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15 octobre 2014

Le problème Zemmour (2)

Hélas, les sources du mal sont beaucoup plus anciennes que ne semble le penser M. Zemmour,  et ce n’est probablement pas d’une trop grande porosité au monde dont souffre la France, mais au contraire de s’être enfermée dans ses lubies idéologiques et de n’avoir guère regardé ce qui se passait autour d’elle. Comme elle a perdu sa puissance de jadis, elle ne peut plus entretenir que l’illusion de son influence, et son incapacité à s’ouvrir est un handicap qui pèse chaque jour un peu plus lourdement.

A dire vrai, ce n’est pas d’hier, ni même de 1968 que datent cette curieuse myopie et ce repliement spirituel.
Il faudrait sans doute remonter à la Révolution de 1789, pour voir vraiment les origines de cet arrogant virage à gauche, dont Zemmour dénonce à juste titre les méfaits. C’est peu de dire qu’à l’occasion de la terreur robespierriste, la France a raté son passage à la démocratie, en même temps qu’elle a introduit le vers socialiste dans son corpus politique et social. Il s'en est suivi une longue période d’errance de plus de deux siècles qui vit se succéder la folle chimère du Premier Empire, prodigieux édifice, mais écroulé comme un château de cartes, le retour d’une monarchie  royale éphémère et bancale, un Second Empire aussi illusoire que le précédent, plusieurs vaines révolutions, et pour finir, une pléiade de républiques dont la cinquième du genre ne donne toujours pas satisfaction aux Français ! Il n’y a vraiment pas de quoi être fier…

Parallèlement le gauchisme n’a cessé de progresser dans les esprits au point d’imprégner de nos jours les moindres recoins de la société. Tout ou presque lui est désormais inféodé, notamment l’éducation, la justice, les syndicats, les médias, la culture, et naturellement le champ politique où l’interdépendance des pouvoirs pérennise la concentration idéologique autour des courants de pensée les plus influents.
Quelque soit la tendance affichée des gouvernants, la France patauge depuis des lustres dans le même marasme socialiste auquel on fait mine d’adjoindre en fonction des circonstances et d’éventuelles pressions extérieures, un soupçon de libéralisme plus ou moins frelaté. Le Général de Gaulle dont Zemmour vante les mérites n’a pas dérogé à la règle. C’est lui qui présida aux grands chantiers sociaux post-libération, d’où émergea le fameux “modèle français” que nous traînons comme un intouchable boulet. Pour cela, n’a t-il pas fait bon ménage avec les communistes ? Ne s’est-il pas accommodé des monstrueuses nationalisations de l’époque ? N’était-il pas à la tête d’un gouvernement qui s’enorgueillissait d’avoir un ministère de l’Information ? N'a-t-il pas fait à maintes reprises la preuve d'une versatilité mensongère et par là même, n'a-t-il pas contribué à discréditer l'image de la France ?

Il faudrait toutefois remonter encore un peu plus loin dans le temps pour mettre à jour la racine la plus profonde du mal français, à savoir la propension à la pléthore administrative et à la centralisation bureaucratique.
Il serait sans doute excessif de faire endosser à Colbert la responsabilité exclusive de ce fléau jacobin tant il paraît consubstantiel au pays, et ce système pouvait trouver quelques défenseurs lorsque les communications se faisaient à cheval, mais il ne contribua pas peu à l’inadaptation au monde moderne que manifeste notre pays, et à la sclérose de ses institutions.

Cette histoire, M. Zemmour a quelque peu tendance à l'occulter dans ses raccourcis vengeurs. Et son prisme interprétatif franco-français le condamne à s'enfermer dans une logique trop étroite pour porter ses ambitions. De fait, sa nostalgie du passé le fait douter du progrès, de la démocratie, et pire, parler comme d’une calamité, du grand vent de liberté venu de l’Ouest, dont on connait la tendance à casser les frontières et à renverser les potentats établis.
Il préfère ancrer son discours dans le paradigme national “à l’ancienne”, ce qui l’amène à douter des vertus de l’Europe, et à craindre plus que tout, l’évolution de cette dernière vers le modèle fédératif qui a si bien réussi aux Etats-Unis.
Sur ces derniers il manifeste paradoxalement une opinion parfaitement banale, rejoignant ainsi tristement l’anti-américanisme qui sévit dans les esprits. Il critique violemment le libéralisme anglo-saxon qu’il juge responsable de la mondialisation, de l’uniformisation des cultures et de la liberté débridée des échanges. Au surplus, l’Amérique c’est selon lui le royaume de l’individu-roi qu’il exècre, et du communautarisme si néfaste à ses yeux.
Il ne voit donc pas la force admirable du sentiment national qui caractérise ce grand pays. Il semble ignorer la devise si vivace encore aujourd’hui outre-atlantique : e pluribus unum. Et il ne voit pas que loin d’être inculte, l’Amérique en à peine plus de deux siècles, est devenue la nouvelle Athènes du monde moderne, pour notre plus grand bien. En plus d’être le temple du progrès scientifique, elle a toujours été protectrice des arts, et au surplus, elle s’est progressivement imposée comme le berceau d’une foule d’expressions nouvelles, du cinéma à la musique en passant par la littérature !
C’est vraiment lui faire un mauvais procès que de la réduire comme tant de Gaulois aigris, à son appétit pour les biens matériels et son culte du dollar...

Au total, M. Zemmour se comporte avec la société ouverte dans laquelle il vit, pour son plus grand malheur, comme celui qui veut jeter le bébé avec l’eau du bain. Il en perçoit bien certaines dérives, dues à une permissivité irresponsable et un égalitarisme démagogique, qu'il déplore avec raison. Mais il en profite pour accuser le système de tous les maux y compris ceux auxquels il est étranger, notamment nombre de tares structurelles typiquement françaises. Et à la fin, il en vient à rejeter l’ensemble de cette société moderne, au risque d’en perdre les bienfaits inestimables, dont la liberté, qu’on devrait chérir et protéger autant que les hommes préhistoriques le faisaient avec le feu.
C'est bien dommage, car à cause de son caractère excessif et un tantinet borné, son propos s'en trouve affaibli, et il s'expose aux accusations de passéisme, de chauvinisme, voire de xénophobie, ainsi qu'à de vaines et stupides polémiques...
Le grand drame actuel est que nous ne croyons plus au modèle de la société libre qui est le nôtre, et pour lequel tant de sang a été versé, et tant de sacrifices consentis. Aujourd'hui, nous confondons le fait de vivre en liberté avec celui de vivre libre. Nous Français, si prompts à vanter la liberté, nous n'avons pas su nous adapter à cette vertu que nous avons pourtant inscrite aux frontons des palais de la République. Nous jouissons d'elle mais nous ne l'aimons pas. Nous passons notre temps à la galvauder et à l'abîmer par nos caprices d'enfants gâtés. Bientôt peut-être, nous ne serons plus dignes d'elle. Et M. Zemmour qui observe avec tant d'acuité les défauts de ses contemporains, nous entraîne à sa façon sur cette mauvaise pente, car s'il voit bien, il interprète mal...

12 octobre 2014

Le problème Zemmour (1)

A l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage “Le Suicide Français”, on ne peut qu'être frappé par le rayonnement médiatique de son auteur, le journaliste et polémiste Eric Zemmour. On ne parle que de lui et on pourrait même mesurer sa cote de popularité en suivant la courbe d’audimat qui accompagne chacune de ses prestations télévisées.

L’homme est un paradoxe vivant. Quoique d’allure chétive il irradie, et son opinion, quoique très minoritaire, fait mouche. On peut même dire qu’il fait face avec jubilation à tous les petits marquis du conformisme contemporain, alignés en rangs d’oignons sur les plateaux de télé, et qui se font un devoir de confondre ce dangereux déviant à la pensée unique.
Lui, seul face à cette armée de bien pensants, ferraille avec brio, faisant feu de tout bois pour repousser leurs assauts dérisoires. Il y parvient sans peine, tant la stratégie de ses adversaires est monolithique et prévisible. Et suprême récompense, même la mauvaise foi dont il fait parfois preuve en la ponctuant d’un petit rire sardonique, contribue à renforcer le crédit dont il jouit auprès d’un peuple lassé des platitudes ronflantes et des axiomes insipides de la correction politique. 

Pourtant, si sur le champ de bataille idéologique qu’il parcourt sabre au clair, il est assez jouissif de le suivre, tant ses arguments frappent juste et fort, il faut bien avouer qu’à certains moments, l’impression est qu’il se laisse emporter par son élan, voire même qu’il se trompe de cible, ou bien qu'il s'égare dans la charge…

Au départ, les constats sont percutants et le style incisif de leur auteur fait merveille.
Lorsqu’il entreprend par exemple, la démolition du triptyque dérision-déconstruction-destruction qui fait selon lui des ravages dans la société française en minant ses piliers, pas de problème, il a raison. Ses détracteurs ont beau jeu de lui reprocher de faire au passage le procès de l’homosexualité, des femmes et de l’islam, ou de faire le jeu du Front National, il n'en a cure, démontrant qu'il n’est rien de plus faux évidemment.
Car lorsqu’il s’attaque à la confusion des genres, c’est à ceux qui détruisent méthodiquement les repères sociétaux qu’il s’adresse, non à ceux qu’il considère comme victimes de ce saccage.
Il est vrai que ce n’est pas faire injure à la communauté gay que de déplorer qu’en son nom, on en vienne à instaurer cette monstruosité légale du “mariage pour tous”. Car vouloir consacrer leur singularité par ce parfait symbole du conformisme bourgeois, c’est un peu comme vêtir Arlequin d’un costume trois pièces de courtier. C’est tout simplement grotesque.
Ce n’est pas non plus s’en prendre aux femmes que de se moquer des excès du féminisme, surtout lorsqu’ils mènent aux gesticulations insanes des Femen, ou bien à la pantalonnade récente vue à l’Assemblée Nationale, durant laquelle un député fut puni pour s’être obstiné en séance à s’adresser à madame LE Président ?
Ce n’est pas mépriser les Musulmans, que de condamner les interprétations les plus radicales de l'Islam, qui rentrent en conflit flagrant avec les principes républicains et qui basculent parfois dans le crime. Ce n’est pas une faute que de s’alarmer des dérives dangereuses qu’on voit un peu partout prendre le pas sur les pratiques respectables. Et ce n’est pas un péché d’affirmer qu’il est suicidaire de mélanger dans le même “respect” les croyants et ceux qui abusant de la crédulité de ces derniers, parlent au nom de Dieu et veulent faire de leur délire sanguinaire une loi, applicable à tous.

Mais évidemment, il n’est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, ni de pire interlocuteur que celui qui s’échine à ne pas vouloir comprendre.
Faisant face à Zemmour, c’est toute la clique gaucho-coco-altermondialo-écolo qui aligne ses poncifs éculés aux vagues relents rousseauistes et à la couardise grégaire. Dans ce maelström visqueux de bons sentiments et de mauvaise conscience, les idées ramollissent comme de vieux chewing-gums et s’agrègent les unes aux autres en formant une gangue gluante. Le sophisme tient lieu de raisonnement et la pratique de l’amalgame ramène toujours au même fameux point Godwin, c’est à dire la reductio ad hitlerum. Quoique vous disiez, vous serez toujours traité de droitiste borné, voire de nazi. Le principe est des plus simples. Si vous vous opposez aux dernières lois supposées donner de nouveaux droits aux femmes ou aux homosexuels, vous êtes tantôt machiste, tantôt homophobe. Dans les deux cas, vous êtes suspect de fascisme, donc nazi en puissance. Si vous émettez des réserves sur les évolutions de l’islam, ou si vous vous en prenez à la cause palestinienne, vous êtes nécessairement anti-arabe donc raciste et in fine nazi également. Si vous défendez un contrôle accru de l’immigration, vous êtes conséquemment xénophobe et donc une fois de plus raciste, c’est à dire encore nazi. Si vous défendez "une certaine idée" de la France, vous êtes nationaliste et naturellement frontiste, donc toujours nazi, etc...

En dépit de sa judaïté, supposée lui servir de talisman, Zemmour en prend donc plein la figure de la part des petits censeurs de salon. Il faut dire qu’il a osé enfreindre leurs codes !
On ne saurait donc trop le féliciter d’avoir le courage de refuser l’orthodoxie de cette pensée, outrageusement simplificatrice et manichéenne, régnant dans notre pays. Mais à l’heure de la mondialisation, on s’étonne toutefois qu’il en borne les effets dévastateurs à la seule France, qui serait selon lui de ce fait en train de se suicider. On s’étonne encore davantage qu'il fasse de cette mondialisation déferlant sur notre cocon hexagonal, l'une des causes essentielles de nos malheurs, et qu’il ne puisse envisager de solution autrement qu'en restaurant les murailles de la France, à l'image d'une forteresse médiévale ?
Car si notre pays est indiscutablement en phase de déclin, c’est peut-être parce qu’il est moins conquérant que du temps de Louis XIV ou de Napoléon. C'est peut-être aussi parce que l’esprit français si rayonnant autrefois, est aujourd’hui en berne. Mais c'est sans doute beaucoup parce que nous nous obstinons à ne pas vouloir voir que le monde a changé, hors de nos frontières. De ce point de vue, “la Mélancolie Française” dont fait preuve Eric Zemmour témoigne d’un peu trop de passéisme. A le lire, la France d’avant 68 aurait été grande et belle, et la décadence qu’il déplore serait presque entièrement contenue dans la période toute récente, allant de la fin des années soixante à nos jours ! En conséquence, il n’y aurait de salut à espérer, qu’en remettant sur pied la Nation d’avant ce joli mai de 1968 ! 

(à suivre...)