18 septembre 2007

Poncifs et idées reçues


L'Académie de Médecine vient de rendre public un rapport sur les causes du cancer en France. Il démolit nombre d'idées reçues, qu'on entend bien souvent colportées depuis quelques années, sans vrai fondement scientifique.

D'abord, il affirme que la mortalité par cancer est en diminution (-13% entre 1968 et 2002). Il s'agit d'une bonne nouvelle en soi, qui contredit de manière cinglante les sombres prédictions des experts en sinistrose.

Ensuite il remet de l'ordre au sujet des facteurs favorisant la survenue de ces affections. Si près de la moitié des tumeurs restent d'étiologie incertaine, l'écrasante majorité des autres relèvent de causes plutôt triviales, impliquant tout simplement la responsabilité individuelle : tabagisme et alcoolisme avant tout, obésité, sédentarité, exposition excessive au soleil. Il évoque également le rôle de certains agents infectieux notamment viraux et celui de toxiques professionnels. Mais, au grand dam des sermonneurs, la pollution n'intervient que pour 0,5% des patients !

Cela rappelle la polémique survenue il y a quelques années au sujet de la mort des abeilles, que des ratiocineurs bornés mettaient arbitrairement sur le dos des fabricants de pesticides. Aujourd'hui on sait que ce phénomène est beaucoup plus complexe, et on s'oriente avant tout vers une cause virale !
Cela rappelle également les vitupérations du Professeur Belpomme, oncologue très médiatique, en 2004, à propos des méfaits de la pollution. Je reprends l'analyse que j'en avais faite pour la revue DH Magazine :

C’est désormais une mode que d’accuser la société moderne de tous les maux dont souffre l’Humanité. Du terrorisme à la canicule en passant par la mort anormale des abeilles, à l’évidence, il n’y a qu’un seul coupable, le Progrès !

La croisade virulente lancée par Philippe de Villiers en faveur des hyménoptères, n’est probablement pas exempte de calcul politique. Les jérémiades bruyantes mais confuses des altermondialistes non plus. Pour autant, il ne sont pas les seuls à excéder les limites de la bienséance. Le pamphlet tonitruant au sujet des « maladies créées par l’homme » du Professeur Belpomme s’inscrit dans l’outrance, tant il contient d’approximations, de contrevérités et d’incitations à la panique, indignes d’un homme de science.
Ce médecin oncologue ordonnateur nous dit-on du « Plan Cancer » promu par le président Chirac, place son propos dans le champ du catastrophisme le plus noir. Il n’annonce en effet rien moins que la fin de l’humanité à l’horizon 2100 et fait notamment de la pollution la cause première des maladies tumorales !
Curieusement, ces propos alarmistes sont en contradiction flagrante avec ceux d’un autre grand spécialiste le Pr Khayat, présenté lui, comme « Conseiller permanent de la Mission interministérielle pour la lutte contre le cancer ». Dans un récent ouvrage, ce dernier déclare en effet avec enthousiasme que : « Les progrès accomplis dans la recherche contre le cancer, les avancées thérapeutiques sont devenus tels qu'ils ouvrent devant nous, sans aucun doute permis, de merveilleux chemins vers l'espoir. »
Alors qui croire ? Doit-on faire confiance à des experts aussi antithétiques ?
Le tableau brossé par le Pr Khayat est peut-être un peu trop idyllique, mais à bien y regarder, les arguments dont use et abuse le Pr Belpomme apparaissent hautement discutables, voire partisans et idéologiquement très marqués.
Son constat est caricatural. Il affirme gravement que les maladies cancéreuses sont « en augmentation dans tous les pays industrialisés ». Sur 150.000 décès annuels par cancer en France, il en impute 30.000 au tabac, et « une très grande partie » des 120.000 restants à « à la dégradation de l’environnement » !
On chercherait vainement des preuves tangibles à ces énormes affirmations. L’augmentation du nombre de cancers depuis quelques décennies a quelques raisons simples : accroissement de la population, vieillissement progressif et mise en œuvre de moyens de dépistage précoce.
Mais derrière cette recrudescence apparente, se cache en réalité le déclin de certaines tumeurs, particulièrement celles dans la genèse desquelles l’alimentation est susceptible de jouer un rôle important : l’estomac et l’œsophage.
Au surplus, contrairement à ce qu’insinue le Professeur Belpomme, la mortalité a commencé de décroître dans beaucoup de pays, au premier rang desquels figurent les USA qui furent les premiers à mettre en œuvre de vraies mesures préventives. La baisse y est particulièrement sensible pour les cancers les plus fréquents : poumon, prostate, côlon, sein.

Si l’on s’attache enfin à analyser les causes des maladies tumorales malignes, on ne saurait mélanger les certitudes et les hypothèses. Chacun sait que les deux principaux toxiques pourvoyeurs en cause restent le tabac et l’alcool, dont la consommation n’a cessé de croître jusqu’à ces derniers mois. On peut également s’interroger avec inquiétude sur le nombre croissant de cas de mélanomes, provoqués par le bon vieux soleil dont les vacanciers sont si friands.
On invoque souvent les facteurs environnementaux dans le développement inquiétant de certaines tumeurs dont les lymphomes. Bien qu’il ne soit pas possible d’éluder la responsabilité potentielle des pesticides, cette hypothèse est loin d’être vérifiée à ce jour. En revanche les arguments sont nombreux pour accuser les facteurs génétiques et les agents infectieux. La liste est longue des microbes impliqués avec certitude dans les prolifération tumorales : papillomavirus, HTLV1, VIH, herpès, Epstein-Barr, hépatites B et C, helicobacter, campylobacter…
Enfin, la médecine elle-même n’est pas innocente. On estime entre 700 et 1000 par an, les cancers causés par les examens radiologiques ! Et nombre de médicaments se sont avérés cancérogènes, parmi les traitements hormonaux ou immunosuppresseurs. Or ces derniers sont de plus en plus souvent utilisés pour soigner les maladies tumorales elles-mêmes, les affections auto-immunes ou encore comme thérapeutiques « anti-rejet » des greffes d’organes.
La prudence doit être naturellement la règle avant de commercialiser de nouveaux produits chimiques. Il est excessif pourtant de prétendre que rien ne soit fait, même si notre pays a du retard par rapport à d’autres. En tout état de cause, accuser comme on le fait souvent avec beaucoup d’a priori, le système « ultra-libéral », ou la collusion de l’Etat et des grands trusts agrochimiques relève du délire obsessionnel et n’est assurément pas très constructif. Les pays ayant fait le choix d’économies planifiées par l’Etat furent par le passé montrés du doigt en raison de leur mépris total de l’environnement. En France, les principaux scandales récents touchant à la santé publique (sang contaminé, hormone de croissance, vache folle) n’ont pas permis de disculper les instances officielles soi-disant indépendantes…

En matière de solution, sauf à refaire la révolution anti-capitaliste, les propositions sont maigres. Le professeur Belpomme, affirme que : « l’agriculture bio doit être soutenue économiquement ». En dehors du charme passéiste des traditions, il n’existe pourtant guère d’arguments plaidant pour la supériorité du « bio », si tant est qu’on puisse lui donner une définition claire. Au contraire, on connaît depuis longtemps le rôle cancérogène de nombreux produits naturels. Parmi les plus connus figurent l’aflatoxine et la patuline, sécrétées par des moisissures telles que les pénicillium et aspergillus contaminant régulièrement les pommes et autres fruits et légumes.
Il y aurait bien une solution pour éviter autant que faire se peut d’employer des pesticides et insecticides, ce serait de recourir aux OGM, mais je crains que pour beaucoup de gens dans notre pays, le remède n’apparaisse pire que le mal ! Pourtant si le choix leur était laissé, il y a fort à parier que les abeilles ne se tromperaient pas…

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