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01 mars 2007

L'univers, les dieux et les hommes


Dans le but de découvrir l'helléniste Jean-Pierre Vernant disparu le 9 janvier dernier à l'âge de 93 ans, j'ai fait l'acquisition de son petit compendium de mythologie intitulé « L'univers, les dieux, les hommes ».
La disparition de l'écrivain, professeur honoraire au Collège de France, fut l'occasion d'une telle pluie d'éloges de la part des médias réunis que j'avais presque honte de ne pas le connaître.
Mais ces hommages unanimes étaient-ils rendus à ses qualités savantes ou bien au fait qu'il fut longtemps communiste et qu'il s'illustra comme résistant à l'occupation allemande ? Dans notre pays, ces deux particularités, bien que souvent galvaudées, sont un tel viatique pour toute personne en quête de gloire, qu'on finit par avoir comme un doute...

Pour le coup, c'est surtout l'amateur de l'antiquité grecque et l'expert en mythologie qui m'interpellait. Après tout un homme ayant de tels sujets d'intérêt ne pouvait être mauvais, surtout à une époque si prompte à s'enticher de niaiseries, de futilités et si dénuée d'esprit critique et de sagesse.
La mythologie grecque a nourri tellement de réflexions philosophiques, tellement de rêveries poétiques, et l'inspiration de tant d'oeuvres d'art, qu'elle forme comme une sorte d'éternelle source de jouvence spirituelle. Bien avant qu'éclate le génie du christianisme et d'autres religions, toutes les passions humaines avaient déjà trouvé leur place dans cette fabuleuse épopée, mère de tous les drames, prélude à tous les héroïques destins.
Je songe aux vers d'André Chénier décrivant Homère :

« Car en de longs détours de chansons vagabondes,
Il enchaînait de tout les semences fécondes
Les principes du feu, les eaux, la terre et l'air,
Les fleuves descendus du sein de Jupiter,

Les oracles, les arts, les cités fraternelles,

Et depuis le chaos les amours immortelles... »
Le pari difficile que s'est imposé Jean-Pierre Vernant était de faire tenir toutes ces légendes en moins de 250 pages, écrites d'un trait comme l'on parle, sans détour, ni fioriture. Force est de reconnaître qu'il a relevé le défi avec un certain brio.
Depuis la création du monde à partir du Chaos, jusqu'aux aventures dantesques des héros de l'antiquité presque tout y passe :
Au commencement de tout, l'amour fusionnel de Gaïa la terre, et d'Ouranos le ciel. Puis leur douloureuse séparation après la castration de ce dernier par son propre fils Cronos, ce qui libéra du même coup des entrailles de l'alma mater où ils étaient engendrés mais retenus prisonniers, une ribambelle de titans, de cyclopes et de cent-bras, ouvrant ainsi les portes du Temps et de l'Histoire.

Suit le terrible épisode de Cronos dévorant tous ses enfants par crainte de connaître le sort qu'il fit subir à son père. Et la ruse de son épouse Rhéa, parvenant à faire échapper l'un d'eux, Zeus, à l'appétit monstrueux de l'ogre. Puis l'ascension irrésistible de ce rejeton chanceux jusqu'au sommet de l'Olympe, d'où il dominera tyranniquement et définitivement le monde après son combat victorieux contre les titans.
Si la mythologie n'offre guère de modèle en matière de démocratie, elle ne se préoccupe pas davantage de morale. Son théâtre est magique et lyrique mais par bien des aspects, trivial.
Il est émaillé en effet d'épisodes où le burlesque le dispute au tragique et où l'on voit les dieux mêler sans vergogne leur nature divine à celle éphémère des hommes et manifester les mêmes sentiments qu'eux, jusqu'aux plus méprisables : jalousie, vengeance, orgueil, concupiscence.
A cet égard, l'inclination amoureuse de Zeus pour les mortelles est bien connue et ses stratagèmes ensorceleurs sont sans limite: pour s'unir à Danaé, il se transforme en pluie d'or, avec Léda il se fait cygne, pour emmener Europe il devient taureau. Ce séducteur impénitent est toutefois d'une froide indifférence. Sémélé qu'il avait conquise en se faisant homme tout simplement, voulut le voir dans tout l'éclat de sa divinité. Elle périt consumée vive.

On trouve bien sûr les folles péripéties d'une foule de héros : Prométhée qui vola le feu aux dieux pour améliorer la condition humaine, Pandore libérant involontairement de sa boite maléfique la souffrance, la misère et la guerre
(ah, les femmes...), Persée vainqueur des Gorgones, qui sauva Andromède mais qui devint bien malgré lui parricide, Achille presque invulnérable mais qui préféra tout de même mourir glorieusement que vivre obscurément.
Oedipe torturé par son noir et implacable destin, Ulysse dont la folle odyssée rappelle celle fragile et forte de l'Humanité, avec ses énigmes, ses doutes, ses faiblesses et son incroyable bravoure...


Bien que l'ouvrage ne manque pas d'intérêt, on pourra toutefois lui reprocher un style un peu approximatif, et une approche tout de même incomplète et dénuée de recul en matière de réflexion. Le style manque de poésie, d'emphase, de truculence et pour tout dire de souffle. Il s'agit en quelque sorte d'un bréviaire brut de décoffrage, juste un peu plus suivi qu'un simple dictionnaire. A condition de le prendre comme tel, il mérite toutefois qu'on lui accorde quelque attention, surtout si l'on est néophyte dans le domaine.