24 décembre 2021

Deux contes pour Noël

Lu récemment deux petits contes opportunément réédités sous forme d’opuscules par les Éditions Sillage : Ce Qu’il Faut de Terre à l’Homme par Léon Tolstoï (1828-1910) et La Légende du Saint-Buveur par Joseph Roth (1894-1939).
De ces deux courts récits que rien a priori ne rapproche, on serait tenté de dire qu’ils sont faits pour être lus ensemble tant ils font vibrer les mêmes cordes sensibles au fond de l’âme
On y trouve à la fois du merveilleux, du moral et du romanesque, ingrédients indispensables à toute bonne fiction, et leurs titres à eux seuls suffisent à enchanter l’imagination.
Les immenses plaines russes, offrent à l‘auteur de Guerre et Paix l’occasion de faire l’éloge de la propriété privée et de son acquisition par l’effort et la détermination. Mais en même temps, il met en garde contre la tentation de préjuger de ses forces, et de vouloir posséder plus qu’on ne peut maîtriser. Qui trop embrasse mal étreint en quelque sorte comme le découvrira le fougueux Pakhomm en payant finalement le prix fort pour un domaine qu’il voulait le plus grand possible, présumant de ses forces dans l’ivresse de la conquête, au-delà du raisonnable… James Joyce voyait dans cette nouvelle “ la plus grande histoire de la littérature au monde”. Excusez du peu…

Pour Roth, lorsque la magie des hasards de la vie se manifeste par un événement heureux, il faut savoir profiter de la chance qui s’offre à soi par ce qu’on pourrait tout aussi bien attribuer à l’intervention d’une mystérieuse providence. Mais il ne faut jamais oublier la précarité de l’existence et ne pas perdre de vue les engagements qu’on peut prendre à la perspective euphorique d’une vie nouvelle. En un mot, il faut veiller à ne pas gaspiller les fruits tombés du ciel et savoir rendre grâce à qui de droit de son bonheur, avant qu’il ne soit trop tard. Andreas, vagabond alcoolique, devenu presque riche après avoir croisé un généreux donateur anonyme, l’apprendra à ses dépens. Preuve de sa puissance narrative, ce récit inspira au cinéaste Ermanno Olmi un film récompensé par le lion d’or à la Mostra de Venise en 1988…

Écrites dans un style limpide, ces deux histoires se lisent d’un trait, comme on boit avec délice lorsqu’il fait chaud, une boisson bien fraîche. Ce qu’elles racontent est intemporel et la force de la morale qui s’en dégage s’impose à la manière d’une lumineuse évidence. Tout le reste est littérature…

20 décembre 2021

La Habana Para Un Infante Difunto 3

Un jour enfin, pour l'Infante pas encore défunt, vint l’amour, le vrai. Pas nécessairement celui né de relations durables. Comme celle nouée avec la femme qu’il épousa mais qui est restée fantomatique au sein du cortège des pasionaria peuplant son imaginaire érotique. Ni comme “les fausses amours avec une ballerine” vécues avec Douce Espina surnommée avec humour Rosa. Elle avait presque tout pour plaire, et avec elle, il parvint enfin au bout de l’acte, apprenant avec surprise qu'il venait de la déflorer sans aucune violence. Elle se révéla pourtant par la suite frigide et rétive aux pratiques non conventionnelles. Étrangère donc au sexe comme le sont parait-il beaucoup de danseuses, qui telles des “vestales de Terpsichore”, épousent le ballet comme les nonnes le font avec Christ. Pour elles “la barre d’exercice est le pénis”…

Il fallait donc quelque chose en plus, qui révèle une subtile alliance de l’esprit et de la chair. Il trouva cet idéal auprès de “la plus belle fille du monde” : Julia, qu’il appellera tendrement Juliette et de laquelle il recevra l’initiation la plus accomplie à “la Bona Dea du sexe”. Petite mais admirablement proportionnée, elle était “belle à lécher tout entière, en commençant par le pied du lit” ! Il fondait littéralement sous le charme de cette adorable Tanagra. La fête des sens avec elle semblait sans limite. Commencée dans la béatitude d’une audacieuse caresse buccale, elle fut suivie d’une étreinte aussi brève qu’intense, la nuit au bord de la mer, mais en public, ce qui valut aux amants d’être traités de "repugnantes cerdos" par des passants effarés.
Mue par un étrange caprice, elle voulut absolument faire l’amour en écoutant La Mer. Non pas celle qui berce les rêveurs de son doux va-et-vient, mais l'œuvre symphonique de Debussy ! Grâce à une amie compréhensive qui lui prêta un tourne-disques, il trouva le moyen d’assouvir le désir de sa déesse, et ce fut elle alors qui fit la mer, allant et venant, feulant et gémissant dans l'ivresse du plaisir. Suivirent maints ébats, moult frénétiques copulations, avant que l’enchantement finisse, lorsque l’amant comprit qu’il ne représentait pour celle qu’il considérait comme “la clé de ses songes” à peine plus qu’un pénis capable de s’ériger à plusieurs reprises...

Il y eut enfin Violeta du Val alias Margarita, sorte de tragique amazone, mutilée du sein droit par une brûlure survenue dans l’enfance. En dépit de cette infirmité, si bien cachée qu’il ne la découvrit pas de prime abord, la passion fut intense : “elle n’était pas seulement le sexe, elle était l’amour”.
Encline à la théâtralisation, elle aimait le griffer, le pincer pour laisser, disait-elle, "sa marque". Elle lui fit même croire un jour qu’elle l’avait empoisonné, avant de lui révéler qu’elle avait concocté quelque chose de plus terrible encore, à savoir une “amarre havanaise”, autrement dit un philtre magique pour qu’il l’aime toujours, éternellement. “Un jour je m’en irai”, lui dit-elle, et “je veux que tu continues à m’aimer après mon départ”… De fait, elle quitta Cuba pour le Venezuela, et il ne la suivit pas, marié qu’il était, et devenu père par la même occasion…
A la fin tout se brouille. Alors qu’il la croyait perdue, un jour, il se retrouve à nouveau auprès de cette femme dans un cinéma. Elle est plus aguicheuse, plus adorable que jamais. Elle se confond avec le souvenir qu’il a de “sa splendeur sexuelle, de ses yeux verts ardents, sa bouche écarlate, et aussi ce défaut de beauté, sa macule mammaire, le sein manquant qui faisait de l'autre une perfection rare, unique: la précieuse corne de l’unicorne”. Mais est-ce vraiment elle, ou bien sa sœur Tania ? Est-il dans le temps présent ou bien a-t-il remonté le cours de ses souvenirs ? Sont-ce les effets du fameux philtre d’amour ? Pourquoi tout à coup son alliance disparaît ? Il cherche dans le noir, elle fait mine de le guider, et c’est entre ses jambes qu’il se retrouve. Non seulement il ne met pas la main sur son alliance, mais c’est sa montre qui s'évapore à son tour. Est-ce une réminiscence trouble des heures durant lesquelles elle l'avait fait attendre autrefois ? Margarita semble pour sa part indifférente, happée par le film de Disney. Lui s’égare de plus en plus. C’est un grand vertige qui s’empare de lui, alors qu’il s’engage dans une plongée vaginale insensée. Il est tout entier entré en elle. Le monde s’efface, devient irréel, peuplé d’illusions et de mirages. Il se met à “tourner dans un tourbillon privé de centre”. “Stop !” s'écrie-t-il, avant de ressentir “comme un choc dans une faille, un râle dans la ravine”. Et il tombe, libre, dans "un abîme horizontal".
“C’est là que nous sommes arrivés”, écrit-il avant de lâcher de manière abrupte, son récit, les femmes, La Havane et toute une partie de sa vie sans doute...
C’est peu dire qu’on ne sort pas indemne de ce périple illuminé mais fou, qui risque de laisser chez le lecteur des stigmates, telle cette cicatrice témoignant d’une griffure passionnelle profonde que Margarita fit un jour au poignet de Guillermo...

18 décembre 2021

La Habana Para Un Infante Difunto 2

Trop souvent resté au stade de l’excitation, le jeune Guillermo Cabrera Infante, séducteur malhabile, incapable de conclure, en est réduit à se faire plaisir tout seul. Le spectacle volé d’une splendide femme nue aperçue endormie sur son lit, à travers une des fenêtres de l’hôtel d’en face, va lui offrir l’occasion d’une mémorable expérience onaniste…
Les tentatives reprirent cependant de plus belle avec Nela, “coquette à la limite de la putasserie”, dont les traits africains évoquaient une “déesse dahoméenne”. Comme elle était assez accueillante, il crut le grand jour enfin arrivé. Il l’approcha de si près qu’il faillit avoir avec elle sa première relation accomplie. Mais à cause de la réticence inexpliquée de la fille à retirer son dernier vêtement, cela finit en explosion intempestive, éclaboussant sa partenaire d’un jour jusqu’au visage…

Parmi les créatures croisées au cours de sa luxurieuse quête du Graal amoureux, certaines sont restées sans nom, telle cette putain à 1 peso, splendide “négresse pneumatique”, dotée d’un corps parfait, “véritable négatif de la Vénus de Cranach”. Hélas, la jouissance vint trop vite et la fête fut écourtée... Et pour finir ces chapitres lamentables, il y eut Beba à la seule voix excitante de laquelle il éprouvait de rapides érections, mais qui sombra dans la schizophrénie, puis Xiomara qui s’offrit à lui dans le cadre d’une relation tarifée, qui tourna à la débandade piteuse !
Au chapitre des actes manqués, les rencontres se succédaient donc, en apparence sans fin. Il y eut beaucoup d’allumeuses telles Nena l’édentée qui se précipita vers lui alors qu’il venait de faire une chute dans un escalier, mais qui en guise de secours, se mit à le branler de manière obscène. Il y eut Severa qui ne lui accorda qu’une étreinte furtive sur un balcon, Elvira “la couseuse” qui se plaisait à offrir sa poitrine avantageuse à la vue de celui qui manifestait quelque curiosité pour sa machine, puis Carmina qui jouait du piano et dont l’apparition radieuse coïncida avec la découverte du 4è concerto brandebourgeois de Bach. Elle le laissa s’approcher d’elle avant de lui révéler cruellement qu’elle avait une relation exclusive avec un autre… Enfin Lucinda l’aguicheuse, rétive à toute approche physique, mais qui faisait mine d’apprécier les ouvrages licencieux, à seule fin de voir l’excitation de son amant lorsqu’il en faisait la lecture à voix haute..

Il y eut également la période cinéma : il devint “l’un de ces prospecteurs, frôleurs, joueurs aux dames dans les salles obscures”. Hormis une certaine Esther Manzano avec laquelle la relation fut un peu approfondie, toutes ces aventures de l'ombre restèrent anonymes. Cela ne l’empêchait pas de s’enhardir toujours un peu plus, jusqu’au jour où une donzelle effarouchée lui planta une épingle à cheveux dans le bras…

On pourrait se lasser de ces péripéties quelque peu répétitives, si elles n’étaient racontées dans un style truculent, souvent hilarant, truffé de jeux de mots, à l’instar du titre faisant référence à Ravel, de pirouettes stylistiques, paronomases, antonomases, et semé de pétillantes références culturelles. Six cent pages ne sont donc pas de trop pour raconter cette odyssée libertine à la poursuite toujours recommencée de la volupté et de la passion introuvables.

L’engouement précoce du jeune Casanova des Caraïbes pour la musique et la littérature le conduisit dans les bras d’excentriques artistes. Il connut ainsi Catia, la collectionneuse insatiable de disques, mais avec elle l’amour se fit au rythme de la valse “plus que lente” de Debussy et s’acheva sans point d’orgue. Pareille déconvenue l’attendait avec Virginia, l’aficionada de Baudelaire. A cause sans doute de l’intrusion de son horrible compagnon Krokovsky, presque obscène tellement il était laid, l’invitation au voyage tourna court...
Il y eut celles qu’il n’a pas eues, qui n’ont fait que passer. Telle Magaly Fé, baby-sitter rencontrée par hasard, qu’il eut à peine le temps de connaître avant qu’elle disparaisse pour devenir star de publicités télévisées. C’était “plus qu’une femme: la beauté même”, “la copie cubaine d’Hedy Lamarr”, qui représentait à l’époque l’idéal féminin de notre Don Juan
(A suivre...)

17 décembre 2021

La Habana Para Un Infante Difunto 1

J’ai plongé dans la jungle luxuriante et lascive des mots de Guillermo Cabrera Infante (1929-2005). J’ai vécu au rythme solaire de son hymne caribéen à l’amour total. Célébration dionysiaque de l'instinct de survie, sublimée par les appels incessants à une fougueuse ardeur génésique.

Comme le titre le dit à demi-mots, La Havane est musique, fête et joie, mais elle porte aussi le désespoir et la mort. Ce sera celle de l’auteur - au figuré heureusement - puisque son destin finira par s’inscrire loin de cet éden dont il chanta non sans nostalgie les charmes capiteux. La Havane ici, est celle d’avant le désastre communiste et le récit raconte un rêve évanoui, mais vécu pleinement éveillé, tous sens aux aguets.

Retour donc dans le passé. De la touffeur moite de la ville s'élèvent d’ensorcelants effluves tropicaux et de languides fragrances féminines. Cuba s'exprime par la sensualité qui sourd de chaque maison, et qui diffuse par delà les rues et les carrefours, sillonnés infatigablement par les omnibus qu'on nomme affectueusement ici, wawa.
La rue Zulueta dans laquelle presque tout commence et tout finit est la suave commissure par laquelle les désirs et les fantasmes jaillissent au gré de la pulsation sanguine issue du cœur brûlant de la cité.
Dans cet univers de sensations à fleur de peau, l'éducation sentimentale, pour un jeune homme, passe avant tout par les femmes. Pour l’auteur, ça commence évidemment par sa mère, en tout bien tout honneur, qu’il honore du titre de “vraie beauté communiste”. Elle sera le modèle qu’il n’aura de cesse de poursuivre et d'idéaliser, sauf dans l’idéologie mortifère dont elle s’était faite prosélyte et à laquelle elle avait amené son fils, avant qu’il n’en paie le prix fort, celui de l’exil…

C’est avec trois sœurs, voisines de palier, Esther, Emilia et Fela, qu’il ressent ses premiers émois érotiques. Esther est sans doute la moins jolie. Boiteuse et légèrement prognathe, c’est pourtant sur elle qu’il jette son dévolu. “Elle se laissait embrasser doucement, les yeux clos sous ses longs cils, véritable image de la chasteté”. Malgré sa disgrâce, “elle avait quelque chose d’un ange”, comme dit la chanson...
Avec Fela les jeux sont moins innocents, la mutine jeune fille s'amusant à glisser coquinement sa main dans la poche de l’adolescent, moins pour se réchauffer que pour sentir Tom Pouce grandir sous l’effet de la stimulation.
Pour Emilia, l'aînée des trois, il n’avait guère de sentiments et celle-ci en éprouva quelque frustration. Elle était peu accessible car trop réservée, trop confite en dévotion pour sa mère qui se mourait lentement de tuberculose. Pourtant, comme si elle avait voulu conjurer le manque d’intérêt dont elle était l’objet, elle lui donna quand même “le premier baiser adulte de sa vie”...

Suivirent beaucoup de rencontres, toutes fugitives: Il y eut Dominica, trop âgée, mariée, et de surcroît d’une laideur repoussante, mais qui était dotée de “seins énormes qui ne laissaient pas d’impressionner”. Il y eut Etelvina la putain qui louait une chambre au même étage et dont sa mère était devenue l’amie. A son impudeur totale, le jeune Guillermo dut sa première vision extatique d’un “vagin velu”..
Vint ensuite Zenaida, avec laquelle il n’eut que le temps de partager une danse sensuelle, avant d’apprendre que son époux les regardait dans l’ombre. Delia, qui fit une apparition inattendue au sein d’un cortège de mulâtresses, riche de “sa splendeur asiatique”, Sonia “la polonaise” qui sombra dans la folie, Maria “la Majorquine” vite évaporée, Serafina, au charme sulfureux d’une prostituée de haut vol...
Il serait difficile de tenir un compte exact des conquêtes éphémères, parfois rêvées, du jeune garçon. Elles se révélèrent en règle des fiascos, se bornant à alimenter le plus souvent ses fantasmes et ses désirs.
Ce fut ensuite le tour de Trini et Beba, deux sœurs, encore des connaissances faites au 408 de la rue Zulueta. De la première il n’eut que la joie, à son invitation, de peloter la poitrine, avant de la voir filer au bras d’un certain Pepito. Peu importait au fond, car Beba l’intéressait davantage: “une vraie beauté au teint bistre avec des yeux en amande couleur de châtaigne…" L’aventure n’alla toutefois pas très loin, car après avoir vécu avec elle “un baiser parfait”, elle convola avec un affreux militant communiste... (à suivre)

30 novembre 2021

Rues des Boutiques Obscures

Ce titre emprunté à Patrick Modiano pour dire la tristesse dans laquelle s'abîment les rues de nos villes, soumises à des politiques insensées de restriction, voire de mortification.

Alors que Noël approche, on voit bien quelques décorations et guirlandes lumineuses apparaître de ci de là.
Accrochées au-dessus des rues depuis déjà plus d’un mois et demi, elles se balançaient, désespérément éteintes, au gré des mauvaises brises et des frimas automnaux...

Si les fêtes vont être l’occasion d’une embellie éphémère, force est de constater qu’en dehors de ces périodes fastes, un nombre croissant de cités de France sont plongées dans le noir absolu, parfois dès 21h. Au motif de je ne sais quelles économies qu’il faut bien qualifier de bout de chandelle, les maires bien intentionnés ont pris la détestable habitude de transformer rues, boulevards et avenues en trous noirs sitôt la nuit tombée. Seuls quelques prodigues magasins gardent encore leurs vitrines allumées.
Si l’état financier de notre pays et de nos communes est à ce point dégradé, il y a de quoi vraiment s’inquiéter. Pour marcher sans risque de trébucher dans ces ténébreuses artères, rappelant les coupe-gorges d’autrefois, on est désormais bien souvent contraint de se guider à la lumière maigrelette de son smartphone. N’est-ce pas pourtant la priorité des priorités que de veiller, par mesure de sécurité, à éclairer les trottoirs et les chaussées ?

Je me souviens d’un article paru il y a quelque temps, comparant à partir de photos nocturnes prises par satellite, la densité lumineuse des agglomérations à travers le monde. D’après l’auteur on pouvait juger de la prospérité et de la liberté d’un pays à l’illumination de ses villes. Le journaliste constatait tragiquement l’absence de toute lueur émanant de la Corée du Nord. Serons-nous bientôt réduits à cette misère ?
Cette évolution est d’autant plus absurde qu’on se lamente à longueur de journées sur la désertification des centres villes, sur l’abandon de quartiers entiers à la délinquance, et qu’on s’interroge vainement sur les moyens d’enrayer ce désastre.
Et c’est totalement incompréhensible à une époque où les techniques d’éclairage ont été l’objet d’améliorations majeures, tant pour l’efficacité que pour le coût, grâce notamment aux fameuses LED.

Quelle affliction de voir ainsi nombre de cœurs de villes transformés en cités interdites. L'absence de lumière n'est hélas pas seule en cause. Il n’y a quasi plus de toilettes publiques gratuites depuis des lustres, le ramassage des ordures est de plus en plus aléatoire, assujetti qu’il est à des tris et des politiques de plus en plus complexes et versatiles.
La circulation est quant à elle devenue un enfer pour les automobilistes, en raison de règles de conduite absurdes, de limitations de vitesses ineptes, de racket au stationnement, et de pièges en tous genres. On voit des couloirs réservés aux transports collectifs larges comme des pistes d’aéroport. Les bus y passent à toute allure, parfois quasi vides, en même temps que les vélos et les trottinettes, tandis que les voies laissées aux autos sont de plus plus étroites, semées d’innombrables panneaux de signalisation et d’interdiction, bordées par des plots en béton agressifs et des balises en matière plastique aux couleurs criardes.
Le pire du pire est toutefois la multiplication d’ubuesques chicanes qui réduisent brutalement le trafic à une voie unique, créant à n’en pas douter un surcroît de pollution carbonée en raison des bouchons occasionnés…
Est-il dit que jamais plus on ne pourra s’extasier comme Richard Bohringer qui s’exclamait “c’est beau une ville, la nuit” ?


25 novembre 2021

COVID Forever

Selon Ovide (qui ne connaissait pas le COVID...), “le feu couvert est le plus ardent”…
On croyait le virus assoupi, le voici qui se réveille brutalement. On pensait l’avoir repoussé tel Satan, mais il nous retombe dessus "comme l’éclair" pour parler à la manière de René Girard.
Cette nouvelle vague, est-ce un nouvel assaut meurtrier ou bien une cinquième colonne plus ou moins fantasmée ?

Une chose est sûre, les pouvoirs publics sont une fois de plus pris au dépourvu. Hier encore, les représentants de l’État Providence, toujours contents d'eux, chantaient qu'ils avaient réussi à obtenir un des meilleurs taux vaccinaux d’Europe si ce n’est du monde. Grâce à ce beau résultat, et passe sanitaire aidant, nous pouvions selon eux affronter sereinement l’avenir, contrairement à nombre de pays alentour. Las ! Aujourd’hui M. Attal, Porte-Parole du gouvernement parle d’une poussée fulgurante qui s’abat sur le pays.
M. Castex, Premier Ministre, promettait l’invincibilité pour les veinards ayant été vaccinés. L’imprudent qui paradait hilare, il y a quelques jours à peine, sans masque ni gel hydro-alcoolique, distribuant les accolades et les poignées de mains, en veux-tu en voilà, est testé positif ! Contraint de se confiner, il ne fait guère de publicité pour sa politique hasardeuse.

Le fait est que tout le monde se trouve à nouveau dérouté par le génie évolutif de ce foutu microbe qui empoisonne la planète depuis bientôt deux ans. Le vaccin qui semblait une arme très efficace ne tient pas vraiment ses promesses. On savait que son efficacité n’était pas totale mais on commence à douter des 90% de protection durable annoncés quand on voit grossir le flux de malades qui se croyaient immunisés, dans les hôpitaux et plus particulièrement en réanimation. Selon l’OMS, la protection contre le variant delta ne serait plus que de 40%. Pire, selon certaines études, les vaccinés, même asymptomatiques, pourraient propager le virus presque aussi facilement que les non vaccinés !
Autrement dit, c’est toute la stratégie reposant sur le fameux passe sanitaire qui se voit remise en cause. Comme le répète non sans raison Marine le Pen, il vaut mieux croiser une personne non vaccinée mais testée négative qu’une autre ayant reçu ses 2 injections en bonne et due forme mais porteuse du virus comme M. Castex !

Plus que jamais, on entend tout et son contraire à propos du COVID. Les antivax et autres complotistes repartent à l'offensive, avec parfois une mauvaise foi et une violence hallucinantes. D'autres qui croient détenir la vérité scientifique condamnent ex cathedra tous les contrevenants au consensus. Le Moyen-Âge est donc de retour.
La tendance est aujourd'hui naturellement de proposer une troisième dose vaccinale, puisqu’il n’existe pas d’autre alternative. On peut espérer qu’elle permette, comme les autorités réputées compétentes l'affirment, de limiter l’ampleur des pics d’infections sévères à venir, en attendant l’immunité collective qui ravalera peut-être cette infection au rang des viroses bénignes. Mais si tel est le cas, à quoi bon maintenir le passe sanitaire, qui n’a pas permis d’éviter ces nouvelles vagues et qui n’offre en réalité qu’une garantie très aléatoire, voire faussement rassurante ?

Au point où nous sommes rendus, l’exemple de pays qui ont fait le choix de laisser circuler le virus semble assez raisonnable. C’est la stratégie la moins contraignante et la moins complexe à mettre en œuvre. Et il n’y a pas lieu de craindre de drame majeur eu égard à l’efficacité des vaccins pour prévenir les formes sévères. Cette attitude suppose toutefois que l’organisation du système de santé soit de nature à affronter d’éventuels afflux de patients vers les hôpitaux. Après deux ans de pandémie, cela ne semble hélas toujours pas le cas de la France...
Pour alimenter les craintes relatives à une baisse progressive d'efficacité du vaccin, on apprend ce jour même qu'en Israël 9% des personnes récemment diagnostiquées avaient suivi un schéma vaccinal complet comprenant une troisième injection... Le ministre de la santé annonce déjà envisager une quatrième dose...
 
PS: Ce billet a été écrit juste avant l'émergence brutale du nouveau variant dit "omicron", très contagieux à ce qu'on dit et pas nécessairement sensible aux vaccins actuels, dont l'OMS affirme qu'il "présente un risque très élevé au niveau mondial..."
Retour à la case départ ?

14 novembre 2021

Novembre, une Elégie



Ici à peine un voile embrasse l'horizon
Noyé dans les vapeurs moroses de novembre
La plage est pétrifiée dans une gangue d'ambre
Tandis que l'esprit erre au bord de la raison

Le soleil brille encor malgré cette saison
Maudite, où la Nature avilie se démembre
La mer devient hostile et la forêt se cambre
Anticipant hélas tourmente et fanaison

C’en est déjà fini des trop belles journées
Des songes amoureux, et des vertes années
Où chacun s’imagine hors du froid et du temps.

Il faut s’emmitoufler, penser à la vieillesse
Et peut-être à mourir, mais non sans la sagesse
Qui vous dit malgré tout d’attendre le printemps...

10 novembre 2021

La Foire aux Gaullistes

La nullité abyssale atteinte par le débat d’idées en France a trouvé une nouvelle illustration avec la pantalonnade cérémoniale à laquelle s’est prêtée une bonne partie de la classe politique pour commémorer la disparition du général de Gaulle (1890-1970
).
De l’extrême-droite apostate à la gauche équivoque en passant par la droite déconfite en dévotion, ils étaient tous ou quasi à Colombey les Deux Eglises pour se faire voir au pied de la tombe du Grand Charles ce 9 novembre.
Quelle mouche a piqué ces gens pour qu’ils ressentent ce besoin impérieux de faire allégeance à des souvenirs poussiéreux qui nous ramènent invariablement à l’an quarante ?
Est-ce le signe que le pays est indécrottablement englué dans les mythes d’une doxa faisandée pour ne pas dire largement falsifiée depuis des décennies “pour la bonne cause” ?
Est-ce tout simplement l’instinct grégaire qui pousse chacun à suivre le mouvement, même s’il ne mène nulle part, par crainte de rester au bord du chemin ?

Eric Zemmour a échappé de peu à ce rituel grotesque. Sans doute la provocation a-t-elle ses limites. Il faut dire qu’on l’attendait au tournant, puisqu’il se permet de balancer l’encensoir autour des mânes de l’homme du 18 juin, tout en se faisant le suppôt satanique de Pétain ! Tout au plaisir de savourer ces pirouettes qui font enrager les bien-pensants, il pouvait toutefois se payer le luxe de rester tranquillement chez lui et même de démentir la rumeur selon laquelle il allait choisir ce moment chargé d’histoire pour annoncer officiellement sa candidature.

Au moment où la France aurait tant besoin de vrais décideurs les yeux tournés vers l’avenir, dénués d’idéologie face aux réalités du monde actuel, et pourvus d’un solide bon sens, quelle pitié de voir les foules compassées s’étriper autour d’un héritage somme toute assez peu enviable.
Car enfin qu’a-t-il laissé, ce commandeur de la Nation, qui s’est fait renvoyer dans ses foyers sans ménagement par les Français à l’issue d’un référendum perdu, après le calamiteux épisode de mai 68 (contrairement à d’autres, il eut au moins la dignité de partir…) ?
Il symbolise plus que tout autre le centralisme bureaucratique, l’autoritarisme étatique, la pléthore administrative et la folie des grandeurs.
Qu’a-t-il de si glorieux, lui qui s’exila en Angleterre au moment de la débâcle et qui revint pour tirer les marrons du feu, après la bataille, dans le sillage de l’armée américaine ? lui qui n’hésita pas à faire cause commune avec les communistes pour s’installer au pouvoir ? Qui nationalisa à tour de bras et laissa faire les horreurs entachant la Libération, notamment la spoliation ignominieuse de Renault ?
Qu' a-t-il vraiment fait pour la grandeur de la France, lui qui démantela son empire colonial et qui enferma son pays dans un anti-américanisme insensé, conduisant à son isolement et à la réduction de son influence. Il avait fait le bon et seul choix de décoloniser (après avoir juré le contraire), mais il bâcla cette entreprise de manière si lamentable qu’aujourd’hui encore on en paie les conséquences...
Il lui reste certes d’avoir promulgué la Constitution de la Vème république, mais elle est à bout de course et nombreux sont ceux qui n’en veulent plus (sans bien savoir ce qu’ils souhaiteraient à la place)...
Il serait peut-être temps enfin de tourner la page (en relisant l’excellent ouvrage de Jean-François Revel sur “le Style du Général”) !

30 octobre 2021

Zemmouriana

Il y a peu, on pouvait déplorer la mort du débat politique et l'inanité du vote en France. Tout était en effet aussi morne que la plaine de Waterloo et nulle idée, nul élan ne se faisait plus jour. Mais depuis quelque temps on assisterait plutôt à une renaissance. Non pas hélas que les politiciens aient retrouvé verve et convictions. Mais un homme a débarqué dans le jeu à grand fracas et sa popularité imprévue mais croissante le place sur un petit nuage. Il est partout, on ne parle que de lui et chacun se trouve par la force des choses, contraint de réagir face à ses constats cinglants et ses propositions iconoclastes.
S’il y a un renouveau du débat, il faut bien dire qu’on le doit à une personne et une seule. C'est Eric Zemmour qui fait le job. C’est lui qui crée les sujets et qui donne le La à l’orchestre déconfit qui peine à l’accompagner dans l’ombre. On le savait depuis des lustres positionné sur le thème du chaos migratoire, sur celui de la Nation souveraine, ou bien sur celui de la sécurité intérieure, mais il étend le champ de ses implacables démonstrations à tous les sujets sociétaux, et à l’économie qu’il survole avec aisance et une connaissance aiguë des chiffres.
Bien sûr il n’est pas possible d’être d’accord avec lui sur tout mais son enthousiasme est communicatif et à moins de refuser de manière sectaire la confrontation des idées, il faut bien dire que les échéances électorales redeviennent excitantes à la faveur de cette nouvelle dynamique.
Récemment il abordait le sujet de la sécurité routière, critiquant l’excès des limitations de vitesse sur les routes et la notion même de permis de conduire à points, qui n’a selon lui jamais fait ses preuves. Résultat, tout le ban et l’arrière ban lui emboîta le pas, cherchant vainement à justifier, par principe, des réformes ineptes.

Le 26 octobre dernier il faisait une audacieuse incursion dans la ville de son enfance, Drancy. On peut saluer son courage et le brio avec lequel il mena cette visite dans un contexte plutôt tendu. A force d’argumentation, il parvint à faire se dévoiler une musulmane présentée comme franco-marocaine, en faisant pour un instant d’elle une femme libre. L’instant d’avant elle avait avoué qu’elle ne portait le voile “ que depuis quelques mois”, reconnaissant de manière implicite qu’elle était sous influence et qu’il se passait donc quelque chose de nouveau au plan religieux dans notre pays. Il fit reconnaître à un jeune franco-algérien qualifié d’ancien délinquant, qu’il fallait cesser de “faire des bêtises” s’il voulait faire honneur à la France. Il démontra que les boucheries étaient devenues exclusivement hallal et qu’une des rares associations sportives réputées laïques, était devenue un îlot en perdition dans cette jungle manifestement hostile à tout ce qui représente la France.
Aucune personnalité politique n’avait osé se présenter avec autant de sang froid et de détermination, “face à la rue”, comme titrait l’émission animée par Jean-Luc Morandini. Marine Le Pen, de plus en plus à la traîne, ne fit qu’une pâle imitation de cette prestation quelques jours après à Alençon. Elle se rendit également chez Orban en Hongrie, mais avec un mois de retard sur Zemmour, lui-même accompagné de sa nièce Marion Maréchal...

Faute d’arguments à lui opposer, beaucoup voudraient censurer l’intrus si politiquement incorrect. Il dérange le ronron insipide dans lequel végétait le pays, mais celles et ceux qui se font un devoir de le combattre réagissent à côté, faute de l'avoir vraiment écouté ou bien parce qu’ils font semblant de ne pas comprendre ses gestes et ses propos, pour mieux les déformer. Marlène Schiappa, qui n'est probablement pas une imbécile mais qui fait tout pour qu'on la prenne pour telle, s’est illustrée à ce jeu insignifiant. Après avoir ravalé les propos de Zemmour à ceux qu'on entend dans les bars PMU (affirmant toutefois pour rattraper sa gaffe qu’elle adorait ces endroits), elle monte en épingle de manière ridicule la fameuse séquence du fusil. Comment ces gens peuvent-ils imaginer qu’avec de tels expédients, ils puissent freiner l’ascension de celui qui les fait tant enrager ?
Certains voudraient carrément le faire taire. On a vu les manœuvres comptables minables du CSA. On voit également à l'œuvre les petits censeurs qui sévissent dans le Service public de l’information. C’est une pure ignominie.

La cerise sur le gâteau, c’est quand même lorsque les soi-disant adversaires d’Eric Zemmour poussent la stupidité jusqu'à lui donner raison par leurs raisonnements en forme de sophisme.
Ainsi Christian Estrosi, maire de Nice, appelle la droite à combattre Zemmour « de toutes ses forces » en vue de la Présidentielle 2022, mais dans le même temps, il déplore que la Droite “a déserté le combat”. N’est-ce pas l’aveu que la Droite n’est plus la Droite ? Et où se situe-t-il, lui qui se dit membre des Républicains, mais qui soutient Emmanuel Macron et son parti LREM ? Et où sont Xavier Bertrand et Valérie Pécresse qui ont quitté leur parti en claquant la porte et qui reviennent sans vergogne quérir son investiture ?
M. Larcher, président du Sénat, juge quant à lui, que M. Zemmour “hystérise le débat”. Pour autant il reconnaît qu'il « aborde de vraies questions », et fait des constats pertinents en affirmant que « nos capacités d’intégration et d’assimilation sont saturées ».
Il ajoute “qu’il n'y aurait ni phénomène Le Pen ni phénomène Zemmour si nous avions mieux traité ces questions.” CQFD.
Jusqu’où ira le trublion, c’est difficile à dire. A-t-il l’étoffe d’un homme d’état, c’est à voir. Mais à l’écouter on ne s’ennuie pas, c’est un fait. Et le désordre et la panique qu’il suscite dans les états-majors des vieux partis englués dans les lieux communs lénifiants et les impasses idéologiques est à lui seul jouissif…

27 octobre 2021

Brassens, l'Homme Tranquille

Georges Brassens
(22/10/1921-29/10/1981) n'aimait pas les cérémonies. Il se trouve qu'en octobre on commémore à la fois le centenaire de sa naissance et les quarante ans de sa disparition.
A défaut de grands hommages, c'est le moment de se souvenir quel genre d'homme il fut et d'évoquer l'héritage qu'il nous a laissé.

Après bien des décennies, sa petite musique a gardé toute sa fraîcheur et ses vers tout leur piquant. Je me souviens pour ma part avoir été pénétré définitivement par ses paroles et ses mélodies depuis le plus jeune âge, lorsque mes parents s’en délectaient au cours des mornes dimanches d’hiver. La voix chaude du chanteur, sa façon de rouler les "r" en les caressant, son accent doucement ensoleillé et ses rythmiques subtilement répétitives avaient quelque chose de rassurant.
Depuis, elles ne m’ont plus jamais quitté, comme faisant partie intrinsèquement de ma vie, et plus encore, du monde.
Au fil des années, j’ai appris à mieux connaître le bonhomme dont la rudesse de bois poli m’enchante. Voilà un homme véritablement à part, une sorte de légende à lui tout seul, si simple en apparence et pourtant unique en son genre, absolument inimitable.
D’aucuns ont cherché à récupérer son style et sa manière de suivre “les chemins qui ne mènent pas à Rome”. Jamais ils n’ont réussi à saisir ce tempérament d’acier bien trempé dans leurs griffes idéologiques. Indépendant des modes et des courants de pensées, il fut et il reste à jamais.
 
L’artiste commença sa carrière dans une bohème proche de la misère. Mais durant les quelque 20 ans qu’il passa impasse Florimont à Paris Quatorzième, de 1944 à 1966, au crochet du couple de bons samaritains, Jeanne et Marcel, la pauvreté fut presque joyeuse. Georges n’avait pour ainsi dire besoin que d'amour et d’eau fraîche et rien ne le préoccupait tant que de faire de bonnes chansons.
Il s’était bien essayé à la littérature, poèmes ou romans, mais, de son propre aveu, il dut en rabattre, se contenant de son “chemin de petit bonhomme”, lorsqu’il comprit qu’il n’avait pas suffisamment de génie pour rivaliser avec Baudelaire ou Victor Hugo.

Il fut un chanteur engagé, c’est un fait certain, mais inclassable politiquement, grâce à Dieu. S’il fut un temps un peu anarchiste, il revint vite vers un pragmatisme plus réaliste et serein, après avoir fait le constat qu’il n'existe "pas de solution collective" aux maux de l’Humanité.
Son caractère le portait à l’individualisme, ce qui le fit paraître à certains un tantinet bourru. Mais au fond de lui, il n’y avait pas une once de méchanceté comme il le chantait. Et comme il n’aimait pas obéir à quiconque et qu’il n’aimait pas davantage commander les autres, il fut naturellement anti-militariste et rétif à tout ce qui représente l’ordre et la discipline. Mais comme beaucoup de ses engagements, cela n’avait de portée qu’individuelle. Derrière le poète se cachait l’homme de bon sens. “Je pourrais”, affirmait-il, “me passer de loi, mais la plupart des gens ont besoin de lois et ce n’est pas demain la veille qu’on pourra s’en passer…”
A propos de sa magnifique Non-Demande en Mariage, il se plaisait à dire que s’il n’était “pas tellement partisan du mariage” à titre personnel, il n’était pas contre dans l’absolu et qu’il n’empêchait nullement les autres de se marier.
S’il n’eut pas d’enfant, c’est sans doute un peu parce que, disait-il, “le monde tel qu’il est ne me convient pas”. Ce fut surtout parce qu’il avait fait le choix exclusif de consacrer sa vie aux chansons et que cela lui prenait tout le temps dont il disposait. Ni épouse ni enfant donc, pour ne pas courir le risque d’être un mauvais mari et un mauvais père.
Pareillement, il affirmait n’avoir jamais pris de position anti-cléricale très nette, en dépit de ce que tout le monde croyait. “Je fais de la propagande de contrebande”, révélait-il malicieusement, ajoutant qu’il ne fallait pas prendre toutes ses paroles pour argent comptant, et que sa timidité et sa modestie le portaient à “dissimuler ses sentiments sous des blagues et des pierres tombales.” Une de ses plus belles chansons est sans doute la Supplique pour être enterré à Sète. Pourtant lors d’une interview, il confia qu’il se foutait pas mal d’être inhumé à cet endroit ou bien ailleurs…

Au bout du compte, le seul vrai souci de Georges Brassens était que les gens prissent un peu de plaisir à écouter et à fredonner ses ritournelles: “si je peux donner quelques instants de bonheur, je n’aurais pas démérité…”
Sur des rythmiques très jazzy, inspirées par la musique qu’il avait au cœur, il inscrivit quelques-uns des plus beaux textes poétiques de la langue française, pleins de jovialité et d’une tendre dérision. Aujourd’hui encore il m’arrive de découvrir des perles à côté desquelles j’étais passé jusqu’alors. L’Orage, interprété par Benjamin Biolay lors d’une récente soirée Brassens, figure parmi celles-ci. Il résume tout le talent de l’artiste pour associer une mélodie accrocheuse, un rythme délicieusement entêtant, sublimé par la contrebasse de Pierre Nicolas. La thématique inusable de l’amour y est traitée sur un ton facétieux, et last but not least, on y trouve à son sommet, l’art de mettre le bon mot sur la bonne note !

S’il faut retenir quelque chose de l’engagement de Brassens, c'est sans doute que “tous les dogmes sont néfastes”, et qu’il faut avant toute chose préserver la liberté. Le plus grave répétait-il, “serait qu’on perde nos libertés individuelles. l’homme est en train de disparaître en tant qu'individu. Tout le monde se ressemble…”

18 octobre 2021

Plaisirs d'Automne

Je hais cette saison qui annonce des mois de froidure et de frimas et je me prends à envier les animaux qui peuvent se mettre en sommeil prolongé pour ne se réveiller qu’au printemps. J’admire tout autant les oiseaux migrateurs qui entreprennent un long et fatigant voyage pour suivre le soleil et se mettre au chaud pendant ces mois mortels.
Mais il faut bien faire contre mauvaise fortune bon cœur comme on dit…
L’automne réserve quelques douceurs dont il est plaisant de profiter.
Cette année, l’arrière saison est très ensoleillée, notamment dans le Sud Ouest du pays et les promenades dans les bois et les forêts sont particulièrement agréables. Il y règne une ambiance paisible incitant à la rêverie. C'est l'instant idéal pour le promeneur solitaire, tenté de s'abandonner à l'utopie rousseauiste…
Le soleil encore chaud à travers les feuillages qui commencent à roussir, élève l’âme vers le Grand Tout et la console de tous les tracas du quotidien et des misères de l’actualité.
En s’abaissant à chercher parmi la végétation qui croît au pied des arbres, on a parfois la joie de trouver une perle issue de cet univers au parfum d’humus, à savoir un cèpe.
A cette époque de l'année, ce sont parmi les champignons, ceux qui sont les plus appréciés. Quelle joie de découvrir un de ces spécimens, caché derrière une fougère ou au sein d’un buisson épineux. Son dôme velouté aux couleurs de cuir plus ou moins bruni recouvre un stipe ferme et ventru qu’il est excitant de caresser tout en l’extrayant délicatement de la terre. Humer les effluves qu’il dégage fait naître un flot d’émotions et de promesses de festins à venir.

Revenant d’une telle balade forestière, le panier bien rempli, on se sent apaisé, heureux d’avoir profité d’une journée hors du temps.
Il arrive hélas qu'on ramène aussi quelques souvenirs moins agréables. Une tique par exemple, parfois porteuse de la fameuse maladie de Lyme, ou encore une de ces mouches étranges qui tournent autour de vous et vous suivent opiniâtrement. On les appelle tantôt mouches plates, tantôt mouches crabes, ou bien encore hippobosques. Habituels parasites des chevaux, dont elles sucent avidement le sang, elles se rabattent parfois sur les humains. Les piquent elles je l'ignore, toujours est il qu'il est difficile de se débarrasser de ces insectes. Leur vol est lourd et malhabile mais elles résistent si fort à l’écrasement qu’il faut réussir à les coincer sous un objet dur pour en venir à bout en faisant craquer leur thorax caparaçonné.
Après le rêve, les triviales réalités de la vie reviennent vous assaillir...

14 octobre 2021

La Mort du Débat

Cette fois la terre tremble pour de bon sur la planète politique de France.
Ce séisme était prévisible et avait été précédé d’alertes itératives mais elles avaient été minimisées voire négligées.
Notre médiocre république, qui n’a de démocratique que l'illusion, est depuis des décennies parcourue par de sinistres convulsions. Aujourd’hui, c’est à ce qu’il paraît, l’acmé de cette crise.

Pour en arriver là, il a fallu bien des lâchetés, bien des faiblesses, bien des paroles ronflantes mais creuses, et tant de promesses jamais tenues, de la part de la quasi totalité du monde politique. Le désastre actuel leur incombe donc totalement. La plupart des politiciens ont tout fait pour galvauder les mots de république, de constitution, de démocratie. Ils ont laissé pourrir par leur incurie le fameux trépied Liberté Egalité Fraternité qui aujourd’hui ne veut plus rien dire. Enfin, ils ont mis un zèle incroyable à détruire leur propre image, leur fonction, leur idéologie, leur parti…

Sans remonter à Mathusalem, on se souvient comment François Hollande, par ses magouilles à deux balles, son indétermination incurable et son absence de leadership avait fini par réduire en bouillie le Parti Socialiste en même temps que ses ambitions personnelles. Certes avant lui Mitterrand avait dénaturé le socialisme en faisant alliance avec les communistes, et Jospin "l’austère qui se marre", l’avait ringardisé. Mais l’essentiel du mérite revient sans sourciller au plus calamiteux des présidents de la cinquième république !

A droite, la stratégie ne fut guère plus brillante. Jacques Chirac avait mené son camp dans une impasse à force de trahir sans arrêt ses engagements et surtout de rejeter de manière primaire tout ce qui était plus à droite que son RPR, notamment le Front National, vouant une haine féroce et stupide à ses dirigeants, et un mépris définitif pour toutes les thématiques qu’ils agitaient, non sans raison parfois. Pris dans le piège diabolique ourdi par le faquin de Jarnac, il avait fini par zigouiller son propre camp.
Héritier controversé et instable, Nicolas Sarkozy tenta de le remettre debout mais par son inconstance et ses frasques, il ne fit qu'en clouer le cercueil. Son quinquennat entamé en fanfare a fini en eau de boudin et depuis l’échec retentissant de 2012, suivi de la pantalonnade Fillon, on assiste au ballet navrant des petits chefs de cette armée mexicaine en déroute, venant fleurir avec componction la tombe où gît la Droite, chacun réclamant le retour à l'union derrière son petit fanion dérisoire.

Force est de constater que de son côté, Marine Le Pen a raté la transition post Jean-Marie. Sa stratégie racoleuse à gauche, erratique au plan économique et de plus en plus floue sur les thèmes de la sécurité et de l’immigration a fait un flop. Son incapacité à assumer un dessein national et à incarner la fonction présidentielle ont provoqué le déclassement progressif du mouvement dont elle s’est crue obligée de changer le nom, en vain.
Il est inutile de trop s’étendre sur les problèmes des autres formations, surnageant de part et d’autre. Aucune n’émerge vraiment et les rodomontades et dissensions grotesques qui divisent durablement ceux qui font de l’écologie leur étendard, fort minable au demeurant, est à l’image de l’effondrement du débat politique et de la crédibilité de ses acteurs dans notre pays.
Il reste Emmanuel Macron, arrivé par effraction au sommet de l’Etat, mais qui n’a pas réussi à fonder de parti, ni à s'entourer de gens d’envergure significative. Il survit toutefois dans les sondages, sur son îlot à 25%, bien qu’il ne soit parvenu à rien de concret durant son mandat, hormis entretenir une grogne sociale permanente.

Il n'est en somme pas besoin de faire l'éloge d’Eric Zemmour qui est en train de devenir un acteur politique de premier plan et d'enclencher une dynamique populaire inédite. Il est probable qu'il ne souhaitait pas ce rôle mais il lui échoit car il n'y a personne d'autre pour l’assumer. Ce sera donc lui.
Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec toutes ses idées pour éprouver une certaine satisfaction d'entendre enfin quelqu'un parler sans détour ni circonlocution et faire preuve de vraies convictions (cf le problème Zemmour 1 et 2).
Son succès s'explique donc aisément. Jusqu'où ira son ascension, sera-t-il même candidat, ce sont pour l’heure les seules questions qui vaillent.

Le fait est qu’il désarme toute opposition et renvoie sans difficulté dans les cordes celles et ceux qui cherchent à enrayer son ascension, tant leurs arguments paraissent inappropriés, inopérants, voire franchement stupides à force de vouloir systématiquement se démarquer de lui.
Foin des blagues nauséabondes des humoristes du service public, qui tombent à plat, foin des rodomontades de Ruquier qui joue au caïd borné, à la manière d'un petit Beria, en souhaitant qu’on éradique “le virus Zemmour”. Foin enfin des ministres, totalement à court d'inspiration et sentant le sol se dérober sous eux, qui y vont de leurs invectives dont la répétition niaise épuise les esprits : négationnisme, révisionnisme, pétainisme, fascisme, peste brune…
En somme, sans vouloir minimiser son talent de bretteur, Zemmour grandit parce que tout s’effondre autour de lui.
Il ne reste plus grand chose du débat politique. Ni stature, ni idée, ni dessein. C’est vrai de Marine Le Pen qui s’enlise inéluctablement et de plus en plus rapidement dans le déni. C’est vrai des candidats putatifs de droite tels Valérie Pécresse qui s’époumone dans le désert à faire croire qu’elle a pris en considération le problème de l’immigration, ou de Xavier Bertrand, de Michel Barnier qui ont passé tellement de temps à polir leur image de rassembleurs consensuels qu’ils se retrouvent de plus en plus isolés et transparents. C’est vrai enfin de tous les groupuscules plus ou moins insoumis qui patinent dans la semoule faisandée de la révolution.
M. Macron quant à lui conserve un certain potentiel de sympathie en dépit d’une politique toujours plus incohérente, contradictoire et inefficace. Pour combien de temps ? Il est à ce jour la cible des attaques d’Eric Zemmour, qui semble avoir déjà évincé tous les autres adversaires...

08 octobre 2021

Illusion d'Optique

Je fais très rarement allusion dans ce blog à des mésaventures personnelles. J’ai vécu celle qui suit et je me fais un devoir de la relater car je subodore qu'elle concerne sans doute beaucoup de monde.
Souffrant depuis l’enfance de troubles de la vision ennuyeux quoique anodins (myopie et astigmatisme auxquels est venue s’ajouter sur le tard la presbytie), je suis contraint de porter des lunettes correctrices. Ces défauts évoluant avec l’âge, il me faut changer de binocles de temps à autre.
C’est en me rendant chez l’opticien, non sans avoir auparavant consulté un ophtalmologiste, que j’ai découvert la signification de l’innovation dont M. Macron est si fier: le “100% santé optique”.
Supposé couvrir l’intégralité des frais et donc offrir à “l’usager du système de santé” la gratuité des lunettes, ce dispositif ingénieux impose aux fabricants de fournir des produits bon marché, oblige les opticiens à les proposer et même à les promouvoir, en contrepartie de quoi ils sont totalement pris en charge financièrement par notre bonne vieille sécu, associée aux mutuelles de santé. Zéro reste à charge, comme on dit...
La Haute Autorité en Santé (HAS), indépendante comme chacun sait mais payée par le gouvernement, assure que ces lunettes discount sont de qualité optimale pour corriger tous les troubles visuels.
Les opticiens quant à eux, sont loin de partager cette opinion, et le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne vous encouragent guère à vous les procurer.
Ils insistent tout d’abord sur le choix très limité des montures (à peine plus d’une quinzaine), leur fragilité et leur manque flagrant d’esthétique. Plus grave, ils vous affirment que la qualité des verres ne permet pas une adaptation satisfaisante à votre vue, et que leur longévité est des plus médiocres.

Il n’est pas étonnant dès lors que la plupart des gens se tournent vers une offre plus attrayante.
Alors qu’il est offert aux assurés sociaux depuis janvier 2020, seuls 16 % des Français ont bénéficié d’une monture ou de verres du panier 100% santé optique, selon Santé Magazine...
Pour ma part, j’ai fait comme 84% des gens. Résultat le montant du devis que j’ai accepté s’est élevé à 689€ contre 220€ pour celui de l’offre gouvernementale !

Que faut-il penser de tout cela ?
Soit les opticiens sont pour leur grande majorité de fieffés filous, qui cherchent à vous fourguer d’inutiles Rolls Royce alors qu’ils ont en magasin de superbes Trabant tout aussi performantes.
Soit le gouvernement cherche à nous faire prendre des vessies pour des lanternes et du plomb pour de l’or.
Quoique enclin à penser que les commerçants abusent de leur rente de situation, mon esprit rebelle est tenté de pencher vers la seconde option, surtout après avoir découvert qu’en punition de mon choix somptuaire, la Sécurité Sociale ne me remboursait que 9 centimes d’euros (3 pour la monture et 3 pour chaque verre !). Ce n’était certes pas brillant avant l’ère Macron (à peine une quinzaine d’euros) mais là, c’est vraiment du foutage de gueule, comme dirait un bon ami...

Moralité, ce sont surtout les mutuelles qui sont mises à contribution par la générosité gouvernementale et son offre en trompe-l'oeil.
Sur les 220€ de la formule “basique”, la pingre sécu n’aurait pris en charge que 39,60€. Précisons que pour ce prix, vous n'avez qu'une seule paire de lunettes et non 2 comme le proposent les opticiens dans leur devis, sans augmentation de prix (ou presque). Vous devrez donc payer plein pot la paire de lunettes de secours ou bien solaire correctrice associée.
En attendant, pour combler le trou béant laissé après les 0,09 euros royalement remboursés par la sécurité sociale sur les 689 que j’ai payés à l’opticien, j’espère 450€ de ma mutuelle...

30 septembre 2021

Choses vues en Absurdie

On a vu que le ministère de la culture en est réduit à inaugurer les échafaudages “artistiques”
On sait dorénavant que celui de l’écologie a pour mission d’annoncer les hausses de tarif de l’électricité ! Et pas des moindres: 12% à compter de février prochain !
Les tarifs du gaz viennent de faire quant à eux un nouveau bond de 12,6%, soit 57 % d’augmentation depuis janvier.

Naturellement, selon madame Pompili, ce n’est pas la faute du gouvernement, mais “à cause du fonctionnement du marché de l'énergie européen” qui fait paraît-il, que “les prix du gaz influent mécaniquement sur ceux de l'électricité…” Tout est en tout et réciproquement, au fond.
Jean Castex se croit quand même obligé d’intervenir en catastrophe, à la manière des carabiniers, pour assurer qu’il n’y aura plus de nouvelle augmentation (sous-entendu avant la prochaine) et il promet même un “bouclier tarifaire” et un chèque énergie aux plus modestes. Éternelle démagogie...

Réfléchissons. Donc la fermeture de centrales nucléaires, les investissements massifs dans l'éolien, la gestion à fonds perdus d'EDF ne seraient pour rien dans la hausse des prix ? Et s'agissant du gaz, qui dépend pour 40% des approvisionnments Russes, les mauvaises relations de l'Europe avec Poutine et les sanctions idiotes qu'on lui inflige, non plus ?

C’est peu de dire que les écologistes ont raté à peu près tous leurs objectifs (marées noires, ferroutage, énergies renouvelables, recyclage des déchets, propreté des villes…), mais ils continuent de plus belle à faire la leçon selon le bon vieux principe du “faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais…”
Ils ont chamboulé avec leurs réglementations ubuesques le marché automobile, condamnant sans appel tout d’abord le diesel, puis poussant frénétiquement les constructeurs à produire des véhicules électriques (pour lesquels on ne sait pas trop comment on va produire l'électricité, ni comment on va fabriquer les batteries, et encore moins comment on va les recycler...). 

Anticipant les menaces d’interdiction des voitures diesel dans les grandes villes, j’ai eu la faiblesse de troquer mon auto contre un modèle essence, et je me suis aperçu que je consommais à puissance égale, deux litres de carburant de plus aux cent kilomètres ! Et bien qu’arborant fièrement une vignette crit’air de niveau 1, je dus m’acquitter d’un malus punitif. Allez comprendre….

En matière de chauffage individuel, on ne compte plus les foyers qui, faisant confiance aux recommandations gouvernementales, ont opté pour les pompes à chaleur air-eau, et qui se retrouvent avec des factures d’électricité dépassant les 200€/mois. Ils avaient souvent été alléchés par les mirifiques primes, mais avaient vite déchanté en voyant le reste à charge, s’élever à plusieurs milliers d’euros (c'est à dire bien plus que les plus modernes chaudières à gaz ou bien à fioul). Au bout de quelques mois, ils comprennent vraiment leur douleur lorsque leur appareillage très complexe tombe en panne. La plupart des pièces sont d’origine étrangère, souvent chinoise, et en rupture de stock, paraît-il à cause du COVID...
Quant à ceux qui vendent leur logement, il doivent passer sous les fourches caudines de la procédure diagnostique supposée éclairer de futurs acquéreurs. Passons sur la recherche de plomb dans les peintures, qui occupe les experts pendant plusieurs heures, à passer leurs détecteurs dans tous les recoins. Tout le monde se moque du résultat…
Le plus sympathique est le fameux DPE (diagnostic de performance énergétique) dont les critères répondent à de mystérieux algorithmes, et dont les modes calculs changent tout le temps. Autrefois basés avant tout sur la consommation énergétique, ils font, depuis la mouture de juillet dernier, la part belle (si l’on peut dire) à la production de CO2. Mais le résultat est tellement délirant que le gouvernement vient de décréter un moratoire pour les logements antérieurs à 1975. Merci pour ceux qui viennent de payer un diagnostic totalement inutile...
Enfin, ceux qui ont le malheur d’habiter à la campagne et qui ne disposent pas d’un assainissement par le tout-à-l’égout, ont bien souvent la désagréable surprise d’apprendre que leur installation, quoique fonctionnant très bien, est non conforme aux canons normatifs et se voient contraints de la refaire en totalité, sous un délai d’un an s’il s’agit d’une acquisition !
Le mieux étant l’ennemi du bien, nombre de Français sont ainsi sommés de tendre à la perfection par un État inconséquent et négligent quant à l’entretien de ses biens.

Edouard Philippe, ancien Premier Ministre, propose d’augmenter l’âge de départ en retraite pour réduire un peu la dette (dont il a largement contribué à creuser le trou…)

Enfin, Nicolas Hulot, chantre de la correction politique, et généreux dispensateur de moraline a été pris à partie par des féministes. Juste retour de balancier….

21 septembre 2021

L'art de l'emballage

L'Arc de Triomphe est empaqueté ! Succulent symbole d'une société en manque d'inspiration, blasée, lassée de tout, prête à toutes les folies pourvu qu'elles soient originales, et peu importe qu’elles soient vaines, et dispendieuses !
Pour réaliser ce chef-d'œuvre de l’absurdité triomphante, on a fait appel, avec la bénédiction des Pouvoirs Publics, à pas moins de mille ouvriers dont une brigade d’alpinistes, qui ont déployé 2500 m2 de toile synthétique et 3 kilomètres de cordes ! Tout ceci a coûté la bagatelle de 14 millions d’euros, sans débours paraît-il d’un seul centime d’argent public...
L’installation gigantesque pourra être admirée par les badauds du 18 septembre au 3 octobre.
On cherche vainement une symbolique artistique à ce gros chantier.
Faut-il voir dans cette monstruosité, une allusion aux pratiques sadomasochistes qui consistent à se faire ligoter et bâillonner pour éprouver du plaisir ? Est-ce la célébration du voile qui sert à cacher tant de vérités et qu’on voit à l'œuvre dans certaines contrées rétrogrades pour asservir si ce n’est nier la condition féminine ? Est-ce tout simplement le signe qu’on attache désormais plus d’importance au contenant qu’au contenu, à la forme qu’au fond, au flacon qu’à l’ivresse ?

Nos dirigeants sont quant à eux tout simplement emballés par l’initiative.
Il se sont empressés de rendre hommage à ce qui incarne si bien l’inanité de leurs promesses et beaux discours (car de conviction et d’action, chacun sait qu’il n’y a plus…). 
L’inénarrable Roselyne Bachelot planait dans un état second. Elle déclara avec un sérieux pontifical, “qu’il s’agissait d’un formidable présent aux Parisiens, aux Français et au-delà, à tous les amateurs de l'art”. L'empaquetage de l'Arc de Triomphe, ajouta-t-elle, “introduit dans notre espace des métamorphoses douces pendant quelques jours”. Plus fort encore: “Je reçois ce geste monumental comme un appel à la liberté!”
Comment peut-on parvenir à ce niveau de sottise quand on occupe une fonction comme la sienne, that is the question. Sans doute est-ce la preuve irréfragable que le ministère de la culture ne sert vraiment à rien...
M. Macron était sur le même petit nuage lorsqu’il déclama son extase: “c'était un rêve fou et vous l'avez accompli !”, un projet “qui ne coûte rien au contribuable et qui participe du rayonnement de la France!”
On l’a vu plus sévère avec les malheureux athlètes de retour du Japon, couverts de médailles, qui se sont pourtant vus sermonner au motif que la moisson était, aux yeux du guide de la Nation, insuffisante ! Il reste beaucoup plus discret en revanche pour commenter le colossal fiasco de notre politique internationale, dont il est pourtant pleinement responsable, à l'occasion de la rupture, en apparence inattendue, du “contrat du siècle” avec l’Australie, qui fait prendre conscience une fois encore, que la France s’est enfermée dans un orgueil suranné, pendant que le monde se fait autour d’elle...

14 septembre 2021

Comités de Censure

L’époque est à la déraison réglementaire, le constat n’est pas nouveau. Aujourd’hui c’est le domaine de l’information qui est touché par la manie ubuesque de tout contrôler, de quadriller l’espace de la réflexion et du débat, et de décréter ex cathedra ce qu’il est loisible d’exprimer ou de penser.
Eric Zemmour en fait les frais. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), nouveau ministère de l'information en quelque sorte, a décidé d’encadrer autoritairement son temps de parole dans les médias, actant donc le fait qu’il est devenu un homme politique, et non plus un simple journaliste, éditorialiste, commentateur, observateur, historien...
Peu importe qu’il ne se soit déclaré d’aucun parti politique et candidat à aucune élection, pour les auto-prétendus sages “supérieurs” tout se passe comme s’il l’avait fait. Qui parmi les vertueux défenseurs des libertés va s’insurger contre cette oukase délirant ?
Le polémiste tombe dans la nasse qui le guettait depuis longtemps. Il a été contraint de quitter illico son siège de chroniqueur sur la chaîne CNews, laquelle est également dans le collimateur du CSA en raison de ses plateaux paraît-il politiquement pas assez équilibrés. On dira qu’il l’a sans doute un peu cherché à force de narguer les bien pensants, mais la décision de le museler n’en apparaît pas moins sectaire, absurde et inique.
A l’heure où les canaux d’information foisonnent, qui peut encore prendre au sérieux cette assemblée de censeurs au petit pied, payés par le Trésor Public pour décortiquer à la minute près l’expression de chaque personne politique. Trois cents fonctionnaires attelés à une tâche stupide et totalement inefficace,  qu'ils exercent avec un zèle sinistre, voilà ce que notre pauvre pays est toujours capable de financer, malgré ses dettes astronomiques.
Le CSA n’en est pas à son coup d’essai. On sait qu’il surveillait de près Thierry Ardisson, Cyril Hanouna et consorts, lesquels ont eu droit à de nombreux avertissements. Le Comité avait interdit, sans aucune raison compréhensible, la diffusion en clair de la petite chaîne Paris Première (Tiens, Zemmour intervient également sur ses plateaux…).
Y aurait-il des pressions politiques dans les décisions du CSA, on voudrait ne pas y croire, mais la révélation tout récente faite par Christine Kelly, aujourd’hui animatrice sur CNews, mais ex-membre de l’assemblée, est bien troublante. Elle affirme que le CSA a, il y a quelques années, été l’objet de pressions “venant de gauche”, pour censurer Eric Brunet, autre journaliste politiquement incorrect
Tout cela commence à faire beaucoup, surtout quand on connaît la mansuétude des chronométreurs de temps de parole vis-à-vis des chaînes publiques, outrancièrement partisanes… 
Bref, c’est décidément un sale temps pour la liberté d’expression. Les réseaux, qu’il est convenu d’appeler “sociaux”, tels Twitter, ou Facebook, eux-mêmes se croient obligés de censurer et d’excommunier en fonction de critères pour le moins discutables. On réduit au silence le président de la plus grande et ancienne démocratie au monde mais on laisse pérorer les agités du turban qui font régner la terreur en Afghanistan et ailleurs. Après avoir mis au pas le débat d’idées contemporain, au nom de la Cancel Culture, on fait table rase du passé. On abat les statues, on débaptise les rues, les établissements publics… Au Canada, on brûle les livres jugés déviants, comme au Moyen-Age. Ce monde est décidément fou !

08 septembre 2021

Lettre de Lord Chandos

Stefan Zweig fit beaucoup pour populariser  Hugo von Hofmannstahl (1874-1929) qui fut son contemporain et dont les poèmes juvéniles relevaient selon lui “d’un des grands miracles de précoce perfection.”
Le hasard m’a fait aborder l’écrivain par un petit ouvrage bouleversant, d’une trentaine de pages à peine, en forme de lettre* - imaginaire naturellement - “que Philipp lord Chandos, fils cadet du comte de Bath, écrivit à son ami Francis Bacon, pour s’excuser d’avoir renoncé à toute activité littéraire...”

Lorsque Hofmannstahl publie ce texte en 1902, à 28 ans, son œuvre poétique est achevée pour sa plus grande partie. Heureusement, il ne cessera pas pour autant d’écrire, mais quelque chose s’est passé dans son esprit qui lui fait prendre conscience de la vanité du langage, et pour une moindre part, de l’existence.
L’auteur relate ainsi “les tourments intellectuels” qui l’assaillent et réduisent son inspiration à l’impuissance. Il se désole de “ces branches chargées de fruits qui remontent brusquement chaque fois que je tends les mains, cette eau murmurante qui se retire devant mes lèvres assoiffées…”
Il constate que malgré tous ses efforts, aucun mot ne semble exprimer la réalité objective. Pire, autour de lui, tout semble “dépourvu de preuves, mensonger, fuyant de partout”.
Comment dès lors exprimer ce sur quoi, on n’a pas de prise ? Et dans quelle langue, sachant que celle “dans laquelle il m’aurait peut-être été donné non seulement d’écrire, mais aussi de penser, n’est ni latine, ni l’anglaise, ni l’italienne, ni l’espagnole, mais une langue dont aucun des mots ne m’est connu ?”

Etrangement, cette missive aux accents désespérés, n’est pas dépourvue d’une certaine quiétude. L’auteur manifeste même un tranquille détachement devant la fatalité qui lui fait perdre “la faculté de penser ou de parler de façon cohérente, sur quoi que ce soit.” Il est en effet envahi par “une sorte de pensée fébrile, faite d’un matériau qui est plus immédiat, plus fluide, plus incandescent que les mots”. Ce sont ajoute-t-il “des tourbillons, mais à la différence de ceux de la langue, ils n’ouvrent pas, semble-t-il, sur le néant mais conduisent d’une certaine façon en moi-même et au cœur de la paix…”
En définitive, lui qui avait des projets pleins la tête et qui dévorait toute littérature avec un appétit d’ogre se résigne à ne plus rien lire, ni dire, ni écrire.

Cette étonnante confession recèle une symbolique foisonnante. Elle rejoint notamment celle de Rimbaud, qui parvenu au plus loin de ses “Illuminations” et après avoir relaté de manière visionnaire sa “Saison en Enfer”, mit un terme brutal et irrémédiable à son œuvre littéraire.
Faut-il comprendre qu'après avoir exploré le monde des mots et de la poésie jusqu’aux confins du langage, se profile le vide incommensurable de l’inexprimable ?
On pourrait également faire le rapprochement avec d’autres formes d’expression artistique. La musique par exemple qui dans son acception classique a tout à coup basculé dans l'abîme stérile des délires sériels ou dodécaphoniques. La peinture également, qui au terme du vertige impressionniste, puis symbolique, sombra corps et biens dans l’abstraction la plus confuse, voire l’anéantissement monochrome de Klein, ou achromique de Soulages.

On pourrait enfin faire un parrallèle avec l'absurdité des rhétoriques idéologiques dans lesquelles se fracassa le vingtième siècle, et avec l'inanité de la jargonomanie qui est la marque de notre époque, et dans laquelle se délite en douceur la liberté et le bon sens. On pourrait percevoir le drame de nos sociétés, tentant de conjurer par une pléthore de lois et de normes leur impuissance à résoudre avec pragmatisme les problèmes qui se posent à elles, et qui se perdent dans une vaine logorrhée bureaucratique, stupidement bien intentionnée. L'avènement du parler pour ne rien dire, en quelque sorte...

Mais on pourrait aussi, si l’on est optimiste, penser à Baudelaire, qui dans son splendide poème Elévation, invoqua lui aussi, à sa manière si limpide, l’ivresse de l’indicible :
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins
Celui dont les pensées comme des alouettes
Vers les cieux le matin prennent un libre essor
Qui plane sur la vie et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes...
 
* lettre de Lord Chandos Hugo von Hofmannstahl. Edition Bilingue. Rivages poche éditeur/Petite Bibliothèque

30 août 2021

Let It Roll, Charlie

Dire qu’il faut parfois que les gens disparaissent pour qu’on découvre l’essentiel de leur personnalité et la profondeur de leur âme...

On ne présente pas Charlie Watts, batteur en titre et membre fondateur des Rolling Stones.
ll était toutefois si discret, si modeste, qu'on remarquait à peine,
derrière le trio déchainé de rock stars embrasant l'avant scène, celui qui tenait de main de maitre les baguettes de la section rythmique. 
Pourtant, sans ce gentleman, toujours tiré à quatre épingles, toujours courtois, et aussi solide qu'un pilier de cathédrale, les Stones n'auraient sans doute pas eu la même présence, la même pérennité, la même puissance, le même panache…

Je savais que ce fameux groupe de Pop Music qui décoiffe et enchante la planète Rock depuis presque 60 ans, avait ses racines profondément ancrées dans le blues, mais j'ignorais tout de la carrière parallèle de son batteur, au service du jazz et du Boogie Woogie. Je découvre donc un peu tard mais avec beaucoup de plaisir et un brin de nostalgie les sessions endiablées auxquelles Charlie avait participé avec les pianistes Axel Zwingenberger, Ben Waters, et le bassiste Dave Green (The A,B,C & D of Boogie Woogie).
Marquées par un swing étincelant, elles s'inscrivent sans démériter auprès des légendaires et décapantes prestations du célébrissime quatuor britannique. A côté du déluge de watts célébrant avec fougue le Rock ‘N’ Roll, on trouve un Watts jazzy, tout simple, gai et rafraîchissant.

“Je suis béni”, disait Keith Richards, “le batteur avec qui j’ai commencé est l’un des meilleurs du monde. Avec un bon batteur, on est libre de faire tout ce qu’on veut !”
C'est donc un grand seigneur du Rock, du Blues, du Jazz et de la musique tout court qui s'en va...

26 août 2021

Un été pourri

D'abord, début mai, on annonça un été “chaud et sec”, plus que de nature, favorisé comme il se doit, par le réchauffement climatique. Puis, la réalité s’avérant un peu différente des prévisions, ce fut le constat d'un “été pourri”, considéré même comme un des deux les plus arrosés de pluie depuis 1959 !
Début août, à l’occasion de quelques jours de grosses chaleurs, c’est à nouveau l’alerte canicule qui fit les gros titres. Il n’en fallut pas plus pour relancer le catastrophisme climatique, alimenté entre autres par la prolifération des feux de forêts et le rapport du GIEC annonçant peu ou prou la fin du monde pour 2050, la faute incombant paraît-il exclusivement et sans aucun doute à l’activité humaine, au capitalisme et à la croissance industrielle. Forts de leurs certitudes, ces gens dont le pragmatisme n’est manifestement pas le fort, intiment, le plus sérieusement du monde, aux gouvernements concernés, de tout faire pour inverser le climat, plutôt que de s’adapter aux caprices météorologiques sans cesse évolutifs, par nature. On est ainsi bassiné en permanence par une doctrine à sens unique selon laquelle il faudrait s’arrêter de vivre pour survivre, et qui désigne des boucs émissaires illusoires pour occulter le fait qu’elle repose largement sur l’ignorance. Ce serait donc le réchauffement climatique qui allumerait des incendies, et non des imbéciles, des négligents ou des pyromanes. Avec ce parti pris, il est plus facile de se répandre en sermons universalistes et de prôner une décroissance irresponsable que de sanctionner des agissements criminels ou de préconiser un meilleur aménagement territorial pour limiter l’étendue des sinistres.

Mais le climat n’est hélas pas le seul aléa pourrissant le bel été qui était attendu par chacune et chacun.
La quatrième resucée de COVID a douché les espérances d’immunité collective et commence à faire naître un doute sérieux sur une sortie prochaine de crise. Les courbes de tendances des pays où la vaccination a été précoce et très largement pratiquée, montrent un nouveau pic de contaminations assez déconcertant. Certes l’épidémie cause moins de morts et moins d'hospitalisations, mais elle est toujours là. La crainte de voir émerger à tout moment de nouveaux variants et les dernières études tendant à démontrer que l’immunité contre ce foutu virus se perd assez vite ne sont guère rassurantes...

A l'international, la situation n’est pas beaucoup plus réjouissante. Passons sur les malheurs répétés qui frappent Haïti. Ce pays semble maudit et toute l’aide extérieure s’avère impuissante pour l’aider à affronter, autrement que par le fatalisme, les catastrophes dont il est victime. En est-il de même pour l’Afghanistan ? La réponse est à l’évidence oui. Mais derrière l’incapacité d’un peuple, supposé auto-déterminé, à faire face à son destin et à ses mauvais démons, il y a aussi la faillite de la Communauté Internationale et une grande lâcheté dont les conséquences pourraient peser lourdement sur l’avenir. L'ancien premier ministre britannique Tony Blair s’est exprimé sur le sujet sans détour ni circonlocutions. Selon lui, “le monde ne sait plus ce que défend l’Occident, tant il est évident que la décision de se retirer d’Afghanistan de cette manière était motivée non pas par la stratégie mais par la politique.“
Dans la même déclaration, il fustige “l’abandon de l’Afghanistan au même groupe que celui d’où est parti le carnage du 11 septembre, d’une manière telle qu’on semble mettre en scène notre humiliation…” C’est terrible, mais hélas trop vrai.

Bref, après cette saison vraiment pourrie, il ne reste donc plus qu’à espérer que survienne un bel été indien pour mettre un peu de baume au cœur...