30 septembre 2016

De Bygmalion en Absurdie

Elise Lucet, fervente fan de Nicolas Sarkozy comme chacun sait, s’est attachée pour sa première initiative à la tête de l’émission Envoyé Spécial (France 2, le 29/09/16), à remonter le cours de l’affaire dite Bygmalion
Avec ses collaborateurs zélés, elle démontre dans cette enquête édifiante, qu’il n’y eut en somme aucune malhonnêteté caractérisée, mais une simple dérive comptable comme seule l'ineffable bureaucratie française avec sa montagne de règles plus idiotes les unes que les autres, sait en générer.


Au départ, il faut se rappeler que le législateur, dans sa grande folie régulatrice, a jugé opportun de plafonner le montant des dépenses de campagne. On ne sait trop pour quelle raison cette disposition fut entérinée; sans doute pour répondre à un obscur principe de transparence et d’égalité... 
Dans le même temps, comme pour plomber un peu plus le budget de l'Etat, il fut décidé que ces dépenses seraient prises en charge pour moitié par l’Etat, tout dépassement constaté par le Conseil Constitutionnel, étant sanctionné par un versement du même montant au Trésor Public.

La campagne 2012 de Nicolas Sarkozy fut brillante, à l’image des meetings enthousiastes et grandioses que l’on revoit au cours de l’émission. Le point d’orgue des festivités fut le gigantesque meeting de Villepinte, 2 mois avant le scrutin, et à quelques jours de ce dernier, l'apothéose fut le grand show du Trocadéro réunissant 200.000 personnes sous une nuée de drapeaux tricolores. Mais en dépit de l’euphorie communicative portant ces kermesses, l’ancien président de la République échoua, quoique de justesse, à se faire réélire.
En plus de tourner en eau de boudin, l'aventure coûta fort cher, et creva largement le plafond des débours autorisés.

Pour pallier ces débordements et même les anticiper, “on” imagina à l'époque, un système de double facturation, faisant porter l’excédent des frais sur le Parti lui-même, de manière à ne déclarer officiellement au titre de la campagne que les dépenses autorisées. Ce n’est certes pas légal, mais ce n’est pas, stricto sensu, malhonnête. Les factures étaient dédoublées mais couvraient des prestations bien réelles. Les Pouvoirs Publics, donc les contribuables, ne devaient pas être impliqués au delà de leurs obligations, et l’UMP payait le reste. De fait, aucun fournisseur de fut lésé et aucun enrichissement personnel illicite ne fut constaté. 
Malgré le stratagème, le dépassement "officiel" ne put toutefois être évité et le comble fut atteint car Nicolas Sarkozy se retrouva en fin de compte privé de toute subvention publique. Sa campagne comme il se plaît à le dire, ne coûta donc pas un centime aux contribuables ! Elle faillit ruiner l’UMP, mais c’est une autre histoire….

En France, on raffole des absurdités, mais aussi des scandales. D’où le déchaînement médiatique et justicier auquel on assiste, alors qu’une nouvelle campagne électorale majeure se profile.
C’est la curée, et ce n’est pas très reluisant. Chacun se débine ou tente de faire porter le chapeau à l’autre. A écouter les différents protagonistes de l'affaire, personne ou bien tout le monde était informé de ces méthodes peu orthodoxes, y compris le secrétaire général de l'UMP !
Probablement n’y aura-t-il aucune conséquence au bout du compte hormis le remboursement déjà effectué du dépassement, mais les électeurs infligeront peut-être une sanction dans les urnes, but évidemment recherché avant tout par beaucoup d'anti-sarkozystes...

A y regarder de près, ce système est pourtant d’une grande banalité un peu partout dans la fonction publique : combien de fois voit-on détournées tout ou partie des dotations budgétaires allouées aux diverses administrations, pour financer des missions ciblées ? C’est monnaie courante pourrait-on dire.. On appelle ça pudiquement la fongibilité des enveloppes ! 
Combien d’artifices comptables et de jeux d’écritures la Cour des Comptes a-t-elle pointé de son doigt accusateur sans que cela fasse broncher le moindre haut dignitaire du régime ?

En vérité, plus il y a de règles et de lois, plus on cherche à les contourner. Montaigne l’avait déjà constaté et aurait préféré qu’il n’y eut pas de loi du tout plutôt que la pléthore qu’il déplorait déjà à son époque….



28 septembre 2016

All That Jazz


Ce coffret de cinq disques* de jazz ressortis opportunément par la marque Verve, du grenier des années cinquante, procure un petit vent de fraîcheur qui vient subtilement caresser les oreilles en ce début langoureux d'automne.

A l'écoute de ces véritables bijoux musicaux on ne peut s'empêcher d'éprouver une indicible nostalgie pour la merveilleuse époque, pleine d'insouciance et de légèreté qui se met tout à coup à revivre.

Stan Getz y déploie évidemment toute la tendresse saxophonique dont il était capable.
La grâce de ses improvisations vous saisit dès les premières notes du East of the sun qui entame l'album West Coast Jazz. Les pieds en éventail comme sur la pochette au graphisme délicieusement daté, on se détend sans aucune arrière pensée ni remord. Ça s'écoule tranquillement et c'est bon comme l'eau d'une fontaine. Autour de notre homme, s'épanouit la fine fleur de la cool attitude : Shelly Manne ou Stan Levey (batterie), Leroy Vinnegar (contrebasse), Conte Candoli (trompette), Lou Levy (piano).
Et puis, ça défile sans qu'on fasse attention au temps qui passe : Four, Suddenly it's spring, Night in Tunisia, Summertime, Shine...


Autant le dire, tout est du même cru d'exception dans ces albums dont les millésimes s'étendent de 1955 à 1958. Entre autres pépites, on a droit à une petite virée à Stockholm où Stan fait le bœuf avec des musiciens qui, bien que venant du froid, ne dédaignent pas le réchauffement climatique (Bengt Hallberg, piano, Gunnar Johnson, bass, Anders Burman, drums), et une fin en forme de petite apothéose avec Chet Baker, qui se laisse aller à de pulpeuses ballades dans lesquels le rythme des saisons se calque sur celui de ce doux bop, qui vous fait voyager à l'instar des errances de Jack Kerouac entre beat, blues et swing...

*Stan Getz : 5 originals Albums. Verve 2016

23 septembre 2016

Gauloiseries


La dernière sortie de Nicolas Sarkozy n’a pas laissé indifférent l’aréopage des consciences éclairées qui réglementent la pensée et se font un devoir de guider l’Opinion Publique sur le chemin de la morale et de la vertu.

En affirmant que pour toute personne d’origine étrangère, l’assimilation à la France passait par la reconnaissance des Gaulois en tant qu’ancêtres, on peut dire que l’ancien président de la république a fait son petit effet. Même si, pour enfoncer le clou, il précisa qu’il avait fait sienne cette règle et que, bien qu’étant de père hongrois, il n’avait jamais appris l’histoire de la Hongrie et que petit fils d’un Grec, on ne lui avait jamais enseigné l’histoire grecque…
Tollé dans les chaumières de la bien-pensance où l’on cultive avec amour la différence, le métissage, la diversité, l’altérité et autres fadaises bien intentionnées ! La France est une terre d'accueil répètent en choeur ces docteurs en médecine douce, et chacun peut garder ses racines, sa culture et ses bagages religieux, tribaux ou je ne sais quoi. On connaît la chanson…

Nicolas Sarkozy n’a pas son pareil pour déclencher l’opprobre des ligues de vertu et des dames patronnesses, et c’est pur plaisir de les voir s’étrangler à la moindre de ses paroles, ou de ses faits et gestes. Cela dit, en toute chose, il y a la forme et le fond, et si le chef des Républicains est loin d’avoir toujours tort sur ce dernier, il a l’art de l’exprimer avec un tel manque de tact et de subtilité, qu’il en vient à dresser un peu inutilement contre lui les meutes.
Beaucoup de Français, même de souche, comme on ne doit surtout pas dire, sont sans doute assez éloignés de ce que représente la Gaule en terme culturel. Il faut bien dire qu’en la matière, l’héritage de Vercingétorix et de ses contemporains est assez pauvre, en dehors d’avoir inspiré la bande dessinée uchronique d’Astérix… L’exemple semble donc assez mal choisi. L’Esprit français, c’est sans doute autre chose et bien plus que les Gaulois.

Pourtant, sur le fond, le fait de faire siens l’esprit, la culture et les traditions du pays par lequel on prétend se faire adopter paraît assez évidente. S’installer quelque part avec l’idée d’y imposer ses propres us et coutumes, c’est se comporter en conquérant, non en immigrant.
L’histoire des Etats-Unis d’Amérique a bien montré que la force de cette nation fut sans doute de réussir ce fabuleux melting pot dans lequel chacun abandonna son histoire, ses souvenirs, au profit d’un grand dessein commun. Le pays était neuf, tout était à construire, on pourra donc dire que c’était plus facile. Mais rien n’est plus faux en réalité car tout fut difficile et la tentation fut sans doute grande dans ces espaces vierges, de recréer des communautés individualisées, et de cultiver l’égoïsme.
Les autorités ont toujours veillé à ce que les émigrants désirant s’installer sur le sol américain, déclarent pleinement adopter le pays, ses règles et ses lois, dont ils avaient choisi de faire leur patrie. Le plus gros problème, qui faillit d’ailleurs faire sauter l’Union, fut celui des Noirs, qui très majoritairement n’avaient pas décidé librement de s’y installer, et qui ne furent pas traités comme des citoyens à part entière.

Dans l’histoire de notre vieux continent, nombre d’étrangers ont choisi de devenir français, pour des raisons diverses et variées, mais le plus souvent parce qu’ils se trouvaient malheureux de la situation dans laquelle ils étaient. En règle générale, ils se plièrent si bien au mode de vie de leur pays d’adoption, qu’il devenait rapidement impossible de les distinguer des autochtones, hormis quelques subtiles réminiscences de leur passé ou de leurs origines, qui faisaient en quelque sorte le sel de la nation. 


Aujourd’hui l’affaire est toute autre. Les nouveaux « migrants » fuient certes comme autrefois des conditions de vie désastreuses, mais ils n’entreprennent plus leur grand voyage pour devenir français, ils échouent chez nous au terme d’un parcours erratique.
Lorsqu’ils arrivent, ils sont confrontés à un pays en pleine dérive spirituelle, qui ne croit plus en ses valeurs et qui est hanté par une mauvaise conscience historique et un sentiment de culpabilité maladif. Résultat, le télescopage des populations se passe mal et l’intégration se révèle aléatoire voire quasi impossible. Les tensions s’exacerbent, le communautarisme et l’esprit de clan montent en puissance, les dissensions religieuses également, et la faiblesse des uns nourrit l’arrogance des autres. Plus personne ne se respecte, et le spectre de la guerre civile se dresse au loin, menaçant.

C’est ce drame que souligne Nicolas Sarkozy en rappelant de manière un peu caricaturale les règles de l’assimilation. Mais peut-il être compris à une époque où tant de vessies sont prises pour des lanternes ? Est-il encore temps d’endiguer ce mouvement catastrophique ? En aura-t-il vraiment la volonté, s’il est à nouveau élu ? Et dans le cas contraire, y a-t-il quelqu’un qui soit en mesure de prendre enfin le taureau par les cornes, sans tabou ni œillères idéologiques ?
On peut craindre hélas qu’à toutes ces questions, il faille répondre par la négative…