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10 novembre 2021

La Foire aux Gaullistes

La nullité abyssale atteinte par le débat d’idées en France a trouvé une nouvelle illustration avec la pantalonnade cérémoniale à laquelle s’est prêtée une bonne partie de la classe politique pour commémorer la disparition du général de Gaulle (1890-1970
).
De l’extrême-droite apostate à la gauche équivoque en passant par la droite déconfite en dévotion, ils étaient tous ou quasi à Colombey les Deux Eglises pour se faire voir au pied de la tombe du Grand Charles ce 9 novembre.
Quelle mouche a piqué ces gens pour qu’ils ressentent ce besoin impérieux de faire allégeance à des souvenirs poussiéreux qui nous ramènent invariablement à l’an quarante ?
Est-ce le signe que le pays est indécrottablement englué dans les mythes d’une doxa faisandée pour ne pas dire largement falsifiée depuis des décennies “pour la bonne cause” ?
Est-ce tout simplement l’instinct grégaire qui pousse chacun à suivre le mouvement, même s’il ne mène nulle part, par crainte de rester au bord du chemin ?

Eric Zemmour a échappé de peu à ce rituel grotesque. Sans doute la provocation a-t-elle ses limites. Il faut dire qu’on l’attendait au tournant, puisqu’il se permet de balancer l’encensoir autour des mânes de l’homme du 18 juin, tout en se faisant le suppôt satanique de Pétain ! Tout au plaisir de savourer ces pirouettes qui font enrager les bien-pensants, il pouvait toutefois se payer le luxe de rester tranquillement chez lui et même de démentir la rumeur selon laquelle il allait choisir ce moment chargé d’histoire pour annoncer officiellement sa candidature.

Au moment où la France aurait tant besoin de vrais décideurs les yeux tournés vers l’avenir, dénués d’idéologie face aux réalités du monde actuel, et pourvus d’un solide bon sens, quelle pitié de voir les foules compassées s’étriper autour d’un héritage somme toute assez peu enviable.
Car enfin qu’a-t-il laissé, ce commandeur de la Nation, qui s’est fait renvoyer dans ses foyers sans ménagement par les Français à l’issue d’un référendum perdu, après le calamiteux épisode de mai 68 (contrairement à d’autres, il eut au moins la dignité de partir…) ?
Il symbolise plus que tout autre le centralisme bureaucratique, l’autoritarisme étatique, la pléthore administrative et la folie des grandeurs.
Qu’a-t-il de si glorieux, lui qui s’exila en Angleterre au moment de la débâcle et qui revint pour tirer les marrons du feu, après la bataille, dans le sillage de l’armée américaine ? lui qui n’hésita pas à faire cause commune avec les communistes pour s’installer au pouvoir ? Qui nationalisa à tour de bras et laissa faire les horreurs entachant la Libération, notamment la spoliation ignominieuse de Renault ?
Qu' a-t-il vraiment fait pour la grandeur de la France, lui qui démantela son empire colonial et qui enferma son pays dans un anti-américanisme insensé, conduisant à son isolement et à la réduction de son influence. Il avait fait le bon et seul choix de décoloniser (après avoir juré le contraire), mais il bâcla cette entreprise de manière si lamentable qu’aujourd’hui encore on en paie les conséquences...
Il lui reste certes d’avoir promulgué la Constitution de la Vème république, mais elle est à bout de course et nombreux sont ceux qui n’en veulent plus (sans bien savoir ce qu’ils souhaiteraient à la place)...
Il serait peut-être temps enfin de tourner la page (en relisant l’excellent ouvrage de Jean-François Revel sur “le Style du Général”) !

19 juin 2010

Une légende bien entretenue

Le barouf médiatique autour de l'appel du 18 juin amène à se reposer quelques questions sur l'importance historique d'un homme qui semble aujourd'hui être l'objet d'une idolâtrie béate.
Sur l'appel lui-même, le moins que l'on puisse dire est qu'il fut très habilement exploité au plan médiatique, alors qu'il ne mérite tout bien considéré, qu'une place assez dérisoire dans le contexte de l'époque.
De Gaulle propulsé comme instigateur de la résistance et héraut de la France libre, celle « qui ne se rend pas », par la seule vertu d'une déclaration qu'il enregistra tranquillement carapaté à Londres, au moment le plus tragique de la défaite, cela pourrait prêter à sourire, si les conséquences n'avaient pas été si terribles et durables.
De là naquit en effet une légende tenace qui transforma de manière manichéenne les uns en sauveurs de la patrie, les autres en traîtres, en divisant profondément la France, et en infectant la plaie causée par la reddition puis par l'occupation.

Sans chercher à rouvrir un débat qui n'en finit pas de meurtrir le pays, il devrait être possible de dire que De Gaulle, qui avait paraît-il « une certaine idée de la France », ne chercha guère à en panser les blessures. L'affreuse épuration qui suivit la fin de la guerre et qui fut peu ou prou avalisée par lui et son entourage, reste comme une tache indélébile sur son uniforme. Parmi les innombrables victimes qui payèrent au prix fort des crimes souvent imaginaires ou largement exagérés, il faut citer Louis Renault, dont le sort atroce est rarement évoqué, alors qu'il constitue un des épisodes les plus honteux de cet époque. Non seulement De Gaulle pilota les tribunaux d'exception qui déchainèrent une foudre haineuse et inique sur un homme innocent et malade, mais il nationalisa sans vergogne ses usines d'automobiles 4 mois après sa mort !
En réalité, à aucun moment depuis la Libération et jusqu'à sa disparition, il n'essaya vraiment de mettre en oeuvre une vraie politique de réconciliation. Aujourd'hui encore le fossé reste béant et les divisions profondes.

D'une manière générale, qu'en est-il de l'héritage soi disant prestigieux du Général ?
Certes il réussit à remettre en ordre une France détruite, corrompue et déchirée par l'occupation, mais ce fut au prix du retour en force des Communistes qui instillèrent leur influence désastreuse sur le pays et en politisèrent durablement toutes les infrastructures.
Certes il fut l'artisan avec le chancelier Adenauer d'un début de réconciliation avec l'Allemagne, mais à aucun moment la France ne parvint à imprimer une dynamique à la construction de l'Europe. La vision du chef de l'Etat français en la matière était d'ailleurs à la fois bornée et inconséquente. Il en voyait les contours « de l'Atlantique à l'Oural », alors que toute la partie Est du continent était plongée dans les ténèbres soviétiques. De l'autre côté, il s'ingénia à empêcher l'entrée de l'Angleterre dans le club, tout en ruinant l'espoir de voir surgir une grande et forte union militaire avec les Etats-Unis, lorsqu'il claqua la porte de l'OTAN.
In fine, son attachement chauvin à la nation lui faisait de toute évidence mépriser l'idée même de l'Europe surtout dans sa conception fédérale (on se rappelle l'anecdote des cabris).

La grandeur de la France Gaullienne est un vain mot. Il abandonna une bonne partie de l'empire colonial, non sans raison, mais d'une manière indigne. Il devrait de ce point de vue apparaître comme un destructeur aux yeux des nostalgiques de la France impériale (qui  manifestent pourtant une curieuse fascination pour sa stature balourde). Il y a peu de chances en tout cas qu'il passe un jour pour un bienfaiteur aux yeux des peuples brutalement livrés à l'indépendance, c'est à dire souvent abandonnés à des régimes sanguinaires et rétrogrades.
De ce point de vue, la politique africaine de la France ne fut pas très admirable, charriant dans son sillage quantité de lâchetés, de magouilles, de compromissions et de protections douteuses.
En matière de politique intérieure, il restaura plus que jamais la centralisation et la bureaucratie. Peu d'imagination caractérisa sa politique crispée sur les prérogatives de l'administration et la tutelle omniprésente de l'Etat. Même les grandes réalisations furent souvent des échecs ruineux ou bien des symboles grandiloquents mais peu efficaces : du paquebot France au Concorde, en passant par la bombe atomique...
La même tendance sévit au plan culturel, dont le rayonnement ne fut pas un des points forts de ce régime en dépit des fameuses maisons créées par Malraux à cet effet. Qu'on se souvienne  que la France durant de nombreuses années, dut se contenter d'une télévision entièrement étatisée via l'ORTF, pendant que l'information elle-même, avait son ministère !

En définitive, il me paraît opportun de terminer cette analyse un tantinet anticonformiste par la formule assassine mais assez jolie de Pierre Assouline sur son blog : « le génie politique de De Gaulle a été d’offrir aux Français des mensonges qui les élèvent plutôt que des vérités qui les abaissent. » Ne souffrons-nous pas toujours de cette délicieuse perversion ?

Sur le sujet, il serait également judicieux de ressortir l'essai décapant et insolent mais parfaitement ajusté de Jean-François Revel : Le Style Du Général.
On pourrait aussi relire le très oublié Coup d'Etat Permanent d'un certain François Mitterrand (qui hélas ne s'inspira guère de ses bonnes idées lorsqu'il accéda lui-même à la fonction...)