30 août 2018

Mauvaise Passe

Il y a manifestement quelque chose de grippé dans la belle mécanique macronienne.
Pas plus que l’épisode Benalla, la démission de Nicolas Hulot, n’est pour grand chose dans ce déraillement, sauf aux yeux des médias dont ce dernier était le chouchou. 
Comme pour beaucoup de personnalités prétendues “préférées des Français”, ce genre de popularité est des plus volatiles. En réalité la défection de l’ex-présentateur d'Ushuaia était attendue depuis sa nomination tant le personnage paraît incongru dans un gouvernement.
La preuve, à part l’inscription de beaux principes dans la Constitution, et une pâle contribution au calamiteux dossier Notre Dame des Landes, il n’a quasi rien à son actif. Quand on connaît le sectarisme du gars, on ne peut que s'en réjouir...
A sa décharge, aucun ministre de l’écologie n’a jamais fait mieux. On se souvient de Dominique Voynet, championne toute catégorie, dont la mauvaise foi alla jusqu’à nier les dégâts de la marée noire de l’Erika qui étalait son voile gluant sous ses yeux… Quant à Ségolène Royal qui tente opportunément de ramener sa fraise, on n'a pas oublié qu'elle s’illustra, entre autres rodomontades, par la funeste et stupide écotaxe...

N’empêche, le mandat d’Emmanuel Macron ressemble de plus en plus à une impasse.
C’est peu dire qu’il a perdu le mojo. Rien ne se passe comme prévu, ni comme on aurait pu l’espérer en écoutant ses discours enflammés.
Étiqueté “ultra-libéral” et “président des riches”, il endosse, à l’instar de Nicolas Sarkozy, aussi fougueux mais inconstant que lui, l’impopularité de réformes annoncées mais non ou à moitié réalisées. Aujourd’hui encore, il prend le risque de mécontenter l’intelligentsia en évoquant “les Gaulois qui ne veulent rien changer” alors qu’il recule lui-même sur tous les sujets qui fâchent. Comme un cheval pusillanime, sa détermination fléchit devant l’obstacle. Même sur le prélèvement de l’impôt à la source, qui semblait enfin acté, il semble hésiter.

Résultat, après l'illusion d'une esquisse d'embellie, l’état du pays continue de se dégrader irrémédiablement, surtout si on le compare à ses voisins.
Un récent éditorial de Jean Nouailhac paru dans le magazine Le Point fait un état des lieux assez consternant. La France traîne comme un boulet le chômage. Face à nos 9,2% , le Royaume Uni, qu’on dit emberlificoté dans le Brexit, affiche royalement 4%. En Allemagne, avec à peine 3,4%, c’est le plein emploi ! Même l'Irlande et le Portugal, pourtant étrillés par la crise de 2008 font bien mieux que nous (respectivement 5,3 et 7,3%)... Quant à l'Amérique, elle n'a pas connu situation plus floride depuis 50 ans !

Parallèlement, la France n’en finit pas d’alourdir sa dette. Lorsque nous nous félicitons de passer sous la barre des 3% du PIB en termes de déficit budgétaire, nos voisins germaniques peuvent se targuer d’un solde positif de 3%. Résultat, le PIB de l’Allemagne est supérieur au nôtre de près de 1000 milliards d’euros soit plus de 42% (3260 milliards € vs 2290). La France dégringole lentement mais sûrement dans le palmarès international. Après l’Angleterre, c’est l’Inde qui vient de nous passer devant...
Faute de parvenir à diminuer les dépenses publiques, faute de pouvoir simplifier l’incroyable arsenal bureaucratique hexagonal, et faute d’alléger les prélèvements obligatoires, la France continue de s’asphyxier doucement. Contrairement à tous les pays un peu plus dynamiques et audacieux, la croissance reste atone et la morosité sévit à tous les étages. Même l'inflation qu'on croyait jugulée, pointe à nouveau son nez, c'est dire...

Le moins qu'on puisse dire hélas en cette rentrée, est que les perspectives ne sont pas réjouissantes.
Pendant que le gouvernement promulgue à tour de bras des réformes ineptes, illisibles ou inapplicables, l’imagination inépuisable des technocrates continue de produire toujours plus de réglementations, de contraintes et de taxes. Après celles supposées rendre vertueux les citoyens sur les produits pétroliers, le tabac, l’alcool, les sodas et les produits trop sucrés, on évoque un alourdissement de la fiscalité sur les aliments excessivement salés. Serait-ce le retour de la gabelle ?

14 août 2018

Le Règne Du Langage

Par delà ses talents de romancier, le fantasque et regretté Tom Wolfe (1931-2018) s’essaya au journalisme dit d’investigation. Non sans enthousiasme (l’Étoffe des héros), fantaisie (Acid Test), humour (Le Gauchisme de Park Avenue) ou encore verve caustique comme dans son tout dernier ouvrage intitulé “le Règne du langage”.
Parue en 2016*, cette ultime enquête ne manque pas d’ambition en s’attaquant à la théorie de l'évolution incarnée par le célèbre Charles Darwin (1809-1882), et aux thèses savantes sur la nature du langage, véhiculées par le très vénéré Noam Chomsky.
Dans les deux cas Wolfe s’amuse à mettre en parallèle la vision des pontes sus cités avec celles d’épigones certes moins connus mais tout aussi solides scientifiquement, et qui furent conduits à remettre en cause certains dogmes.

Par exemple, Alfred Russel Wallace (1823-1913) qui faillit être le tout premier à publier une théorie aboutie sur l'évolution des espèces, rejoignant sur beaucoup de points les constats faits par Darwin lors de son odyssée à bord du fameux Beagle.
Ce dernier avait en effet tardé à les relater, par crainte des réactions notamment religieuses, et fut contraint de le faire après avoir été destinataire du manuscrit de Wallace, qui lui demandait naïvement conseil sur ses propres travaux ! 
Sur le point d'être doublé, Darwin, toute affaire cessante, coucha sur le papier sa théorie et les deux textes furent publiés simultanément. Seul Darwin en tira la gloire eu égard à son entregent dans la haute société anglaise et dans le monde scientifique, et grâce à quelques artifices de présentation lui donnant préséance aux yeux des lecteurs.
L’affaire aurait pu en rester à ce déroulé anecdotique puisque jamais Wallace ne chercha noise à celui qu’il admirait sans limite.
C'eut été sans compter sur les analyses affûtées de Tom Wolfe...
A la différence de Darwin qui fit de l’Homme un descendant direct des grands singes et qui présenta son travail comme une théorie universelle en passe d’expliquer tout par le simple principe de la sélection naturelle, Wallace ne put s’y résoudre. Il croyait aux forces de l’esprit. Refusant de faire de l’homme un animal comme les autres, et bien qu’athée, il tenta d’expliquer le génie de la pensée humaine par quelque mystérieux dessein de la nature. Pire, ses observations contredisent certains principes darwinistes. Par exemple le fait que le volume de la boîte crânienne des Néandertaliens soit bien supérieur à celui de n’importe quel singe, attestait pour lui que l’intelligence fut donnée à l’homme bien avant qu’il soit en mesure de l’utiliser, et non par adaptation progressive. Au surplus, l’apparence chétive et glabre de l’être humain, contredit le principe selon lequel l’évolution sélectionne toujours des caractéristiques favorables à l’espèce.
Sacrilège que cela pour Darwin qui fut très contrarié par ces prises de position et adjura Wallace de se ranger à son explication, dénuée de toute interprétation téléologique ou anthropomorphique, craignant sinon “qu’il n’assassine totalement leur enfant.”

Il arriva pareille mésaventure à Noam Chomsky, que les études sur le langage, avaient amené à affirmer qu’il s’agissait d’une fonction innée de l’être humain et que derrière la multiplicité et la diversité des idiomes, il existait une grammaire universelle.
Il alla jusqu’à poser qu’une des caractéristiques essentielles de tout langage humain était la récursivité, c’est à dire la capacité à imbriquer plusieurs idées au sein d’une même phrase.
C’était sans compter sur un de ses disciples, Daniel Everett, qui alla durant de nombreuses années étudier les modes de vie et d’expression de peuplades reculées, tels les Pirahãs en Amazonie. Il constata que ces derniers utilisent un langage étrange, mi sifflé, mi chanté, plutôt rudimentaire mais précis et dans lequel il semble vain de trouver la moindre parenté grammaticale avec quelque langue que ce soit, et totalement dénué de toute récursivité et mème de temporalité. Ces gens ne connaissent que l'instant présent, méprisant aussi bien le passé que l'avenir.
Loin d’être une caractéristique innée, née de l’évolution, le langage ne serait donc, selon Everett qu’un outil, tel l’arc et la flèche, mis au point par l’intelligence des êtres humains pour répondre aux problématiques pratiques de l’existence.

Tom Wolfe s’appuie sur ces deux duos contradictoires pour souligner les lacunes de la théorie de l’évolution, laquelle explique sans doute certains phénomènes adaptatifs au cours du temps, mais ne répond aucunement à la plupart des questions fondamentales que pose le Monde dans lequel nous vivons, notamment celles relatives à son origine.
A vrai dire, l’écrivain révèle que son questionnement naquit lors la lecture d’un article de la revue Frontiers in Psychology signé en 2014 par une belle brochette de ténors de la théorie évolutionniste, dont Noam Chomsky. Dans ce texte ils avouent en choeur que “les interrogations les plus fondamentales sur les origines et l’évolution de nos capacités linguistiques restent plus insolubles que jamais.”
Cet aveu d’impuissance redonne au langage toute son aura magique qui fait de l’être humain une créature à part. Selon Tom Wolfe, “C’est le langage qui a conféré à l’animal humain la force de conquérir chaque pouce de terre ferme sur cette planète, de gouverner chaque créature discernable à l’oeil, et de se goinfrer de plus de la moitié des ressources comestibles de l’océan. Et pourtant, cette mise en coupe réglée du globe terrestre n’est qu’un résultat mineur de la puissance de la parole: son principal exploit, c’est d’avoir créé l’ego, la conscience de soi !”
C‘est aussi l’occasion de reprendre l’argumentation du linguiste et orientaliste Max Müller (1823-1900), contemporain de Darwin, qui affirmait contre ce dernier que “la science du langage permettra de repousser les théories extrêmes des évolutionnistes, et de tracer une ligne ferme et indiscutable entre l’humain et le bestial” et qui pouvait s’exclamer sans avoir été pris en défaut à ce jour : “le langage est notre Rubicon et aucun animal n’osera le franchir.”
De son côté, Tom Wolfe, assez satisfait de son exégèse mi sérieuse mi humoristique, mais toujours excitante et remarquablement bien documentée, peut conclure sur une figure de style en forme de pirouette : “Dire que les animaux ont évolué jusqu’à devenir des êtres humains revient à soutenir que le marbre de Carrare a évolué jusqu’à être le David de Michel-Ange.”

* Le Règne Du Langage Tom Wolfe Robert Laffont Pavillons 2016

10 août 2018

Au feu, Trump encore !

C‘est quand même étonnant. je n’ai aucune sympathie naturelle pour le personnage incarné par l’actuel président américain. Son style à la fois clinquant et quelque peu poissard n’a rien pour me plaire et ses manières histrioniques ne sont pas de celles que j’affectionne.
Pourtant, lorsqu’il est pris à partie par les médias, ce qui est quasi quotidien, il m’arrive souvent de prendre fait et cause pour lui ( au grand dam de mon ami Extrasystole…)

Sans doute un peu parce que rien ne m’énerve plus que l’attitude consistant à chercher un bouc émissaire dès que quelque chose ne va pas et à lui faire endosser par principe tous les fléaux de la terre. Sans doute aussi par écœurement des curées au cours desquelles le chiens se repaissent avec une délectation orgiaque de leur proie.
Ce n’est pas que Donald Trump fasse pitié. Ce n’est pas non plus qu’il manque de répondant face aux hordes furieuses qui ne cessent de lui mordre les mollets.
On dirait d’ailleurs qu’il aime entendre les aboiements saluant chacune de ses sorties, et sans doute même en abuse-t-il un peu par pur esprit de provocation… Pour autant, cet homme n’a pas systématiquement tort comme on cherche à nous le faire croire.

Une nouvelle occasion m’a été donnée de vérifier ça après avoir entendu un flash d’information évoquant le gigantesque incendie qui vient de dévaster 120.000 hectares de forêt en Californie.
Le président américain à cette occasion (après avoir déclaré l’état de catastrophe naturelle et avoir débloqué une aide fédérale conséquente) s’est fendu d’un tweet critiquant la gestion de l’eau dans cet état, régulièrement la proie de tels embrasements sylvestres. Il a déploré qu’on rejette vers l’océan pacifique, au nom de principes environnementaux, des tonnes de flotte venant du nord, alors qu’elle serait si utile pour lutter contre le feu. Il a plaidé également pour l’éclaircissement des forêts afin d’empêcher la progression des incendies.

Réaction immédiate, quasi pavolvienne et un tantinet caricaturale des médias réunis (BFM, Libération, Le Parisien, Les Echos, l’Express…). Trump “a tout faux” (Paris Match). Face aux incendies, il “appelle à la déforestation” et confond les problémes s'agissant de l'eau. On n’en aurait jamais manqué d’après le sous-chef adjoint du Calfire, le service californien de lutte contre les incendies. Selon ce dernier, “C’est le changement climatique qui mène aux incendies plus intenses et destructeurs que nous voyons cette année”.
Le grand mot étant lâché, il n’y a plus qu’à fermer le ban, il n’y a plus rien à voir et on a tout dit…. Enfin presque car il faut tout de même rappeler au passage que Trump ne croit pas au changement climatique, ce qui invite à conclure que c’est en définitive lui le responsable ! CQFD...

Je ne sais pas si l’argumentation de M. Trump est solidement fondée, mais elle paraît tout de même relever de l’évidence et en tout état de cause, elle amène à réfléchir à des solutions pratiques.
L’explication qui consiste à incriminer le climat, a peut-être une part de vérité, pourquoi pas, mais elle est des plus loufoques et des plus vaines sur le plan pratique. Jamais la météo, même la plus torride, à elle seule n’a allumé le moindre incendie, c’est un fait. Sans doute peut-elle en aggraver les conséquences, lorsqu’il y a du vent et qu'il fait chaud et sec, ce qui est somme toute assez fréquent en été, notamment en Californie.
En la circonstance, accuser le changement climatique peut permettre de s’exonérer à bon compte des responsabilités, mais ce n’est pas plus efficace que de pisser dans un violon ou bien de tenter de résoudre en urgence la problématique du sexe des anges.
Il y a le feu au lac comme on dit et une chose est sûre, s’il y avait davantage d’eau il y aurait moins de feu. S’il y avait moins d’arbres et si des espaces étaient ménagés entre eux, il y en aurait moins à brûler (on sait notamment que cette catastrophe a résulté de la convergence de deux incendies). Enfin, s’il y avait moins d’irresponsables ou d’écervelés pour “allumer le feu”, ça prendrait sans doute moins facilement...

Bref, on peut être énervé par le parler direct, les manières abruptes ou les contradictions apparentes de M. Trump mais en prendre systématiquement le contre pied est au moins aussi imbécile que ce qu’il dit….

08 août 2018

Benalla par-ci Benalla par-là

Le retentissement donné à l’affaire Benalla peut paraître extravagant.
Quoi, la France qui a une si longue tradition de polices parallèles et de barbouzes s’offusquerait tout à coup qu’un supplétif affecté à la protection du chef de l’Etat prête main forte au très officiel Groupe de Sécurité de la Présidence de la République (GSPR) voire aux CRS ?

Tempête dans un verre d’eau, l’affaire a pourtant occupé le champ médiatique durant tout le début de l’été. Benalla par-ci Benalla par-là, il fut impossible d’échapper à ce nouveau micro scandale monté en épingle. Rien de mieux en tout cas pour souder les oppositions au pouvoir en place, en mal d’inspiration (en l’occurrence le pouvoir comme l’opposition d’ailleurs….). On vit ainsi toute la classe politique se lever comme un seul homme pour déposer solennellement une grotesque et vaine motion de censure à l'Assemblée. Echec garanti...

Pendant ce temps, c'est à peine si on parla des incendies meurtriers en Grèce, d'origine humaine comme toujours, faisant plusieurs dizaines de victimes. On parla encore moins des plus de 130 disparus, emportés par les eaux d'un barrage rompu au Laos.
On évoqua comme un fait divers anodin l'attentat revendiqué par les Islamistes faisant 2 morts dont une enfant de 10 ans et 13 blessés à Toronto. Il est vrai qu'il ne s'agissait parait-il que d'un acte commis par un déséquilibré...
Une fois encore, les ravages du terrorisme obéissent au trop classique "2 poids, 2 mesures”, notamment s'ils ont lieu loin de chez nous. Qui fit vraiment attention aux quelques 250 morts en Syrie causés fin juillet par les enragés du Prophète ? Qui remarqua la série d'attentats survenus en Afghanistan et au Pakistan dont le plus sanglant tua pas moins de 149 personnes le 14 juillet à Mastung au Balouchistan ?
Tout ça est bien peu de chose face à la petite vidéo de quelques dizaines de secondes passée en boucle des jours durant, où l’on voit le fameux Alexandre Benalla, conseiller spécial affecté à la sécurité du président, rudoyer deux manifestants, alors que ces derniers exprimaient paisiblement leur “haine du système” en jetant des bouteilles sur les gendarmes.
Derrière les mines surprises, contrites ou plus ou moins embarrassées des membres du gouvernement, il est possible également qu’on se frotte les mains. Pendant qu’on glose sur cette dérisoire histoire, on occulte les vrais problèmes et les mauvais indicateurs qui continuent de tomber comme vache qui pisse : croissance en berne, chômage en hausse, prisons passoires, déroute chronique des chemins de fer …
Cela dit, Benalla n’aura qu’un temps. Sitôt loin des caméras sitôt oublié...
Heureusement est venue la canicule estivale, annonciatrice à n’en pas douter, d'après les journalistes, de l'emballement climatique qui va peut-être nous tuer presque tous d’ici 2100…