18 août 2025

Pour Boualem Sansal 1

La faiblesse avec laquelle la France a réagi à l'innommable emprisonnement en Algérie de Boualem Sansal relève de l'abjection. Comment qualifier autrement l'apathie de notre pays face à ce qu'il faut bien considérer comme une injustice flagrante, un acte arbitraire manifeste, et vis-à-vis de notre pays comme un camouflet ou pire, comme un crachat jeté au visage ?
La mesure de la réaction française fut donnée par Emmanuel Macron, qui pour toute sanction se borna à déclarer le 6 janvier 2025, que par cet acte, l'Algérie “entre dans une histoire qui la déshonore…”
Le même qui affirmait en évoquant la menace russe, qu’il fallait être craint pour être libre, s’aplatit comme une limande face au tyranneau méditerranéen qui le nargue.
Cela signifie en effet, de la part de notre gouvernement, l’abandon pur et simple d'un écrivain, francophone de surcroît, dont la respectabilité tient au nombre de prix qu’il reçut pour ses œuvres et à qui fut accordée la nationalité française en hommage à son talent, à la hauteur de sa pensée et en reconnaissance de l’amour immense, qu’il a maintes fois clamé, pour la France.

Aujourd'hui, il est traité plus bas que terre par le pays qui l'a vu naître, et considéré comme insignifiant par celui qui l'avait adopté, occulté même par ceux qui le couvraient il y a peu, d’honneurs et de louanges. Son triste sort révèle la nature totalitaire de l’Algérie, mais aussi la bassesse affligeante de politiciens au courage de poltrons et au cœur de caillou. Prolixes en discours emphatiques, ils s'enfuient devant l'obstacle, inscrivant par leur lâcheté une honte inextinguible au fronton de notre république déjà décatie. Près d’un an après son incarcération scandaleuse, Boualem Sansal est quasi oublié. Deviendra-t-il une énième victime de l’interminable tragédie franco-algérienne ?

Il est vrai que l’écrivain s’est souvent fait imprécateur, ne lésinant pas sur les provocations. Les médias ont largement relaté les critiques acerbes qu’il adressait régulièrement aux dirigeants de son pays et même aux nôtres, n’hésitant pas à affirmer haut et fort à maintes reprises au sujet de l'État algérien qu’il s’est constitué en oligarchie mafieuse qui se développe avec la protection de la France.
Son retour en Algérie après avoir émis d’aussi lourdes accusations, peut faire dire à certains qu’il s’est en toute connaissance de cause jeté dans la gueule du loup.
Mais pour sévères et téméraires qu’ils fussent, ses propos ne méritaient sûrement pas la mise au cachot et s’il est permis de voir quelque chose de positif dans son emprisonnement, c’est qu’il prouve en quelque sorte qu’il avait raison. On peut en l’occurrence penser au drame vécu en d’autres temps et en d’autres lieux mais pour des raisons comparables par Soljenitsyne.

Je ne connaissais l'homme que de réputation et pour ce que j'en avais vu lors d'émissions et d'interviews télévisées.
Je me suis empressé, avec certes un peu de retard, de plonger dans sa littérature, m'enrichissant de la lecture de trois de ses nombreux ouvrages : Poste restante : Alger (2006), 2084, la fin du monde (2015) et le dernier en date : Le français, parlons-en (2024).
Ces livres apportent un éclairage original sur quelques-unes des problématiques très prégnantes dans l'expression de sa pensée. Pour ce faire, l’auteur a fait appel à trois genres différents : lettre ouverte pour le premier, roman pour le second, essai pour le troisième. Et pour nourrir la réflexion, il a mis trois sujets brûlants sur le métier. En premier lieu, le mal endémique et en apparence incurable qui ronge l’Algérie depuis des décennies. Suit une réflexion sur l’absolutisme d’une religion conquérante, écrasant tout dans son extension, notamment la liberté, l’esprit critique et celui des lumières. Et pour finir, le questionnement sur l'essence de la langue française et son positionnement actuel et futur de part et d'autre de la Méditerranée.

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