La grande force de cet ouvrage, réside avant tout dans l'étonnante prescience de ses constats. Ayn Rand n'a pas son pareil pour mettre en scène le fiasco, lié de manière consubstantielle au mythe bien intentionné de la Justice Sociale, et décrire par le menu, les calamités qu'il ne manque pas de générer. A cette fin, elle ne prend pas le modèle brutal du communisme, qu'elle a bien connu mais qu'elle a jugé sans doute trop caricatural eu égard à la maturité de la société américaine, mais celui beaucoup plus insidieux de la Social-Démocratie, dont elle pressentait les dangers. Le totalitarisme de cette dernière n'est pas sanguinaire, simplement asphyxiant. Il n'éradique pas, il gangrène. Il ne frappe pas, il corrompt. Il ne martyrise pas, il assujettit. Il répond en somme parfaitement à l'appellation que lui donnait Friedrich Hayek : la Route de la Servitude.
Elle montre comment peu à peu se répand cette toxine à la saveur trompeusement suave, au sein d'une société florissante en l'imprégnant de principes sédatifs, qui endorment l'esprit critique, le bon sens, et finalement jusqu'au goût de la liberté.
Elle met par exemple en lumière les effets néfastes des sondages et de la recherche démagogique du consensus, qui amènent à confondre opinion publique et réalité objective, en donnant à des approximations, ou pire à des croyances, l'apparence de la vérité. De ce point de vue, le nom d'objectivisme qui a été donné au courant de pensée dont elle fut le fer de lance se justifie pleinement à cet égard.
Elle prétend qu'il ne suffit pas de se dire bien intentionné ou désintéressé pour être objectif, ou indépendant. Qu'il est au contraire plus sain dans toute controverse, toute stratégie, tout entreprise, de défendre des intérêts sans faux semblant, d'avancer en affichant clairement ses objectifs plutôt que ramper derrière le masque d'une pseudo neutralité.
Elle pointe avec un sens quasi divinatoire la peur du progrès qui s'empare trop souvent, et on ne sait pourquoi, des âmes prétendues charitables et même de certains scientifiques dévoués au culte de la Nature. Ainsi Hank Rearden qui invente un métal révolutionnaire par sa légèreté et sa solidité, et qui veut l'expérimenter sur les chemins de fer, est considéré tout d'abord comme un fou dangereux qu'il faut empêcher de nuire, puis lorsqu'il réussit, comme un profiteur éhonté qui doit être cloué au pilori et à qui il faut faire rendre gorge : « Notre pays a donné ce métal à Rearden, maintenant nous attendons qu’il donne quelque chose en retour au pays » s'exclame un des satrapes du Pouvoir Central à son encontre.
Ayn Rand montre avec sagacité la perversité du raisonnement qui considère le profit comme un mal absolu et qui ne conçoit le Service Public qu'au travers d'un monopole étatique.
Elle souligne enfin magnifiquement l'arrogance des politiques menées au nom de principes, leur incapacité à remettre en cause les postulats sur lesquels elles reposent, et leur propension à l'inverse, à aggraver les symptômes en persistant à infliger toujours les mêmes remèdes, à doses croissantes. De ce point de vue la description du désastre chronique qu'elle dépeint entre en résonance troublante avec le monde actuel...
Elle montre comment peu à peu se répand cette toxine à la saveur trompeusement suave, au sein d'une société florissante en l'imprégnant de principes sédatifs, qui endorment l'esprit critique, le bon sens, et finalement jusqu'au goût de la liberté.
Elle met par exemple en lumière les effets néfastes des sondages et de la recherche démagogique du consensus, qui amènent à confondre opinion publique et réalité objective, en donnant à des approximations, ou pire à des croyances, l'apparence de la vérité. De ce point de vue, le nom d'objectivisme qui a été donné au courant de pensée dont elle fut le fer de lance se justifie pleinement à cet égard.
Elle prétend qu'il ne suffit pas de se dire bien intentionné ou désintéressé pour être objectif, ou indépendant. Qu'il est au contraire plus sain dans toute controverse, toute stratégie, tout entreprise, de défendre des intérêts sans faux semblant, d'avancer en affichant clairement ses objectifs plutôt que ramper derrière le masque d'une pseudo neutralité.
Elle pointe avec un sens quasi divinatoire la peur du progrès qui s'empare trop souvent, et on ne sait pourquoi, des âmes prétendues charitables et même de certains scientifiques dévoués au culte de la Nature. Ainsi Hank Rearden qui invente un métal révolutionnaire par sa légèreté et sa solidité, et qui veut l'expérimenter sur les chemins de fer, est considéré tout d'abord comme un fou dangereux qu'il faut empêcher de nuire, puis lorsqu'il réussit, comme un profiteur éhonté qui doit être cloué au pilori et à qui il faut faire rendre gorge : « Notre pays a donné ce métal à Rearden, maintenant nous attendons qu’il donne quelque chose en retour au pays » s'exclame un des satrapes du Pouvoir Central à son encontre.
Ayn Rand montre avec sagacité la perversité du raisonnement qui considère le profit comme un mal absolu et qui ne conçoit le Service Public qu'au travers d'un monopole étatique.
Elle souligne enfin magnifiquement l'arrogance des politiques menées au nom de principes, leur incapacité à remettre en cause les postulats sur lesquels elles reposent, et leur propension à l'inverse, à aggraver les symptômes en persistant à infliger toujours les mêmes remèdes, à doses croissantes. De ce point de vue la description du désastre chronique qu'elle dépeint entre en résonance troublante avec le monde actuel...
---------------------
Quelques citations choisies permettront peut-être d'éclairer davantage le point de vue développé par Ayn Rand dans cette fresque qu'on peut certes critiquer mais qui ne saurait laisser indifférent, tant elle sort des sentiers battus, tant elle s'élève au dessus des clichés et des lieux-communs si rebattus...
Sur l'argent
« Vous pensez vraiment que l'argent est à l'origine de tous les maux ? …/... Et vous êtes vous demandé quelle était l'origine de l'argent ? L'argent est un moyen d'échange. Il n'a de raison d'être que s'il y a production de biens et des hommes capables de les produire. L'argent matérialise un principe selon lequel les hommes disposent, pour commercer, d'une monnaie d'échange dont ils admettent la valeur intrinsèque. Ceux qui pleurent pour obtenir vos produits ou les pillards qui vous les prennent de force n'utilisent pas l'argent comme moyen. L 'argent existe parce que des hommes produisent. C'est ça le mal pour vous ? »
« Quand vous recevez de l'argent en paiement d'un travail, vous l'acceptez parce que vous savez que cet argent vous permettra d'acquérir le fruit du travail d'autres personnes... »
« L’argent sert l’héritier qui en est digne, mais détruit celui que ne l’est pas. Dans ce dernier cas, vous direz que l’argent l’a corrompu. Vraiment ? Et s’il avait plutôt corrompu son argent ? »
« Celui qui méprise l’argent l’a mal acquis ; celui qui le respecte l’a gagné. »
A propos de la morale et du Libre Arbitre
« Il n’y a pas d’instinct moral, seule la raison permet d’exercer son sens moral. »
« Le seul impératif moral de l’homme est : tu penseras. »
« Un processus rationnel est un processus moral. A chaque étape, vous pouvez commettre des erreurs, sans autre garde-fou que votre exigence personnelle. Vous pouvez également tricher, nier la réalité et vous dispenser de l'effort intellectuel. Mais si la moralité est consubstantielle à la recherche de la vérité, alors, il n'y a pas d'engagement plus grand, plus noble, plus héroïque que celui de l'homme qui assume la responsabilité de penser »
« Seul ce qui est choisi est moral, non ce qui est imposé ; ce qui est compris non ce qui est subi. »
« Il n’y a pire autodestruction que de se soumettre à l’influence d’une autre pensée (que la sienne). »
« Dans toute situation à chaque instant de votre vie, vous êtes libres de réfléchir ou de vous exonérer de l’effort que cela implique. »
« Un homme qui meurt pour la liberté ne fait aucun sacrifice : il n’est juste pas disposé à vivre en esclave. »
Sur la dualité corps et l'esprit
« Deux types de maîtres à penser qui tirent profit de cette séparation entre le corps et l’esprit, enseignent la morale de la mort : d’un côté les mystiques de l’esprit que vous qualifiez de spiritualistes ; de l’autre les mystiques de la force physique, les matérialistes. Les premiers croient à la conscience sans existence, les seconds à l’existence sans conscience… mais tous deux exigent la capitulation de votre esprit, les uns devant leurs révélations, les autres devant leurs réflexes. »
Sur la Justice Sociale et l'utopie égalitariste, la négation de la réalité...
« Ceux qui commencent par vous dire : « satisfaire vos propres désirs est égoïste, vous devez les sacrifier aux désirs des autres » finissent immanquablement par dire « être fidèle à vos convictions est égoïste, vous devez les sacrifier aux convictions des autres »
« Le Bien des autres, c’est la formule magique. Celle qui change n’importe quoi en or, qui sert de caution morale et de rideau de fumée à n’importe quel acte, y compris le massacre de tout un continent. »
« Vous redoutez l’homme qui a un dollar de moins que vous, car vous pensez que ce dollar devrait légitimement lui revenir, et vous vous en sentez moralement coupable. Vous détestez l’homme qui a un dollar de plus que vous car vous estimez que ce dollar devrait vous revenir, et vous vous sentez moralement frustré. Celui qui a moins est source de culpabilité, celui qui a plus est source de frustration… »
« Ils affirment que l'homme a le droit de vivre sans travailler, au mépris du principe de réalité ; qu'il a le droit à un « minimum vital » - un toit, des aliments, des vêtements – sans effort, comme si cela lui était dû dès sa naissance. Mais qui doit lui fournir tout ça ? Mystère... »
« Il n’y a pas d’instinct moral, seule la raison permet d’exercer son sens moral. »
« Le seul impératif moral de l’homme est : tu penseras. »
« Un processus rationnel est un processus moral. A chaque étape, vous pouvez commettre des erreurs, sans autre garde-fou que votre exigence personnelle. Vous pouvez également tricher, nier la réalité et vous dispenser de l'effort intellectuel. Mais si la moralité est consubstantielle à la recherche de la vérité, alors, il n'y a pas d'engagement plus grand, plus noble, plus héroïque que celui de l'homme qui assume la responsabilité de penser »
« Seul ce qui est choisi est moral, non ce qui est imposé ; ce qui est compris non ce qui est subi. »
« Il n’y a pire autodestruction que de se soumettre à l’influence d’une autre pensée (que la sienne). »
« Dans toute situation à chaque instant de votre vie, vous êtes libres de réfléchir ou de vous exonérer de l’effort que cela implique. »
« Un homme qui meurt pour la liberté ne fait aucun sacrifice : il n’est juste pas disposé à vivre en esclave. »
Sur la dualité corps et l'esprit
« Deux types de maîtres à penser qui tirent profit de cette séparation entre le corps et l’esprit, enseignent la morale de la mort : d’un côté les mystiques de l’esprit que vous qualifiez de spiritualistes ; de l’autre les mystiques de la force physique, les matérialistes. Les premiers croient à la conscience sans existence, les seconds à l’existence sans conscience… mais tous deux exigent la capitulation de votre esprit, les uns devant leurs révélations, les autres devant leurs réflexes. »
Sur la Justice Sociale et l'utopie égalitariste, la négation de la réalité...
« Ceux qui commencent par vous dire : « satisfaire vos propres désirs est égoïste, vous devez les sacrifier aux désirs des autres » finissent immanquablement par dire « être fidèle à vos convictions est égoïste, vous devez les sacrifier aux convictions des autres »
« Le Bien des autres, c’est la formule magique. Celle qui change n’importe quoi en or, qui sert de caution morale et de rideau de fumée à n’importe quel acte, y compris le massacre de tout un continent. »
« Vous redoutez l’homme qui a un dollar de moins que vous, car vous pensez que ce dollar devrait légitimement lui revenir, et vous vous en sentez moralement coupable. Vous détestez l’homme qui a un dollar de plus que vous car vous estimez que ce dollar devrait vous revenir, et vous vous sentez moralement frustré. Celui qui a moins est source de culpabilité, celui qui a plus est source de frustration… »
« Ils affirment que l'homme a le droit de vivre sans travailler, au mépris du principe de réalité ; qu'il a le droit à un « minimum vital » - un toit, des aliments, des vêtements – sans effort, comme si cela lui était dû dès sa naissance. Mais qui doit lui fournir tout ça ? Mystère... »
« Si vous adoptez une ligne de conduite qui n’instille aucune joie dans votre vie, qui ne vous apporte aucun avantage matériel ou spirituel, aucun profit, aucune récompense, si vous parvenez à ce néant absolu, vous aurez alors atteint l’idéal de perfection morale auquel on veut vous faire croire… »
« Admirer les vices de ses semblables est une trahison morale et ne pas admirer leurs vertus une escroquerie morale. »
« C’est toucher les bas-fonds de la dégradation morale que de punir les hommes pour leurs vertus et les récompenser pour leurs vices… »
« Admirer les vices de ses semblables est une trahison morale et ne pas admirer leurs vertus une escroquerie morale. »
« C’est toucher les bas-fonds de la dégradation morale que de punir les hommes pour leurs vertus et les récompenser pour leurs vices… »
« A chaque instant et en toutes circonstances, votre choix éthique fondamental est : penser ou ne pas penser, exister ou ne pas exister, A ou non-A, l'entité ou le zéro...
Une chose est elle-même. Une feuille ne peut pas être feuille et pierre en même temps, ni entièrement rouge et entièrement verte en même temps, pas plus qu'elle ne peut geler et se consumer en même temps. Vous ne pouvez pas en même temps manger un gâteau et le garder. A est A, la vérité est vraie, et l'Homme est Homme... »
Une chose est elle-même. Une feuille ne peut pas être feuille et pierre en même temps, ni entièrement rouge et entièrement verte en même temps, pas plus qu'elle ne peut geler et se consumer en même temps. Vous ne pouvez pas en même temps manger un gâteau et le garder. A est A, la vérité est vraie, et l'Homme est Homme... »
Ayn
Rand La Grève (Atlas Shrugged)
Traduit
en français par Sophie Bastide-Foltz
Les
Belles Lettres. Paris 2011