30 septembre 2021

Choses vues en Absurdie

On a vu que le ministère de la culture en est réduit à inaugurer les échafaudages “artistiques”
On sait dorénavant que celui de l’écologie a pour mission d’annoncer les hausses de tarif de l’électricité ! Et pas des moindres: 12% à compter de février prochain !
Les tarifs du gaz viennent de faire quant à eux un nouveau bond de 12,6%, soit 57 % d’augmentation depuis janvier.

Naturellement, selon madame Pompili, ce n’est pas la faute du gouvernement, mais “à cause du fonctionnement du marché de l'énergie européen” qui fait paraît-il, que “les prix du gaz influent mécaniquement sur ceux de l'électricité…” Tout est en tout et réciproquement, au fond.
Jean Castex se croit quand même obligé d’intervenir en catastrophe, à la manière des carabiniers, pour assurer qu’il n’y aura plus de nouvelle augmentation (sous-entendu avant la prochaine) et il promet même un “bouclier tarifaire” et un chèque énergie aux plus modestes. Éternelle démagogie...

Réfléchissons. Donc la fermeture de centrales nucléaires, les investissements massifs dans l'éolien, la gestion à fonds perdus d'EDF ne seraient pour rien dans la hausse des prix ? Et s'agissant du gaz, qui dépend pour 40% des approvisionnments Russes, les mauvaises relations de l'Europe avec Poutine et les sanctions idiotes qu'on lui inflige, non plus ?

C’est peu de dire que les écologistes ont raté à peu près tous leurs objectifs (marées noires, ferroutage, énergies renouvelables, recyclage des déchets, propreté des villes…), mais ils continuent de plus belle à faire la leçon selon le bon vieux principe du “faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais…”
Ils ont chamboulé avec leurs réglementations ubuesques le marché automobile, condamnant sans appel tout d’abord le diesel, puis poussant frénétiquement les constructeurs à produire des véhicules électriques (pour lesquels on ne sait pas trop comment on va produire l'électricité, ni comment on va fabriquer les batteries, et encore moins comment on va les recycler...). 

Anticipant les menaces d’interdiction des voitures diesel dans les grandes villes, j’ai eu la faiblesse de troquer mon auto contre un modèle essence, et je me suis aperçu que je consommais à puissance égale, deux litres de carburant de plus aux cent kilomètres ! Et bien qu’arborant fièrement une vignette crit’air de niveau 1, je dus m’acquitter d’un malus punitif. Allez comprendre….

En matière de chauffage individuel, on ne compte plus les foyers qui, faisant confiance aux recommandations gouvernementales, ont opté pour les pompes à chaleur air-eau, et qui se retrouvent avec des factures d’électricité dépassant les 200€/mois. Ils avaient souvent été alléchés par les mirifiques primes, mais avaient vite déchanté en voyant le reste à charge, s’élever à plusieurs milliers d’euros (c'est à dire bien plus que les plus modernes chaudières à gaz ou bien à fioul). Au bout de quelques mois, ils comprennent vraiment leur douleur lorsque leur appareillage très complexe tombe en panne. La plupart des pièces sont d’origine étrangère, souvent chinoise, et en rupture de stock, paraît-il à cause du COVID...
Quant à ceux qui vendent leur logement, il doivent passer sous les fourches caudines de la procédure diagnostique supposée éclairer de futurs acquéreurs. Passons sur la recherche de plomb dans les peintures, qui occupe les experts pendant plusieurs heures, à passer leurs détecteurs dans tous les recoins. Tout le monde se moque du résultat…
Le plus sympathique est le fameux DPE (diagnostic de performance énergétique) dont les critères répondent à de mystérieux algorithmes, et dont les modes calculs changent tout le temps. Autrefois basés avant tout sur la consommation énergétique, ils font, depuis la mouture de juillet dernier, la part belle (si l’on peut dire) à la production de CO2. Mais le résultat est tellement délirant que le gouvernement vient de décréter un moratoire pour les logements antérieurs à 1975. Merci pour ceux qui viennent de payer un diagnostic totalement inutile...
Enfin, ceux qui ont le malheur d’habiter à la campagne et qui ne disposent pas d’un assainissement par le tout-à-l’égout, ont bien souvent la désagréable surprise d’apprendre que leur installation, quoique fonctionnant très bien, est non conforme aux canons normatifs et se voient contraints de la refaire en totalité, sous un délai d’un an s’il s’agit d’une acquisition !
Le mieux étant l’ennemi du bien, nombre de Français sont ainsi sommés de tendre à la perfection par un État inconséquent et négligent quant à l’entretien de ses biens.

Edouard Philippe, ancien Premier Ministre, propose d’augmenter l’âge de départ en retraite pour réduire un peu la dette (dont il a largement contribué à creuser le trou…)

Enfin, Nicolas Hulot, chantre de la correction politique, et généreux dispensateur de moraline a été pris à partie par des féministes. Juste retour de balancier….

21 septembre 2021

L'art de l'emballage

L'Arc de Triomphe est empaqueté ! Succulent symbole d'une société en manque d'inspiration, blasée, lassée de tout, prête à toutes les folies pourvu qu'elles soient originales, et peu importe qu’elles soient vaines, et dispendieuses !
Pour réaliser ce chef-d'œuvre de l’absurdité triomphante, on a fait appel, avec la bénédiction des Pouvoirs Publics, à pas moins de mille ouvriers dont une brigade d’alpinistes, qui ont déployé 2500 m2 de toile synthétique et 3 kilomètres de cordes ! Tout ceci a coûté la bagatelle de 14 millions d’euros, sans débours paraît-il d’un seul centime d’argent public...
L’installation gigantesque pourra être admirée par les badauds du 18 septembre au 3 octobre.
On cherche vainement une symbolique artistique à ce gros chantier.
Faut-il voir dans cette monstruosité, une allusion aux pratiques sadomasochistes qui consistent à se faire ligoter et bâillonner pour éprouver du plaisir ? Est-ce la célébration du voile qui sert à cacher tant de vérités et qu’on voit à l'œuvre dans certaines contrées rétrogrades pour asservir si ce n’est nier la condition féminine ? Est-ce tout simplement le signe qu’on attache désormais plus d’importance au contenant qu’au contenu, à la forme qu’au fond, au flacon qu’à l’ivresse ?

Nos dirigeants sont quant à eux tout simplement emballés par l’initiative.
Il se sont empressés de rendre hommage à ce qui incarne si bien l’inanité de leurs promesses et beaux discours (car de conviction et d’action, chacun sait qu’il n’y a plus…). 
L’inénarrable Roselyne Bachelot planait dans un état second. Elle déclara avec un sérieux pontifical, “qu’il s’agissait d’un formidable présent aux Parisiens, aux Français et au-delà, à tous les amateurs de l'art”. L'empaquetage de l'Arc de Triomphe, ajouta-t-elle, “introduit dans notre espace des métamorphoses douces pendant quelques jours”. Plus fort encore: “Je reçois ce geste monumental comme un appel à la liberté!”
Comment peut-on parvenir à ce niveau de sottise quand on occupe une fonction comme la sienne, that is the question. Sans doute est-ce la preuve irréfragable que le ministère de la culture ne sert vraiment à rien...
M. Macron était sur le même petit nuage lorsqu’il déclama son extase: “c'était un rêve fou et vous l'avez accompli !”, un projet “qui ne coûte rien au contribuable et qui participe du rayonnement de la France!”
On l’a vu plus sévère avec les malheureux athlètes de retour du Japon, couverts de médailles, qui se sont pourtant vus sermonner au motif que la moisson était, aux yeux du guide de la Nation, insuffisante ! Il reste beaucoup plus discret en revanche pour commenter le colossal fiasco de notre politique internationale, dont il est pourtant pleinement responsable, à l'occasion de la rupture, en apparence inattendue, du “contrat du siècle” avec l’Australie, qui fait prendre conscience une fois encore, que la France s’est enfermée dans un orgueil suranné, pendant que le monde se fait autour d’elle...

14 septembre 2021

Comités de Censure

L’époque est à la déraison réglementaire, le constat n’est pas nouveau. Aujourd’hui c’est le domaine de l’information qui est touché par la manie ubuesque de tout contrôler, de quadriller l’espace de la réflexion et du débat, et de décréter ex cathedra ce qu’il est loisible d’exprimer ou de penser.
Eric Zemmour en fait les frais. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), nouveau ministère de l'information en quelque sorte, a décidé d’encadrer autoritairement son temps de parole dans les médias, actant donc le fait qu’il est devenu un homme politique, et non plus un simple journaliste, éditorialiste, commentateur, observateur, historien...
Peu importe qu’il ne se soit déclaré d’aucun parti politique et candidat à aucune élection, pour les auto-prétendus sages “supérieurs” tout se passe comme s’il l’avait fait. Qui parmi les vertueux défenseurs des libertés va s’insurger contre cette oukase délirant ?
Le polémiste tombe dans la nasse qui le guettait depuis longtemps. Il a été contraint de quitter illico son siège de chroniqueur sur la chaîne CNews, laquelle est également dans le collimateur du CSA en raison de ses plateaux paraît-il politiquement pas assez équilibrés. On dira qu’il l’a sans doute un peu cherché à force de narguer les bien pensants, mais la décision de le museler n’en apparaît pas moins sectaire, absurde et inique.
A l’heure où les canaux d’information foisonnent, qui peut encore prendre au sérieux cette assemblée de censeurs au petit pied, payés par le Trésor Public pour décortiquer à la minute près l’expression de chaque personne politique. Trois cents fonctionnaires attelés à une tâche stupide et totalement inefficace,  qu'ils exercent avec un zèle sinistre, voilà ce que notre pauvre pays est toujours capable de financer, malgré ses dettes astronomiques.
Le CSA n’en est pas à son coup d’essai. On sait qu’il surveillait de près Thierry Ardisson, Cyril Hanouna et consorts, lesquels ont eu droit à de nombreux avertissements. Le Comité avait interdit, sans aucune raison compréhensible, la diffusion en clair de la petite chaîne Paris Première (Tiens, Zemmour intervient également sur ses plateaux…).
Y aurait-il des pressions politiques dans les décisions du CSA, on voudrait ne pas y croire, mais la révélation tout récente faite par Christine Kelly, aujourd’hui animatrice sur CNews, mais ex-membre de l’assemblée, est bien troublante. Elle affirme que le CSA a, il y a quelques années, été l’objet de pressions “venant de gauche”, pour censurer Eric Brunet, autre journaliste politiquement incorrect
Tout cela commence à faire beaucoup, surtout quand on connaît la mansuétude des chronométreurs de temps de parole vis-à-vis des chaînes publiques, outrancièrement partisanes… 
Bref, c’est décidément un sale temps pour la liberté d’expression. Les réseaux, qu’il est convenu d’appeler “sociaux”, tels Twitter, ou Facebook, eux-mêmes se croient obligés de censurer et d’excommunier en fonction de critères pour le moins discutables. On réduit au silence le président de la plus grande et ancienne démocratie au monde mais on laisse pérorer les agités du turban qui font régner la terreur en Afghanistan et ailleurs. Après avoir mis au pas le débat d’idées contemporain, au nom de la Cancel Culture, on fait table rase du passé. On abat les statues, on débaptise les rues, les établissements publics… Au Canada, on brûle les livres jugés déviants, comme au Moyen-Age. Ce monde est décidément fou !

08 septembre 2021

Lettre de Lord Chandos

Stefan Zweig fit beaucoup pour populariser  Hugo von Hofmannstahl (1874-1929) qui fut son contemporain et dont les poèmes juvéniles relevaient selon lui “d’un des grands miracles de précoce perfection.”
Le hasard m’a fait aborder l’écrivain par un petit ouvrage bouleversant, d’une trentaine de pages à peine, en forme de lettre* - imaginaire naturellement - “que Philipp lord Chandos, fils cadet du comte de Bath, écrivit à son ami Francis Bacon, pour s’excuser d’avoir renoncé à toute activité littéraire...”

Lorsque Hofmannstahl publie ce texte en 1902, à 28 ans, son œuvre poétique est achevée pour sa plus grande partie. Heureusement, il ne cessera pas pour autant d’écrire, mais quelque chose s’est passé dans son esprit qui lui fait prendre conscience de la vanité du langage, et pour une moindre part, de l’existence.
L’auteur relate ainsi “les tourments intellectuels” qui l’assaillent et réduisent son inspiration à l’impuissance. Il se désole de “ces branches chargées de fruits qui remontent brusquement chaque fois que je tends les mains, cette eau murmurante qui se retire devant mes lèvres assoiffées…”
Il constate que malgré tous ses efforts, aucun mot ne semble exprimer la réalité objective. Pire, autour de lui, tout semble “dépourvu de preuves, mensonger, fuyant de partout”.
Comment dès lors exprimer ce sur quoi, on n’a pas de prise ? Et dans quelle langue, sachant que celle “dans laquelle il m’aurait peut-être été donné non seulement d’écrire, mais aussi de penser, n’est ni latine, ni l’anglaise, ni l’italienne, ni l’espagnole, mais une langue dont aucun des mots ne m’est connu ?”

Etrangement, cette missive aux accents désespérés, n’est pas dépourvue d’une certaine quiétude. L’auteur manifeste même un tranquille détachement devant la fatalité qui lui fait perdre “la faculté de penser ou de parler de façon cohérente, sur quoi que ce soit.” Il est en effet envahi par “une sorte de pensée fébrile, faite d’un matériau qui est plus immédiat, plus fluide, plus incandescent que les mots”. Ce sont ajoute-t-il “des tourbillons, mais à la différence de ceux de la langue, ils n’ouvrent pas, semble-t-il, sur le néant mais conduisent d’une certaine façon en moi-même et au cœur de la paix…”
En définitive, lui qui avait des projets pleins la tête et qui dévorait toute littérature avec un appétit d’ogre se résigne à ne plus rien lire, ni dire, ni écrire.

Cette étonnante confession recèle une symbolique foisonnante. Elle rejoint notamment celle de Rimbaud, qui parvenu au plus loin de ses “Illuminations” et après avoir relaté de manière visionnaire sa “Saison en Enfer”, mit un terme brutal et irrémédiable à son œuvre littéraire.
Faut-il comprendre qu'après avoir exploré le monde des mots et de la poésie jusqu’aux confins du langage, se profile le vide incommensurable de l’inexprimable ?
On pourrait également faire le rapprochement avec d’autres formes d’expression artistique. La musique par exemple qui dans son acception classique a tout à coup basculé dans l'abîme stérile des délires sériels ou dodécaphoniques. La peinture également, qui au terme du vertige impressionniste, puis symbolique, sombra corps et biens dans l’abstraction la plus confuse, voire l’anéantissement monochrome de Klein, ou achromique de Soulages.

On pourrait enfin faire un parrallèle avec l'absurdité des rhétoriques idéologiques dans lesquelles se fracassa le vingtième siècle, et avec l'inanité de la jargonomanie qui est la marque de notre époque, et dans laquelle se délite en douceur la liberté et le bon sens. On pourrait percevoir le drame de nos sociétés, tentant de conjurer par une pléthore de lois et de normes leur impuissance à résoudre avec pragmatisme les problèmes qui se posent à elles, et qui se perdent dans une vaine logorrhée bureaucratique, stupidement bien intentionnée. L'avènement du parler pour ne rien dire, en quelque sorte...

Mais on pourrait aussi, si l’on est optimiste, penser à Baudelaire, qui dans son splendide poème Elévation, invoqua lui aussi, à sa manière si limpide, l’ivresse de l’indicible :
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins
Celui dont les pensées comme des alouettes
Vers les cieux le matin prennent un libre essor
Qui plane sur la vie et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes...
 
* lettre de Lord Chandos Hugo von Hofmannstahl. Edition Bilingue. Rivages poche éditeur/Petite Bibliothèque