25 juillet 2015

Vincent, François, Paul et les autres



Par une curieuse coïncidence, et une quasi homonymie, l'affaire qui secoue les médias depuis quelques mois rappelle celle qui fit également grand bruit en 2003, à propos de l'infortuné Vincent Humbert.
Aujourd'hui c'est de Vincent Lambert dont tout le monde parle, mais derrière ces deux tragiques histoires, se profilent les mêmes terribles problèmes éthiques et chaque fois le spectre de l'euthanasie apparaît en filigrane.

A chaque épisode en effet, un petit pas est fait en direction de cette extrémité, dont on nous rebat les oreilles et au sujet de laquelle les médias raffolent de sonder l'opinion publique.
De son côté, le législateur, toujours prompt à pondre de la paperasse réglementaire, peaufine sans cesse les textes en forme d'usine à gaz juridique, d'où sortira tôt ou tard The Big One...
Après la loi Leonetti et ses multiples et savantes retouches tournant autour du pot, il ne reste en effet plus grand chemin à parcourir pour parvenir comme certains pays l'ont déjà fait, à un texte légalisant la mise à mort des malades en situation qualifiée de désespérée.

Pourtant, la complexité du problème plaide à l'évidence pour la grande humilité en la matière.
A l'époque de Vincent Humbert, on excipait de la volonté exprimée par le patient, pour légitimer les mesures médicales conduisant au décès. Même si vu le contexte, la réalité de ce choix et la liberté dans laquelle il a pu s'effectuer étaient plus que discutables, dans l'absolu, c'était un argument de poids.
Vincent Lambert lui, plongé dans un état pauci-relationnel, n'est pas en état d'exprimer sans ambiguïté une telle décision et n'a pas eu l'occasion de le faire tant qu'il le pouvait. Seul l'entourage familial le plus proche pourrait donner une indication. Or c'est peu dire qu'il est partagé sur la question : il se déchire littéralement ! 
Une partie de la famille, jugeant la situation absurde, souhaite l'abréger au plus vite , l'autre s'accrochant à la vie, est arc-boutée sur le maintien des soins.
Mais au fond personne ne parvient à imposer son point de vue. Après tout, la conviction des uns vaut bien celle des autres, et en l'occurrence, même la justice est mise en défaut. Ce n'est pas faute pourtant de l'avoir sollicitée. Tribunal Administratif, Comité d'Ethique, Conseil d'Etat et même Cour Européenne ont été saisis du problème sans parvenir à le résoudre à ce jour !

On voit bien ici les limites de la raison raisonnante. Aucune argutie juridique, aucun fait scientifique ne peut apporter une contribution à un débat qui se situe à la lisière de la foi et de la métaphysique. La morale, qu'on appelle désormais éthique et pour laquelle on fait de pompeux comités, résiste à la logique matérialiste. Comme le faisait remarquer Kant pour évoquer la faillite du raisonnement en matière de métaphysique : dans le vide, l'oiseau, même doté des plus belles ailes, tombe comme une pierre...

Dans cette situation ambiguë où un patient se trouve à mi chemin entre la vie et la mort, tout est possible. Comment définir un repère intangible dans le continuum qui relie l'absence totale de conscience et sa plénitude ? Et dans le doute, comment refuser un minimum de soins à quelqu'un qui fut et qui reste une personne humaine, même si elle est considérablement diminuée et en situation de grande vulnérabilité ?
S'il apparaîtrait à l'évidence stupide de promouvoir pour Vincent un acharnement thérapeutique sans objet, faut-il pour autant proposer de le laisser mourir de faim et de soif comme cela fut proposé « éthiquement » et « collégialement » puis validé « juridiquement » ? Et comme on l'a vu mener jusqu'au bout pour Terry Schiavo aux Etats-Unis en 2005.
Est-ce cela, l'aboutissement de la médecine et de la morale modernes ?

Toute considération religieuse mise à part, cette perspective ne manque pas d'effrayer. Pour ce malheureux patient avant tout, mais aussi pour tous ceux qui sont derrière lui, et qui seraient d'après ce qu'on nous dit, pas moins de 1700 en France.

Ce qui frappe de nos jours, c'est ce grand vide moral autour duquel nous tournons désespérément. Face aux enjeux considérables auxquels nos sociétés sont confrontées, force est de faire le constat que l'opinion végète entre lieux-communs moutonniers, contradictions et hypocrisie.
Parmi les paradoxes étonnants figure par exemple celui où l'on voit une société fière d'avoir aboli la peine de mort pour les criminels les plus odieux, promouvoir dans le même temps pour les citoyens malades, le suicide assisté et l'euthanasie légale, et recommander pour ceux qui risquent de le devenir, les directives anticipées d'arrêt ou de limitations de soins...

2 commentaires:

claude a dit…

je ne reconnaitrai jamais à PERSONNE le droit de décider quand ,ma vie deviendrait indigne
ce qui est indigne aux yeux de certains peut être précieux pour moi
ne pas confondre la souffrance du spectateur avec celle du patient
cette dernière doit être surmontée par tous les moyens, encore faut-il donner ces moyens

Cette rage compassionnelle exterminatrice fait froid dans le dos

extrasystole a dit…

Pour avoir personnellement fait la grève de la faim, ne pas manger pendant 15 jours est tout à fait supportable et voyant que je pouvais toujours marcher au pas en chantant la Madelon, je décidais d’arrêter de boire. Et là c'est autre chose; après douze heures sèches la souffrance était indescriptible et je ne pus tenir. Infliger cela à un malade dont on ne sais s'il reste un minimum de conscience est tout simplement effrayant.