27 novembre 2007

Les Variations Goldberg



Trente variations derrière un doux prélude
S'élèvent en chantant dans le cœur de la nuit.
L'esprit soudainement délivré de l'ennui
Se laisse gagner par une étrange quiétude.

Car il n'est rien de beau que la musique élude
En cette mélodie au sens universel,
Et des tréfonds de soi jusqu'aux confins du ciel
Elle agit comme un baume empreint de certitude.

L'infini se contracte et devient transparent.
Il se mêle à la vie, formant une rivière
Et son cours indicible est calme et rassurant.

Chaque note dans l'âme allume une lumière
C'est l'éternité dans cette fantasia,
Qui s'enfuit portée par une ultime aria...

26 novembre 2007

Les obscurs fondements de la haine


On apprenait ces derniers jours l'inculpation pour crimes contre l'Humanité, de l'ancien vice-premier ministre et surtout président du Présidium d'Etat du Cambodge, Khieu Samphan.
Plus de 30 ans après les faits, on peut se demander si un procès est encore utile. Le vieillard n'est plus que l'ombre du bouillonnant révolutionnaire d'antan. Le rire sauvage et carnassier a laissé place sur son visage décomposé, à une moue molle et dédaigneuse. Il est malade et se déplace avec peine. Comment pourrait-il donc encore nuire ?
Mais si l'on peut estimer aujourd'hui qu'un procès est bien dérisoire, c'est pour mieux se demander comment de tels individus ont pu continuer à jouir d'une totale liberté depuis leurs forfaits ? Comment ces gens qui en moins de 4 ans ont massacré le tiers de leur pays sont parvenus à se faire oublier si longtemps ?
Il y a des mystères troublants...

Faut-il revenir sur cette sombre histoire où sous les yeux d'un Occident lâche et complaisant, un peuple fut massacré, ruiné, humilié ? Faut-il rappeler que ces insurgés qui s'emparèrent du pouvoir à Pnomh Penh en 1975, sortaient tout droit des universités françaises ? Qu'ils y avaient appris sous un jour enchanteur les vertus supposées de la révolution et de la dialectique marxistes ? Et qu'ils avaient été encouragés à mettre en pratique ces monstruosités, par les plus hautes sommités intellectuelles de l'époque ?
Oui car ils le firent avec un zèle hallucinant.
Chez les révolutionnaires du « Kampuchea démocratique », tout était froidement calculé, planifié.
En 1977 Khieu Samphan était fier de déclarer : « Nous devons exterminer l’ennemi. Tout doit être fait avec ordre et à fond. Il ne faut pas se laisser distraire mais continuer le combat en supprimant toute apparence d’ennemi en tout temps. »
Pour avoir une idée des abominations de cette époque,
on ne saurait trop conseiller de revoir l'admirable et bouleversant film de Roland Joffé, la Déchirure (The killing Fields)
Aujourd'hui Khieu Samphan, ce monstre sans âme démontre qu'au surplus, il est veule. Il n'a toujours pas conscience de l'énormité de ses crimes et ne regrette en la circonstance que sa « naïveté ». Pire, il tente misérablement de minimiser son action passée. « Mon rôle était largement honorifique. Dans les faits, j'assumais plutôt un travail de bureau » bafouillait-il médiocrement dans un entretien au Figaro en 2004 !
Lui qui fut l'instigateur de cette révolution, qui la mit en oeuvre de bout en bout, qui assuma les plus hautes responsabilités gouvernementales pendant cette sinistre période, et qui ne fut jamais inquiété par les purges sanglantes décimant régulièrement les rangs même du Parti, lui qui commanda sans aucun doute possible toutes ces atrocités, il voudrait faire croire qu'il n'était en somme qu'un grouillot !
Mais plus que la mesure du poids des responsabilités pesant sur un homme, ce qui fascine dans cette affaire, c'est l'indulgence dont on fait preuve encore de nos jours pour le socialisme. Cette idéologie a inspiré toutes les horreurs qui ont ensanglanté le XXè siècle. Du nazisme au stalinisme, du trotskisme au maoïsme, du Vietnam au Cambodge, de la Corée à Cuba, le socialisme partout apporte la misère et la désolation.
Certes il se montre parfois sous un visage plus présentable, en apparence inoffensif, toujours paré des beaux idéaux d'égalité et de justice sociale. Mais si le poison pur tue net, une seule goutte suffit à pervertir le moindre breuvage. Dans le règne des idées, il en est de même. On peut penser que la plupart de nos systèmes politiques sont heureusement suffisamment robustes pour résister à ces effets néfastes. Mais à bien y réfléchir, à défaut de celle du prolétariat, la dictature des principes empoisonne bel et bien à petit feu nombre de problématiques très actuelles. Qu'on pourrait espérer résoudre dans de bien meilleures conditions si le seul souci d'objectivité prévalait...

17 novembre 2007

L'esthétisme glacé de Stanley Kubrick


Entre deux tranches de révolution russe, dans lesquelles le bolchevisme passerait presque pour une douce praline, et une resucée aigre de repentance, sortie des barils usés de la « collaboration franco-allemande», Arte distille en ce moment une grande rétrospective consacrée à Stanley Kubrick (1928-1999).
Le mélange très kitsch des genres, qui constitue la marque de fabrique de la petite chaîne culturelle, donne l'occasion de réévaluer l'importance réelle de ce réalisateur hors norme. Et de constater hélas comme a mal vieilli cette oeuvre dans l'ensemble assez boursouflée.
Si l'on résume la période Noir et Blanc du cinéaste au film le plus célèbre, Docteur Folamour, on ne peut être qu'affligé. Bien qu'il soit encore souvent qualifié de « farce irrésistible et désopilante », avec le recul du temps il relève surtout de la caricature grotesque. Le triple jeu de Peter Sellers est ridicule. Le savant fou est particulièrement gratiné dans le genre. Si certains parviennent à rire aux érections intempestives en forme de salut hitlérien, du bras mécanique, ils ne sont vraiment pas difficiles. Bref objectivement, l'ensemble se hisse à peine au niveau d'une pochade telle Mars Attacks, en beaucoup plus prétentieux...
On pourrait évidemment s'appesantir davantage sur les autres réalisations de cette première période. Certaines ont des qualités (Ultime razzia notamment), mais elles ont de toute manière largement été éclipsées par les films tournés en couleur.
En dépit du caractère assez hermétique du message qu'ils véhiculent en règle, ces derniers ont tous été largement encensés à la fois par la critique et par le public.
En gloire, 2001, l'Odyssée de l'Espace est probablement celui qui domine cette production. Près de 40 ans après sa création il garde une place éminente dans les mémoires. Pour un film de science-fiction c'est une prouesse exceptionnelle. La réalisation extrêmement soignée, la crédibilité des décors et de l'intrigue, qui n'exclut toutefois pas la dimension philosophique voire métaphysique, le choix judicieux de l'ambiance musicale, tout se conjugue pour faire de ce film un véritable chef d'oeuvre.
A côté de ce spectacle impressionnant, les autres longs métrages paraissent presque falots, à l'exception notable de Shining, totalement sublimé par la composition extraordinaire de Jack Nicholson. Mais ni la violence théâtralisée d'Orange Mécanique, ni la beauté glacée de Barry Lyndon, ni les outrances de Full Metal Jacket ne parviennent à ébranler le mythe de l'aventure cosmique de 2001. Il y a trop d'artifice et de complaisance dans le premier, de mièvrerie et de longueurs monotones dans le second, et pas assez d'humanité ni de hauteur de vue dans le troisième.
C'est en somme un peu la faiblesse de Kubrick. Incontestablement il possédait une grande maîtrise technique, un style original et une vraie vision esthétique, mais il lui manquait la sensibilité qui lui aurait permis de leur conférer une vibration émotionnelle. Son art, qui consista le plus souvent à adapter à l'écran des livres écrits par d'autres, reste ainsi souvent froid, sans âme, comme désincarné. Le pire étant hélas son dernier opus Eyes Wide Shut dont le propos oiseux s'enlise interminablement dans une mélasse rococo de fort mauvais goût.
Stanley Kubrick restera donc au moins l'homme qui donna au film de science fiction ses lettres de noblesse. Ce n'est déjà pas si mal. D'ailleurs, le silence intersidéral convient en somme assez bien à ce cinéaste dont la destinée solitaire et ombrageuse n'est pas sans évoquer le loup de Vigny : « A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse, seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse »

16 novembre 2007

In memoriam Norman Mailer


Norman Mailer (1923-2007), représente à lui seul, tout un courant de pensée très répandu, celui de la gauche bourgeoise occidentale, bien pensante mais dévorée par la mauvaise conscience. Il illustre ainsi en quelque sorte paradoxalement l’anti-américanisme autochtone dont les héritiers comptent actuellement des gens comme Noam Chomsky ou Michael Moore. C’est probablement un peu en raison de cette auto-flagellation permanente qu’on l’adore à l’étranger et tout particulièrement en France, dans les milieux « branchés ».
Bien sûr, il n’y a rien d’obligatoirement choquant à émettre une opinion négative sur son propre pays. Mais le caractère systématique, quasi prévisible, des diatribes finit paradoxalement par renforcer indirectement la thèse inverse à celle soutenue au départ. Le vrai risque est peut-être même de déclencher par effet de balancier, un mouvement en sens contraire tout aussi outrancier que le sien.
Mailer, sous des allures « progressistes », condamna en réalité son talent à végéter dans un jus acre, mélange de mauvaise foi et de mauvaise conscience. Il s’exprima avant tout par l’art de donner des leçons malgré (ou pour masquer) l’erreur quasi permanente dans laquelle il s’obligea en quelque sorte à évoluer, vus les préjugés à partir desquels son jugement se construisait.
Reprenant un pont-aux-ânes hélas classique (interview pour la chaîne de TV NBC en 1999), il révéla avoir été profondément influencé par Marx, faisant des théories du barbu doctrinaire le centre de gravité de toute pensée. Cela le conduisit, par une étrange hémianopsie, à occulter définitivement quantité de penseurs plus pertinents, automatiquement qualifiés de déviants.
Sa vision manqua singulièrement de perspective et presque invariablement son opinion resta au ras des choses.
Il haissait les « bons Américains », ceux-la même qui malgré leurs défauts ont fait de l’Amérique ce qu’elle est, mais il fut un peu court dans les propositions alternatives. Pas de projet, guère d’aspiration précise et l’obligation de faire machine arrière, à chaque fois que le cours des évènements lui donna tort. Et les désaveux furent nombreux dans son parcours intellectuel ! Exemple, pour mieux porter son idéal de Gauche, il fut candidat à la mairie de New York, dont il qualifia lui-même les habitants de « gens biens » ; résultat, il fut battu à plate couture, ne réunissant qu’à peine 6% des suffrages.
Il se prétendit avant-gardiste mais il réussit à s’attirer les foudres des mouvements féministes, en raison de propos maladroits voire, de son propre aveu, idiots. Pire, il faillit même assassiner sa propre femme d'un coup de couteau un soir de beuverie (la seule action qu'il avoua regretter)...
Ses prises de position très critiques face au système judiciaire de son pays témoignèrent également du caractère hasardeux de son jugement. Il usa par exemple de toute son influence pour obtenir la libération conditionnelle d'un voyou, un certain Abbott, lequel ne trouva rien de mieux à faire que d’assassiner un homme de sang froid quinze jours après sa sortie de prison !
Pour s’excuser, l’écrivain utilisa alors des arguments qui font insulte à son intelligence tant ils sont éculés. C’est naturellement la société qu’il jugea responsable de ne pas avoir su « accompagner » l’individu, pour permettre sa réinsertion harmonieuse. Lui même ne nia pas d’ailleurs, sa propre responsabilité ! Il pensait que « cela se passerait bien » !
Il recommença le même type d'erreur lorsqu'il prit, de manière lyrique et quelque peu ampoulée, la défense de Gary Gilmore à la fin des années 70 (Le Chant du Bourreau). Faisant fi des sanglots attendris de l'écrivain qui prétendait plaider sa cause, le condamné choisit résolument, non sans panache, non sans courage, la peine de mort plutôt que l'emprisonnement à vie...
En matière de politique internationale, sa clairvoyance ne fut guère meilleure. Revenant en 1984 d’URSS, Mailer avait acquis la conviction que cette dernière était inoffensive, car les gens étaient « fatigués, déprimés et incapables de faire la guerre ». Au moment où les Soviétiques hérissaient la frontière est-allemande de missiles SS20, et où ils occupaient sauvagement l’Afghanistan, ses propos avaient quelque chose de comique. Rarement époque fut plus dangereuse, mettant face à face un gigantesque conglomérat lézardé, ruiné mais surarmé d'un côté, et une Europe avachie dans la prospérité et le pacifisme de l'autre.
En somme, Mailer fut constamment déchiré, il aimait son pays et dans le même temps il reconnaissait le détester. Il ne supportait pas l’american way of life, mais ne pouvait s’en passer. Il fut en quelque sorte la mouche du coche, inutile et horripilante. Certes, il vénèra tout de même Kennedy, et lui attribua quantité de qualités, mais il lui fut d’autant plus facile de les citer qu’elles ne purent jamais se manifester par des réalisations concrètes, vu la brièveté de son mandat ! Il ne s’appesantit pas naturellement sur les frasques de sa vie privée, sur la désastreuse opération de la Baie des Cochons, ni sur les raisons qui le poussèrent a entraîner son pays dans le bourbier de la guerre du Vietnam…
En revanche, pas un président républicain ne trouva grâce à ses yeux partisans; Nixon fut qualifié d’habile gangster, Reagan était « creux comme une calebasse »…
Où donc résida son talent de visionnaire ? Il fut habité par une aigreur perpétuelle, ridiculisant tout ce qui portait une aspiration. Il aimait humer le fumet des décompositions, respirer l’odeur de l’abjection ; il avait comme une délectation morbide pour la fange (son tout dernier ouvrage sur Hitler, "Un Château en Forêt" en témoigne encore).
Il imaginait que tout n’est
dans ce bas monde, que complots, calculs et manigances. A cause de celà, il passa à côté des réalités, les découvrant toujours après coup, dans le rétroviseur. Ou bien jamais. A 84 ans, quelques semaines avant sa mort, il restait persuadé que le communisme était un danger inventé de toutes pièces par son pays en mal d'ennemi ! Tout comme l'islamisme de nos jours, pour servir d'alibi à la « guerre sainte » de George Bush ! Il osa même qualifier les attentats du 11 septembre 2001 « d'égratignure sur la carapace » de son pays au motif qu'ils ne firent que 3000 morts sur 300 millions d'habitants !
Mailer s’est beaucoup impliqué dans la vie intellectuelle et politique de son pays, mais de son œuvre touffue et pestilentielle, il risque fort de ne rester que quelques débris fumants, sans grande utilité pour comprendre l’histoire.

13 novembre 2007

Honneur à Charles Lindbergh

C'est un fait qui réunit un quasi consensus dans les cénacles de la Pensée Unique : le célèbre aviateur Charles Lindbergh était un ardent défenseur du régime nazi auquel il rêvait ni plus ni moins d'asservir l'Amérique !
On a pu vérifier l'adage encore samedi dernier lors de l'émission de Laurent Ruquier, « On n'est pas couché ». Eric Zemmour, d'habitude plus inspiré, non seulement confirma l'assertion, mais enfonça le clou en affirmant qu'on savait ça depuis des lustres, et de toute manière qu'à l'époque (les années 30) tout le gratin influent aux USA avait une vraie dévotion pour le führer : le père Kennedy, les aïeux Bush etc... ( à propos du dernier livre de Paul-Loup Sulitzer )!
Il faut préciser qu'en 2004, l'écrivain américain Philip Roth avait largement contribué à répandre cette idée saugrenue avec son roman « Le complot contre l'Amérique ».
Cet ouvrage se veut une réécriture de l'histoire, à partir d'une hypothèse personnelle plutôt fantaisiste de l'auteur. Il paraît qu'on appelle ça une uchronie. Un exercice qui pourrait être amusant s'il se limitait à l'instar de Blaise Pascal, à imaginer par exemple ce qui serait advenu si le nez de Cléopâtre eût été plus court... Mais qui peut s'avérer extrêmement déplaisant lorsqu'il se fonde sur des amalgames grossiers, sur des insinuations calomnieuses voire carrément sur le mensonge. On sait trop bien qu' « avec des si on pourrait mettre Paris en bouteille ». On peut donc ruiner une réputation ou tout simplement, pervertir la réalité.
L'Opinion Publique est devenue si crédule qu'elle a tendance à prendre pour argent comptant toutes les affabulations pour peu qu'elles soient suffisamment médiatisées. Aujourd'hui, à lire Roth, et à entendre ce qu'on dit « dans le poste », il est donc admis que Lindbergh était profondément anti-sémite, admirateur béat de Hitler et qu'avec de telles opinions en tête, il était sur les rangs pour l'élection à la présidence de la république américaine en 1940, ce qui aurait pu bouleverser la face du monde !
Or une analyse rapide de quelques sources d'origine diverses sur internet, permet d'infirmer sans peine cette croyance abracadabrante.
On peut vérifier tout d'abord que Lindbergh, descendant d'émigrés suédois, est bien l'aviateur qui pour la première fois en 1927, à l'âge de 25 ans, a rallié en vol solitaire Paris à partir de New-York. Ouf ! On l'avait presque oublié...
Il n'était certes pas le premier à traverser l'Atlantique en avion puisque l'équipage constitué de John Alcock et Arthur Whitten Brown avaient rejoint en 1919 l'Irlande à partir de Terre-Neuve. Mais personne avant lui n'avait encore fait le voyage New York-Paris seul et sans escale.
Lindbergh connut une gloire indescriptible après cet événement. A la mesure de celle qui accompagna les astronautes qui les premiers foulèrent le sol lunaire. Il la paya toutefois très cher. En 1932, son fils aîné fut enlevé contre rançon et assassiné par ses ravisseurs. Comme on peut s'en douter cette terrible épreuve le marqua définitivement.
En 1936, Lindbergh, qui était un homme de science accompli, fut envoyé en Europe à la demande de l'armée américaine en mission d'étude aéronautique. Il séjourna ainsi plusieurs fois entre 1936 et 1938 en Allemagne où il put, grâce à l'amitié qui le liait au pilote Ernst Udet, observer, à loisir les avions de la Luftwaffe dont la qualité l'impressionna. Ses constatations furent sans aucun doute utiles aux ingénieurs américains pour améliorer leurs propres techniques.
En France où il vécut également durant ces années, il se lia avec Alexis Carrel, prix Nobel de Médecine, et les deux hommes travaillèrent sur un projet de coeur artificiel.
Dans l'immédiat avant-guerre, Lindbergh sous-estima manifestement le danger représenté par l'Allemagne nazie. Il fut pacifiste au moment des évènements de Munich, estimant que l'entrée en guerre à l'époque, aurait conduit notamment l'Angleterre, à une défaite quasi certaine. Il faut ajouter qu'à l'instar de nombreuses personnes, il pensait que le plus grand danger de l'époque était le communisme, qui menaçait à ses yeux toute la société occidentale. Cette opinion fut aussi celle du Général Patton et bien sûr de Churchill qui l'exprima plus tard :"j'ai peur que nous n'ayons tué le mauvais cochon"
. Bien avant guerre Lindbergh avait pour sa part prédit avec une surprenante précision l'installation du rideau de fer.
Lorsque le conflit éclata, Lindbergh se rangea du côté des nombreux Américains qui étaient opposés à toute intervention en Europe. Sous la bannière du Mouvement America First ils ne faisaient en réalité que reprendre à la lettre les conseils de George Washington, enjoignant à ses compatriotes, pour pérenniser la démocratie en Amérique, de ne jamais se mêler des affaires européennes. Il faut rappeler aussi qu'ils avaient été échaudés par l'expérience de 1918 et avaient très mal vécu lors du traité de Versailles, l'acharnement français et anglais à humilier l'Allemagne vaincue.
En 1941, il eut quelques paroles malheureuses, accusant notamment les Anglais, les Juifs et l'Administration Roosevelt de presser les Etats-Unis d'entrer dans une guerre qui ne les concernait en rien (tiens ça pourrait évoquer certaines prises de positions au sujet de l'Irak...). Dans le même temps il affirmait toutefois que ces propos n'étaient pas une attaque du peuple juif ou anglais « qu'il admirait tous les deux ». La même année, il déclara d'ailleurs « qu'aucune personne dotée d'un minimum de dignité et d'humanité ne pouvait tolérer le traitement que faisait subir l'administration allemande aux Juifs ». Plus tard, après guerre lorsque l'horreur des camps de concentration fut dévoilée il manifesta un grand désespoir ne n'avoir pas été assez clairvoyant.
Lors de l'attaque de Pearl Harbor, Lindbergh comprit que l'intervention américaine était indispensable. Il combattit d'ailleurs dans le Pacifique et tous les témoignages de l'époque vantent son courage et son patriotisme. Au surplus, il améliora les qualités techniques des bombardiers P38 en leur permettant de faire des missions beaucoup plus longues et efficaces.
Enfin, à aucun moment de cette période tumultueuse, contrairement à la supposition de Philip Roth, il ne manifesta la moindre intention d'être candidat à l'élection présidentielle...
Après guerre, Lindbergh exerça des fonctions de conseiller technique auprès de l'US Air Force et de la compagnie PANAM. Il fut un précurseur dans la défense de l'environnement, combattant notamment pour la protection de certaines espèces animales en danger, comme les baleines. Dans l'une de ses dernières interventions, pour le magazine Life, il définit ainsi sa conviction : « Le futur de l'Humanité dépend de notre capacité à combiner la connaissance scientifique avec la sagesse de la nature »
Il mourut en 1974 à Hawaï où il est enterré.
Ainsi toute personne de bonne foi peut facilement se faire une idée claire de ce que fut la vie de Charles Lindbergh. Elle est loin des ragots infâmes colportés ces derniers temps par des ignares ou des médisants. Si comme la plupart d'entre nous Lindbergh eut une personnalité contrastée, s'il lui arriva de se tromper, nul doute qu'il ne mérite pas l'opprobre dont certains cherchent à le couvrir. Il fut un homme honnête et courageux, et un héros plutôt modeste. Là est la réalité.

09 novembre 2007

Brothers in arms


Nicolas Sarkozy est allé outre-atlantique renouer les liens de fraternité établis autrefois sur les champs de bataille de l'Indépendance, entre notre pays et l'Amérique par Lafayette, Rochambeau et Washington.
Il était temps !
La France hélas avait montré depuis tant de décennies, à travers l'attitude de ses dirigeants, une image d'elle si arrogante et pour tout dire si stupide à cette grande nation que ces relations s'étaient bien effilochées.
Grâce soit rendue à notre président d'avoir eu le vrai courage d'afficher clairement ses convictions et d'avoir su trouver les mots simples et justes qui effacent en si peu de temps tant d'incompréhension et de vilenie. Aujourd'hui un certain nombre de Français se sentent au fond d'eux un peu mieux et surtout moins honteux.

En réaffirmant que « la France est l'amie de l'Amérique », Nicolas Sarkozy fait chaud au coeur de tous les amoureux de la Liberté. Lorsqu'il exalte le fameux rêve américain qui a permis "de prouver à tous les hommes que la liberté, la justice, les droits de l'homme, la démocratie n'étaient pas une utopie mais au contraire la politique la plus réaliste qui soit et la plus susceptible d'améliorer le sort de chacun", il se situe dans le droit fil de la pensée magnifique des Pères Fondateurs. En constatant que « la grandeur de l'Amérique, c'est d'avoir réussi à transformer son rêve en une espérance pour tous les hommes » il rend un hommage mérité aux hommes prodigieux qui ont su faire du Contrat Social de John Locke une réalité objective, et qui en rédigeant la Constitution, ont créé une oeuvre qui pourrait servir de modèle quasi universel d'organisation des sociétés humaines. Il salue enfin un pays qui a su rester fidèle à son idéal, et qui continue de mener un combat pour la liberté et l'émancipation des peuples, fort honorable même s'il est possible d'en contester certaines modalités.


Les applaudissements nourris des membres du Congrès, l'attention amicale prodiguée par le Président de la République à son homologue français, démontrent que les Américains ont assez de grandeur d'âme pour oublier toute rancune sitôt qu'on cesse de les mépriser.

Bref, ils ont bien les qualités de ce que nous n'aurions jamais dû oublier ni douter qu'ils sont : des amis indéfectibles...

PS : A voir absolument : l'allocution de Nicolas Sarkozy faite aux Français d'Amérique, le 7/11/07, tant elle est réjouissante par son style direct, détendu et humoristique. Incontestablement, le ton a bien changé en politique...


08 novembre 2007

Vers des hôpitaux de concentration...


L’hôpital est de nouveau sur la sellette.
Dans un dossier spécial publié par le magazine
Valeurs Actuelles le 26/10/07, sous le doigt accusateur du professeur Bernard Debré, le réquisitoire est terrible : l'hôpital serait tout bonnement en faillite ! Pourtant les constats sur lesquels il s’appuie paraissent pour le moins forts discutables.
Passons sur le catastrophisme journalistique à sensation («la mort du dispositif hospitalier public est désormais annoncée ») , et les récriminations de quelques patrons parisiens en vue, plaidant de manière éhontée pour leur chapelle, avec des arguments rappelant le temps du mandarinat !
La thèse principale, selon laquelle pour bien soigner, « il faudrait regrouper les installations au sein d’hôpitaux plus grands » est depuis quelques années très tendance. Or elle ne repose sur aucune certitude scientifique et contredit de manière flagrante la
décentralisation dont les Pouvoirs Publics nous ont si souvent chanté les louanges.

De fait, au moins trois types de raisons plaident contre l’organisation concentrationnaire des soins :
-Les grosses structures sont toujours les plus dispendieuses et les plus difficiles à gérer. A quantité d'activité médicale donnée, elles consomment plus d’examens, emploient plus de personnel et génèrent une plus grande inertie administrative. Depuis l’avènement du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), on sait par exemple que 18 des 31 Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) sont gravement et chroniquement déficitaires, en dépit des dotations budgétaires colossales qu'ils engloutissent chaque année. L’hôpital Pompidou, fleuron du système français est un des plus luxueux, des plus modernes, et des mieux dotés en médecins d’Europe (près d’un praticien par lit !). Or on apprend de la bouche du Pr Deloche, que « quatre chirurgiens sont ainsi partis à Londres, à New York et en Australie ../.. où ils sont en moyenne trois fois mieux rémunérés et travaillent dans de bien meilleures conditions. » Ahurissant !

-En matière de qualité, il n’est pas prouvé que les statistiques soient forcément défavorables aux structures de taille modeste. On s’étonne par exemple, que des gens sérieux puisent baser leur raisonnement sur un nombre brut d’interventions chirurgicales sans prendre en compte la nature des actes effectués et les ratios par praticien. Ce qui paraît essentiel c’est de juger les gens sur la qualité réelle de leurs prestations, non sur des quota définis a priori. On a fermé des maternités au seul motif qu’elles ne réalisaient pas assez d’accouchements alors qu’on ne pouvait rien leur reprocher en terme de prise en charge. Aujourd’hui on redécouvre les vertus de l’accouchement à domicile, qui est la règle aux Pays-Bas dans 30% des cas…
Enfin, contrairement à ce qui est écrit, les statistiques d’activité sont désormais publiques et servent comme chacun sait depuis plusieurs années, à établir des palmarès dont la presse est friande. Il faut à cet égard rappeler la réticence étrange manifestée par certaines gigantesques organisations hospitalières (Paris, Lyon, Marseille) pour dévoiler certains de leurs chiffres. Les donneurs de leçons ne sont pas toujours des modèles...

-Les progrès techniques permettent aujourd’hui de réaliser des interventions autrefois très lourdes, dans un contexte beaucoup moins agressif pour les patients. Là où il fallait ouvrir le thorax et interrompre le cœur pour le revasculariser, un simple cathéter introduit à travers la peau suffit le plus souvent. Les interventions à visée oncologique autrefois très mutilantes, sont remplacées de nos jours par des gestes anodins parfois menés sous simple endoscopie, sans même une nuit passée à l’hôpital. Enfin les développements de la télématique offrent la possibilité théorique de transmettre des images et d’amener le même niveau d’expertise médicale en tous points du pays, sans avoir à déplacer les malades. C’est à la fois plus humain, plus efficace, et plus économique.
A l’heure où l’on déplore le manque de médecins dans certaines régions et dans les campagnes, et où les routes vers les grandes métropoles sont engorgées, comment justifier la fermeture systématique des petits hôpitaux ? Le danger aujourd’hui n’est pas de compter "une moyenne de 10 établissements par département", mais à court terme plus qu’un seul, transformé en une sorte de monstrueux kolkhoze de soins…
Enfin, il faut savoir que si les trois-quarts des hôpitaux sont lourdement déficitaires, les cliniques privées ne sont guère mieux loties. Elles se regroupent elles aussi par la force des choses, mais 60% d’entre elles sont en situation financière très difficile.

Au total, s’il est insensé de prétendre que tout puisse être fait partout, le bon sens exige une répartition équilibrée des ressources, dans une logique d’émulation saine et claire. Le système de santé français a trop souffert d’une planification rigide fondée sur des diktats théoriques. Résultat, rien ne va et rien n’est convenablement régulé comme vient encore de le souligner la Cour des Comptes.

L’Administration tutélaire de la santé est pléthorique mais inefficace. On ne compte plus les plans ni les instances soi-disant décisionnaires. De sigles en abréviations, ils s’emmêlent, se contredisent ou se superposent en un écheveau de plus en plus inintelligible pour le commun des mortels : DHOS, ATIH, ARH, SROS, COTER, DRASS, DDASS, CRAM, URCAM, ORS, HAS, bientôt ARS...

Est-ce qu’enfin la France sera capable de trouver des solutions pragmatiques à ses problèmes ? Saura-t-elle donner une vraie autonomie de gestion aux hôpitaux, cesser les subventions à fonds perdus, exploiter le meilleur du progrès technique, encourager les initiatives innovantes ? Là résident les enjeux véritables.

Petit aperçu de l'armada administrative gouvernant et planifiant paraît-il la santé en France :
DHOS : Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins
ATIH : Agence technique pour l’Information Hospitalière
ARH : Agence Régionale de l’Hospitalisation
SROS : Schéma Régional d’Organisation Sanitaire
COTER : Comité Technique Régional
DRASS : Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales
DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales
CRAM : Caisse Régionale d’Assurance Maladie
URCAM : Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie
ORS : Observatoire Régional de la Santé
HAS : Haute Autorité en Santé
MEAH : Mission d'Etude et d'Analyse Hospitalière
GMSIH : Groupement pour la Modernisation du Système d'Information Hospitalier
ARS : Agence Régionale de Santé....