est-ce lâcheté ? Est-ce myopie ? Est-ce naïveté ? La question mérite d'être posée. C'est le mérite de Charlie Hebdo de la provoquer.
Au moins ses journalistes font leur métier ni plus ni moins, et on peut au moins leur reconnaître le courage de ne pas faiblir lorsque tant d'autres se défilent...

17 septembre 2012

Bonnets d'ânes

Il est bien difficile de trouver dans les actuelles mesures gouvernementales, sujet de réjouissance. Le flottement, la démagogie et les renoncements constituent le substratum de ce programme invertébré qui enferre le pays toujours plus profondément dans le marasme. Nucléaire ou pas nucléaire, gaz de schiste ou pas gaz de schiste, "j'aime pas les riches" mais je ne comprends pas qu'ils fuient quand j'entreprends de les plumer, je veux augmenter le pouvoir d'achat, et la croissance, mais je les étrangle par les impôts, je crie "vivent les Roms" mais je veux qu'ils déguerpissent, je veux davantage de sécurité mais j'ouvre les prisons, je dis vouloir plus d'Europe mais je promets à mes amis écolos et cocos d'en faire moins, je m'engage à restaurer le tissu social et à solidifier les familles mais je casse toujours plus les repères, et je les éparpille par une panoplie d'ersatz sociaux «pour tous »... En bref, c'est un déluge d'ordres et de contre-ordres, d'atermoiements et de contradictions. On dirait Ubu, dans ses oeuvres...

Les bonnes intentions du ministre de l'Education, Vincent Peillon, ne déparent pas ce spectacle à la fois absurde et tragi-comique.
Figurez-vous qu'il tente à son tour de mettre en branle le mammouth dont il est désormais le cornac. Mais il y a peu de chance que le fameux « changement » se traduise par une révolution, en dépit de la fascination qu'a le ministre pour Robespierre et ses petits copains de la terreur.
Parmi les mesures envisagées, deux sont en tout cas emblématiques d'un conservatisme au goût de renfermé.
Passons sans trop s'attarder sur le concept foireux de morale laïque : il s'agit à l'évidence d'une babiole programmatique, souvent évoquée par maints de ses prédécesseurs, mais ne ressemblant pas en pratique à grand chose. Au mieux, pourrait-on évoquer une resucée de la fameuse et désuète instruction civique, tant de fois réclamée ou promise et dont la réalité est un fiasco.
Et lorsqu'on s'élève un peu, l'inanité de la rhétorique est alors flagrante. La Morale, M. Peillon ne peut l'ignorer, est une discipline de la philosophie, jusqu'à présent enseignée dans les lycées, avec le succès qu'on connaît...
La Morale est un vaste sujet. Dans la plupart des acceptions, elle se conçoit dotée d'une dimension spirituelle, dont les prolongements amènent inévitablement aux religions ou à la métaphysique.
Il est certes une conception de la morale dénuée de ce fondement : c'est celle qui en fait un concept utilitariste. Mais cette dernière, qui veut que les actions soient bonnes en proportion du bonheur qu'elles donnent, n'a pas grand chose à voir avec le fait laïque (dont la définition est elle-même équivoque). Ce genre de principes débouchent sur une philosophie hédoniste ou pragmatique, selon le point de vue qu'on adopte, qui ne correspondent pas selon toute probabilité, à l'idée néo-constructiviste qu'a le ministre derrière la tête.
Alors, s'agit-il de la morale telle que nous l'enseigne Kant ? Pas davantage car elle ne saurait se passer de la spiritualité dont le mystère déborde largement l'idée même de laïcité.
La morale kantienne est d'ailleurs si éthérée, qu'elle fut raillée par Peguy : "Kant a les mains pures, mais il n'a pas de mains". Le concept promu par Vincent Peillon est quant à lui doté sans doute de bras et de jambes « républicains », mais il n'a pas de tête et donc pas d'intelligence ! Ça peut faire illusion, comme un canard décapité qui court encore, mais ça n'a pas de direction...

Autre volet emblématique du « changement » en matière éducative, le rétablissement de la carte scolaire, est bien pire encore, s'il est analysé à la lumière de ses conséquences.
Il paraît que Nicolas Sarkozy avait osé la supprimer. En tout cas, il s'était vanté de vouloir le faire, mais concrètement, il est bien difficile de mesurer l'impact de sa réforme.
En faire un impératif de la réorganisation scolaire est pour le coup sûr, une calamité, relevant de l'idéologie socialiste égalitaire la plus ringarde. On peut même affirmer qu'il s'agit d'un des verrous stupides, enfermant le système français dans sa logique pernicieuse et désastreuse
 
Depuis les temps les plus reculés jusqu'au futur le plus lointain, il y eut et il y aura de bons et de moins bons établissements. Sont-ce ces derniers qui fabriquent les mauvais élèves ou bien est-ce l'inverse ? Vaste question, sans plus de réponse que celle de la poule et de l'oeuf...
A quoi mène invariablement l'obligation pour les parents d'inscrire leurs enfants dans l'établissement le plus proche de leur domicile ? Non pas assurément au métissage social cher aux bien pensants néo-marxisants, ni à l'égalité des chances, mais tout simplement à la flambée des prix de l'immobilier autour des établissements bien cotés, ou tout au moins, bien fréquentés ! Ceci traduisant le désir légitime des parents un peu exigeants (même "de gauche") de faire bénéficier leur progéniture des meilleures conditions d'études. Résultat, seules les familles aisées peuvent s'offrir ce luxe, les autres étant renvoyées aux ghettos incultes. Et c'est ainsi que s'installe un cercle vicieux.
Malgré des tombereaux d'aides et de subventions, il devient quasi impossible pour un établissement « zonard » de s'en sortir. Offrant un niveau médiocre au départ, il se transforme par la force des choses, en fabrique de cancres et de délinquants, fait fuir ou décourage ses quelques bons professeurs et s'enfonce dans une spirale infernale, paralysé qu'il est par l'interdiction de trier au mérite ses élèves, et même de sanctionner les éléments les plus turbulents.
Ce système diabolique accroit mécaniquement les inégalités en tirant vers le bas des pans entiers de l'enseignement public, tout en provoquant l'exode de ceux qui le peuvent vers les établissements privés. Tout le contraire du but recherché en somme...

Combien faudra-t-il de temps en France, pour qu'enfin soit admise cette évidence, et qu'on tende vers l'objectif que les enfants puissent accéder aux études, en fonction de leurs aptitudes et de leurs mérites, et non de l'adresse de leurs parents ou de leur rang social ? Et qu'on accepte l'idée qu'une saine émulation fondée sur ce principe, permet à tout établissement de prétendre, par ses efforts et ses initiatives, à l'excellence ?

14 septembre 2012

Montée des périls

Les événements violents qui embrasent le Proche-Orient pourraient bien constituer le révélateur d'une grave faiblesse du contre-pouvoir légitime et nécessaire de la Communauté Internationale.
L'ONU est aux abonnés absents. Rarement son inutilité n'a été aussi manifeste. Si la démission au cours de l'été de Kofi Annan, l'envoyé spécial conjoint pour la Syrie est un symptôme en apparence banal de cette navrante impuissance, les raisons invoquées par le secrétaire général de l'Organisation ne laissent pas d'inquiéter : il a en effet qualifié à cette occasion, « les divisions persistantes au sein du Conseil de Sécurité, d'obstacle à la diplomatie ».
On ne saurait mieux rendre compte de la faillite désespérante d'un système...
L'attitude de la Chine et de la Russie explique certes une partie de l'inertie, mais elle n'empêcha pas des actions par le passé, et tout porte à croire que l'opposition « de principe » pourrait être contournée si le reste du monde était suffisamment déterminé. Mais de détermination, il n'y a point, tant ces nations manquent de dessein commun.

L'Europe, qui peine à réunir ses forces décaties pour surmonter la crise économique, est bien loin de représenter un ensemble cohérent sur la scène internationale. On se souvient que disposant de 2 sièges au Conseil de Sécurité, elle trouva le moyen en 2003, d'émettre deux avis contradictoires lors du problème irakien... La France qui par les initiatives de son leader dynamique s'efforçait d'apporter un peu de punch à cette communauté hétéroclite, a décidé un jour de pluie de mai 2012, de s'arrêter au bord de la route pour contempler le paysage...

Mais plus grave encore que tout cela, est l'apparente léthargie américaine.
Si la politique du président américain n'est - même pour ses fans - guère convaincante dans son aspect « domestique », son versant tourné sur l'extérieur semble tout simplement inexistant.
Hormis l'élimination de Ben Laden, dont pouvait penser qu'elle couronna des efforts entrepris bien avant son accession au pouvoir, aucun fait marquant n'est à porter à son crédit. La démilitarisation de l'Afghanistan dont il avait fait un argument de campagne, s'avère assez désastreuse. Plus lente que promis, elle n'en donne pas moins l'impression d'ouvrir progressivement un boulevard aux extrémistes. L'Iran dont on parle assez peu par les temps qui courent, représente un péril plus que jamais imminent. Or ni dans les actes, ni même dans les discours dont il est pourtant friand, le président américain n'a tenté grand chose pour enrayer l'implacable montée de la menace.

Face à tous les foyers qui s'allument un peu partout, L'Amérique paraît en panne. Elle fut absente des révolutions dont elle avait tout lieu d'espérer une tournure avantageuse pour la démocratie. De nouveaux chaudrons propices à l'éclosion du terrorisme et de l'intolérance sont en ébullition un peu partout. Or ni au Mali, ni en Libye, ni en Syrie, les Etats-Unis ne font preuve d'une réelle détermination, ni même d'un quelconque intérêt. Bilan affligeant, comme on pouvait le craindre, en dépit de son attitude lénifiante, voire complaisante, Barack Obama n'a en rien diminué la haine anti-américaine des foules fanatisées.
Tout se passe comme si la flamme de la liberté venue de l'Ouest était en voie d'extinction.
Or, lorsque l'Amérique s'éteint, le destin du monde s'assombrit...
Elle vient d'être frappée durement par l'ignoble attentat de Benghazi, qui a coûté la vie à l'ambassadeur et à une partie de son équipe. En la circonstance, la montée en épingle par les médias, d'un bout de film parodique sur Mahomet, est vraiment grotesque. Comme si des musulmans dignes de ce nom pouvaient justifier des crimes aussi ignobles et un tel déchaînement de malveillance par un pamphlet aussi dérisoire ! A l'heure où en Occident, on range au niveau de l'art la photo d'un crucifix plongé dans l'urine, le contraste est saisissant en même temps qu'effrayant.

Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour faire le constat que la montée des violences vient de loin, et que, même si elle ne répond qu'aux menées d'une minorité de gens, ceux-ci sont diablement bien organisés. Sans police, ce désordre a toutes les chances de croître.
Y aura-t-il un sursaut ? That is the question...

12 septembre 2012

Ouragan Sentimental

Au dessus des tempêtes, des drames mais aussi des lubies et des billevesées d'un monde plus grégaire et versatile que jamais, Bob Dylan en grand seigneur impassible, continue de peaufiner ses cantilènes intemporelles et ensorcelantes.
Quelle voix sublime à force d'avoir été comme un très vieux cuir, tannée, usée, écorchée, par les orages, les saintes colères et les désillusions de l'existence. Quelle force dans l'indicible parfum d'expectative qui sourd avec une infinie douceur de cette complainte gutturale !

Peu importent les marques de l'âge sur le visage du poète, il n'a cure des jouvences artificielles. Son indépendance, sa liberté, son humilité, sont des signes autrement plus convaincants de sa jeunesse.
D'ailleurs, on dirait qu'il n'y a ni début ni fin dans l'égrenage subtil de ses mélodies succulentes. Seulement une atmosphère extatique, exquisément poignante, comme les mystères qui vous élèvent, en vous interrogeant, avec la dureté de la finitude et la tendresse de l'espérance.

Ça commence avec une sorte de pépite aussi brillante qu'inattendue. Duquesne Whistle. Un train à la manière d'autrefois, passe en sifflant. Comme en sifflotant, plutôt... Dans cet univers pimpant, les riffs guillerets saisissent l'auditeur qui ne peut qu'en redemander. Pas grand chose à voir, sauf erreur de ma part, avec l'illustration glauque à laquelle on eut droit sous forme d'un clip abscons, en prélude à la sortie du disque. Les images sont pauvres lorsqu'il s'agit de représenter l'imaginaire...

La suite est un peu plus sombre. Soon After Midnight. La nuit nous entoure...
Mi Blues, mi mélopée, Dylan emmène ses affidés sur une voie étroite mais au charme hypnotique : Narrow Way. Ne pas s'abandonner à la facilité, recommande-t-il en termes voilés. Ne pas gâcher les années d'une vie que l'ennui fait paraître longue alors qu'elle est si courte (Long And Wasted Years). Dès lors tout s’enchaîne : Les folies qu'on paie au prix fort du sang (Pay In Blood). La légende d'une ville nappée d'un rouge écarlate (Scarlet Town): du crépuscule, ou bien de la honte, ou des déchirements ? Pourquoi ne pas évoquer tant qu'on y est, les mirages funestes de l'histoire, de la gloire, du pouvoir et de l'argent (Early Roman Kings), voire le mythe de l'ange déchu (Tin Angel). Le triste balancement d'une longue, très longue et tragique traversée maritime, sur un océan glacial qui ressemble au destin (Tempest). Et pour finir, l'adieu déchirant à l'ami autrefois arraché abruptement à la vie (Roll On John)...
Il paraît que Bob Dylan voulait faire un recueil religieux. C'est peu dire que l'Esprit affleure à chaque moment sous les détours un peu énigmatiques de sa poésie assagie. ..
Quant à la musique elle-même, précisons qu'elle est servie par un accompagnement idyllique. Des artistes sous le charme, distillant avec volupté un son splendide, merveille d'équilibre, de fantaisie et délicatement feutré comme les velours les plus soyeux... 


Tempest, Bob Dylan. Columbia 2012

04 septembre 2012

Socialisme, que de crimes on commet en ton nom !

Ce livre est terrible. Hélas il n'apprend pas grand chose à ceux qui depuis longtemps ont compris que le Socialisme était une effroyable calamité, probablement la pire que l'humanité ait engendrée.  
Sera-t-il une révélation pour les autres, rien n'est moins sûr...

Ce témoignage en forme de réquisitoire s'ajoute à tellement d'autres bouleversants, tellement d'expériences calamiteuses, tant de massacres, tant d'horreurs en tous genres, qu'il paraît impossible à tout être doué de raison, de croire encore un tant soit peu à cette idéologie mortifère.

Puisse le parcours incroyable de ce jeune homme, Shin Dong-Hyuk, sacrifié dès sa naissance à l'implacable Moloch collectiviste, inspirer quelques doutes ici ou là. Au terme d'incroyables mésaventures, recueillies et racontées par le journaliste Blaine Harden, il est aujourd'hui libre. Mais au moins 200.000 de ses concitoyens croupissent encore, dans d'odieux camps de concentration. Les autres plus chanceux, bien qu'ils vivent hors les murs de ces sinistres prisons, n'ont qu'une vie de misère, souffrent de privations inacceptables à notre époque, n'ont aucune espèce de liberté, surtout pas celle de penser et de s'exprimer.
Au terme d'une guerre effroyable, opposant le monde libre au bloc communiste, leur infortuné pays a été divisé en deux. Une partie vit à l'heure socialiste, dans l'acception la plus pure (l'idéologie juche). L'autre a adopté le système capitaliste, si honni, si vilipendé.
De part et d'autre du 38è parallèle, dans le pays dit du « matin calme », ce sont les mêmes gens. Mêmes origines ethniques, mêmes religions, même histoire, même culture. Seuls les systèmes régissant la société, les différencie. Et de quelle manière !
Hélas, cette aveuglante évidence, que nul ne peut ignorer, n'a toujours pas dessillé les yeux de certains, qui continuent de croire aux bonnes intentions et à la nature fondamentalement bonne du socialisme...

Malgré l'effarante accumulation de preuves, toutes plus accablantes les unes que les autres, on trouve encore de nos jours suffisamment de gens assez crédules pour élire un président de la république, se réclamant sans vergogne de ces fumeuses et funestes théories.
La vérité est que jamais, au grand jamais, le socialisme n'a réussi à améliorer ne fut-ce que d'un iota le sort des pauvres et des « masses laborieuses », bien au contraire. A les juger objectivement, tous les prétendus acquis sociaux obtenus en son nom n'apparaissent que comme des leurres, retardant la vraie émancipation des citoyens, et l'épanouissement d'une société libre et éclairée.

Au plan intellectuel, le socialisme est une véritable aliénation. Au plan politique il est au mieux un carcan bureaucratique, inféodé à des principes et à des a priori, et indifférent à la réalité pratique. Au pire, il est une tyrannie qui martyrise dans leur tête et dans leur chair ses victimes, qu'il va jusqu'à forcer à devenir les acteurs de leur propre calvaire.
Même à dose homéopathique le socialisme est néfaste. Comme un poison létal, il agit à dose infinitésimale, pour pervertir le raisonnement en jouant sur les bons sentiments, pour dresser les gens les uns contre les autres en prétendant prôner la solidarité, pour étouffer toutes les initiatives en se faisant le champion du progrès, pour mystifier les cervelles dès l'enfance au nom de l'éducation d'Etat, pour assécher toutes les ressources au titre de la générosité...

Les moins fanatiques de ses zélateurs, se démarquent certes du modèle communiste qui étrangla nombre de populations durant les années de plomb, derrière le rideau de fer (non sans avoir pour certains d'entre eux, chanté longtemps ses louanges).
Mais c'est pour mieux vanter la « social-démocratie » qui constitue en définitive à leurs yeux, l'incarnation d'un socialisme à « visage humain », porteur de succès.
Et tout en admettant que les expériences passées furent des échecs, ils maintiennent mordicus que le vrai socialisme reste à construire, et que son avènement est plus que jamais souhaitable.
Tout cela est fallacieux. Les quelques modèles socialistes ayant surnagé dans la monstrueuse histoire de ce courant de pensée, n'ont pu le faire qu'en se raccrochant peu ou prou au modèle libéral. En diluant l'idéologie, en édulcorant le paradigme, en y incorporant un peu de liberté et une dose d'initiative privée, ils parviennent encore à entretenir l'illusion.
Et grâce à ces concessions plus ou moins avouées, le mirage aux alouettes continue de fasciner, le Parti a toujours pignon sur rue, la dialectique est encore vivace...

Fasse le ciel qu'un jour enfin, les foules égarées par ce mythe savamment entretenu, retrouvent le chemin de la raison. Qu'elles suivent la recommandation du vénérable Kant, exhortant les hommes et les femmes à devenir intellectuellement et spirituellement « majeurs ». Autrement dit à sortir de la minorité confortable dans laquelle ils ont une tendance naturelle à se complaire. A avoir le courage de « se servir de leur intelligence sans être dirigés par autrui », à voir les choses par eux mêmes et non par l'intermédiaire de maîtres à penser qui « après les avoir d'abord abêtis en les traitant comme des animaux domestiques, et avoir pris toutes leurs précautions pour que ces paisibles créatures ne puissent tenter un seul pas hors de la charrette où ils les tiennent enfermés, leur montrent ensuite le danger qui les menace, s'ils essayent de marcher seuls. »
La vraie Liberté s'acquiert en marchant seul, en sachant se gouverner soi-même. Tout le reste n'est que tromperie.

Blaine Harden. Rescapé du camp 14 : De l'enfer nord-coréen à la liberté. Belfond 2012
Immanuel Kant : Qu'est-ce que les Lumières ? 1784