30 mai 2018

Opposites #2

Si l’on cherche à comparer Philip Roth (1933-2018) à Tom Wolfe (1930-2018), on conclut bien vite que tout les oppose.
Les personnes tout d’abord. L’un est un aristocrate ombrageux, l’autre est un dandy fantasque.
Quant à l’oeuvre proprement dite, c’est le jour et la nuit si l’on peut dire.
On présente souvent Philip Roth comme un auteur provocateur, maniant une plume très acerbe pour décrire la société américaine contemporaine. En réalité Tom Wolfe apparaît bien plus subversif et son regard est infiniment plus corrosif.
Surtout, sa vision est également beaucoup plus riche et contrastée. S’il arrose de vitriol les excès et les travers de toutes sortes dont il est témoin, il est également capable de s’enticher des aventures extraordinaires qui se déroulent sous ses yeux et marquent une époque.

ça commence avec Acid Test, par une sorte de road movie déjanté racontant les péripéties hallucinées des années soixante. Wolfe s’est littéralement immergé dans ce trip fabuleux qui vit l’émergence des mouvements beatnik puis hippie générateurs d’une déferlante culturelle gigantesque. Au moment où l’on commémore en France les gesticulations des trublions de mai 68, on mesure à la lecture de l’enquête menée par Tom Wolfe, leur caractère microscopique par rapport à ce qui se passait alors aux USA.
Tandis que nos pseudo révolutionnaires s’ébrouaient dans un maoïsme de pacotille, pendant qu’ils sirotaient un jus de marxisme lénifiant à la terrasse des cafés germano-pratins en croyant réinventer le monde, tout en se gargarisant avec des slogans ineptes, l’Amérique s’abandonnait avec délice dans l’ivresse de la liberté.
Il y eut certes des outrances, et des chimères, mais de Kerouac à Grateful Dead et Bob Dylan, des Merry Pranksters à Timothy Leary et à Aldous Huxley, quelles belles illuminations, quelle poésie dans le sillage du Jazz et du Blues, au gré de l’extase psychédélique procurée par le LSD.
Tom Wolfe est un des rares écrivains à avoir su capter l’esprit de cette décade prodigieuse dont un autre aspect fut l’épopée des héros de l’aéronautique, aboutissant en 1969 à la conquête de la Lune. The Right Stuff (l'Etoffe des Héros) est une sorte de vibrant hommage à l’esprit de conquête et d’entreprise. Certains planaient en inventant des musiques nouvelles, d’autres s’envolaient dans l’espace à la poursuite de la dernière frontière...

On appela cela le Nouveau Journalisme. Tom lui s’imaginait en Balzac, en Dickens ou en Zola, constatant avec stupéfaction en se frottant de près aux évènements, que la réalité dépassait de loin la fiction.
Il usa de cette technique d’enquête par immersion pour pénétrer les milieux dits intellectuels de l’époque et cela se traduisit par quelques pamphlets décapants, tel l’hilarant “Gauchisme de Park Avenue” dans lequel il décrit avec cruauté la complaisance niaise de la bourgeoisie vis à vis des idéologies à la mode (par exemple, le chef d’Orchestre Leonard Bernstein organisant dans son appartement luxueux une fête en l’honneur des Black Panthers et s’encanaillant jusqu'à lever le poing gauche pour exprimer sa rébellion contre un système dont il était l'enfant chéri). Tom Wolfe appela cela le Radical Chic et cela lui valut d’être étiqueté comme conservateur par l’intelligentsia qui n’aime pas qu’on plaisante avec ses lubies. Quand il déclara benoîtement qu’il avait voté en 2004 pour George W. Bush, il fit proprement scandale, prouvant ainsi que lui était bel et bien dans la subversion, contrairement à tant de soi-disant rebelles à la petite semaine, si tristement conformistes...

Il n’en eut cure et cela ne l’empêcha pas de s’atteler avec succès au genre romanesque en se délestant de pavés bourrés de cocktails explosifs, distribués tous azimuts. D’abord sur le monde doré des yuppies imbus de leur supériorité de classe (Le Bûcher des Vanités), mais également sur l’insigne débauche régnant dans certaines universités (Moi Charlotte Simmons), ou la démystification de l’argent facile et de la réussite pour la réussite (Un homme un vrai)...
Autant les personnages de Roth semblent, froids et distants, murés dans un égocentrisme dédaigneux, autant ceux de Wolfe débordent de passion, d'espérances et de désespoir communicatifs. Ils sont parfois énervants mais ils sont vivants...

Au total, l'impression qui domine est que Tom Wolfe aime l'Amérique. Il la croque à belles dents et son admiration aussi bien que ses critiques sont joyeuses et jouissives. Le style est trivial mais efficace.
Tout porte à croire au contraire que Philip Roth méprise son pays dont il détaille de manière névrotique toutes les tares. Il touille une haine recuite dans le jus aigre de ses remords et turpitudes. C'est bien écrit mais c'est tragique...

Contrairement à Philip Roth, Tom Wolfe resta actif jusqu’à ses dernières années, luttant à sa manière contre les idées reçues. Une de ses dernières contributions prit pour cible la théorie de l’évolution de Darwin, portée aux nues jusqu'à devenir un symbole de la correction politique. Il en pointa les faiblesses, et critiqua sans ménagement certaines dérives, notamment ses applications au langage, par le fumeux Noam Chomsky...

26 mai 2018

Opposites #1

A dix jours d’intervalle, en ce joli mois de mai, deux éminents écrivains américains ont déserté ce monde sublunaire : exit Tom Wolfe et Philip Roth.
Vous aurez remarqué sans doute ami(s) lecteur(s) la différence dans le traitement qui leur fut réservé dans les grands médias français.
Concert de louanges pour Roth, statufié comme “un géant de la littérature américaine” (Le Monde, Hufftington Post). Un peu partout, on encense le grand homme, et on souligne l’injustice des Académies Nobel qui ne daignèrent pas le récompenser. "Avec Philip Roth le Nobel est mort !" titra même le magazine Le Point...
A l’inverse, la mort de Tom Wolfe fut mentionnée comme un fait divers. Il fut notamment qualifié de “journaliste, écrivain à succès et dandy provocateur” par le journal Le Monde, ce qui témoigne du mépris de l’intelligentsia pour le personnage...

Lorsque de telles disparités se manifestent, il est difficile de ne pas évoquer d’éventuelles connotations politiques.

On sait par exemple, comme le rappelle Le Figaro que Roth était “un démocrate façon Roosevelt”, ce qui, pour le mainstream qui fait l’opinion, s’apparente à un certificat de respectabilité.
Tom Wolfe en revanche, était considéré comme un “conservateur” aussi pur crin que la blancheur insolente de ses costumes. Il se dit même qu’il aurait soutenu George W. Bush en 2004. Quelle horreur !

Il n'est besoin de creuser longtemps pour comprendre qu'en réalité, Roth était bien plus qu’un démocrate pondéré. Il était farouchement anti-républicain.
En 2018, par exemple, il était sorti du silence de sa retraite pour régler son compte à Donald Trump qu’il avait traité “d’être inculte, incapable d’exprimer ou de reconnaître une subtilité ou une nuance », ajoutant qu’il utilisait « un vocabulaire de 77 mots. » De la part d’un écrivain attaché à décrire finement les choses on aurait pu attendre davantage de profondeur…
On connaissait depuis longtemps également sa haine pour Nixon qu’il avait caricaturé jusqu’à l’outrance dans son ouvrage “Our Gang”.

On sait qu’il n’appréciait pas davantage Ronald Reagan dont il avait affirmé qu"il avait l'âme d'une grand-mère d'un soap-opera et toute l'intelligence d'un lycéen dans une comédie musicale", (Le Point).
Naturellement George W. Bush ne valait pas mieux à ses yeux, dont il affirma qu’il était " incapable de faire tourner une quincaillerie, sans parler d'un pays comme celui-ci..."
En revanche il prit fait et cause pour Clinton, tout particulièrement lorsque ce dernier fut inquiété à juste titre pour avoir fait du Bureau Ovale le siège de ses orgies extra-conjugales. Il prit également un plaisir non feint à se faire décorer par Barack Obama dont il avait quelque peu ciré les pompes quelque temps auparavant à l'unisson des foules béates des bien-pensants...
Selon François Busnel, l'animateur TV de la Grande Librairie,  Philip Roth n’était pas un écrivain “engagé”. Heureusement…

Au plan littéraire, tout oppose également les deux écrivains dont la vision qu’ils donnèrent de leur pays et de leur société était des plus antinomiques.
S’agissant du talent de Roth, dont je ne peux juger pour ma part que par les traductions, il ne fait guère de doute. Mais s’il savait écrire, ce fut pour dire quoi ?
Les sujets qu’il aborda, et la manière de les traiter révèlent un conformisme épais, parfois graveleux, au service d’une littérature lourde comme du plomb. Depuis les égarements masturbatoires de son héros Portnoy jusqu’aux fantasmes libidineux du vieux professeur David Kepesh, beaucoup de complaisance et de racolage, et bien peu de profondeur sentimentale !

Au plan des idées, Roth est l’incarnation même de la mauvaise conscience de l’Amérique. On pourrait de ce point de vue le considérer comme un épigone du très oublié Théodore Dreiser, chef de file d’une lignée qui compta par la suite des gens comme Norman Mailer ou Russell Banks.
Disons le crûment, le catalogue des oeuvres de Roth donne l’impression qu’il n’eut qu’une idée en tête : démolir l’image trop radieuse d’une Amérique de progrès et de liberté. Il ne vécut en somme que pour remuer la fange avec une délectation morbide. Parfois même il inventa de toutes pièces des événements dont il aurait voulu se faire le contempteur. Il en est ainsi de la fable grotesque dans laquelle il imagine les Etats-Unis livré au délire nazi sous la férule de  l'viateur Charles Lindbergh.
La quasi totalité de l’oeuvre de Roth s’inscrit dans le registre éculé de la pseudo satire moralisatrice de gauche, de ce qu’il est convenu d’appeler le rêve américain. On peut égrener les titres, il en est bien peu qui échappe à ce moule idéologique, notamment parmi les plus connus: j’ai Epousé un Communiste, la Tache, Pastorale américaine, Complot contre l’Amérique...
En définitive le style de Roth, c’est l’alliage de concepts et de truismes à l’emporte-pièce, aussi pesants que dénués d’originalité, avec “l'extraordinaire sophistication des personnages, leur complexité psychologique et le détail apporté à leur comportement dans des situations banales de la vie...” (pour reprendre une expression de Laurent Bouvet dans le Figaro)

22 mai 2018

L'Europe c'est la paix !

A mesure que le temps passe, Donald Trump affirme non sans majesté son autorité et trace avec détermination le sillon qu’il avait prévu durant sa campagne électorale. Contrairement à ce que beaucoup de commentateurs prisonniers de l’instant ne cessent d’ânonner, ce chemin n’a rien d’incohérent, de capricieux ou de démentiel.


Dernier épisode en date, sa décision de remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien, qui fait tant glousser dans les chaumières.
Primo, le président américain ne fait là rien d’autre que concrétiser une mesure qu’il avait annoncé clairement durant sa campagne.

Secundo, elle répond à la menace représentée par un pays qui ne respecte quasi rien et sûrement pas les principes démocratiques de base. Il faut être aveugle pour ne pas voir l’empreinte de la république islamique un peu partout autour d’elle, et il faut être bien naïf pour imaginer sérieusement que les programmes nucléaires militaires soient abandonnés. Faut-il donc attendre qu’il soit trop tard pour agir comme en Corée du Nord ?


Face à ces enjeux dramatiques pour tout le proche Orient, on ne peut qu’être stupéfait d’entendre les arguments des hordes anti-trumpistes pour lesquelles, c’est certain, Washington ne s’opposerait à Téhéran que pour contrarier les intérêts européens !

Songez nous dit-on, qu’à cause des nouvelles sanctions que les Etats-Unis vont infliger à l’Iran, Total va devoir peut-être renoncer à un gigantesque contrat au profit des Chinois ! Pour un peu, le géant pétrolier, dont les bénéfices colossaux irritent d’habitude tant les bien pensant gaucho-écolo, deviendrait presque sympathique !


Réunis en sommet extraordinaire le 17 mai pour évoquer le problème insoluble des balkans, les dirigeants européens ont donné à cette occasion un bien piètre spectacle.

Chacun ou presque est monté au créneau pour condamner “avec la plus grande fermeté” l’attitude américaine, et a brandi la menace de mesures de rétorsion ou de contournement. On a même ressorti un vieux traité de 1996 destiné à s’opposer à l’embargo cubain. En dépit de son inefficacité totale (il n’a jamais été mis en oeuvre), on se fait fort de l’appliquer pour pouvoir continuer à commercer avec les Gardiens de la Révolution au nez et à la barbe de l’Oncle Sam.

Décidément, l’argent n’a pas d’odeur, mais son pouvoir d’attraction dépasse largement les grands principes moraux et l’éthique avec laquelle on nous bassine sans discontinuer ! On aurait dit une guilde de boutiquiers défendant ses petits intérêts commerciaux et ses rentes de situation.


Pareillement, lorsque Donald Trump ordonne le transfert de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, ce qu’il avait également annoncé avant d’être élu, et qui ne fait que se conformer à la décision de l’ONU de 1949, c’est le tollé. Tout le petit monde des couards, des poltrons et des pleutres jouent les vierges effarouchées, faisant mine de s’inquiéter de l’irritation qu’une telle décision pourrait provoquer dans le monde arabe. Hormis les légions enragées du Hamas, personne n’a bronché...


La seule question qui vaille est de savoir combien de temps ces petites faiblesses occidentales perdureront, pérennisant par la même cet interminable conflit. Faut-il encore des preuves de l’inefficacité d’une telle politique ?

L’Europe a raté une fois encore une belle occasion de montrer une vraie unité, un vrai dessein, et une perspective un peu plus élevée que celle d’un “syndic de copropriété” attaché à de sordides intérêts matériels. Le moins qu’on puisse dire est que M. Macron, dont je reprends ici à dessein la rhétorique, n’a pas brillé par son audace et son sens du tragique...


Illustration: Daumier, L'europe, c'est la paix !

09 mai 2018

Macron par Macron

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est sans doute ce qu’a pensé Emmanuel Macron en participant activement à l’édification de cette chronique d’une année passée au pouvoir, diffusée hier soir sur France 3.

Il est en effet difficile de nier le caractère quasi hagiographique de ce reportage, réalisé par un proche du président, et diffusé comme au bon vieux temps du gaullisme sur les ondes de la télévision d’État.

Mais plus que les images déjà vues et revues de la geste macronienne, les propos du chef de l’État, ponctuant ces séquences, révèlent davantage sur ses convictions et donnent la mesure de son tempérament. Et le moins qu’on puisse dire est que le style détonne face à l’ineffable médiocrité de son prédécesseur. On pourrait même considérer qu’il y a bien longtemps qu’on n’a pas entendu parler avec autant de liberté et de sincérité en France. Point de langue de bois ici mais un ton débridé pour aborder sur un ton à la fois grave et léger tous les problèmes de notre temps.

S’il ne fallait retenir que deux ou trois choses de ce film ce serait qu’Emmanuel Macron a une vraie ambition européenne, et un esprit pragmatique, ce qui n’exclut pas un sens aigu du tragique et de la solennité.
Sur l’Europe, son discours à la Sorbonne, comme l'a fait remarquer Alain Duhamel, fut à marquer d’une pierre blanche. Il faut en effet un certain courage pour défendre de nos jours l’idée d’une nation européenne, plus démocratique, plus souveraine et plus ambitieuse. Certes il y a des concessions un peu niaises à l’air du temps (la fumeuse taxe carbone et le renforcement de la fiscalité des GAFA). Certes, il manque l’affirmation du fédéralisme qui serait pourtant le ciment d’une vraie union. N’empêche, la vision du chef de l’État est bien éloignée de celle étriquée de "l’Europe des Nations", qu’on nous serine depuis des décennies. 

Se démarquant d'ailleurs de ses prédécesseurs, M. Macron affirme que lui « ne joue pas avec les cartes cachées ». Il fustige au passage l’idée qu’il suffise « de prendre un air intelligent » pour faire avancer les choses. de son point de vue, si le concept européen manque tant de crédibilité, c'est peut-être avant tout parce que les gens qui en parlaient jusqu’alors donnaient l’illusion "d’avoir un plan, qui en réalité ne venait jamais..." Non sans raison le Chef de l’État affirme « qu’on ne peut pas faire prendre aux gens un risque si on ne dit pas où on les emmène... »
Reste à savoir si ses discours vigoureux suffiront à chasser les vieux démons nationalistes et à redonner vigueur aux rêves inassouvis… 

L’esprit pragmatique, Emmanuel Macron le manifeste en s’attaquant sans vergogne aux symboles de l’immobilisme idéologique qui asphyxie le pays. Les lois que son gouvernement propose peuvent être jugées un peu pusillanimes, mais elles s’attaquent tout de même à des mythes qu’on croyait indéboulonnables. La SNCF, le code du travail, l’Education Nationale, la Sécurité Sociale, autant de vaches sacrées, de plus en plus efflanquées par l’incurie de leur gestion.
Le Président le dit, « la France n’est pas réformable ». Son histoire l’a pétrie de contradictions, « c’est un pays d’aristocrates égalitaires », où l’on veut des actions mais où l’on exige qu’elles préservent les principes et qu’elles ne remettent pas en cause les rentes de situation.
La meilleure démonstration de cette inconséquence et de cette mesquinerie, on la trouva dans les réactions offusquées de nombre de commentateurs, de politiciens et de syndicalistes, à son allusion au coup de rabot donné aux aides au logement.
Il fut pourtant savoureux et si juste ce moment où il s’éleva contre "les gens qui pensent que la France, c'est une espèce de syndic de copropriété où il faudrait défendre un modèle social qui ne sale plus, une république qui n’a plus d’odeur.../... et où l'on invoque la tragédie dès qu'il faut réformer ceci ou cela, et qui pensent que le summum de la lutte, c'est les 50 euros d’APL. Ces gens-là ne savent pas ce que c'est que l'histoire de notre pays..."

A ces batailles lilliputiennes, M. Macron oppose le sacrifice sublime du colonel Beltrame, symbole selon lui de l’esprit de résistance et d’un amour absolu de la liberté, de la fraternité, et de l’égalité réelle. On peut en l’occurrence trouver qu’il fait preuve d’un opportunisme un peu déplacé voire entaché d’angélisme, car les gendarmes ne sont pas supposés servir de martyrs. Mais on ne peut qu’adhérer à son propos lorsque visant les actes terroristes et la radicalisation de certains rebelles au système, il ajoute qu’on aurait tort de "laisser le tragique et l'absolu à des idéologies non démocratiques."
M. Macron voudrait redonner une dimension tragique à la démocratie. Selon lui, à l'instar de Roméo et Juliette, sans obstacle, sans drame, il n’y aurait pas d’amour (il en sait sans doute quelque chose...). Il fait même sienne la tirade d’Orson Welles dans le Troisième Homme,  comparant le fabuleux épanouissement artistique de l’Italie pendant le règne sanguinaire des Borgia, au chemin tranquille suivi par la Suisse qui n’aurait abouti qu’au Cuckoo Clock…
S’il paraît essentiel pour nos démocraties qu’elles prennent un peu de hauteur spirituelle et qu’elles affermissent leurs ambitions et leur détermination face aux extrêmes, le drame ne leur est toutefois pas consubstantiel, et la Suisse, pays paisible s’il en est, n’en est pas moins prospère, responsable et heureux. Que demander de mieux ?


Pour l’heure, ce film montre que M. Macron a redonné à la fonction présidentielle, du panache et de la respectabilité. Son discours est simple et il semble sincère. Le personnage n’est pas débarrassé de toute contradiction mais il a acquis une vraie stature internationale et entamé des réformes pour moderniser la France, ce qui n’est pas si mal en un an. 
Il n’a peut-être pas dit son dernier mot. Tant mieux, car comme le fait remarquer le journaliste helvétique Richard Werly, s’il s’agit d’une année de réussites, aucune des colères n'est apaisée, et la France a besoin de calmant...