27 mai 2022

Mais aimons-nous ceux que nous aimons ?

Cela faisait un bail que je cherchais à me procurer cet ouvrage de Henry de Montherlant (1895-1972), dont le seul titre exerçait sur moi une étrange fascination. L’Amour relève d’une telle évidence qu’il peut sembler incongru, voire insensé d’en questionner le fondement même, ou de chercher à en percer les arcanes. Mais à bien y réfléchir, n’y a-t-il pas là un vrai sujet dont la portée philosophique s’impose à l’entendement ?
J’avais vu autrefois le bouquin dans les rayonnages de la bibliothèque de mon père. Pourtant, si l’interrogation sur laquelle il se fonde avait pénétré mon esprit, je n’avais jamais tenté de le lire, ni d’ailleurs quoi que ce soit d’autre de l’écrivain. Était-ce l’allure sévère, empreinte d’un stoïcisme hautain de l’homme qui m’effrayait, ou bien était-ce sa réputation sulfureuse et sa moralité ambigüe qui m’avaient rebuté, je ne saurais trop dire…
Toujours est-il que, taraudé par la question, je décidai, longtemps après avoir laissé filé le livre dans les limbes du temps, de revenir à lui, de me mettre en quête d’un nouvel exemplaire, puis de me plonger enfin dedans avec délectation.
Après avoir ingurgité le dernier Houellebecq, je dis dire que le contraste est des plus frappants. Même s’il ne s’agit sans doute pas d’un fleuron dans une œuvre très dense, il s’agit ici sans aucun doute de littérature. Le style, la fantaisie, l’originalité, les ellipses, les images, l’esthétique, l’assise culturelle, tout y est, même la tragédie qui affleure de manière poignante sous la légèreté du propos. Et tant pis si l’accès à un tel texte est sans doute moins aisé que celui qui mène à l'anéantissement houellebecquien…

Ce récit fut achevé en juillet 1972, quelques semaines à peine avant la fin tragique du romancier survenue le 21 septembre. A l’instar de l’illustre torero Belmonte qui se suicida parce qu’il ne voulait pas atteindre le seuil fatidique de la vieillesse fixé par lui à 70 ans, Montherlant, que l’âge avait rendu presque aveugle, choisit l’équinoxe d’automne, moment où le jour est égal à la nuit, pour faire le grand saut.
Juste avant la fin programmée de son existence, comme un astre revenu à son point de départ, il avait focalisé ses ultimes réflexions sur trois personnages, héros de ses tout premiers romans : Jacques Peyrony, modèle du jeune homme tonique et sain au profil musclé digne des athlètes de l’antiquité, Dominique S., l'incarnation féminine de la pureté du sport féminin, qui à la fois “imposait” et “attendrissait” l’écrivain, et Douce, dont on ne connaîtra que le surnom, qualifiant “une jeune fille aussi charmante qu’inconstante, l’archétype même de la femme.”

Pour ses trois personnages, Montherlant avait une vraie affection et sans doute davantage. Du moins le croyait-il…
Cherchant à percer le mystère de l'attachement qui le liait à eux, à comprendre pourquoi ils avaient disparu de sa vie, et afin de corriger les maladresses de style qui entachaient selon lui la description qu’il fit de leurs relations passées, il se fait un devoir de reprendre le fil de deux écrits de jeunesse, Le Songe et Les Olympiques. Au long d’un chemin littéraire déconcertant fait de digressions dispersées façon puzzle, il est ainsi amené tantôt à magnifier les qualités, ou bien au contraire à revoir à la baisse les mérites de ces êtres chers. En toile de fond de ces chassés croisés sentimentaux, se profilent tour à tour l’admiration de l’écrivain pour le sport, sa passion pour la corrida et enfin l’empreinte obsédante de la guerre, celle de 14 avant tout.

Mais c’est dans les derniers chapitres que l’histoire dévoile tout son potentiel dramatique. Car hélas dans ce récit où l’amour le dispute à l’amitié, chacun des trois personnages fera défaut : “Successivement Dominique, Peyrony, Douce tombaient de moi comme à un souffle plus fort tombent de l’arbre ses feuilles un peu mortes.”
A la tristesse que lui inspire cette finitude sentimentale, Montherlant tente bien d’opposer un échappatoire réconfortant, fait de pensées positives: “De Dominique je dirai qu’elle m’a fourni une héroïne intéressante, dont je n’ai pas su tirer parti. De Peyrony qu’il remplit Les Olympiques, qui ne seraient pas ce qu’elles sont sans lui…/…. De Douce que, pendant neuf ans, elle avait été avec moi une fille parfaite : volupté, simplicité, honnêteté.”
Mais au bout du compte, le constat de la vanité de ce qu’on appelle amour s’impose. Aimons-nous vraiment ceux que nous aimons ? Telle est la question.
A celle-ci, l’auteur répond sans détour : “Nous n’aimons que des moments”. Pire, ces instants eux-mêmes sont illusoires marqués par une exigence absurde: “nous demandons aux autres de nous donner un amour que nous ne leur donnons pas.” Tout est donc vain car “les objets eux aussi sont des moments…” ils finissent un jour ou l’autre par s’user et disparaître. En somme, il n’y a “rien à dire si on sait bien d’avance que tout est perdu, soi compris.”

En bon stoïcien, Montherlant fait toutefois un effort pour se reprendre. En ayant conscience de cette insignifiance, dit-il, c’est malgré tout, “une conscience que nous devons surmonter, car il faut aimer. Il faut vivre dans cette illusion et dans cette clairvoyance : elles sont l’une et l’autre à l’honneur de l’homme, et les juxtaposer est encore à son honneur…/…”
Mais alors qu’on croit la cause entendue, un post scriptum inopiné de l’auteur révèle qu’il fait régulièrement un rêve qualifié de “révélateur”. Dans celui-ci, l’évidence s’impose qu’une personne a indéfectiblement compté dans sa vie. L’amour existe donc mais “on n’aime qu’une fois”.
Qui était donc l’être dont le souvenir habitait ses rêves ? Appartenait-il seulement au monde réel ? S’agissait-il de Serge, tel qu’il est dépeint dans l’intrigante pièce de théâtre “la ville dont le prince est un enfant” ? Quelqu'un dont le nom ne peut être dit ou bien qui s'est effacé avec le temps ?
Loin de porter un quelconque espoir, cette pensée s’ouvre hélas “sur la désolation” car avec le temps, l’amour s’est de toute manière enfui. Terrible constat qui amène la déchirante conclusion : “Depuis ce matin, ce n’est pas le « Ouvrez-vous, portes éternelles » que j’écrivais dans un de mes Carnets. C’est « Fermez-vous, portes éternelles…. »

16 mai 2022

COVID-19, Santé Publique et Démocratie

Un peu plus de deux ans après le début de l’épidémie due au COVID-19 il semble opportun de revenir sur la chronologie des événements pour tenter d’en tirer quelque enseignement. Un benchmark international est tout aussi utile pour juger des stratégies mises en œuvre à travers le monde face à ce fléau planétaire.
C’est ce qu’ont fait François Alla et Barbara Steigler avec leur essai “Santé Publique Année Zéro”, récemment publié dans la collection Tracts de Gallimard.
L’une est philosophe, l’autre médecin spécialisé en épidémiologie et, comme le suggère le titre de leur ouvrage, leur analyse est hautement critique pour les gouvernants français.
Les mots sont en effet très durs pour qualifier l’attitude des pouvoirs publics, accusés d’avoir mis en place à cette occasion, des “mesures autoritaires de restriction” qui selon les auteurs “n’ont pas seulement abîmé nos libertés, notre modèle démocratique et le contrat social qui sous-tend notre république” mais qui ont aussi “transformé le champ de la santé publique en un champ de ruines.”
Si l’on peut partager, au moins en partie certaines prises de position, il en est d’autres beaucoup plus discutables.

Il est évident, comme le déplorent les auteurs, que l’Etat s’est montré très dirigiste en la circonstance. La déclaration “de guerre” au virus, annoncée non sans emphase par le Président de la République fut annonciatrice de mesures coercitives, certes exceptionnelles, mais souvent excessives voire absurdes eu égard à la nature du péril.
On peut en premier lieu discuter du bien fondé des confinements successifs assortis des ridicules auto-autorisations de sortie de chez soi et autres règles quasi ubuesques. Les effets pervers ont été légions, paralysie de l’économie, accroissement considérable de la dette de l’Etat, désorganisation psycho-sociale, et avec le recul, il est permis de se demander si ce jeu en valait la chandelle, sachant que la France se retrouve à ce jour, au quatrième rang mondial en nombre de patients contaminés ?
On peut également juger avec sévérité les retards itératifs de l’Etat français en matière d’action visant à juguler l’extension de l’épidémie. Contrôle des frontières, mise à disposition des tests destinés à permettre l’isolement précoce des malades et des cas contacts, généralisation du port du masque, développement de vaccins, à chaque fois la France fut à la traîne.
On peut enfin souligner l’incapacité qu’a montré notre pays de faire évoluer rapidement les capacités d’hospitalisation. Il paraît clair qu’une bonne partie des mesures autoritaires prises par le gouvernement pour tenter de juguler l’épidémie était justifiée avant tout par la crainte de voir les hôpitaux et les services de soins intensifs débordés. Force est de conclure que c’est toute la politique de santé depuis des décennies qu’il faut à cette occasion remettre en cause. Elle a conduit à ce résultat désastreux, à force d’une planification de plus en plus rigide, centralisatrice et bureaucratique, fondée sur des plans quinquennaux inopérants et des principes idéologiques occultant la réalité de terrain.

Malheureusement, sur tous ces points, les auteurs ne s'appesantissent guère. Ils se placent dans la position d’imprécateurs, mais leurs arguments s’apparentent trop souvent à des slogans. Leur thématique principale est centrée sur la critique des restrictions de liberté imposées par le gouvernement, ce qui les amènent à insinuer un peu trop explicitement qu’il s’est agi d’une stratégie délibérée, anti-démocratique, dont le COVID fut le catalyseur, voire l’alibi. C’est un tantinet malhonnête car si beaucoup de libertés reculent dans notre monde de plus en plus réglementé, de plus en plus contraignant en matière d’expression publique, ce n’est vraiment pas le cas dans le domaine de la santé, très ouvert et permissif. Comment du reste s’insurger qu’on prenne des mesures quelque peu coercitives, mais temporaires, pour contrer la propagation d’une maladie potentiellement mortelle et au surplus hautement contagieuse ?
S’agissant du pass, il est par exemple impossible d’adhérer à l’affirmation selon laquelle “le schème ami/ennemi sans cesse réactivé par le dispositif était en train de liquider les principes fondamentaux de notre république”. C’est en effet extravagant. Bien plus que d’avoir pesé sur les libertés fondamentales, ce qu’on peut reprocher au pass sanitaire et plus encore au pass vaccinal, c’est le retard avec lequel ils furent mis en œuvre et somme toute, leur relative inefficacité. Pire, ces laissez-passer furent faussement rassurants. Il valait en définitive mieux croiser une personne non vaccinée mais testée négative qu’une autre vaccinée mais porteuse du virus sans le savoir.
Si l’on peut rejoindre les auteurs lorsqu’ils écrivent que “présenter le vaccin comme une valeur absolue et l’élire comme l’unique moyen de sortir de la crise était une erreur», ils se montrent encore une fois excessifs lorsqu’ils qualifient cette erreur de «massive». Il faut se rappeler qu’il n’y avait guère d’alternative (surtout lorsqu’on s’oppose au confinement). Il faut également insister sur l’efficacité de l’immunisation qui permit entre autres d’enrayer la décimation des résidents en EHPAD.
Les réserves pourraient porter sur le jusqu’au-boutisme vaccinal des pouvoirs publics, notamment face aux nouveaux variants, répondant de moins en moins à l’immunisation. On peut s’interroger également sur les mesures astreignantes visant les jeunes. Sans doute sur le confinement, qui est présenté comme un expédient destiné à faire baisser le taux de contamination sans “stigmatiser les plus âgés ». A la décharge des pouvoirs publics, il était difficile d’imaginer un confinement à géométrie variable dans notre république égalitaire... Plus critiquable fut la campagne vaccinale intensive faisant appel en début d’épidémie à des produits grevés d’effets indésirables sévères. Des décès iatrogènes furent à déplorer avec le vaccin Astra-Zeneca parmi la population la plus jeune, la moins à risque de faire des formes graves de COVID. Pareil reproche pourrait être fait à la promotion de médicaments très onéreux, comme le Remdesivir, aussi toxiques qu’inefficaces, tandis qu’on vouait aux gémonies la fameuse association azythromycine-hydroxychloroquine du Professeur Raoult…

Le plus navrant est de voir les auteurs s'enferrer à maintes reprises, dans une argumentation relevant de l’idéologie pure, surtout lorsqu’elle véhicule erreurs et contresens. Comment expliquer autrement que par un parti pris très subjectif et hautement contestable l’affirmation selon laquelle “les inégalités ont été décuplées à la faveur des confinements, de l’accélération de la digitalisation de toutes les activités humaines et des profits faramineux de l’économie numérique et du capitalisme financier”. Comment penser sérieusement que “les quartiers populaires ont continué à être abandonnés à leur sort par les pouvoirs publics”?
L’esprit de contestation flirte parfois même avec la mauvaise foi. Par exemple lorsqu’il est affirmé que parallèlement à la politique du “quoi qu’il en coûte”, “ la gestion austéritaire du système de soin fut non seulement confirmée mais aggravée” et qu’ils incriminent à cette occasion la fameuse T2A (tarification à l’activité) “aujourd’hui décriée par tous.”
La première assertion en forme d’aporie est tout simplement fausse au vu des dépenses de santé astronomiques déversées sur le système de santé et notamment les hôpitaux depuis des décennies et plus généreusement encore durant l’épidémie. La seconde relève d’une opinion mais n’a aucun fondement objectif. On peut certes émettre des réserves sur les biais inflationnistes et la complexité croissante de la tarification à l’activité, mais sûrement pas sur son principe, allouant les ressources en fonction des prestations réalisées, qui s’avère à l’évidence le moins mauvais et surtout le plus équitable des systèmes.

Pire que tout enfin, est l’accusation, violente mais pas très originale, que les auteurs portent au libéralisme, qualifié ici, par une paradoxe cocasse, de “libéralisme autoritaire”. Refrain classique, et délicieux oxymore qui permet sans se fatiguer à réfléchir, d’attaquer la politique gouvernementale en soutenant sans rire que "l'État social est systématiquement démantelé”, et “les institutions publiques de soin continûment affaiblies”.
Sous prétexte qu’on a invité les citoyens à être « acteurs de leur santé », les auteurs prétendent ainsi le plus sérieusement du monde qu’on serait passé des droits des malades inscrits dans la loi de 2002 “à la définition de tout un ensemble de devoirs (auto-repérage des symptômes, auto-médication, activation des systèmes de traçage, auto-isolement, stratégie de dépistage et choix du vaccin laissés à l’appréciation du patient) !” Ils peuvent donc à la fois s’insurger contre l’interventionnisme excessif de l’État et réclamer qu’il encadre plus étroitement le comportement de chacun. C’est un pur non sens, et pour le coup c’est le degré zéro d’une politique de santé publique !

En conclusion, cette réflexion, pour intéressante qu’elle soit a priori, ne répond pas à son objectif, et ne fait au bout du compte qu’apporter de l’eau au moulin des anti-vax et des anti-libéraux en tous genres qui pullulent dans notre pays. Le principe de réalité et le sens pratique sont une fois encore sacrifiés au profit d’une vision utopique de la santé, déresponsabilisante, inconsidérément dépensière et terriblement démagogique.
C’est dommage, car le sujet valait beaucoup mieux que cela…

06 mai 2022

Grenouillages

Après l’élection présidentielle et les belles déclarations d’intention, les invocations rituelles à l’esprit de la république et à la vertu citoyenne, les tripatouillages politiques reprennent de plus belle à la perspective du renouvellement prochain de l’Assemblée Nationale.

On assiste au jeu des alliances incongrues dont le principal dessein est de préserver les petits intérêts particuliers. Le spectacle le plus consternant pour ne pas dire abject est celui offert par la coalition insane des gauches, recroquevillée derrière l’étendard miteux des prétendus Insoumis. Foin d’écologie, d’Europe, de laïcité, de justice sociale et autres fariboles nébuleuses destinées à abuser le bon peuple. On s’en moque désormais car il faut sauver les meubles quitte à laisser s'abîmer le bâtiment dans le chaos aux accents révolutionnaires d’un autre âge. Cette armée mexicaine se range piteusement derrière l’électorat racolé à force de démagogie par Mélenchon auprès des musulmans, des aigris, des excités de tout poil, et des factions appelant à la destruction du capitalisme, de la liberté, de la démocratie auxquels ils ne pigent que couic, si ce n’est les richesses sur lesquelles ils espèrent faire main basse.

A droite, la situation n’est guère plus reluisante. Les rats quittent le navire en perdition des Républicains, dont il ne restera bientôt plus qu’un souvenir. La plupart s'égayent vers le grand ventre mou du centre présidentiel, rebaptisé à la va-vite Renaissance (tu parles d’une résurrection, sans programme, sans direction, sans volonté…) Aucun pour l’heure ne fait mine de se tourner en direction du Rassemblement National, plus pestiféré que jamais. Comme à l’accoutumé, son score se réduira comme peau de chagrin à l’épreuve des Législatives. Reproduisant curieusement le procès en sorcellerie dont il s’estimait victime, le RN refuse quant à lui tout rapprochement avec son seul allié potentiel, à savoir le nouveau parti Reconquête! On peut se demander si le scrutin à venir ne sera pas fatal à ce dernier, fondé dans l’ivresse de lendemains qui chantent par Eric Zemmour mais déjà devenu intouchable, faute d’avoir manifesté sans langue de bois des convictions trop abruptes. Malheur au vaincu…

04 mai 2022

Procès en Absurdie

Les poursuites entamées à l’encontre du professeur Raoult et de l’Institut Hospitalo-Universitaire qu’il dirige à Marseille tiennent davantage du procès en sorcellerie que d’une procédure régulière, objective et indépendante.
Il s’agit en effet d’une enquête à charge, entreprise sur dénonciation de médias politisés, et conduite par un organisme d'état, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), si peu fiable qu’elle dut changer de nom il y a quelques années pour restaurer un peu de sa crédibilité perdue après nombre de fiascos dont celui, retentissant, du Mediator (AFSSAPS).
Selon les termes employés par les inspecteurs chargés du contrôle, M. Raoult aurait violé les protocoles régissant la recherche clinique, relatifs notamment à l’avis préalable d’un comité d’éthique et à l’obtention du consentement éclairé des patients.
A ce stade, il n’est évidemment pas possible pour le péquin moyen de savoir quels sont les torts réels du sulfureux professeur. Mais, considérant les hautes qualités scientifiques de la plupart de ses travaux, on peut dès à présent faire preuve d’une certaine mansuétude à son égard. Ajoutons également que si la loi est la loi, il existe plus qu’un doute quant au bien fondé de cette dernière, lorsqu’elle se perd en exigences aussi tatillonnes et complexes que paralysantes. Les lois inutiles ne font que fabriquer de manière absurde des hors la loi, dont la désobéissance n’est pas toujours illégitime et surtout ne relève pas nécessairement de négligence ni même d’un acte volontaire. Les réglementations sont devenues si absconses, tordues, voire contradictoires, qu’il est de nos jours souvent difficile pour le chercheur de savoir si, avec la meilleure volonté du monde, il les respecte stricto sensu ou bien s’il y contrevient.
Le drame est que l'application de ces règles ubuesques est placée sous la tutelle inquisitrice de petits potentats irresponsables, supposés veiller à la protection des personnes, mais régulièrement pris en défaut dans leur mission, en raison de leur inertie, de leur myopie, ou bien tout simplement de leur inefficacité.
Le fait est que depuis la pandémie due au COVID et les prétendues frasques du professeur Raoult, il est devenu la bête noire de l'administration parisienne, l’homme à abattre à tout prix. Même si son attitude a pu paraître discutable sur certains points, il s’est pourtant illustré dès le début de l’épidémie par une conduite exemplaire, rigoureuse et innovante. Est-ce donc cela qu’on ne lui pardonne pas ?
Avec le carcan réglementaire actuel, rappelons que jamais Pasteur n'aurait pu mener ses travaux, plus que discutables au plan éthique, pour aboutir à la mise au point du vaccin contre la rage…

La mise en accusation du policier auteur d’une fusillade mortelle sur le Pont Neuf le soir de l’élection présidentielle, relève a priori du même procédé. Ce fonctionnaire est l’objet non pas d’une simple enquête mais d’une mise en examen au motif qu’il a tiré sur des contrevenants pris en flagrant délit et qui n’avaient pas hésité après avoir refusé d’obtempérer, à foncer avec leur véhicule sur les policiers. Dans l’attente de sa comparution, il fait l’objet de mesures très contraignantes. Il a en effet interdiction de quitter le territoire, de porter une arme et de côtoyer l’ensemble des effectifs de son service. S’il peut continuer d’exercer, il doit le faire sans entrer en contact avec le public. Fait encore plus ahurissant, ces mesures ont été assorties d’une obligation de soins.
Contrairement à ce que l’on rabâche sur la présomption d’innocence, il s’agit pour reprendre la terminologie judiciaire classique, d’une inculpation, donc d’une présomption de culpabilité. L’hypocrisie de notre époque est telle qu’on va jusqu’à changer les mots et les appellations pour édulcorer ce qu’on ne veut plus nommer. Résultat, on ajoute au malheur du monde…
Le policier est donc accusé d’homicides volontaires, ce qui l’expose à être condamné en assise à une peine de prison pouvant aller jusqu’à 30 ans.
La partialité des juges et l’inversion des valeurs sont devenues telles que rien n’est dit en revanche sur les malfrats et le ténébreux trafic auquel ils se livraient selon toute vraisemblance ce soir-là, à deux pas de la préfecture de police, comme en de nombreuses occasions antérieures au drame, qui leur avait valu d’être “connus défavorablement par les services de police”… Le jeu du gendarme et du voleur n’est décidément plus ce qu’il était...

Pendant ce temps, M. Macron savourait sa victoire sans péril ni gloire, lui qui dénonçait il y a quelques mois “les violences policières”, et qui affirmait il y a quelques jours à peine qu’il était contre la légitime défense. Bien que le cas de figure d’un policier amené à faire usage de son arme contre des individus faisant courir un risque jugé majeur pour la sécurité publique échappe a priori à ce contexte, la déclaration du chef de l’Etat révèle un état d’esprit inquiétant dans une société en voie de délitement social et de perte rapide de repères. Au rythme actuel, y aura-t-il encore des policiers pour faire régner un tant soit peu d’ordre public ? Comble du ridicule et de l’hypocrisie, M. Mélenchon, chantre de l’ultra-gauche, apôtre de la violence révolutionnaire, qui ne perd jamais une occasion de fustiger la brutalité des forces de l’ordre, s’insurgeait à l’occasion des dégradations et des pillages observés le 1er mai à Paris, critiquant non pas les voyous mais l’incapacité du préfet à garantir le droit de manifester tranquillement…