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30 juin 2011

L'ouverture du Monde I

Le concept de mondialisation qui donne lieu à toutes sortes de fantasmes et de craintes suscite aussi des engouements inattendus. Pour preuve, le colossal succès de librairie de l'ouvrage de Thomas L. Friedman paru en 2005, qui en présente une interprétation enthousiaste.
Plus de 7 millions d'exemplaires vendus annonce la jaquette de "La Terre est Plate" !

A la lecture, ce pavé de 450 pages se révèle pourtant surabondant dans l'argumentation, faisant alterner des évidences, des longueurs, des répétitions ou des effets de style un peu ampoulés voire carrément plâtreux. On adhère par exemple moyennement à l'imposante rhétorique décrivant les dix forces qui auraient "aplati le monde" ou à "la triple convergence" qui sonne comme une lapalissade.

Pourtant ce fatras redondant recèle quelques observations bien senties, ou relevant du simple bon sens, qui méritent d'être soulignées. Car entre les défenseurs peu inspirés d'un cosmopolitisme laxiste, et les tenants d'un retour au nationalisme étriqué, une voie médiane existe.

Elle s'inscrit probablement mieux dans le modèle de la société ouverte abondamment décrit par Karl Popper (1902-1994), que dans l'aplatissement du monde décrit dans cet ouvrage.
Lorsque Friedman s'exclame : "Dans un monde plat on ne peut pas s'enfuir, on ne peut pas se cacher. Il faut être sage parce que toutes les erreurs que vous commettez finiront par pouvoir être révélées", comment ne pas être tenté de remplacer "plat" par "ouvert" ?

A condition d'accepter cette équivalence, nombre de constats paraissent pertinents.
Par exemple, dans un monde où tout se tient, où tout communique, la probabilité qu'un pays s'isole dans le totalitarisme est réduite. C'est dans ce contexte qu'on a vu s'effondrer irrémédiablement le glacis soviétique, qu'on voit peu à peu se dissoudre la vieille dictature maoïste en Chine, et qu'on assiste au démembrement des régimes autocratiques et fermés du Proche Orient.

Il y a beaucoup à espérer de la disparition des barrières.
Comme le remarque judicieusement Friedman, "La guerre Froide avait opposé de manière frontale Capitalisme et Communisme, …/... [mais] la chute du mur de Berlin a fait basculer l'équilibre des pouvoirs en faveur des gouvernements démocratiques au détriment des régimes autoritaires et en faveur de l'économie libérale au détriment de la planification centrale "
De même "Les Chinois dessinent sur ordinateur les maisons des Japonais, près de soixante-dix ans après l'occupation de la Chine par l'armée japonaise. Tous les espoirs sont permis dans notre monde plat (comprenez ouvert)..."

Outre l'effondrement des murailles, une des retombées les plus éblouissantes de l'ouverture du monde est le développement fabuleux des relations commerciales. Comme le constatait déjà Montesquieu, loin d'être néfastes, elles constituent en réalité le meilleur rempart contre les conflits armés et, force est de reconnaître qu’elles s’étiolent dès lors qu'ils surviennent.
Et pourquoi ne pas reconnaître qu'en matière de commerce, la dimension multinationale des entreprises est à bien des égards positive. "Autrefois ce qui était bon pour General Motors était bon pour l'Amérique. Aujourd'hui ce qui est bon pour Dell est bon pour la Malaisie, Taiwan, la Chine, l'Irlande, l'Inde..."
S'appuyant sur l'exemple des ordinateurs, dans la composition desquels nombre de sous traitants de divers pays sont impliqués, Friedman affirme que la "chaîne de l'approvisionnement" constitue un puissant facteur de prévention des conflits. Grâce à leurs relations commerciales, un Japon fort peut coexister pacifiquement avec une Chine forte.
De ce point de vue, il est même devenu vain de penser les grandes firmes en terme de nationalité : "Hewlett Packard est-elle une entreprise américaine si la majorité de ses employés et de ses clients se trouvent hors des USA, même si le siège social est installé à Palo Alto" ;

Friedman considère avec raison que le retour au protectionnisme, préconisé par un nombre croissant de voix, est une impasse. A l'inverse, en dépit de difficultés qu'il suscite entre pays de niveaux de vie trop éloignés, le libre échange est le meilleur garant de la prospérité générale.
Il est excessif de considérer comme tricheurs les pays profitant actuellement du déséquilibre qui joue en leur faveur. Tout comme il est inexact de radoter comme on l'entend si souvent que l'écart entre les pays pauvres et les pays riches ne cesse de s'accroître. Seuls végètent vraiment les nations encore soumises à des tyrannies hermétiques.
Peu à peu, les autres tendent vers un diapason universellement admis. 
Le 11 décembre 2001, la Chine a rejoint l'OMC et accepté ses règles, fait remarquer l'auteur. Quant à l'Inde, elle fait de même, et joue même le jeu de la démocratie. Depuis son indépendance en 1947, elle a connu des hauts des bas mais à ce jour, elle est "le pays le plus chanceux de la fin du XXè siècle." On pourrait citer également à l'appui de cette thèse, nombre de pays "émergents" d'Amérique du Sud ou d'Afrique.
D'une manière générale tout porte à croire que les salaires bas, et la médiocrité des conditions de travail ne sont qu'une étape (franchie il y déjà longtemps par le Japon, la Corée du Sud...)
Selon Friedman, "Il est trop tard pour revenir au protectionnisme". La plupart des économies sont trop liées entre elles pour prendre le risque d'une cassure brutale. Et "si des pays comme l'Inde peuvent désormais entrer en concurrence avec les Etats-Unis, ce défi sera bon pour l'Amérique, car il sera stimulant".
On ne peut plus brider un système qui fait que le travail peut désormais être accompli n'importe où. D'ailleurs, cela n'a pas que des inconvénients, si l'on songe par exemple que plus de 16% de la population active aux USA travaille désormais tout simplement chez elle...

15 juin 2011

Un monde de Lilliputiens

Il y a bien longtemps que la politique ne nous avait donné aussi pitoyable spectacle.
L'essentiel du débat se cantonne désormais à d'insignifiantes polémiques très bruyantes et très assommantes. Mais c'est à peine si elles ébranlent le veule consensus dans lequel s'englue l'opinion publique. Lorsqu'il ne s'agit pas de rengaines éculées rivalisant de démagogie et de mauvaise foi, ce sont de sordides affaires de mœurs qui font les titres de ce qui ose encore revendiquer le nom de presse.
Tombés au plus bas, les médias se ruent comme la vérole sur le bas clergé, grossissant ces micro-évènements sans intérêt, alors qu'il se passe tant de bouleversements, de vrais drames et d'authentiques espérances dans le monde.
Le battage hallucinant fait autour de l'affaire DSK fut un sommet d'horreur dont les journalistes ont semblé fiers, en révélant que l'épisode fit couler plus d'encre folle dans les journaux et circuler plus d'électrons ivres sur les réseaux télématiques, que l'élection de Barack Obama... Affligeante victoire d'un monde de Lilliputiens dont l'enjeu ne vaut guère mieux que celui des combats entre Gros et Petits-Boutiens...
Nulle part où se tourner. Waterloo est une morne plaine et la pensée contemporaine semble définitivement abonnée aux niaiseries.
Les petites phrases d'un Jacques Chirac, manifestement déjà bien avancé dans l'abîme de la sénilité, donnent la mesure de cette insoutenable vacuité. Entre les Socialistes qui font mine de les prendre au sérieux faute d'avoir mieux à se mettre sous la dent, et les autres évoquant piteusement une sorte d'humour corrézien, c'est une capilotade généralisée.
Acculé par des sondages pervertis par la haine et la désinformation, l'actuel chef de l'Etat de plus en plus timoré, use ses dernières forces à défaire ce qu'il avait laborieusement entrepris, et à prêcher l'inverse de ce qu'il clamait. En supprimant l'insane dispositif du bouclier fiscal sans oser vraiment toucher au non moins inepte ISF, il avoue implicitement tout à la fois son échec et son manque de conviction, maladie endémique des dirigeants depuis quelques décennies...

Dans notre petit univers quotidien, peu à peu la bureaucratie s'insinue partout. Elle confond sagesse et principe de précaution, qualité et réglementations, loi et ukase, et tue la confiance et l'initiative à force de tout encadrer dans le froid carcan de la machinerie planificatrice.
Occupé à satisfaire de creuses ambitions où la fin se confond trop souvent avec les moyens, notre monde occidental, épuisé par les délices de Capoue dont il ne sait plus quoi faire, s'enlise désespérément.
La lente déliquescence d'une frange grandissante de l'Europe, aspirée par le puits sans fonds d'une impossible justice sociale est un symptôme inquiétant, dont on voudrait encore croire qu'il ne préfigure pas la fin d'un monde. 
Certains imaginent voir dans la molle révolte des "Indignés", les prémisses d'un grand mouvement social imprégné du parfum délétère des utopies collectivistes. On dirait plutôt les soubresauts informes d'une société avachie, à bout de souffle, qui ne croit plus ni à son modèle, ni à la liberté, ni aux vertus d'une éducation par l'émulation, et qui oublie les sommes de volonté et d'efforts, et les fleuves de sang qu'il a fallu pour construire ce qui est de plus en plus souvent foulé au pieds.

Dans ces vapeurs tièdes de déconstruction, on remet en cause les valeurs, et l'esprit qui donnent sa substance à notre civilisation. Jamais Malraux et son fameux XXIè siècle spirituel ne parut moins inspiré...
Tout en se vautrant dans un matérialisme peu ragoûtant, on vilipende aujourd'hui jusqu'au progrès qui nous permet de vivre plus heureux et plus émancipés que jamais peuple ne fut dans toute l'histoire humaine.
On entend aussi dans ces ténèbres de l'intelligence, des voix réclamer la décroissance, c'est à dire l'appauvrissement et la régression généralisés. Faute de savoir éradiquer pour de bon la pauvreté, le vieux fantasme consistant à tuer la richesse est périodiquement remis au goût du jour.
D'autres chantent les vertus de l'enfermement dans le protectionnisme, oubliant la spirale de paupérisation qu'il ne manque pas de provoquer invariablement à chaque fois qu'il est mis en œuvre. Oubliant surtout qu'en se fermant au reste du monde, on ne pourra en aucune manière espérer relever le fabuleux et incontournable défi de la mondialisation. Or, sans Gouvernement Mondial, les nations retourneront tôt ou tard à la guerre et au totalitarisme, dont certaines attendent pour l'heure avec impatience qu'on les sorte !