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12 juillet 2011

Crise : de Charybde en Scylla


Le dernier vol de la navette spatiale américaine s'inscrit dans l'actualité comme une sorte de majestueux point d'orgue, au terme d'une époque d'aventures, de conquêtes et de rêves. Mais son panache de fumée blanche prend aussi en quelque sorte la forme d'un gigantesque point d'interrogation sur l'avenir.
La Crise économique n'en finit pas d'empoisonner depuis quelques années maintenant le cours du Monde. Et en dépit d'embellies passagères, les perspectives restent plutôt sombres, hélas.

Les Etats-Unis sont dans une situation critique. Si une solution n'est pas trouvée avant le mois d'août prochain, l'Etat Fédéral ne pourra plus emprunter, et certains services publics pourraient cesser de fonctionner...
Il faut dire que la dette, galopante, vient de dépasser à ce jour la somme astronomique de 14.000 milliards de dollars, avoisinant la valeur du PIB, et que rien ne semble pouvoir enrayer sa progression vertigineuse. La politique de relance massive d'inspiration keynésienne entreprise par le président Obama a littéralement fait exploser les dépenses publiques. Alors que leur niveau se situait déjà depuis plusieurs années en dessus de celui des recettes, les courbes s'écartent de plus en plus.
Pour l'heure, le système de contre-pouvoirs dont est doté le pays réagit abruptement, et l'opposition républicaine, forte de sa majorité à la Chambre des Représentants interdit purement et simplement toute dépense supplémentaire, en l'absence d'un vrai programme d'économies de la part du gouvernement fédéral.
Déjà dans le Minnesota l'impasse budgétaire manifeste ses premiers effets : certaines administrations sont fermées et des fonctionnaires ne sont plus payés (Economist).

En Europe, la situation n'est pas meilleure. C'est même un inexorable tourbillon qui semble devoir entraîner vers l'abîme, les unes après les autres toutes les économies. Alors que le problème grec est loin d'être résolu, l'incendie continue de se propager. Irlande, Portugal, Espagne et maintenant Italie donnent d'inquiétants signes de faiblesse. Avec 1900 milliards d'euros d'endettement, ce qui représente 120% du PIB, cette dernière est en passe d'ajouter un nouveau fardeau, peut-être insupportable, à la Communauté Européenne. La capacité de remboursement de l'Etat est quasi dépassée (le gouvernement italien ne projetait cette année de combler le gouffre, qu'à hauteur de 80 petits milliards d'euros). Corollaire inéluctable, la confiance est en train de s'effriter...
Les plans de sauvetage se suivent, mais la valse des milliards d'euros semble vaine dans un tel chaos. Aucun pays n'étant excédentaire à ce jour, ces ressources sont d'ailleurs virtuelles et ne font au mieux que répartir la charge, qui plombe non seulement le présent, mais plus encore, l'avenir.
On voit mal comment pourrait s'améliorer le sort de notre pays dans un tel contexte, sachant qu'à ce jour sa dette est de plus 1600 milliards d'euros, soit 84% du PIB, et que loin de diminuer elle ne cesse de grimper à la vitesse du déficit budgétaire, qui se situe autour de 7% du PIB, largement au dessus des 3% autorisés par le traité de Maastricht. Facteur aggravant, le déficit commercial ne cesse de s'approfondir et atteindra probablement 70 milliards d'euros en 2011.

En Europe, et notamment en France, il n'y a guère de contre pouvoir. Aux Etats-Unis, Barack Obama est en train de revenir à plus de réalisme, au risque de manger le chapeau de ses mirobolantes promesses.
Au contraire chez nous, depuis le début de la crise, le seul son de cloche qu'on entende est celui qui préconise l'augmentation indéfinie des dépenses publiques et la mise en œuvre de coûteux plans de relance, de "grands emprunts", avec pour faire "bonne mesure", des pluies de taxations nouvelles. Même un gouvernement taxé d'ultra-libéralisme comme celui de Nicolas Sarkozy, se range avec fatalisme à ces credo. Non content de ce navrant conformisme, il ajoute sans cesse de nouvelles mesures sociales compassionnelles. Entre autres, le fameux revenu de solidarité active (RSA), aussi chimérique que le défunt RMI mais encore plus compliqué et ruineux ; l'ineffable prime que les entreprises de plus de 50 salariés auront l'obligation de verser à leurs employés, le train de mesures destinées à contraindre un peu plus l'industrie pharmaceutique, en punition de l'affaire du Mediator...
Non seulement ces ersatz démagogiques pénalisent le dynamisme et font flamber la dette, mais ils s'avèrent assez remarquablement inefficaces sur les causes mêmes du problème, et donc sur ses conséquences. Les difficultés sociales sont inchangées voire aggravées, le chômage reste à un haut niveau, la croissance est toujours en berne, et pour couronner le tout les Gouvernants ne font que récolter l'impopularité !
Peut-être est-ce en partie parce qu'il apparaît clairement qu'ils ne croient pas eux-mêmes à leur politique de gribouille. Par exemple, tout en vantant le vertueux projet sur lequel le gouvernement est en train de plancher, consistant à plafonner les hauts salaires, M. Bertrand avoue qu'il ne répond à aucun impératif pratique. Dans le Figaro du 27/06, il a expliqué qu'il s'agissait d'une "question de principe", dans la mesure où "ce n'est pas parce que vous donnerez moins aux grands patrons, que vous donnerez plus aux petits salariés..." CQFD.
 
Plus grave encore, alors qu'on entendait réclamer davantage de régulations et de contrôles, les pouvoirs Publics fulminent contre les Agences de Notation qui sanctionnent sans état d'âme les dérives budgétaires. Alors que la note du Portugal vient encore d'être abaissée, on assiste à un vrai tollé (Figaro 11/07). Comme le titre de son côté Le Monde, "Bruxelles veut interdire les notations de pays bénéficiant d'un plan d'aide". 
En première ligne de cette rébellion, notre nouveau ministre de l'économie François Baroin, déclare que "Ce n'est pas le regard d'une agence de notation qui va régler l'affaire de la tension des dettes souveraines et de la crise budgétaire" .
Pourtant, ces agences ne font qu'un diagnostic et par expérience, si elles risquent de pêcher, ce serait plutôt par faiblesse que par excès de sévérité. Autant casser le thermomètre lorsque la fièvre résiste au traitement...

Force est de constater comme le faisait le président Reagan, que le problème c'est donc bien l'Etat...
D'ailleurs face à cette incurie, et en dépit de taxations quasi confiscatoires, et de contraintes réglementaires ubuesques, les entreprises se portent plutôt bien. Les banques ont effacé leurs dettes, l'industrie automobile fait des bénéfices. La production industrielle a progressé de 2% en mai, après une stagnation en avril, selon l'Insee. La quasi-totalité des secteurs sont en hausse.
Il ne faudrait peut-être pas grand chose pour inverser la tendance. Juste inverser les mentalités...

20 mai 2010

Une logique de paupérisation

Chaque jour apporte son lot de sombres nouvelles.
On savait en France, la croissance durablement en berne, la dette d'Etat prolifique, le chômage quasi irréductible, l'assurance maladie en faillite chronique, les retraites de plus en plus menacées...
Parallèlement à cette molle déconfiture, et contrairement aux promesses réitérées du gouvernement, les dépenses publiques continuent leur dérapage : en 2009 elles ont encore augmenté de 3,8% pour atteindre le seuil de 56% du PIB. Que penser dans ce contexte, des engagements vertueux à ne pas dépasser 0,6% par an en 2011, 2012, 2013 ?
En plus des dépenses directes, on creuse de nouveaux trous, en recourant massivement à l'emprunt et aux opérations de cavalerie. Hier, la ministre de l'économie annonçait que la France s'apprêtait à garantir 111 des 750 milliards d'euros du fonds européen supposé faire face à la crise des états de la zone euro. Les optimistes pourront toujours se rassurer en imaginant à l'instar de madame Lagarde, que cette somme colossale « n'aura pas d'impact sur le déficit public ou sur la dette de la France puisqu'il ne s'agit que d'une garantie... »

Incapable d'enrayer la machine à dépenser, l'Etat cherche désespérément des recettes nouvelles.
Les Socialistes psalmodiant leur éternel refrain, conseillent « de prendre l'argent là où il est », de « faire payer les riches ». Cédant peu à peu à la pression, Nicolas Sarkozy laisse désormais filtrer que les « Hauts Revenus » et « Le Capital » seront mis à contribution supplémentaire pour tenter de combler l'abîme du système de retraites, dont il est dores et déjà décidé qu'on continuera de tout mettre en oeuvre, pour faire perdurer l'assise véreuse.
Le fameux bouclier fiscal, à peine opérationnel, commence donc à se fissurer. Les taxations en cours de préparation seront en effet, selon toute probabilité, exclues du champ de l'illusoire protection à laquelle l'Etat avait consenti, pour prémunir les contribuables contre les excès de ses propres attaques. Avec un aplomb qui atteint des sommets d'hypocrisie, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre affirme que le principe du bouclier n'est pas entamé mais au contraire « solidifié ». La preuve : puisque ces nouvelles taxes exceptionnelles ne donneront pas droit à restitution dans le cadre du bouclier fiscal, c'est bien le signe que ce dernier continue d'exister ! Qui peut s'étonner du peu d'entrain des grosses fortunes à regagner la France ?

En bref, on s'apprête à pomper les quelques richesses encore visibles pour tenter de combler les gouffres gigantesques de l'Etat-Providence. En attendant, les dirigeants cherchent à occulter ces abimes, en saupoudrant dessus de la monnaie de singe, espérant ainsi restaurer un peu de confiance sur les marchés. Evidemment cela ne suffira probablement pas. Pas plus que l'invocation rituelle des contrôles et des sanctions pour coincer les méchants spéculateurs qui rodent paraît-il comme des vautours.
Enfin, tandis que la monnaie européenne amorce une descente rapide, le spectre d'une baisse des salaires prend forme, insidieusement. Déjà appliquée en Espagne, la mesure est évoquée désormais régulièrement en France, dans les débats sur le sujet.

Au total, on assiste en ce moment à un curieux spectacle, à l'échelle planétaire :
Les pays occidentaux qui ont inventé le libéralisme, ont presque réussi à le vider de sa substance et à l'exténuer, à force de le plomber de mesures sociales et de bureaucratie. Au lieu d'en faire un constat réaliste, ils renient leur foi, et  n'ont de cesse de flétrir avec un bel unanimisme le modèle qui leur a donné la prospérité. Et pour le soigner, ils lui appliquent avec opiniâtreté des cataplasmes empoisonnés, aggravant l'asphyxie.
Pendant ce temps, les pays émergents qui sortent peu à peu d'un long « sommeil dogmatique », sont en train de décoller enfin, et commencent à s'enrichir à grande vitesse, à mesure qu'ils déversent le libéralisme économique dans leurs régimes autrefois sclérosés par l'autocratie et les archaïsmes. O tempora, o mores....

08 mai 2010

L'Europe tremble

La crise internationale rentre dans une nouvelle phase. Elle semble désormais se concentrer sur la vieille Europe, spécialement dans sa partie occidentale.
Et par une étrange ironie du sort, au moment de commémorer la capitulation de l'Allemagne en 1945, c'est au bon vouloir de cette dernière que le sort de l'euro est suspendu...

Aujourd'hui l'Allemagne apparaît en effet comme le vrai maillon fort d'un conglomérat en grand danger de délabrement. En dépit du fardeau faramineux dont elle a hérité il y a vingt ans avec la chute du Mur et la réunification, elle peut se flatter d'avoir la situation économique la moins mauvaise des pays de la zone euro. Elle est certes fortement endettée, mais est parvenue à endiguer son déficit (3,2% en 2009, 5% prévu en 2010), a procédé à beaucoup de réformes structurelles et son dynamisme industriel lui permet de garder la seconde place mondiale en terme d'exportations.
Nicolas Sarkozy a tout intérêt à tenter de préserver un axe fort entre Paris et Berlin (« l
'axe franco-allemand est indestructible » a-t-il répété encore hier à Bruxelles), mais chacun peut voir en filigrane, que la France n'est pas en mesure d'imposer grand chose. Avec une dette dont on ne parvient même pas à connaître le chiffre exact, autour de 1500 milliards d'euros, représentant au moins 80% du PIB, et un déficit autour de 8% (7,9% en 2009), la France ne vaut guère mieux que les pays les plus fragilisés à l'instant présent (il faut rappeler que les critères de Maastricht imposaient aux pays membres de la zone euro une dette inférieure à 60% du PIB et un déficit n'excédant pas 3%...)
Le plus effrayant est de regarder l'évolution de cette dette dans le temps. Depuis une trentaine d'années, elle n'a cessé de croitre, passant de 21% du PIB en 1978 à 84% prévus en 2010.
Devant ces chiffres et ces tendances, un constat s'impose : contrairement à ce qu'on nous a seriné depuis des mois, la crise n'est pas celle du libéralisme, mais bien celle des États.
On voit d'ailleurs que les pays qui incarnent le mieux au plan économique le modèle capitaliste sont actuellement les moins touchés : Chine, Inde, Europe de l'Est... Les Etats-Unis, quant à eux, grâce à une réactivité globalement encore assez bonne, ont amorcé une reprise sensible (300.000 emplois pour le seul mois d'avril, 3% de croissance du PIB prévus en 2010).
En revanche, la crise concentre désormais ses effets néfastes sur les pays les plus avancés dans le chemin vers l'Etat-Providence.
Pour l'heure, à l'instar de la France, ils refusent d'accepter cette évidence, incriminant toujours la responsabilité des marchés, et fustigeant les attaques de mystérieux spéculateurs (« désormais les spéculateurs doivent savoir qu'ils en seront pour leurs frais » a prévenu M. Sarkozy).
Tout en plaidant pour la lutte contre les déficits, ils continuent de préconiser les programmes de relance gouvernementaux, et les emprunts, se livrant eux-mêmes à d'incroyables spéculations (quel argent peut-on prêter lorsqu'on est soi-même endetté jusqu'au cou ?).
Les chefs d'états, réunis à Bruxelles le vendredi 7 mai, ont annoncé un train de mesures aussi déterminées qu'imprécises : mettre en place une « ligne de défense de la zone euro »,  renforcer les «mécanismes de stabilisation ». M. Berlusconi a parlé « d'état d'urgence », Nicolas Sarkozy de « mobilisation générale ». En chœur, tous ont promis « d'utiliser toute la gamme des instruments disponibles » , d'appliquer des « sanctions plus sévères » vis à vis des Etats trop laxistes (ils le sont tous pour l'heure...)...
Tout cela donne un peu un sentiment de panique et d'improvisation. D'autant que ceux qui réclamaient à grands cris des régulations et des contrôles pour les marchés, les refusent ou minimisent leur importance vis à vis des politiques gouvernementales. Les Socialistes ne veulent pas entendre parler de rigueur, Dominique Strauss-Kahn, président du FMI, et même l'Elysée conseillent de ne pas trop "faire confiance" aux fameuses agences de notations indépendantes (tout en préconisant la mise sur pied d'une agence européenne, qui serait par nature, inféodée au pouvoir politique) ...
Tandis que l'Euro amorce une descente dangereuse, la mise sur pied en catastrophe d'un « fonds de soutien » aux pays en difficulté, dont la Grèce va commencer par pomper 115 milliards d'euros, s'inscrit dans une sorte de fuite en avant. Est-ce la solution ? Peut-on encore éviter le délitement de la monnaie unique, qui aurait pour conséquence probable l'anéantissement définitif de l'idée européenne en tant que fédération de nations ? Ce serait une catastrophe dans le contexte de la fameuse mondialisation, mais hélas, c'est  bien la question du jour.
Graphique : Wikipedia

18 juillet 2009

L'âme du jasmin et la vanité du Monde


Cette année notre jasmin semble avoir décidé de livrer toute la quintessence de son âme de fleur. Est-ce le fait de lui avoir fait goûter l'air frais du dehors pendant quelques semaines ? Est-ce l'effet des belles journées qui ont salué par ici l'arrivée de l'été ? Toujours est-il qu'il est couvert depuis quelque temps d'une magnifique floraison blanche dont les effluves nous envahissent dès le matin. Ah ce parfum entêtant mais enivrant qui paraît venir d'un autre monde... Il pourrait presque, à l'image du mythique népenthès, noyer dans un doux oubli les soucis et peines du quotidien...
Depuis notre retour d'Amérique je dois pourtant dire que je suis presque indifférent aux choses de l'actualité. Ce n'est pourtant pas qu'elle soit creuse mais elle me semble de plus en plus vaine.
Que s'est-il passé durant ces derniers mois qui vaille d'être retenu ?
Sont-ce les élections européennes qui témoignent une fois encore de la médiocrité du débat politique dans notre pays ? Un parti socialiste à bout de souffle incapable d'émettre la moindre idée neuve, cramponné à une idéologie déliquescente. Un soi-disant Centre situé en fait au milieu de nulle part, et qui s'engloutit dans le délire monomaniaque d'un chef aussi creux et infatué qu'obtus. Des extrêmes en morceaux ressassant opiniâtrement leurs vieilles haines recuites et leur sombre ritournelle d'imprécations revanchardes. Enfin, le parti du Président, bien rangé, qui lui non plus ne brille pas par l'originalité, mais dont l'apparente unité s'avère en définitive le meilleur argument électoral. Ah, j'oubliais cette subite flambée écologique dont les médias se gargarisent avec délectation. Le tour fut assurément bien joué par ce vieux renard de Cohn-Bendit, mais faut-il voir dans le conglomérat hétéroclite qui s'agite aux basques de l'ex-révolutionnaire d'opérette autre chose qu'une habile farce sans lendemain ?
Pendant ce temps, le gouvernement fait mine d'agir, mais on s'interroge sur le bien fondé des quelques mesures engagées de ci de là sans ligne stratégique claire. Plus grave, les dernières lois promulguées font craindre un nouveau renforcement de la bureaucratie. Ainsi en est-il par exemple des textes ruisselant de bonnes intentions baptisés emphatiquement HADOPI pour la protection des droits des artistes et HPST pour la nième réorganisation de l'Hôpital. Leur infernale complexité, et l'invraisemblable arsenal administratif sur lequel elles appuient leurs objectifs grandiloquents sont de fort mauvais augure.
D'une manière générale, la crise a hélas réduit à néant tout embryon d'audace, tout pragmatisme et tout esprit critique. Après avoir une fois encore sacrifié le libéralisme sur l'autel de la Justice Sociale, l'Etat est revenu plus fort que jamais, et tout particulièrement sa fâcheuse tendance à dépenser sans compter. Non content d'avoir approfondi dramatiquement la dette du pays, non content d'avoir négligé toute rigueur en laissant flamber les déficits, voici qu'il propose un grand emprunt, sans même donner l'impression d'avoir une idée de ce qu'il pourrait bien en faire ! Au point d'estimer indispensable de mettre sur pied une commission chargée de déterminer à quoi l'hypothétique manne devrait être dépensée ! Et en y mettant à sa tête deux des plus calamiteux représentants du microcosme technocratique. On croit parfois rêver...
Et le Monde dans tout ça ?
Il tangue au gré de la Crise. Partout les dettes se creusent. A la fin de l'année, Barack Obama aura multiplié le déficit budgétaire de l'Amérique par quatre ! Tous les repères s'estompent. Les experts ont doctement prétendu que le Krach était l'expression d'excès en matière de crédit, mais jamais on a autant hypothéqué la richesse des nations, en invoquant le retour d'une croissance qu'on qualifie dans le même temps de fléau du capitalisme...
Le Monde découvre que le nouveau président américain n'est pas un messie. La crise se moque de ses mesures pharaoniques de relance.
Quant à sa politique extérieure d'apaisement, elle ne produit pas l'esquisse de l'ébauche du changement escompté. La Corée du Nord, de plus en plus folle ignore avec forfanterie ses avertissements mollassons. L'Afghanistan vit toujours sous la menace des barbares et il faut bien se résoudre à accroître la pression armée sous peine de perdre les fragiles résultats obtenus. Selon le même principe, en Irak, le retrait des troupes engage le pays dans un avenir très incertain. Le processus de règlement du conflit Israelo-Palestinien quant à lui n'a pas avancé d'un iota. Le Pakistan est au bord du chaos. L'Iran n'hésite plus à montrer au grand jour les griffes de son abominable dictature. Certains font mine de s'en apercevoir, mais depuis 30 ans qu'elle dure, il fallait vraiment être myope ou de très mauvaise foi pour ne pas la voir. Au total si le président US se refuse à qualifier tous ces gens d'axe du mal, pour eux à l'évidence, il est toujours l'incarnation du grand Satan.
Michael Jackson a décidé lui, de tirer sa révérence. A l'instar des fleurs, il a vécu de manière spectaculaire mais brève. Paradoxalement, en dépit du charme et de la grâce dont la Nature l'avait doté, il était profondément insatisfait de son apparence physique. Pour y remédier et comme pour donner raison à cette époque qui privilégie de plus en plus la forme sur le fond, il se servit de tous les artifices techniques de la chirurgie esthétique pour transformer son corps. Il était devenu une sorte de dérisoire Prométhée du showbiz. Mais un titan très seul et plus contraint que quiconque, par le poids des chaines dorées qu'il s'était inconsciemment mises aux pieds.
Happé par un destin fulgurant et brutal, il n'eut pas le loisir de se faner derrière son masque de star aseptisée. Et puisque rien n'était plus naturel dans sa manière de braver la réalité, sa mort même avec tout ce qui l'entoure, paraît factice. Après un éblouissant et dernier feu d'artifice, il est probable que ses gentilles chansons se dissolvent sous peu en scories, dans le vide de l'univers brillant mais vain du monde contemporain...

28 février 2009

L'écume des jours


Le Monde me fait parfois penser à une mer énorme dont l'actualité serait l'écume. Reflet de turbulences parfois lointaines, parfois toutes proches, elle est constamment agitée par le souffle de la Presse et des Médias. Charriant beaucoup de mousse en s'évanouissant et en se reconstituant sans cesse, elle fait hélas souvent perdre le sens des indicibles profondeurs au bord desquelles elle voltige. Un rien l'affole, un rien la fait retomber, mais elle est rarement proportionnée à ce dont elle est censée témoigner, révéler ou annoncer. Pire, en créant l'illusion, en masquant l'horizon et parfois les vrais écueils, n'est-elle pas à même de provoquer des réactions intempestives ?
A-t-on tenté de mesurer par exemple, l'effet amplificateur des médias sur l'actualité ?
Qui sait si la Crise n'est pas aggravée par l'effet des annonces lugubres émanant avec grand fracas des journaux, radios et télévisions réunis ? A force de répéter quotidiennement que les choses vont mal et qu'elles vont même empirer, combien instille-t-on de poison sournois dans les humeurs ?
A l'autre bout du spectre médiatique, certains évènements dérisoires sont montés en épingle avec un affreux sens de l'opportunisme et un cynisme franchement écœurant. Révèlent-ils de vrais problèmes de société ou bien s'en sert-on pour les provoquer ? A moins qu'ils ne soient la marque d'une attirance morbide pour les phénomènes de foire ...
Que n'a-t-on dit sur l'obscur évêque anglais négationniste Williamson. Personne n'en avait pourtant entendu parler jusqu'à ce que le pape entreprenne une action visant à lever l'excommunication dont il avait fait l'objet pour avoir été consacré par Mgr Lefebvre. Pas un jour depuis, qu'on ne nous bassine avec le moindre de ses propos insensés sur la Shoah ou bien sur les évènements du 11 septembre. Rengaine trop connue et inintéressante au possible. A qui profite le battage de ces tuyaux creux ?
Dans un autre genre, qu'en est-il vraiment du petit anglais Alfie, âgé de 13 ans, père paraît-il d'un bébé conçu avec sa copine Chantelle qui en a 15 ? L'information semble effrayante, fantasmagorique. Pourtant, il y a de fortes chances qu'elle soit fausse ou tout simplement sordide. Pas moins de 4 bambins de 12 à 16 ans revendiquent en définitive l'engrossement de Chantelle... Le milieu familial est quant à lui un vrai poème. Le père d'Alfie, qui a quitté le foyer familial il y a deux ans, a neuf enfants au total, nés de trois mères différentes (Le Point 19/02/09). Quant aux parents de Chantelle, ils en ont de leur côté 6 ce qui leur permet de vivre gentiment des allocations et d'ouvrir grande la porte de la chambre à coucher de leur fille, probablement dans l'espoir de grossir la manne... Rien qu'en photos et reportages, ce petit monde aurait déjà touché plus de 100.000 euros...
Du même tonneau, on apprenait hier qu'aux USA, la mère de six enfants qui avait donné naissance à des octuplés grâce aux techniques de procréation médicalement assistée, était sollicitée à hauteur d'un million de dollars pour jouer dans un film pornographique ! De quoi nourrir les 14 bouches que cette femme seule et sans travail a mis délibérément au monde...
A d'autres moments au contraire, l'information, parfaitement objective et rationnelle est tenue pour quasi négligeable. Le Figaro révélait ainsi le 12 février dernier que dans un rapport « tenu secret », l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait conclu à l'innocuité pour la santé du fameux maïs OGM MON 810 de Monsanto.
La belle affaire ! On pourrait penser que les jugements de cet organisme « indépendant », financé par l'Etat soient souverains et que l'affaire soit enfin entendue... Pensez-donc. Pas le moins du monde. L'importation des OGM reste jusqu'à nouvel ordre interdite en France et rien ne bouge au royaume du principe de Précaution. On cache même les conclusions des instances officielles...
Est-ce de la couardise face aux altermondialistes ? Est-ce de la bêtise tout simplement ? Ou bien s'agit-il au fond d'une mesure protectionniste non avouée ? Quant à l'AFSSA, est-elle plus utile que tous les machins bureaucratiques mis sur pied à grands frais pour réglementer notre univers quotidien ? Et saura-t-on un jour, alors que s'ouvre enfin le procès, ce qui s'est vraiment passé en septembre 2001 à Toulouse sur le site de l'usine AZF ?
De ci de là, on apprend aussi que le nouveau président américain Obama envoie pas moins de 17.000 hommes en Afghanistan et qu'il demande un effort identique à l'Europe. Personne ne semble s'en offusquer. En Irak, il suit scrupuleusement le programme de Bush, en retirant de manière graduée les troupes encore présentes, tandis que le pays qu'on disait livré sans espoir au chaos, vient à nouveau de passer avec succès, l'épreuve des élections. Il faut bien chercher pour trouver parfois un entrefilet commentant la nouvelle...
Pour son pays, contrairement à l'image gauchisante qu'on a voulu lui donner, il se défend de tout protectionnisme en bannissant le slogan « Achetez Américain ! ». Enfin il propose pour sortir du marasme économique, un plan digne de celui de Paulson (plus de 700 milliards de $ votés en sept 08 pour racheter les actifs toxiques et soutenir les banques).
Dans la tourmente, un homme reste serein et plus déterminé que jamais : José Aznar (Figaro 23/01/09) . Certes son pays traverse comme tant d'autres une période difficile. Mais cette crise signifie-elle à ses yeux la mort du capitalisme ? : « Ce n'est certainement pas l'échec du libéralisme, mais l'échec des mécanismes actuels de régulation et d'intervention de l'État dans un secteur qui est pourtant déjà très régulé, le système bancaire. C'est comme en politique. Lorsqu'on élit un mauvais gouvernement, cela ne remet pas pour autant en cause la démocratie. » Et s'il avait raison, lui l'artisan du miracle espagnol ? « Plus de flexibilité et de liberté dans l'économie, moins de taxes, moins de dépenses, plus de stabilité budgétaire, moins d'intervention de l'État. » Etonnant, non ?
Enfin, au moment où l'on se lamente sur la misère qui gagne du terrain, où l'on agonit les actionnaires, les banquiers et chefs d'entreprise, la spéculation artistique elle, ne s'est jamais si bien portée sans choquer personne. L'incroyable vente d'objets d'art organisée par Pierre Bergé vient de rapporter 379 millions d'euros en trois jours d'enchères ! Certes elle dispose d'un alibi politiquement correct puisque les profits seront parait-il versés à des oeuvres caritatives. Certes il y a d'authentiques chefs-d'oeuvres dans cette bimbeloterie (notamment une superbe nature morte de Derain), mais on croit rêver par les temps qui courent, en lisant qu'un monochrome gris « avec grille », de Mondrian a trouvé preneur pour 14 millions d'euros ! Et le clou assurément : le détournement « humoristique » à la manière « Dada », par Marcel Duchamp, d'un petit flacon de parfum « Un Air Embaumé » de la « Maison Rigaud Paris en 1915» (subtilement rebaptisé « Belle Haleine, Eau de Voilette »). Il est parti faire le bonheur d'un gogo assez fortuné pour débourser près de 9 millions d'euros (belle opération spéculative soit dit en passant, car il avait été acheté 1,7 M€ en 2002) !
Non décidément, ce n'est pas la crise pour tout le monde...

23 février 2009

La crise de la crise...


C'est curieux cette crise tout de même. Ce qu'elle peut susciter de tohu bohu médiatique et d'explications contradictoires.

Pas un jour sans qu'un expert ne vienne ajouter de nouvelles théories et prévisions au fatras monumental déjà déversé sur nos têtes affligées. Une chose est sûre, la crise a du bon assurément, pour ceux à qui elle donne l'occasion de pérorer sous l'oeil complaisant des caméras, tout en faisant la promotion de leurs petits bouquins bricolés à la hâte pour profiter de l'aubaine...

Mais pour le reste, quelle pagaille ! Les politiciens incorrigibles ressortent les rodomontades idéologiques les plus éculées, les économistes s'emberlificotent dans des théories de plus en plus fumeuses, et les historiens et philosophes s'efforcent, envers et contre toute nécessité, et au prix de raccourcis grossiers ou d'assimilations hasardeuses, d'expliquer le présent par le passé... Même dans les plus hautes sphères, le cours erratique des évènements tend à faire manger son chapeau.

Pour le Président de la République, qui chantait pourtant les louanges du modèle capitaliste anglo-saxon il y a quelques mois à peine, c'est sa faillite à laquelle on assiste, et il faut d'urgence le refonder en le moralisant. Mais la France est-elle la mieux placée pour l'exercice, elle qui est en crise structurelle depuis des décennies ?
J'entendais il y a quelques jours M. Strauss-Kahn, président du FMI, livrer de son côté son analyse. Reprenant une antienne largement utilisée par d'autres, il expliquait l'origine de la crise actuelle par l'excès de crédit : « Trop de crédits distribués sans faire assez attention... » D'où selon lui, une «accumulation de dettes devant laquelle tout le monde a eu peur ».
Pourquoi pas, mais dans ce cas, pourquoi dénoncer dans le même temps, la pusillanimité actuelle des banques qui rechignent à prêter ? Il faudrait savoir si elles font trop ou pas assez crédit tout de même... Et surtout, pourquoi préconiser comme la plupart des tenants de cette théorie, de gigantesques plans de relance, faisant appel précisément… au Crédit ! Qui plus est, mis en oeuvre par des Etats le plus souvent déjà lourdement débiteurs... Redécouvrirait-on les vertus de la méthode consistant à soigner le mal par le mal ?
Peu de jours auparavant, c'était le soi disant « politologue, démographe, historien, sociologue et essayiste » Emmanuel Todd qui incriminait le libre échange. L'accusant d'avoir mené le monde là où il est, il préconisait doctement de renverser la vapeur et réclamait d'urgence des mesures protectionnistes, seules capables de « doper la demande » asphyxiée selon lui par le libéralisme.
Mais comment diable le protectionnisme pourrait-il augmenter la demande, lui qui commence invariablement par raréfier l'offre, tout en provoquant à coup sûr une hausse des prix ?

Un peu de bon sens suffit pourtant pour s'accorder avec nombre de constats faits par ces brillants spécialistes, tout en rejetant les extrapolations qu'ils en font. Il n'est pas besoin d'être grand clerc par exemple pour comprendre les méfaits engendrés par la surabondance du crédit, depuis des lustres, ou encore pour voir l'inadéquation actuelle entre l'offre et la demande.
Le plus difficile à réaliser toutefois, est que l'endettement ait été si largement encouragé (et pratiqué) par les Pouvoirs Publics, pour permettre notamment au cycle offre/demande de tourner à plein. Car force est de constater hélas qu'à force de tourner si fort, ce moteur a épuisé tout son carburant et usé ses ressorts.
Le crédit n'est propice que s'il répond à un objectif pragmatique, s'il fait espérer un vrai retour sur investissement et s'il est gagé par des risques raisonnables. La surconsommation et le productivisme auxquels on a assisté ces derniers temps étaient de plus en plus dépourvus de ces qualités. Ce fut une vraie fuite en avant, poussant à aller de plus en plus vite et de plus en plus fort, attisée d'un côté par l'exigence de tout avoir et de tout payer au moindre prix, et de l'autre par une productivité effrénée assurant une offre sans cesse renouvelée et une rentabilité maximale. Lequel entraîna l'autre c'est bien difficile à dire, toujours est-il qu'aujourd'hui, si la balance est cassée c'est au moins autant par excès d'offre que par défaut de demande et les responsabilités paraissent à tout le moins très largement partagées.
Et l'impression qu'on retire avant tout à la vue des accumulations considérables de biens de consommation attendant en vain une clientèle, est que le fameux marché est parvenu au moins temporairement à saturation.

Le plus fort est que ce résultat devrait plutôt satisfaire les anti-libéraux, alter-mondialistes, écologistes et Malthusiens de tout poil. Aujourd'hui le règne de la bagnole semble sérieusement mis à mal, on consomme moins de pétrole et de matières premières, la société paraît mettre un frein à sa frénésie compulsive de consommation, et la croissance tend vers zéro. Au surplus, par la force des choses, les patrons sont contraints de faire profil bas, et les maudits actionnaires boivent le bouillon...
Pourtant, par un paradoxe étonnant ce sont les plus acharnés anti-capitalistes qu'on entend le plus crier au scandale et réclamer une relance « par la consommation », pour revenir au bon vieux temps en somme...
Evidemment, ils n'avaient sans doute pas pensé que le coup de frein sur l'économie se traduirait aussi par quelques turbulences sur le marché de l'emploi...


En définitive, cette crise est peut-être le séisme annonçant l'entrée dans un nouveau monde, plus sage, plus raisonnable, plus équitable et en définitive, plus intelligent. A condition que chacun prenne ses responsabilités, qu'on n'attende pas tout de l'Etat, et qu'on ne bride surtout pas la Liberté d'entreprendre... Ce n'est pas vraiment le chemin qu'on prend...

27 décembre 2008

L'argent brouille


Un petit film d'animation (52 min quand même...), fait le buzz depuis quelques semaines sur le web. Réalisé en 2006 par Paul Grignon, un graphiste et vidéaste canadien, il profite pleinement de la crise économique et de l'effet démultiplicateur de l'internet pour conquérir facilement une vaste audience. Très séduisant au premier abord, il donne en effet au spectateur, sur un ton qui se veut à la fois ludique et pédagogique, l'impression de comprendre comme par enchantement les ressorts réputés complexes de l'économie, les arcanes du fonctionnement des banques, et in fine la crise actuelle, en même temps qu'il désigne certains responsables à la vindicte populaire et propose des solutions innovantes.

Cette emballage aguichant cache toutefois un imbroglio de pièges, et d'illusions en tous genres qui le réduisent plutôt à une caricature partisane dangereuse.
Le propos, récité benoitement par une charmante voix féminine, ne relève ni de la pédagogie, ni de la vulgarisation :
- Il fourmille d'erreurs ou d'approximations historiques, à commencer par l'origine de l'argent , attribuée aux orfèvres vénitiens ! (lesquels orfèvres sont rapidement assimilés à des banquiers aux méthodes douteuses - flanqués de garde du corps patibulaires - qui s'enrichissent grâce à l'exploitation frauduleuse des richesses entreposées chez eux).
-il tire une bonne partie de son argumentation d'insinuations grotesques, relatives au secret dont « on » couvrirait sciemment la théorie monétaire : « elle n'est presque jamais mentionnée dans les écoles », « n'a jamais inspiré de film à grand succès» ce qui d'après l'auteur, « n'a rien d'étonnant ».
-il décrit la réalité en terme de schémas fallacieux, réduisant notamment l'argent aux seules dettes contractées par ceux qui empruntent aux banques, ce qui lui donne d'ailleurs son titre suggestif :
l'argent-dette.
-Tout ça pour finir comme par hasard, dans une sorte d'apothéose à la gloire d'une gestion étatique monopolistique des richesses, conduisant à créer l'argent en fonction des besoins, à permettre la souscription de prêts sans intérêt, à faire disparaître purement et simplement la notion même de dette et à projeter le monde dans un idéal de croissance économique plate. En bref, comme il est stipulé : « pour fonder une économie sur de l'argent permanent et libre d'intérêt, il suffirait que le gouvernement crée de l'argent et le dépense dans l'économie, de préférence dans des infrastructures durables : routes, chemins de fer, ponts, ports et marchés publics. Ce serait de l'argent valeur et non de l'argent dette. »

Pour être juste, une chose est à peu près exacte dans ce galimatias racoleur, à savoir l'observation attribuée au cerveau génial du « vieil orfèvre » : « Les déposants retirent rarement leur argent de la banque et ils ne le retirent jamais tous ensemble » (au passage, on confond tout de même déposants et épargnants...). C'est précisément ce principe fondamental qui permet de faire travailler les biens pour l'économie générale et de catalyser la fabrication de nouvelles richesses, tout en rémunérant les prêteurs qui y contribuent. Il faut rappeler qu'un principe analogue régit les assurances : les clients déclarent rarement un sinistre, et en règle jamais tous ensemble, ce qui permet de mutualiser les risques, au moyen d'une cotisation individuelle modique et la prise en charge intégrale ou quasi, des frais occasionnés en cas d'accident.

L'ennui, est qu'à partir de ce constat, Mr Grignon se livre hélas à toutes sortes de déductions hasardeuses, et surtout, qu'il en fasse la source de turpitudes occultes destinées à enrichir les seuls banquiers au détriment de l'ensemble de la société !
Il décrète par exemple, qu'en accordant un prêt, une banque crée ex-nihilo la somme requise par des dispositions qui s'apparentent à un tour de passe-passe.
Même si on peut parfois mettre en cause la rigueur des banquiers et la pertinence de leurs simulations, même si l'on peut effectivement douter que les sommes prêtées existent réellement en espèces trébuchantes dans les caisses, il ne faut pas négliger le fait qu'elles sont normalement gagées par les actifs de l'emprunteur. Et ne pas occulter le but même du prêt qui est d'anticiper l'acquisition d'un bien, contre remboursement de mensualités, conduisant de fait à l'extinction progressive de la dette, donc à la disparition de ce fameux argent-dette...
Dans un système communicant, il n'est d'ailleurs pas nécessaire que les fonds empruntés soient disponibles précisément dans l'organisme auquel s'adresse l'emprunteur, la dette pouvant être convertie en titres, répartis sur plusieurs organismes. En mutualisant ainsi les richesses inactives possédées par un grand nombre de gens, le système bancaire peut consentir des prêts à d'autres, qui en ont besoin.
Et les intérêts, présentés dans le documentaire comme un système pervers, servent à couvrir les frais de fonctionnement du système, ainsi que ceux découlant de l'inflation, tout en rémunérant le risque encouru et l'immobilisation des capitaux prêtés.

Contrairement au propos du film, sans endettement ni les entreprises, ni les particuliers, ni même les gouvernements ne pourraient mener de grands projets d'investissement. Le seul vrai souci est de ne pas s'endetter trop et de ne pas prendre un risque inconsidéré menaçant l'engagement de remboursement en cas de difficulté imprévue.
Car si le volume global de l'argent prêté n'est plus en corrélation avec la valeur des biens ou s'il est prêté à des emprunteurs incapables de rembourser leur dette, le système tôt ou tard est condamné à la faillite. Tout comme une assurance dont les cotisants deviendraient de moins en moins nombreux à mesure que les risques couverts seraient de plus en plus souvent réalisés...

En définitive l'argent est une vue de l'esprit. Il s'agit d'un symbole permettant de standardiser la valeur des richesses pour en faciliter les échanges. Les richesses quant à elles dérivent toutes peu ou prou du travail. Tant qu'il y a adéquation entre les deux, le système tourne normalement et le crédit qui anticipe les richesses à venir est bénéfique puisqu'il agit comme catalyseur.
D'une manière générale, il y a problème lorsque les richesses existantes ou potentielles sont surévaluées par rapport à l'argent qui les représente, que la production d'argent croit plus vite que les biens eux-mêmes, ou encore lorsque l'endettement est disproportionné par rapport aux ressources et ne repose plus sur des garanties réelles. Le système des subprime cumulait plusieurs de ces tares.
On qualifie en l'occurrence de crise, ce qui n'est qu'un réajustement face à des dérives, pas forcément causées par la seule malhonnêteté ou la duplicité des banquiers.

En dépit de son imperfection, le système économique sur lequel repose la société, n'est pas comme le sous-entend bruyamment Mr Grignon un complot ourdi par une quelconque pieuvre bancaire maléfique. Et le recours systématique à l'Etat, tel qu'il est préconisé dans le film, n'offre aucune garantie supplémentaire.
Mr Grignon s'interroge gravement : « Pourquoi les gouvernements choisissent-ils d'emprunter de l'argent aux banques privées avec intérêt, quand ils pourraient créer tout l'argent qu'il leur faut, sans intérêt ? » Et sa réponse fait frémir : « Sans la concurrence des dettes privées, les gouvernements auraient le contrôle des réserves de l'argent de la nation. »

Si un gouvernement, s'affranchissant des règles économiques de base, s'avisait de créer de l'argent en fonction de ses besoins, nul doute qu'il en abuserait tôt ou tard tant ils sont immenses. Cela conduirait inévitablement à une dévalorisation de l'argent donc à un appauvrissement de tous ceux qui en possèdent un tant soit peu... La situation actuelle du Zimbabwé relève ni plus ni moins de cette logique.
Quant aux prêts consentis par l'Etat, ils ne sont pas plus sûrs que les autres lorsqu'on sait qu'il est lui-même fort endetté et qu'il fait reposer en toute impunité et liberté sa garantie sur les ressources des contribuables déjà passablement essorés ! Son propre endettement, qui notamment en France ne cesse de grandir, devient très dangereux lorsqu'il est causé par des dépenses structurelles, pérennes, souvent d'ordre social, ne laissant guère espérer de retour sur investissement...

Au total cette analyse brillante mais lacunaire, à partir de quelques idées vraies mais plus ou moins détournées ou déformées, farcie de raccourcis trompeurs, de citations tronquées ou sorties de leur contexte, fait fausse route. Plus grave, elle inscrit ses pseudo-démonstrations dans le bon vieux cadre de la théorie du complot, qui fait toujours florès dans l'Opinion Publique. Sa conclusion, évoquant un prétendu « Pouvoir Invisible », est de ce point de vue édifiante : « On nous a trompés : ce qu'on appelle démocratie et liberté sont devenus en réalité une forme ingénieuse et invisible de dictature économique. »
Au bout du compte, le commentaire lénifiant, ne préconise rien d'autre que la production et la répartition égale des richesses par le Gouvernement tout puissant, et un système malthusien rétrograde abolissant, au motif qu'elle est « incompatible avec une économie durable », la notion de croissance, c'est à dire renonçant tout simplement à ce qui fait la richesse des nations.

L'histoire ne dit pas qui est vraiment Paul Grignon. Un fait certain est qu'il n'a rien d'un économiste. Plutôt un artiste aux préoccupations un tantinet écologistes.
Plus troublant, il est l’auteur, avec William Thomas (un "journaliste alternatif"), de
Chemtrails - Mystery Lines in the Sky, un film qui dénonce un complot climatique mondial. Pour Thomas et Grignon, certaines chemtrails (ces trainées laissées par les avions dans le ciel) sont des produits plus ou moins toxiques lâchés par les pouvoirs politiques pour des raisons secrètes.... CQFD

PS : Curieusement je m'étais interrogé cet été sur ces chemtrails, sans connaître à l'époque les hypothèses qui les sous tendent. Suis-je naïf ?

20 décembre 2008

Une mécanique corrompue


La crise qui perdure et qui étend progressivement son spectre hideux sur le monde entier, suscite un sentiment désagréable, mélange d'impatience, de colère et d'écœurement. Quand donc, et comment tout cela finira-t-il ?

Chaque jour apporte son lot de nouvelles moroses, et tout le système est parcouru de craquements sinistres. La quasi faillite des géants américains de l'automobile et les difficultés de nombreux autres constructeurs à leur suite font frémir. Comment diable ces firmes qui paraît-il travaillaient à flux tendus ont-elles pu se laisser aller à accumuler autant de stocks sans réagir ? Toutes ces entreprises bourrées de statisticiens, et de consultants chargés de décortiquer « en temps réel » et sous tous les angles les tendances du marché ont donc été victimes d'une incroyable myopie.

Dans un univers cerné par une armée de contrôleurs et par une nuée de plus en plus opaque de réglementations, les irrégularités qui éclatent soudain un peu partout, laissent pantois. Après les scandales des sub-prime et des titrisations de dettes, les tripatouillages hasardeux des traders façon Jérôme Kerviel, la gigantesque fraude « pyramidale » de Bernard Madoff, portant sur 50 milliards de dollars donne des sueurs froides. Comment donc de telles machinations ont-t-elles pu être ourdies en toute tranquillité, voire parfois encouragées par les Pouvoirs Publics ? Comment accepter l'idée que tous les organismes de contrôle, toutes le agences de notation , d'accréditation et d'évaluation, tous les spécialistes et experts aient pu se laisser berner de manière aussi vertigineuse ? A l'évidence, nous ne souffrons pas d'un manque de réglementations mais d'une pléthore, hélas inefficiente...

L'explication facile que s'empressent de donner de ces évènements dramatiques la noria revancharde de vieux archéo-marxistes et autres dévots nostalgiques de la bureaucratie étatique n'est à l'évidence qu'un trompeur pis-aller. Les catastrophes mortelles dans lesquelles se sont abimés leurs espoirs chimériques d'égalitarisme social en forme de holisme plus ou moins soviétoïde, pourrait les inciter à un minimum de modestie. Hélas, ces incurables agitent à nouveau le spectre du Grand Soir du Capitalisme !
En réalité, cette peste qu'on nomme crise, a des causes complexes et transcende largement les régimes politiques, touchant autant l'Amérique libérale que la Chine communiste, La Russie que le Japon, l'Islande que l'Afrique du Sud. Pour paraphraser la Fontaine, « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient atteints.. »

Voilà des années que s'est installée insidieusement une sorte de maladie étrange, qui progressivement ronge la belle mécanique du Monde, tendant à la transformer en une sorte de spirale mécaniste aveugle et aléatoire. Cette monstruosité molle, bien intentionnée se répand comme une tache d'huile et imprègne tous les rouages de la société. Elle a commencé par dénaturer la substance du langage, changeant l'art de la sémantique en palilalie jargonnante. Pétri d'une syntaxe pédante et hermétique, cet embrouillamini quasi permanent interdit d'appeler les choses par leur nom et réduit l'expression comme une peau de chagrin, stérilisant par la même, l'esprit critique et le bon sens. Ses effets pervers tuent le débat et gangrènent les principes élémentaires d'une bonne gestion, amenant littéralement à prendre des vessies pour des lanternes, et confondant souvent la fin et les moyens.
Résultat on assiste à l'émergence de croyances irrationnelles, contredisant souvent des évidences criantes. Propulsées par les nouveaux ressorts de la communication, des opinions non fondées ou des rumeurs insanes se propagent à la vitesse de l'éclair contaminant des foules crédules qui se les approprient comme des faits acquis. Triste conséquence de la démocratie, le règne du consensus s'impose de manière imbécile, donnant trop systématiquement raison aux majorités et tort aux minorités. Le souci républicain d'égalité qui par retour de balancier contraint les pouvoirs Publics à des mesures de « discrimination positive » n'arrangent rien, bien au contraire. Surgissent un peu partout des seuils ou des quotas fondés sur des a priori bien intentionnés mais vains.

Plus grave, les dirigeants et décideurs semblent eux-mêmes avoir perdu la raison. Ils s'en remettent à de prétendus experts dont l'irresponsabilité n'a d'égale que l'arrogance pour les guider dans leur mission, et tâtonnent au gré du vent de l'actualité, prenant pour cap des principes dénués de vrais fondements. La dérive actuelle en matière de gestion, souvent sous l'influence de consultants irresponsables et de normes trop formalisées "de qualité", conduit les entreprises, privées comme publiques, à des évaluations fallacieuses ou approximatives des mérites de leur personnel, de la qualité réelle des prestations, et de la satisfaction de leur clientèle. La fameuse "écoute" n'entend rien et la dépersonnalisation devient la règle. Les êtres, dans cette logique déshumanisée, deviennent de simples ressources humaines, coincés entre le maketing et les produits...
Associées à l'appât du gain immédiat, et à la centralisation productiviste, ces tares d'essence technocratique expliquent probablement en grande partie la crise actuelle. Mais à l'image de la poule et de l'oeuf, il est impossible de déterminer qui des consommateurs ou des entreprises portent la lourde responsabilité de ce cercle infernal. Sont-ce les premiers qui ne voulant plus rien payer à sa juste valeur et s'entichant de médiocrité matérielle poussent à un productivisme effréné, ou bien les secondes qui aiguillonnées par une concurrence absurde et par l'obsession du profit, se livrent sans frein au racolage et à la démesure ?

Sous ces effets conjugués la société humaine s'essouffle, trébuche et perd à la fois ses repères et son sens. Les marchés saturés et exténués s'affaissent conduisant à la récession et son cortège de plaies sociales. La pensée unique pasteurisée insinue partout ses mornes credo, sa tolérance veule, et sa pseudo rationalité narcissique. Tout est interprété en terme de dividendes égoïstes, de gains potentiels, d'acquis corporatistes. Même la Charité devient un business racoleur dont l'avidité étouffe l'élan altruiste et masque le manque de pragmatisme.
Ce voile nébuleux de bonnes intentions et de vœux pieux se déchire parfois brutalement sous la griffe terrifiante du monstre terroriste. Son empreinte sanglante affole un court moment mais la chape de bien-pensance recouvre vite ces carnages odieux, minimisant leur portée. Pire, l'opinion publique est tellement pervertie qu'elle a tendance à confondre avec le mal, ceux qui tentent sans détour de s'y attaquer, les accusant parfois même de l'avoir provoqué !
La Liberté, défigurée par ses ennemis, qu'ils soient violents ou non, parfaitement clairvoyants ou amblyopes, initiés ou ignorants, perd peu à peu du terrain et se recroqueville en se desséchant comme une vieille enveloppe sans substance.

Une chose est certaine toutefois. Tous ces maux ne sont pas occasionnés par la Liberté bien sûr mais par le mauvais usage qu'on en fait... Fort heureusement la crise actuelle n'est pas la conséquence de guerres, de tyrannies, de massacres, d'épidémies, ou de famines comme celles qui décimaient périodiquement le monde autrefois.
Avec un peu de raison, nul doute qu'il devrait être possible de la surmonter à condition que chacun en soit convaincu, et use de sa citoyenneté de personne libre avec responsabilité. Il faut donner à la Liberté tout son sens et lui permettre notamment de se nourrir avant tout du principe d'humanité.

NB : Illustration de William Blake, pour l'Enfer de Dante

16 octobre 2008

Vive l'Etat !


Le 12/10 au micro de France Inter, François Hollande évoquant la crise financière, brocardait les libéraux qui crient « Vive l'Etat ».
En disant ça, non seulement il prend ses désirs pour des réalités, mais il utilise pour appuyer son raisonnement, un sophisme douteux. Décrétant ex cathedra que la crise actuelle est celle du libéralisme, donc de la dérégulation, il embouche la trompette de l'Etatisation généralisée et affirme que tout le monde désormais se rallie à cette caricature de politique.


A la vérité, les Libéraux ne souhaitent pas plus aujourd'hui un renforcement de l'Etat, qu'ils ne voulaient hier sa disparition. De même, à la différence des Anarchistes, ils n'ont jamais exigé la suppression des règles organisant la société. Au contraire, ils en font un pré requis indispensable au « contrat social » cher à John Locke. Leur seul objectif, à l'instar de Montaigne ou de Montesquieu, est que l'Etat n'abuse pas de ses prérogatives et que les lois soient aussi simples et utiles que possible.
Or que voit-on depuis des années dans presque toutes les nations même réputées libérales, si ce n'est un accroissement vertigineux de la place de l'Etat et l'inflation sans fin des réglementations ?

En France, même s'il a cédé un peu de terrain après la funeste époque des nationalisations d'entreprises, l'Etat reste en effet omniprésent dans tous les rouages de la société. Si on évalue son poids en terme d'impôts, charges et taxes, cela représente plus de 44% du PIB. Et le résultat de sa gestion n'est guère brillant : Dette colossale, quasi impossible à chiffrer, entre 1200 et 3000 milliards d'euros, équivalent à une vraie faillite aux dires même du premier ministre(1.) De cause structurelle, elle n'a cessé de progresser depuis le début des années 80. Elle s'accompagne d'un grave déficit de la balance commerciale et d'une diminution inexorable de la compétitivité industrielle. Enfin la croissance reste vissée au plancher.
En dépit de plusieurs décennies de socialisme, ce naufrage économique n'est gagé quoiqu'on en dise, par aucun vrai progrès social. On a les 35 heures et le RMI mais des salaires de misère et du chômage autant qu’avant; on a la Sécu et la CMU mais la qualité du système de santé se détériore tandis que son déficit ne cesse de croître; on a un système soi-disant "solidaire" de financement des retraites par répartition, mais il rétrécit comme peu de chagrin faute d'avoir tenu compte de l’évolution démographique; on a l’abolition de la peine de mort, mais un taux record de suicides dans les prisons... Le malaise est dans quasi tous les domaines où s'exerce la responsabilité du gouvernement : Education, Recherche, Justice, Prisons et même Culture !

Parallèlement, le nombre des lois et des réglementations n'a cessé de croître, asphyxiant littéralement l'initiative privée. Le Conseil d'Etat(2) constatait lui-même en 2006 sans pouvoir hélas rien y faire " qu'il y a trop de lois, des lois trop complexes, des lois qui changent tout le temps !"
De fait, l'inflation législative n'a cessé de s'accélérer. En 1973, le Parlement produisait 430 pages de lois. Dix ans après, plus de 1000. Aujourd'hui, presque 4000. Les textes sont plus nombreux, mais surtout, ils sont plus longs et plus compliqués. Selon le journal Le Monde(3), le Bulletin des lois est passé de 912 grammes en 1970 à 3,266 kilogrammes en 2004. Il comportait 380 pages en 1964, 620 en 1970, 1055 en 1990 et 2566 en 2004. La loi sur les communications électroniques du 9 juillet 2004 comprend 101 pages, celle du 13 août de la même année sur les responsabilités locales en faisait 231, et celle sur la santé publique du 9 août, 218. Cela ne semble jamais suffire. A peine l'ubuesque loi sur la « Nouvelle Gouvernance Hospitalière » s'applique-t-elle, qu'elle est détrônée par une autre, encore plus délirante (Loi « Patients, Santé et Territoires »), en passe d'être votée ! En matière fiscale, le gouvernement en est désormais réduit à proposer un « bouclier fiscal » pour protéger les contribuables de ses propres attaques. On croit rêver...

Les Etats-Unis, pays réputé libéral, ne sont pas épargnés par cette frénésie d'Etat. Même en retranchant la part consacrée à l'armée, les dépenses fédérales ont progressé durant le mandat de George W. Bush de plus de 11% conduisant à un déficit de 5 000 milliards de dollars sur la décennie 2000(4). Pendant ce temps le dollar se dévaluait de 40% par rapport à l'euro. Même si l'Amérique conserve un taux de croissance honorable, le chômage s'accroit rapidement, dépassant ces derniers mois les 6%. Pourtant, selon le magazine the Economist(5), jamais les dépenses sociales n'ont été aussi importantes depuis la Grande Société du président Johnson (SIDA, programme No Child Left Behind, modernisation du réseau autoroutier, amélioration de la prise en charge des prescriptions pharmaceutiques...)
S'agissant de la production de réglementations et de textes administratifs en provenance des agences fédérales, on peut l'évaluer par la quantité de pages ajoutées chaque année au Federal Register(6) : d'un volume de 15.000 en 1960, on est passé à 50.000 en 1975, et 80.000 en 2007...

Au total, il est vraiment surprenant qu'on invoque le manque d'Etat et de régulation dans la survenue de la crise économique actuelle. Ce serait plutôt l'inverse. D'ailleurs des économistes(7) relèvent la responsabilité gouvernementale dans la faillite du système des subprime, à cause d'incitations certes bien intentionnées, mais se révélant à l'usage perverses (taux d'intérêt bas, garanties illusoires des organismes para-gouvernementaux Fannie Mae et Freddy Mac, règles comptables trop complexes...). De l'autre côté ils évoquent l'enchevêtrement inextricable des réglementations à l'origine des diaboliques inventions censées les contourner (titrisation des créances, ventes à découvert...)
En définitive, c'est l'ensemble de la société qui a dérapé sur la pente glissante des bonnes intentions et les responsabilités sont largement partagées, de l'Etat aux citoyens, en passant par les banques et les entreprises. A l'évidence, il ne s'agit pas dans un tel contexte de renforcer encore l'arsenal législatif mais de l'assainir et de s'assurer sans tabou idéologique de l'utilité réelle de toutes les lois, car comme l'affirmait Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »
Quant à renforcer le rôle de l'Etat à la manière souhaitée par François Hollande et ses amis, ce serait le pompon : à savoir se retrouver avec des entreprises nationalisées du type d'Elf ou du Crédit lyonnais, dont l'incurie fut manifeste et qui ont coûté si cher aux citoyens !

Soyons toutefois optimiste : si l'Etat parvient à redonner confiance à un système déboussolé en garantissant les fameuses liquidités évaporées, il aura fait oeuvre utile, ce qui est bien le moins qu'on puisse attendre de lui...

1 François Fillon Septembre 2007
2 Bulletin annuel 2006 du Conseil d'Etat
3 Le Monde 3/12/05
4 André Cotta, Le Figaro, 23/02/04
5 The Economist : 29/05/08.
6 Federal register
7 The Wall Street journal 19/09/2008, Johan Norberg.net 22/09/08, Guy Milliere 1/10/08

05 octobre 2008

Je sème à tout vent


La crise financière qui secoue le monde donne lieu à beaucoup d'interprétations. Il est curieux d'entendre colportées, rabâchées, ânonnées, beaucoup d'affirmations à l'emporte-pièce et d'excès en tous genres, ne reposant bien souvent sur aucun substratum rationnel.
Passons, sur quelques superlatifs auxquels nous sommes habitués à force de les entendre répétés à tout bout de champ : « c'est la plus grande crise depuis... ». Que ce soit la météo, l'économie, l'insécurité, le moral des ménages ou je ne sais quel paramètre, il est toujours au plus haut ou au plus bas depuis... la dernière fois !

« Le capitalisme ne sera plus jamais comme avant ». Évidemment, personne n'en sait rien mais la plus grande probabilité est que tôt ou tard, « le naturel revienne au galop ». Les temps à venir seront peut-être durs mais, pas plus qu'après 1929 la société ne changera fondamentalement, à moins d'une révolution violente, qui n'arrangerait rien...

« Les dogmes de l'idéologie libérale sont remis en cause ». Les personnes qui me font l'honneur de leur visite sur ce blog, savent que la conception du libéralisme que je défends est tout simplement l'amour « raisonné » de la liberté, hérité en droite ligne du précepte tocquevillien. Par conséquent, hormis cet attachement fondamental, il ne peut y avoir ni dogme, ni idéologie. A contrario, l'Histoire des Peuples montre et démontre que plus le gouvernement des hommes est régi par des dogmes ou des idéologies, moins il y a de liberté. CQFD.

« Le libéralisme a besoin d'être régulé ». Monsieur de La Palisse n'aurait pas dit mieux. Autant affirmer que pour faire des phrases, il faille des mots ! Encore faut-il qu'ils soient cohérents, en bon ordre, et qu'on soit corrigé si l'on commet des fautes. En l'occurrence, le rôle de l'Etat est ici évident, par l'intermédiaire de ses bras législatif, exécutif et judiciaire. A condition que les règles qu'il édicte soient nécessaires, utiles, applicables... et appliquées !
Trop souvent les lois sont promulguées sans qu'on ait soupesé leur utilité réelle, sans qu'on se préoccupe de leur application sur le terrain, et sans qu'on évalue objectivement leur impact. Les limitations de vitesse sur les routes, n'ont montré vraiment leur pertinence, qu'à dater du moment où elles ont été respectées. Pour cela, il a fallu la mise en place de radars pour repérer et sanctionner les excès.. et l'analyse des statistiques pour prouver a posteriori que la loi était utile Cette démarche devrait être requise systématiquement.

« L'Amérique redécouvre les nationalisations ». Le plan Paulson qui devrait disperser 700 milliards de dollars, vise à reconstituer les « liquidités » évanouies, afin de rétablir la confiance et enrayer le jeu fatal de dominos inter-bancaire. Cette opération est ponctuelle, et hormis la mise provisoire sous tutelle des AIG, Freddie Mac et Fanny Mae, il n'a jamais été question de nationaliser les banques. Les chances de succès du nouveau plan sont assez aléatoires, mais ne rien faire serait sans doute pire. Ce plan a rencontré des réticences, car il y a beaucoup de gens aux USA pour vouloir limiter l'intervention étatique qui va endetter le pays tout entier, et surtout exiger des garanties quant au retour de la manne exceptionnelle.
Quant à nationaliser "par principe", rappelons qu'en France, la dernière expérience remonte à celle du Crédit Lyonnais en 1982 et qu'elle a conduit à « l'une des plus grosses faillites qu'ait connu le pays », quelques années ans plus tard
(130 milliards de francs évaporés)...

« On privatise les profits et on socialise les pertes ». Rien de plus faux. Affirmer cela c'est ignorer que l'Etat vit par nature au dépends des contributions des entreprises et des particuliers. Plus ceux-ci sont riches et plus celui-là engrange de recettes.
Pour autant l'impôt n'est pas un fin en soi, pas plus que l'enrichissement de l'Etat. Car si ce dernier peut faire oeuvre utile en rendant ou en prêtant un peu de ce qu'il a ponctionné, sa fonction redistributrice, chère aux socialistes est un leurre, car elle consiste, après avoir englouti une bonne part de l'oseille en frais de fonctionnement, à arroser en pure perte du sable ou à remplir le tonneau des Danaïdes. Le risque est toujours le même : celui de favoriser l'irresponsabilité par un interventionnisme, assimilé à une rassurante providence, et in fine, ruiner l'Etat...

Tout ça pour dire que ces leitmotiv qui plaident triomphalement pour le retour de l'Etat, confondent joyeusement les rôles dans lesquels ce dernier est susceptible d'intervenir. L'Etat régulateur est à l'évidence une nécessité, à condition d'éprouver l'efficacité des règles. Quant à l'Etat redistributeur, ou l'Etat nationalisateur, ça reste envers et contre tout, une hérésie contre le simple bon sens.

25 septembre 2008

Faux démons et vraies évidences


Il n'y a pas de mérite à vivre dans un monde libre.
Dans ces conditions en effet, la Liberté paraît aussi naturelle que l'air qu'on respire. Rien ne permet d'en mesurer la valeur, le risque étant de la sous-estimer, ou bien de ne pas l'utiliser à bon escient, voire même de s'en départir plus ou moins consciemment, en échange d'une poignée de cacahuètes.
Pure folie lorsqu'on sait les sacrifices à consentir pour la retrouver.
Pour autant, la Liberté, si difficile à conquérir et si facile à perdre, ne signifie pas l'anarchie, c'est à dire une jungle sans foi ni loi, où tout est permis et où rien n'a véritablement de sens.
C'est précisément ce qui distingue le libéralisme de l'utopie libertaire.
Dans les temps de crise hélas, la confusion s'empare vite des esprits. Certains exploitent la situation et tentent plus ou moins sciemment de faire prendre des vessies pour des lanternes. D'autres, naïfs cèdent à la panique, abandonnent toute raison, et se fient imprudemment à ces faux docteurs.

Aujourd'hui on voit des ténors de la Gauche s'appuyer sur les circonstances pour ressortir de plus belle leurs insanités intellectuelles. Martine Aubry par exemple, qui annonce bravache, que « le libéralisme s'effondre autour de nous », et qui en tire des conséquences plus qu'expéditives : « On assiste à la fin d'un modèle, d'un système, alors il faut faire appel à tous les socialistes pour amener un nouveau modèle ».
On connaît hélas trop bien celui qu'elle voudrait fourguer, après en avoir retapé en toute hâte les gentilles dorures de « justice sociale » qui en fardent l'inanité. De toute manière, bien malin celui qui pourrait discerner une proposition audacieuse et novatrice dans le tumulte dérisoire qui entoure la guerre des chefs sévissant chez les socialistes. Cette semaine, le nouvel Obs titrait en grand : « le PS est-il nul ? ». On se demande comment on peut encore poser la question...

De son côté Nicolas Sarkozy, profite de la tribune de l'ONU pour faire de grands moulinets moralisateurs sur les fautes du capitalisme et sur l'impéritie des « patrons voyous ». Comme s'il découvrait tout à coup les évidences, le voilà qui réclame « plus de régulation » exigeant notamment des sanctions à l'encontre de « ceux qui mettent en danger l'argent des épargnants ». Au moment même où Bernard Tapie se voit indemnisé par l'Etat dirigé par le même Sarkozy, de près de 300 millions d'euros, on croît rêver... (en dépit de nombreuses dettes à soustraire, il devrait tout de même d'après ce qu'on en dit, s'enrichir de la coquette somme de 40 millions d'euros). On ne connaîtra sans doute jamais le fin mot de l'histoire, tant elle est emberlificotée, et tant les juridictions amenées à statuer à son sujet se révèlent opaques ou aléatoires (la dernière « procédure arbitrale » est un petit bijou en la matière). Chacun jugera donc si l'homme d'affaires emblématique du socialisme mitterrandien, est un chef d'entreprise avisé, moral et constructif ou bien un brillant funambule de la finance...

En réalité, ce n'est pas parce que le monde « libre » est en crise qu'il faut remettre en cause le fondement même de son existence. Pour les libéraux sensés, il n'a jamais été question de supprimer ni les règles, ni l'Etat qui régissent toute société humaine. Il n'y a donc aucune raison aujourd'hui de se mettre « par principe », à sécréter plus de lois et plus de gouvernement...
Plus que jamais en revanche il apparaît nécessaire de veiller à ce que ces derniers protègent contre les pestes qui menacent en permanence le beau mais fragile jardin de la liberté : bureaucratie, centralisme, monopole, corruption, spéculation, irresponsabilité....
Il faut donc, comme le recommandait déjà Montaigne, des règles simples et les moins nombreuses possibles, et un Etat modeste mais efficace, garant de leur mise en oeuvre.

Or depuis des années, les gouvernements en France, qu'ils soient de gauche ou de droite n'ont cessé de prôner le renforcement de l'Etat et de compliquer l'arsenal législatif, au point d'imposer des dispositions de plus en plus inapplicables voire contradictoires entre elles. Et tous ont applaudi ou encouragé les folles fusions d'entreprises et d'organismes bancaires. Il y a quelques jours encore, on voyait EDF investir plus de 15 milliards d'euros pour « s'offrir British Energy », avec la bénédiction des gouvernements britannique et français...
Résultat, nous n'échappons pas à la crise des banques et des entreprises, mais avons en prime celle, chronique, de l'Etat !

Dans son discours à la Nation Américaine, George W. Bush de son côté s'est exprimé sans détour mais finalement avec plus de conviction et d'esprit pratique que bien des discoureurs de la méthode. Il n'a pas caché la gravité de la situation, tout en restant optimiste sur l'avenir.
Il a réaffirmé qu'il était «
un fervent partisan de la libre entreprise », et que son « instinct naturel » était de « s'opposer à une intervention du gouvernement ».
En plaidant pour cette dernière, il a insisté sur son caractère exceptionnel et sur le fait qu'elle ne visait pas à secourir des intérêts privés en péril, mais à « préserver l'économie américaine en général ». Afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté, il a d'ailleurs enfoncé le clou : « Je crois qu'on devrait laisser les entreprises qui prennent de mauvaises décisions s'éteindre »

Quant à la fameuse régulation, il a rappelé qu'elle existait mais qu'elle devrait être adaptée aux défis du 21è siècle, et s'attaquer tout particulièrement aux méfaits du gigantisme : « récemment, nous avons vu qu'une seule compagnie pouvait devenir si grosse que ses difficultés mettaient en péril la totalité du système financier ». CQFD...