27 décembre 2012

L'Amérique de Hopper

Edward Hopper (1882-1967), c'est l'Amérique !
Une vision parmi d'autres sans doute, tant ce pays est protéiforme, mais une vision tout de même, et des plus rémanentes.
C'est à la fois l'originalité, la force et le mystère de ce peintre étonnant. Il n'est pour s'en convaincre que d'aller voir les toiles de l'artiste que le Grand Palais expose en une éblouissante rétrospective (du 10/10/12 au 28/01/13). 
Le fait est que les scènes et les paysages représentés par Hopper ne peuvent témoigner que de la vision d'un Américain. Aucun Européen sans doute, n'aurait pu traduire de cette manière ce Nouveau Monde étrange, déroutant, splendide, effrayant.
Hopper à mes yeux, c'est avant tout une lumière crue, qui tombe d'un seul bloc sur des formes bien nettes, quasi sans nuance. Il y a dans les scènes statiques et muettes que transcrit le peintre une clarté presque aveuglante, qui éclabousse et frappe d'un seul coup la rétine et l'esprit du spectateur. Le tableau prend immédiatement possession de celui qui le regarde.
C'est à cela, entre autre, sans doute, qu'on reconnaît le très grand artiste. Mais il y a également dans cette peinture, une part de mystère.

Comment classer Hopper ? A quel courant le rattacher ?
La question, quoique souvent posée, est probablement vaine. Comme le dit le petit discours de présentation de l'exposition: « Romantique, réaliste, symboliste, et même formaliste, Hopper a été enrôlé tour à tour sous toutes les bannières. » 


Il fit ses premières armes à Paris, à peu près au moment où l'impressionnisme jetait ses derniers feux.
Les toiles de cette époque s'inscrivent plutôt dans la lignée des paysages si simples et si puissants d'Albert Marquet (1875-1947).
Dans le rendu, dans les angles de vue, on sent qu'on se situe à la charnière entre deux mondes, l'ancien et le moderne. Il faut dire que la photographie est déjà là avec ses contrastes crus et ses cadrages lapidaires. Bientôt le cinéma viendra encore un peu plus bousculer les paradigmes picturaux. Cette révolution fut déroutante pour nombre de peintres qui s'égareront dans des fuites abstraites, des déconstructions cubistes, ou bien des chimères symbolistes ou maints délires évanescents.
Rien de cela avec Hopper. Il reste solidement accroché à un art classique, solide, mais dont l'académisme rigoureux ne ne le cède en rien à l'audace.
Hopper, lorsqu'il revint au pays natal, tout chargé des canons artistiques européens, eut quelques difficultés d'adaptation. « Tout m’a paru atrocement cru et grossier à mon retour. Il m’a fallu des années pour me remettre de l’Europe ».


Pourtant, un de ses éminents mérites fut de bâtir sur sa culture classique, un art novateur, et de contribuer grandement à l'émergence d'une forme d'expression nouvelle, typiquement américaine.

Il y a évidemment, parmi les oeuvres présentées à Paris, les célèbres compositions urbaines dans lesquelles la solitude prend une dimension « métaphysique » pour reprendre une expression si opportune trouvée par un ami blogueur.
Mais plus qu'à ces tableaux à la beauté immobile et glacée, si souvent commentés, j'ai été particulièrement sensible aux aquarelles, dont j'ignorais l'existence. C'est en elles me semble-t-il que la maturation d'un art nouveau s'est faite. Elles expriment avec force, élégance et simplicité, une nature rustique, mais généreuse et sereine.
Une fraîcheur et un dépouillement que n'auraient sans doute pas désavoués les poètes et philosophes transcendantalistes. Hopper est un peu à la peinture ce que Walt Whitman fut à la poésie. Un lyrisme puissant se dégage de ces œuvres, la confrontation de la nature sauvage avec la froideur arrogante du monde technique, et de ce choc, naît une étrange combinaison de solitude, d'égocentrisme, mais également de distance par rapport au monde :
"One's-self I sing, a simple separate person
Yet utter the word Democratic, the word En-Masse...
"

Il y a très peu de mouvement dans l'univers de Hopper. On ne voit pas âme qui vive dans ces robustes bâtisses dominant sereinement, tantôt de vastes et rudes plaines, tantôt une ample perspective maritime dont le bleu s'étale avec un curieux mélange d'opulence et de légèreté. Parfois un bateau esseulé tangue en glissant pesamment sur les nappes océanes...
Avec le temps, la palette de Hopper s'est chargée de substance. Le trait s'est alourdi à mesure qu'il cherchait à saisir à la manière d'un objectif, la fugacité de l'instant.
Curieusement le temps semble s'être étiré, ralenti, jusqu'à s'immobiliser, tandis que l'atmosphère exprime une théâtralité de plus en plus empesée


L'effet semble paradoxal pour décrire un pays en pleine effervescence, dont le mouvement et la rapidité de l'instant, figurent parmi les traits dominants.
A certains moments, l'artiste qui décrit si bien l'aspect massif et inquiétant des façades néo-victoriennes des lourds immeubles et villas, semble vouloir pénétrer les murailles à la recherche de la vie.
Comme le dit mon ami Jeff, on dirait qu'il ôte les murs pour nous montrer sous une lumière crue les gens qui vivent derrière.
Cela donne ces fameux noctambules (nighthawks) nonchalamment accoudés à un bar, comme dans un thriller crépusculaire, ou bien des scènes intimistes mettant en scène de pâles personnages, vus par son œil inquisiteur, comme figés dans l'hébétude.
La chair est ici triste et impersonnelle. Est-elle le reflet d'âmes en peine ? S'agit-il d'un miroir renvoyant l'inanité d'existences vouées au confort matériel ? Est-ce l'expression de l'étrangeté, voire de l'absurdité du monde ? Faut-il imaginer dans ces tableaux, de petits drames dérisoires tirés d'un quotidien trop banal, dans lequel les êtres ne parviennent plus à communiquer ? Ou bien faut-il voir dans des personnages en proie aux longs ennuis, le signe prémonitoire de la fin des romans, des épopées et des légendes ? Avec en filigrane la fin de l'Histoire, et l'asphyxie lente d'une société normalisée, assujettie à la technique et au progrès, mais ayant perdu toute fantaisie, toute aspiration...
En somme, le peintre n'a pas fini d'interroger. Et c'est très bien comme cela...

21 décembre 2012

Des gens formidables !

A Gérard Depardieu,

 Les Socialistes sont des gens formidables !
Avec eux, tout s’éclaire, tout devient beau, tout devient désirable.
Avec eux, c'est l'avènement de la liberté, de l'égalité, de la fraternité.
Du moins, c'est ce qu'ils prétendent avec suavité.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres...

S'ils ont le sens du bonheur, c'est du leur et rien d'autre
Et le cœur, s'ils l'ont sur la main, ce n’est pas le leur, c’est le vôtre.
Ils peuvent vous faire les poches, et même la peau,
Ce sera toujours pour le bien de l’Humanité
Dans la lie de laquelle ils se vautrent avec avidité.

Ils confondent allègrement démocratie et démagogie
Et lorsqu'ils échouent à gagner par les urnes
Les faveurs du Peuple enivré de leur dialectique séraphique,
Ils répandent les haines, les divisions, la lutte des classes
Et la dictature du prolétariat, pour lequel ils ont un mépris crasse.

Ils ont un sens de la probité unique en son genre.
Quoiqu’ils fassent, c’est toujours vertueux, par hypothèse.
Dès qu'ils sont majoritaires, ils s'arrogent tous les droits.
Jusqu'à celui de se prévaloir de leurs propres turpitudes
Et d'ourdir leurs manigances au nom du Progrès.

La pauvreté et le malheur forment le terreau sur lequel ils prospèrent
Mais plus que de biens il leur faut des pauvres d'esprit
Et en matière de misère, celle de l'intellect n'a pas de prix.
Pour l'entretenir, ils ont inventé une mécanique infernale :
La machine à décerveler qu'ils nomment Education Nationale !

Ils répètent qu'il suffit d'appauvrir les riches pour enrichir les pauvres
Mais s'ils parviennent sans peine à réduire le nombre des premiers,
Jamais au grand jamais, la masse des pauvres ne diminua,
En quelque endroit du monde où ils sévissent,
Et on ne voit s'enrichir personne, sauf leur Nomenklatura.

Aujourd'hui l'un des leurs, un satrape en gants blancs,
Un héros de la cause, à la forme et au goût d'igname,
Embourgeoisé dans le juteux exercice de la spoliation étatisée,
Se croit autorisé à conchier et à traiter de « minable »
Celui qui ose regimber devant l'inepte échafaud fiscal.

Prolétaire et mauvais garçon, devenu sublime histrion
Celui-ci n'eut pas besoin du socialisme pour s'émanciper.
Il porte avec son talent et ses excès, une certaine idée de la France
Mais il n'a plus besoin de cette mère ingrate et revancharde
Sa vraie patrie, il l'emmène où il veut, à la semelle de ses souliers.

Non, son génial cou de colosse décidément ne ploiera pas
Sous la hache imbécile de ces barbouilleurs de lois.
Sa colère homérique devrait réveiller les foules asservies
Et leur faire comprendre enfin la seule réalité qui soit :
Les Socialistes sont des gens fort minables...

10 décembre 2012

Abolissons le mariage !

L'expression peut paraître provocatrice, au moment où le gouvernement planche sur un projet de « mariage pour tous », mais il n'en est rien. Au demeurant, il n'est pas dans la nature de ce blog de jeter des pavés dans la mare...
Car à bien y réfléchir, qu'est-ce donc que le mariage, si ce n'est un vague bout de papier contractuel, générateur de quelques droits républicains et de menus avantages fiscaux, mais surtout de pleins d'ennuis, qui selon les statistiques, attire de moins en moins de gens, et se termine souvent assez mal.

 
Il n'est d'ailleurs pas étonnant que M. Hollande s'intéresse de près à la question : il n'y connaît fichtre rien ! Bien qu'il fut en ménage avec Ségolène Royal qui lui donna 4 enfants, bien qu'il parade désormais, fier comme Artaban, sous les ors des palais nationaux, flanqué de sa turbulente compagne du moment, il n'a jamais cru bon de sceller par un quelconque pacte, ses amours. Il est donc « normal » qu'il conseille la chose à tout le monde...


Bien sûr, chacun l'aura compris, il n'est question ici en l'occurrence, que de l'union civile, conclue « devant monsieur le maire », comme on dit. Rien à voir naturellement avec le mariage religieux avec lequel on semble le confondre plus ou moins consciemment, comme pour créer et entretenir la controverse, des plus scabreuses.


Ce dernier transcende en effet les lois éphémères de la République. Il s'inscrit dans une foi qui lui confère, à condition d'y croire, le sceau du sacré et de l'irréversibilité. Seul la mort peut le défaire. Ça donne évidemment le vertige (mais ne règle pourtant rien face à l'éternité...)
Du mariage religieux, il n'y a en tout état de cause, rien à dire de nouveau. Personne n'est obligé de s'y soumettre, et les joies et les responsabilités qu'il donne à ceux qui s'y engagent sont peu négociables ici bas, même par un gouvernement "démocratiquement élu"..
Il n'est évidemment pas surprenant que les réactions hostiles les plus vives au projet gouvernemental proviennent de celles et ceux pour lesquels la foi religieuse est la plus forte. Sans doute ont-ils l'impression qu'en cherchant à galvauder ce qui pour eux s'inscrit dans le rite, on cherche à les atteindre en tant que croyants et à flétrir les plus hautes aspirations de l'âme.

Même si l'on peut comprendre leur sentiment, il est pourtant difficile de suivre leur raisonnement, lorsqu'on estime important de ne pas mélanger loi divine et lois humaines.

On peut néanmoins y être plus sensible qu'au tombereau de sottises, et de provocations insanes en provenance du camp adverse, celui des "progressistes" et des "égalitaristes" ! Du point de vue de ces derniers, le débat apparaît même d'un tel comique, d'une telle bouffonnerie qu'il doit faire se retourner Molière dans sa tombe. Que des gens, soi disant libérés des aliénations réactionnaires prennent la défense d'une institution aussi représentative de l'ordre bourgeois, ne manque pas de sel...


En l'occurrence, la palme du conformisme pense-petit, bien que difficile à attribuer, pourrait revenir au magazine Les Inrocks. A la manière de M. Prudhomme, il affichait avec une fatuité grotesque et un indicible mauvais goût son engagement, croyant notamment très malin et audacieux de faire de la surenchère, en réclamant pour les homosexuels tout et tout de suite : mariage, adoption, procréation...
 
Ceux qui au nom de l'émancipation ne cessent d'oeuvrer à la désintégration progressive des repères traditionnels structurant la société, revendiquent aujourd'hui le "mariage pour tous", véritable chef-d'oeuvre de tartuferie contemporaine. Alors que le nombre d'unions classiques est en baisse (il a été divisé par deux en quelques quatre décennies), et qu'on enregistre désormais chaque année un divorce pour 2 mariages, quel troublant paradoxe que de vouloir en étendre le principe à des populations hors norme, par nature.

S'il ne s'agit que de donner un cadre légal à des schémas de vie commune non conventionnels, pourquoi ne pas améliorer le PACS (Pacte Civil de Solidarité) dont le succès ne se dément pas, plus de 10 ans après sa création ? Pourquoi d'ailleurs ne pas en élargir les prérogatives à d'autres cas de figures ? En quoi des frères et soeurs vivant sous le même toit constituent-ils une option “familiale” plus choquante qu'une communauté d'homosexuels ?

Il y aurait beaucoup à dire lorsque les canons traditionnels bornant la morale et la bienséance volent en éclat. Il y a sans doute un grand risque de propagation du non-sens à tous les étages de l'organisation sociale, mais en définitive, qui peut affirmer avoir raison lorsqu'il s'agit de défendre ou au contraire de détruire les modèles ancestraux ?
Mais qu'au moins, on se garde de tomber dans l'hypocrisie. ou la niaiserie. Après tout, si l'Etat était plus soucieux des libertés individuelles, et si le peuple était vraiment constitué d'individus pleinement responsables, on pourrait prôner l'abolition pure et simple du mariage civil et laisser aux seuls croyants le soin de se mettre en conformité avec leur religion.
Quel bonheur ce serait ! On pourrait ainsi chanter, à l'instar de Georges Brassens, et de sa "non-demande en mariage" :
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin...