24 juillet 2022

Paolo is back !

En 2007, à l’occasion d’une émission d’Arte relative au festival pop de l'Île de Wight, j’avais repéré parmi les artistes de ce méga concert un chanteur débordant de fougue juvénile, dont la voix à la fois éraillée et caressante était pour tout dire irrésistible.
Paolo Nutini, alors un tout jeune homme d’à peine 20 ans, avait déjà une présence magnétique sur scène. De fait, il n’avait pas grand chose à envier à la star rayonnante qu’était alors Amy Winehouse et n’était manifestement pas intimidé de côtoyer les mythiques Rolling Stones.
Bonne pioche en quelque sorte car le débutant allait rapidement faire des étincelles. En trois albums, il acquit une stature internationale et imposa dans le monde la pop music une personnalité très originale. These Streets, Sunny Side Up, Caustic Love regorgent de pépites dont le style est fait d’un savant mélange de soul, de rock, de funk et de folk, émaillés par le grain superbe de sa voix, chaude et rauque dans les graves, impérieuse et déchirante dans les aigus.

Son génie avait semble-t-il déjà atteint son firmament en 2014, et personnellement je fus définitivement conquis par la très belle prestation qu’il donna cette année-là pour le festival i-Tunes à Londres. Dans un cadre intimiste, magnifiquement entouré par des musiciens hors pair, il y délivra une succession de hits dans lesquels il est bien difficile de rejeter quoi que ce soit. Les racines soul de son inspiration s’imposaient en majesté dans une reprise de Let Me Down Easy, titre autrefois chanté par la lumineuse Bettye Lavette. Suivit une composition personnelle, Coming Up Easy, dans la même veine, bercée par une rythmique torride, arrosée de cuivres juteux que n'aurait pas désavoué Otis Redding. Better Man était un exemple poignant de l’ensorcelant slow burner qui était devenu sa marque de fabrique. On retrouvait cette puissance émotionnelle dans le vibrant hymne à la liberté qu’est Iron Sky. Enfin, l'hypocoristique ballade Candy sonnait comme une sorte d’apothéose de cette période illuminée d’un artiste arrivant à maturité.

Hélas, après cette date, Paolo Nutini, peut-être un peu déstabilisé et fatigué par cette ascension vertigineuse autant qu’éprouvante, rentra dans une retraite créative dont il ne sortit qu’à l’occasion d’une ou deux apparitions publiques. On eût pu le croire perdu comme tant de vedettes météoriques, sitôt apparues, sitôt disparues…
C’est donc avec un mélange de joie et d’appréhension qu’on assiste à son retour en 2022 avec un nouvel opus, Last Night In Bittersweet.
Heureusement, dès la première écoute, le doute n’est plus permis: le filon n’est pas épuisé et la verve est intacte !
Pas moins de 16 nouvelles compositions témoignent de la richesse inventive d’un artiste revenu encore un peu plus mûr, plus assuré, plus sophistiqué également dans les arrangements musicaux. On retrouve dans ces chansons l’élégance, l’évidence, la force émotionnelle qui ancrent son style dans la constellation du rock.
A l’occasion de la sortie de ce tout récent album, Nutini est parti pour une vaste tournée dont on peut juger de la qualité par la performance réalisée à Glasgow pour le festival TRNSMT (prononcer transmit) le 8 juillet dernier. Plus que jamais, il impressionne par sa présence sur scène, ne serait-ce que par l'enthousiasme communicatif qu’il déclenche parmi le jeune public féminin. Les effusions de ces fans sont particulièrement touchantes, lorsqu’elles reprennent en chœur et à tue-tête le refrain entêtant de Through The Echoes. Porté par cette communion extatique, l’artiste est aux anges. Il enquille avec jubilation ses classiques et quelques inédits parmi lesquels on retient notamment Acid Eyes, ballade délicieusement écorchée, Radio, un rock à la pulsation très “prog”, le superbe et planant Everywhere, et pour finir, Shine A light, complainte térébrante qui monte au dessus de la foule en liesse vers le ciel tandis que le chanteur les yeux mi-clos savoure son succès, bien mérité…

 

14 juillet 2022

Un oeil vers l'Infini


En écoutant le jazz de Chet Baker,
et en regardant les premières images du télescope spatial James Webb:
 

Dans le cœur de la nuit s'élève une trompette
Qui chemine alanguie sur un fil de fumée
Tandis que se diluent dans l'onde parfumée
Les échos assourdis d'une ancienne tempête

Vers l'abîme étoilé qui danse sur nos têtes
Un œil nouveau regarde au fond du noir céleste
Voulant voir au delà d'un horizon funeste
L'aube et la fin du monde à l'instar des prophètes

Pointé vers les confins cet œil est un miroir
Un creuset flamboyant où s’allume l’espoir
Un diamant dans lequel le cosmos se condense

Et les yeux éblouis admirant grands ouverts
Ce tumulte inouï donnent à l'univers
Sinon sa raison d'être au moins son existence
 

 

10 juillet 2022

Lettre Ouverte aux Maires de France

Supplique adressée au président de l'Association des Maires de France, en forme de bouteille, jetée à la mer:

Permettez-moi d’attirer votre attention en tant que citoyen désemparé, sur quelques problèmes relevant du quotidien, mais dont la gestion paraît régulièrement se détériorer.

- Le premier concerne le ramassage des ordures ménagères et le tri des déchets domestiques. La raréfaction observée un peu partout des tournées des éboueurs devient préoccupante.
Outre le désagrément visuel lié au débordement régulier des poubelles sur la voie publique, cette raréfaction du service public pose des questions évidentes d’hygiène et de dégradation de l’environnement. Ajoutons à cela que pour les résidents séjournant brièvement dans leur domicile et autres personnes de passage, il devient parfois quasi impossible d'évacuer leurs ordures ménagères, sauf à les abandonner sur la voie publique. Peu de communes offrent des containers en libre service et les poubelles situées sur les aires et les parkings en bordure de route sont trop souvent sous-dimensionnées. A l'heure de la protection de l'environnement, serait-il envisageable d'améliorer les choses ? S'agissant de la question du tri, bien légitime au demeurant, elle nécessite une clarification, tant les consignes apparaissent changeantes, floues et parfois contradictoires en fonction du temps et de l'endroit.

- Autre constat troublant, celui de l’extinction nocturne de l’éclairage public. Parfois dès 22H00, dans de nombreuses villes, les rues sont plongées dans l’obscurité totale pour des raisons qu’il est difficile de comprendre à l’heure des LEDs et autres luminaires peu consommateurs d’électricité. Sans parler des risques liés à l’accroissement de la délinquance, ces ténèbres plongent un nombre croissant de cités dans la tristesse et l’insécurité (ne serait-ce que pour éviter les obstacles, trous, travaux, chausses-trappes et autres pièges menaçant les piétons). La France ressemblera-t-elle prochainement à la Corée du Nord, vue du ciel nocturne ?

- Un sujet non moins préoccupant, est celui de la circulation automobile.
On sait que beaucoup de communes ont décrété la guerre aux voitures. Pour les dissuader de circuler, l’imagination des Pouvoirs Publics semble sans limite. Parmi les dispositions les plus désastreuses, figurent les horribles chicanes qu'on voit de plus en plus souvent en travers des rues, supposées contraindre les véhicules à ralentir, mais qui en pratique interrompent purement et simplement la circulation. Autant les radars, dos d’ânes et autres ralentisseurs apparaissent légitimes, autant ces monstruosités s’avèrent non seulement inutiles mais dangereuses. Il faudrait également pouvoir citer les innombrables obstacles au stationnement qui contribuent à déserter les centres villes en faisant fuir les rares clients qui osaient encore s’y aventurer pour faire leurs courses.

- Nous voyons enfin de folles végétations croître régulièrement et enlaidir nos cités. En raison de l'interdiction d'utiliser des produits efficaces, les mauvaises herbes poussent et essaiment un peu partout, abîment parfois la chaussée, et rendent de plus en plus difficile la circulation des piétons, des poussettes, déambulateurs et divers chariots de courses. Au moment où toutes les agences réputées indépendantes font et refont le constat de l'innocuité du glyphosate, le calamiteux et irrationnel principe de précaution continue de sévir envers et contre celui de réalité. Les mêmes diktats prétendus écologiques qui nous privent aujourd’hui de moutarde, faute de pouvoir lutter contre les redoutables insectes altises, transforment peu à peu les paysages urbains en terrains vagues.

- Il faudrait enfin évoquer les contraintes croissantes, souvent mal comprises, qui pèsent sur les habitants des campagnes. Notamment les réglementations ubuesques concernant l’assainissement individuel, qui oblige certaines installations de foyers modestes à refaire à grand frais entièrement des fosses septiques et puisards parfaitement fonctionnels et bien entretenus, alors que dans le même temps les pouvoirs publics sont incapables d’offrir la possibilité d'accéder au tout-à-l’égout et parfois même de respecter leurs propres réglementations et injonctions. Pareillement l’interdiction des chaudières à fioul qui est entrée en vigueur ce 1er juillet, paraît choquante lorsqu’on voit les États recourir à nouveau au charbon un peu partout en Europe, et nombre de trains TER circuler au diesel alors qu’ils sont équipés pour rouler à l'électricité. Tout ceci contrevient au bon sens et pèse parfois lourdement sur les budgets déjà soumis à rude épreuve par l’inflation. Les propriétaires de résidence secondaires quant à eux, se voient punis et sont contraints de payer plein pot les impôts et taxes locales, tout en étant exclus par principe de toutes les aides à la rénovation !

Il y aurait hélas beaucoup d'autres sujets à évoquer, parfois des plus triviaux, telle la raréfaction des toilettes publiques, qui relèvent pourtant d'un besoin de base, mais il faut bien s'arrêter.
Il est évident que les maires ne peuvent pas tout résoudre et qu'un certain nombre de problèmes exposés ci-dessus ne relèvent qu'en partie de leur responsabilité. Mais à qui s'adresser tant les instances de l'État sont nombreuses et tant les prérogatives de chacune apparaissent complexes? Comment faire remonter les raisons d'un mécontentement diffus et croissant, face à des réglementations de plus en plus draconiennes, confinant parfois à l'absurde ?
Espérant que ce courrier retiendra votre attention, je vous prie madame monsieur, d'agréer l'expression de ma considération distinguée.

05 juillet 2022

Dieu, la Science, les Preuves ?

Les questions relatives à l’origine de l’univers, à l’apparition de la vie, à l’existence de Dieu et d’une manière générale toutes celles touchant à la métaphysique ont toujours passionné l’être humain. Nul ne peut s’en exonérer tant elles sont consubstantielles à sa conscience, révélant de manière irrépressible l’angoisse existentielle que chacun ressent tôt ou tard. “Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie”, avouait Blaise Pascal.
Pour conjurer cet effroi, la croyance en Dieu rassure autant qu’elle inquiète car le dessein de cet être suprême reste sujet à controverses et à interrogations. Les religions dont les dignitaires prétendent connaître le message et la volonté divines ont trop souvent fait régner la terreur. De son côté, la science, à mesure qu’elle progresse, met à jour les rouages qui sous-tendent le monde. Ses découvertes contribuent à rendre plus douce la vie en même temps qu’elles font reculer les croyances, mais n’abuse-t-elle pas de son pouvoir lorsqu’elle prétend pouvoir tout expliquer, renvoyant dans le néant toute entité d’essence suprasensible ?

Cet ouvrage tente, à partir des plus récentes données scientifiques, d’établir rationnellement la preuve de l’existence de Dieu et précise même un peu plus sa nature en revisitant l’histoire des religions, notamment la Bible, et celle de la philosophie, tout particulièrement sa branche métaphysique. Le défi est tellement énorme qu’il induit d’emblée le scepticisme, en dépit de l’enthousiasme des auteurs dans leurs efforts pour rallier le lecteur à leur stupéfiante hypothèse.
 
Le mérite essentiel de cet ouvrage est d’offrir au lecteur une mise à jour à la fois très détaillée et très accessible des derniers développements scientifiques.
La notion de Big Bang est évidemment la clé de voûte de la démonstration. Bien connue du grand public, cette fabuleuse explosion initiale de la matière offre un fondement solide au créationnisme.
Alors que le grand Albert Einstein était convaincu de l’immuabilité de l’univers, c’est à partir des théories de la relativité que le physicien russe Friedmann émit en 1922 l’idée que le cosmos était animé d’un mouvement d’expansion. L’hypothèse fut reprise et affinée par l’abbé Lemaître, avant de trouver un début de confirmation grâce aux observations de Hubble en 1929. Le décalage vers le rouge du spectre lumineux des étoiles apparait comme le signe irréfutable qu’elles s’éloignent les unes des autres. L’enregistrement sous forme d’onde électromagnétique du rayonnement fossile du Big Bang par Wilson et Penzias en 1964 apporta une preuve supplémentaire, mais il fallut encore attendre 2015 pour obtenir la cartographie précise de ce rayonnement, telle qu’elle fut enregistrée par le satellite Planck.
A partir de ces constats, il fut possible d'établir la chronologie de l’univers et de déduire qu’il eut un début, en remontant le temps jusqu’à 13,6 milliards d’années en arrière. L’expansion allant en s’accélérant, il semble plus que probable que notre monde aura une fin, qualifiée de mort thermique.
Parallèlement à ces découvertes majeures, il est désormais objectivé que l’harmonie de l’univers, la cohérence du monde matériel et les conditions nécessaires à l’apparition de la vie reposent sur une série de réglages d’une précision hallucinante, rendant quasi impossible d’imaginer que tout cela ne soit dû qu’au hasard.
Une des forces de l’ouvrage est de montrer comment il fut difficile d’imposer les notions tendant à rejeter le jeu du hasard et de la nécessité, imposé par nombre de savants éminents, et plus encore celles sous-tendant l’existence d’un principe créateur et d’un dessein intelligent. Aujourd’hui encore, le créationnisme a mauvaise réputation, mais est-il pour autant possible de prouver l’existence de Dieu comme en sont convaincus les deux auteurs émerveillés ?

Cette certitude est sans doute la faiblesse du livre car les preuves fournies ont beau s’accumuler, le doute persiste. On peut même remettre en cause l’affirmation figurant p 539 selon laquelle “en logique une seule preuve valable suffit à valider une thèse, et qu’à l’inverse, pour démontrer qu’une thèse est fausse (celle de l’existence de Dieu), il est nécessaire de prouver que toutes les preuves sont fausses.” En réalité, Karl Popper a bien montré qu’en matière de science tout n’est que conjectures et réfutations. Même en grand nombre, les preuves ne peuvent démontrer d'une manière définitive la vérité d’une théorie, tandis qu’une seule réfutation suffit à l’invalider.
S'il s’avère impossible de manière générale de prouver que quelque chose n’existe pas, l’essence divine relevant de la métaphysique, elle échappe par nature aux capacités démonstratives du raisonnement humain, comme l’a bien expliqué Kant en son temps. On peut à ce sujet critiquer la relégation expéditive par les auteurs du père de la critique de la raison pure, alors qu'ils se servent un peu abusivement du théorème de Gödel à leur avantage. Selon ce dernier, il existe toujours au moins une proposition non démontrable ou indécidable dans tout système de logique formelle. Dans un tel cas, il faut nécessairement sortir de ce système pour trouver la solution. Il est donc paradoxal que les auteurs en fassent un argument à l’appui de leur thèse, alors qu’ils reconnaissent explicitement p530 que “les facultés de Dieu tel qu’on doit l’imaginer, dépassent l’entendement humain”. Comment prouver l’existence d’une entité dépassant l'entendement humain ?

Dans sa seconde partie, l’ouvrage a tendance à s’égarer quelque peu lorsqu’il s’appuie sur l’histoire des religions dites “du Livre” pour placer au rang de preuves des concepts qui relèvent de la croyance ou de la foi et amener au seul Dieu possible, à savoir celui des Chrétiens...
Comme c'est le cas avec les textes qualifiés de sacrés, il y a en effet beaucoup de subjectivité dans l’interprétation de la bible, beaucoup de mystères entourant la vie de Jésus et plus encore concernant les miracles. Entre autres exemples édifiants, l’apparition de la Vierge à Fatima en 1917, abondamment décrite ici, bien qu’elle soit impressionnante, ne saurait entrer dans une démonstration prétendument objective de l’existence de Dieu.
D’autres allégations paraissent franchement fantaisistes, comme celle voulant que Dieu nous ait créés “car il est débordant d’amour …/… et voulait que “d’autres êtres puissent partager son bonheur…” (p530)
Pareillement, on s’étonne de voir abandonnée par les auteurs l’existence de l’enfer au motif que le scepticisme quant à son existence “a gagné toutes les couches de la société” (p532). De manière un peu contradictoire, on apprend d’ailleurs quelques lignes plus loin que “finalement l’existence d’un enfer éternel n’est pas la preuve de l’inexistence de Dieu, mais de la liberté et de l’immortalité de l’homme dont la destinée éternelle devra bien être scellée à un moment donné (p533)…” Autre antinomie relevée dans le cours de la démonstration: si comme l’affirment les auteurs, “Dieu voulant des êtres libres, il fallait que le monde ne soit pas déterminé d’avance”, comment comprendre les nombreuses prophéties et prédictions dont la Bible est émaillée, tendant à laisser penser que les évènements sont écrits par avance…

En définitive, il y a dans ce pavé beaucoup de révélations passionnantes mais également beaucoup de répétitions, de périphrases qui débouchent à la fin des fins sur un genre de boucle ontologique ressemblant à la bonne vieille preuve du même nom de l’existence de Dieu: puisqu’Il a toutes les qualités par essence, il a donc nécessairement celle d’exister…
Cela dit, il reste possible d’imaginer qu’à côté de la Foi, du Doute, et de l’Athéisme, une autre voie existe, celle de l’Espérance. Même sans preuve définitive, il apparaît en effet plus intéressant de faire sienne l’hypothèse fondée sur l’existence de Dieu car elle est plus stimulante, plus optimiste et plus ouverte que l’inverse. Il s’agit en quelque sorte de s’inscrire dans le fameux pari de Pascal, ou bien encore d’adhérer au pragmatisme éclairé de William James. Les progrès de la science sont les bienvenus sur ce difficile chemin. Ils sont susceptibles d’élever l’esprit, d’améliorer les conditions de notre existence, de procurer une meilleure compréhension du monde et peut-être de lui donner un sens…