Pour le reste elle a déroulé d'une voix sèche et monocorde une litanie de bonnes intentions floues, anticipant un retour de la croissance qu'elle imagine manifestement relever de l'opération du Saint-Esprit. Elle s'est montrée glaciale, imprécise et indécise, n'hésitant pas à contredire ce qu'elle affirmait hier, renvoyant aux calendes ou « aux partenaires sociaux » tout ce sur sur quoi elle n'a aucune idée, et coupant sans cesse la parole de son interlocuteur : une "épée", comme l'a qualifiée hier soir son coreligionnaire Mr Moscovici, mais qui donne la plupart de ses coups dans l'eau...
03 mai 2007
Un débat guère inspiré
Pour le reste elle a déroulé d'une voix sèche et monocorde une litanie de bonnes intentions floues, anticipant un retour de la croissance qu'elle imagine manifestement relever de l'opération du Saint-Esprit. Elle s'est montrée glaciale, imprécise et indécise, n'hésitant pas à contredire ce qu'elle affirmait hier, renvoyant aux calendes ou « aux partenaires sociaux » tout ce sur sur quoi elle n'a aucune idée, et coupant sans cesse la parole de son interlocuteur : une "épée", comme l'a qualifiée hier soir son coreligionnaire Mr Moscovici, mais qui donne la plupart de ses coups dans l'eau...
01 mai 2007
Une élection fera-t-elle le printemps ?
Il se passe en France quelque chose d'assez inhabituel. Comme si le printemps chassant l'hiver, apportait avec ses floraisons multicolores, un parfum de renouveau.
Il est évidemment trop tôt pour se réjouir car on connaît par expérience, le caractère versatile des paroles vibrantes qu'on entend lors des campagnes électorales. Il y a bien loin de la coupe aux lèvres, et parmi les fleurs qu'on voit surgir de partout, rares sont celles qui se transforment avec le temps en fruits appétissants.
Ayant été échaudé si souvent, je suis loin d'être un inconditionnel de Nicolas Sarkozy, et j'ai des doutes quant à l'application pratique de ce qu'il dit. Je ne suis pas convaincu par certaines propositions : je n'adhère ni à l'absurde bouclier fiscal, ni à l'étrange idée de TVA sociale et j'ai en général des réserves sur son attitude mitigée en matière d'impôts, de réglementation du travail, ou même de politique européenne.
Tout de même, le ton est vraiment différent de ce à quoi on était trop habitué.
Cet homme a du chien assurément. Il est réellement habité par son discours et l'élan qui le porte semble autre chose qu'un souffle opportun, subit mais sans lendemain. Ça vient de loin, c'est puissant et c'est superbement organisé. Pour une fois le candidat semble pétri de vraies convictions et son programme ne s'embarrasse guère de faux semblants. Bien sûr il y a des effets de rhétorique un peu faciles et quelques artifices de séduction mais l'ensemble est cohérent, fort et plutôt encourageant.
Le meeting enthousiaste d'hier à Bercy fut le point d'orgue d'une aventure parfaitement maîtrisée. Un sans faute époustouflant comme on dit.
Il y a naturellement cette capacité à inscrire en termes clairs l'avenir dans le bon sens et l'efficacité. Cette affirmation tranquille d'idées simples qu'on n'osait même plus évoquer tant la raison était engluée dans des principes abrupts et des dogmes amidonnés. Le plus jouissif fut d'ailleurs le moment où il renvoya d'un geste impérial tous ceux qui cherchent encore à pérenniser ces leurres idéologiques en aboyant haineusement à ses basques, tous ceux dont le verbiage arrogant s'acharne à nier les évidences et qui donnent depuis si longtemps aux autres des leçons qu'ils s'abstiennent de s'appliquer à eux-mêmes.
Parce que Mai 68 fut une caricature de l'esprit de liberté, un pâle succédané de l'inspiration qui à la même époque rayonna sur le monde anglo-saxon, Nicolas Sarkozy a eu raison d'en flétrir les effets dévastateurs et les inepties gonflantes. Moi qui suis toujours sous le charme des beatniks, du jazz, du blues, du rock et des poèmes acidulés de Jack Kerouac ou de Bob Dylan, je ne me suis jamais reconnu dans les niaiseries trostkystes ou maoïstes qui abîmèrent en France l'esprit mutin mais illuminé de ces vagabondages artistiques.
Nicolas Sarkozy a donné un coup de pied dans la fourmilière, créant un joli désordre parmi la multitude qui rongeait tranquillement le terreau intellectuel du pays. Ils sortent de partout effarés et dans la confusion, jettent bas les masques de prétendue objectivité derrière lesquels ils cachaient leur travail de sape. Le Syndicat de la Magistrature, la Ligue des Droits de l'Homme avouent qu'ils ne sont rien d'autre que des officines au service de la pensée « de gauche ». Les beaufs prétentieux de Canal Plus ou de Charlie Hebdo qui brandissaient l'alibi de l'ironie pour couvrir la bêtise de leur humour pachydermique, exhibent au grand jour leur esprit partisan et borné.
Face à une vague qui grossit irrésistiblement, Ségolène quant à elle ne sait plus à quel saint se vouer. Contrainte en permanence de réagir, faute d'avoir une vraie aspiration, elle pourfend l'argumentaire de son adversaire sans rien trouver de plus original que de répéter qu'elle n'y voit que brutalité et violence. Faisant feu de tout bois, elle affirme un jour qu'elle pourrait prendre François Bayrou comme premier ministre, et le lendemain elle évoque Dominique Strauss-Kahn dont la quasi inexistence à ses côtés est un signe évident du malaise régnant au PS.
Quant au leader de l'UDF, le flux de la marée montante l'encercle chaque jour un peu plus. Après le choix de raison exprimé par ses deux plus proches lieutenants Hervé Morin et Maurice Leroy, sa situation devient de plus en plus intenable.
Ainsi va le temps. Après avoir accepté durant des décennies les oeillères, la France aura peut-être dans "huit petits jours" vraiment décidé de voir les choses autrement...
27 avril 2007
Stratégie insulaire ?
Eu égard à l'incapacité du Parti Socialiste à se régénérer, il était sans doute envisageable de propulser sur l'échiquier politique une formation social-démocrate comme en possèdent de nombreux pays. Il eut fallu pour cela y songer depuis plusieurs années, et tenter d'arracher dans les deux camps traditionnels un certain nombre de bonnes volontés (et sans doute avoir des convictions un peu plus précises).
Au lieu de cela, François Bayrou a cultivé avec opiniâtreté une indépendance hautaine qui le mène aujourd'hui au faîte de sa popularité mais aussi à une sorte de splendide isolement. Curieusement il semble avoir un penchant pour le chant d'une Ségolène subitement tout miel pour lui.
Pourtant, on serait enclin à penser que son intérêt passe par l'échec de cette dernière. Que peut-il espérer de sa victoire : un ou deux strapontins bancals dans une coalition hétéroclite dans laquelle il perdra son âme en même temps que son prétendu non-alignement ?
S'il veut avoir une chance de mettre en oeuvre derrière son panache blanc, cette fameuse recomposition, qu'il appelle de ses voeux, il lui faut avant tout mordre par lui-même sur l'électorat de gauche. Or la défaite du PS pourrait lui offrir cette occasion en portant le coup de grâce à un parti bien mal en point depuis quelques années en raison de l'absence d'idées nouvelles et d'incessantes guerres entre petits chefs. Il lui serait alors loisible de séduire de ce côté (encore faudrait-il qu'il parvienne à conserver avec lui au moins une partie du Centre Droit...).
Mais que fera Bayrou lorsque ce soufflet sera retombé et qu'il se retrouvera tout seul avec la gueule de bois, sur son île déserte ?
24 avril 2007
De la nature dévoyée du credo anti-libéral
La France terre de paradoxes, cultive opiniâtrement, surtout lors des grandes échéances électorales, un rite étrange, nourri de croyances archaïques et de craintes fantasmatiques.
Cette religion, accrochée à la vieille souche marxiste-léniniste, n'en finit pourtant plus de s'effriter en exhalant de pestilentiels remugles, au dessus d'un jus d'épandage nauséabond où surnagent comme de dérisoires falots fumants, les vestiges figés d'illusions évanouies.
Mais faisant fi de leurs désastreuses erreurs passées, les prêtres de cette foi obtuse continuent d'ânonner leurs antiennes éculées, comme de vieux calotins égrenant compulsivement leurs chapelets. Et plus ils sentent l'avenir leur échapper, plus ils deviennent sectaires et venimeux.
Cette manière de penser, crispée sur une idéologie défaite, incapable du moindre effort de rénovation, tente de pérenniser envers et contre tout une vision névrotique et rétrograde de la société. Et, forte des chimères démagogiques instillées sans relâche depuis des décennies dans les cervelles, elle parvient encore à entretenir un semblant de rayonnement, basé sur des a priori réducteurs et une haine féroce pour tout ce qui dévie de ses dogmes arrogants quoique moribonds. Grâce à ses innombrables relais médiatiques et à la complaisance veule et masochiste de bourgeois farcis de mauvaise conscience, elle exerce une police permanente sur les esprits et continue d'asséner comme vérités révélées ses contresens diaboliques.
Elle semble avoir définitivement refusé de confronter ses grands principes au verdict de l'expérience et du pragmatisme, et comme l'avare serre jalousement ses trésors inutiles dans des coffres obscurs, elle maintient enfermées ses rogues certitudes derrière les murailles grises d'une dialectique de plus en plus étriquée. Mais à l'image des bandelettes sur une momie, ses imprécations revanchardes ne défendent plus qu'un corpus sans vie, en voie de dessiccation. Son coeur est devenu un caillou noir et ses aspirations soi-disant altruistes sont pétrifiées dans une gangue égocentrique qui se dégrade en anathèmes de plus en plus approximatifs. Plus rien ne trouve grâce à son regard de poisson mort.
Dans son aveuglement incurable, elle refuse obstinément de voir la liberté qui forme le terreau du libéralisme. Assise sur les belles espérances des Lumières, elle ne croit ni au génie humain, ni à l'initiative individuelle et n'imagine le contrat social que dans l'omnipotence étatique, le planisme administratif et la bureaucratie procédurière.
Ses dignitaires enturbannés qui méprisent le petit peuple du haut de leurs snobs salons dorés se vantent avec un pharisaïsme insolent de n'aimer pas les riches et encensent de louanges hypocrites l'Impôt qui fait la charité des uns avec l'argent des autres...
A la manière de comptables filous qui confondent leur portefeuille avec la caisse de l'entreprise, ils démolissent les repères établis, et bousillent par leur mauvaise foi inoxydable toutes les problématiques auxquelles ils s'attaquent. Assimilant par exemple leur engagement politique à la vertu immanente, ils se croient autorisés à donner à tour de bras, des leçons de morale aussi doctrinaires que celles de l'Inquisition. Mais leurs oeillères idéologiques bornent désespérément le champ de leur imagination. Ils n'ont aucun sens de la perspective, aucune notion pratique, et noient sous des peurs irrationnelles quelques uns des plus beaux progrès de la civilisation technique. Plutôt que d'en prôner une maîtrise éclairée et responsable, ils opposent des veto moyen-âgeux à ce qui participe de l'émancipation réelle du genre humain, tout en qualifiant d'avancées, de sordides bricolages scientistes, pourvu qu'ils satisfassent leur éthique froidement matérialiste.
Ces cuistres qui ne comprennent rien du monde réel, le rejettent avec dédain. Après avoir voulu imposer à l'univers entier le morne et brutal totalitarisme collectiviste, ils déclarent une guerre stupide contre le libre-échange, et le fédéralisme démocratique au nom d'une alter-mondialisation prétentieuse et destructrice. Pire, en brandissant le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, ils avalisent les plus affreuses tyrannies et refusent à des peuples martyrs la liberté dont ils profitent égoïstement, sans avoir rien fait pour la mériter.
Cette doctrine qui emprunte l'essentiel de sa quincaillerie conceptuelle au vieux socialisme révolutionnaire, a répandu partout ses poisons pernicieux déguisés en grandes idées généreuses. Mais à force de donner du bonheur une vision emphatique qui n'aboutit en règle qu'à la tristesse et à la désolation, ces sophismes trompeurs font de moins en moins illusion et laissent apercevoir à travers le voile qui se déchire, leur vraie nature faite d'intolérance et de ressentiment.
Les yeux trop longtemps abusés semblent se dessiller enfin. Là où les armes et la dictature ont fini par devenir impuissantes à les garder, les remparts de la forteresse mordent la poussière par pans entiers sous la pression de populations assoiffées de liberté. Les uns après les autres les fiefs soumis au carcan se libèrent et voient enfin le jour autrement qu'à travers les barreaux d'une doctrine désespérante.
Même en France les grands étendards se ratatinent comme des chiffons dérisoires, durcis par le jus aigre des rancoeurs accumulées et le sang desséché des combats perdus.
L'élection présidentielle voit encore s'aligner 11 candidats sur 12 se réclamant peu ou prou de ces conceptions obsolètes, de ce rejet primaire du monde, mais l'idéal a rétréci comme une peau de chagrin.
Le programme de ces tartufes bornés se réduit au misérable slogan « Tout sauf Sarkozy » qu'ils répètent apeurés en agitant fébrilement leur vieilles crécelles. Accrochés à leurs chaires qui s'effondrent, ils tentent désespérément d'enfermer dans leurs pièges sémantiques usés, le seul qui ait osé utiliser des mots neufs, et briser quelques tabous.
Mais tout ça sonne de plus en plus faux et le royaume arrogant d'antan se transforme en microcosme lilliputien.
Encore un peu de patience et le bocal se refermera peut-être sur ces derniers résidus lyophilisés, qu'on pourra ranger alors définitivement au musée, dans le rayon des horreurs déconfites...
18 avril 2007
Intemporalité de la beauté
Il y a quelques jours à peine, en parcourant les vastes allées du Giardino di Boboli, devant le Palazzio Pitti à Florence, je tombai en arrêt devant une statue. Immédiatement elle me rappella une aquarelle de John Sargent (1856-1925). Je la photographiai pour emporter la trace de cette impression de déjà-vu.
Lorsque de retour d'Italie, je compulse les ouvrages consacrés à ce peintre américain imprégné d'Europe, je retrouve sans hésitation la déesse Cérès couronnée de lauriers et tenant à la main une brassée de céréales.
Détenue par le Brooklyn Museum, cette oeuvre est datée de 1907.
Etonnante et minuscule coïncidence. 1907-2007 : un siècle exactement sépare les deux regards. Tant de tumultes séparent ces instants, tant d'horreurs barbares, tant d'illusions et de vanité. Et pourtant autour de cette silhouette altière, règne une tranquillité inchangée. On entend le pépiement intemporel des oiseaux et la lumière traverse l'ombre des cyprès majestueux avant de frapper le marbre froid sur lequel elle se répand en flaques mobiles d'une blancheur éblouissante.
Devant cette scène, l'oeil de Sargent fut comme un prisme qui décomposa les rayons du soleil en traits multicolores, transformant ces contrastes graciles en une sorte de délicate extase expressionniste. L'éclat de la Renaissance colorant les vestiges du monde antique en quelque sorte...
17 avril 2007
Retour vers le passé...
Il est vrai que pendant 7 jours j'étais sorti de cet univers borné. Aucune nouvelle de la France. Pas de télé, pas de radio, pas de journal. La tête uniquement peuplée des collines ensoleillées de la Toscane. Les vignes et les oliviers déroulant leur doux tapis sur ces paysages ondoyants jusqu'aux lointains veloutés, ponctués par les silhouettes sombres et silencieuses des cyprès hiératiques...
Plus dure est la chute.
Cette pagaille ne donne qu'un entrefilet dans l'édition du « Monde » du jour.
Ségo voudrait que chaque Français possède son drapeau tricolore et chante la Marseillaise au petit déjeuner. Et elle jacte sur Bush comme s'il incarnait Satan !
Bayrou s'accroche à sa bulle de néant, paraît-il fédérateur, en évoquant les personnalités éminentes et audacieuses de gauche qui seraient prêtes à le rejoindre mais qui préfèrent prudemment garder l'anonymat en attendant le moment fatidique. La question fondamentale du moment : ces tractations obscures sont-elles les prémices d'une alliance UDF-PS ?
Le Pen rabâche de plus en plus laborieusement ses refrains névrotiques et le conglomérat hétéroclite de la Gauche anti-libérale continue d'éructer sa haine du monde réel.
Dans un flots de sarcasmes tristes, me revient à l'esprit la chanson de Jacques Dutronc : Merde in France (cacapoum) !
04 avril 2007
World Trade Center
02 avril 2007
A chacun sa vérité
On peut avoir de la sympathie pour Al Gore qui a beaucoup contribué au magnifique développement de l'internet. On peut être totalement convaincu de l'impérieuse nécessité qu'il y a de protéger notre planète, et penser qu'aucun effort n'est inutile s'il contribue à préserver la qualité de l'environnement.
Mais il est tout aussi possible de ne pas adhérer complètement au scénario catastrophe sur papier glacé, présenté par l'ancien vice-président américain au sujet du réchauffement climatique. Pour ça, il faut évidemment une certaine audace tant le thème s'inscrit dorénavant comme un nouveau pont-aux-ânes de la correction politique, à l'encontre duquel il est devenu inconvenant d'émettre ne serait-ce qu'une réserve. On risque fort à ce jeu d'être pris pour un suppôt de l'utra-libéralisme, ou bien pour un valet des infâmes lobbies pétroliers et autres sataniques incarnations du capitalisme (dont tout un chacun profite pourtant sans vergogne).
Au départ pourtant l'évidence s'impose certes à tous : l'activité humaine, c'est certain, influe sur la biosphère. Et nul ne peut décemment contester que l'Humanité ait par ses progrès techniques, quelque peu chamboulé l'équilibre naturel qui prévalait avant qu'elle ne commence à bricoler sa galopante civilisation industrielle. Chaque être humain connaissant la fable de l'apprenti sorcier doit donc légitimement s'inquiéter pour l'avenir, car jusqu'à preuve du contraire, nous n'avons qu'une seule planète à notre disposition.
Ce constat posé, les attitudes divergent.
Certains prophètes de l'apocalypse semblent passer un peu rapidement sur le fait que l'Humanité qui bricole dangereusement, c'est nous tous. Ce sont nous tous qui avons besoin de chauffage en hiver, qui apprécions le confort que procure la fée électricité, qui trouvons bien pratiques les automobiles, qui prenons plaisir à partir en vacances en avion, et qui n'aimons guère payer cher toutes ces merveilles dont nous sommes tellement gavés qu'elles ne nous émerveillent même plus.
Avant donc de songer à savoir si le réchauffement climatique est néfaste, avant de battre sa coulpe en se tapant le cul sur la glace fondante, il est nécessaire de mettre en balance tout ce que nous avons gagné en qualité de vie, à ce prix.
Et avant de penser à déterminer ce à quoi nous serions prêts à renoncer au nom d'un danger hypothétique, il faudrait être certain que cela soit absolument nécessaire pour enrayer les drames que les oiseaux de mauvais augure nous annoncent.
Les projections des experts sont des modèles mais on sait bien que la réalité infléchit le plus souvent ce qui paraît prévisible. Il y a quelque temps c'était le trou dans la couche d'ozone qui constituait la pire menace à court terme. Aujourd'hui on n'en parle même plus...
Après tout, lorsque nous aurons brûlé tout le combustible fossile caché dans les entrailles de la Terre, le taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère devrait commencer de baisser. Mais peut-être aussi que les efforts menés depuis de nombreuses années pour trouver des sources d'énergie moins polluantes seront couronnés de succès, avant même l'épuisement de ces réserves. Enfin l'évolution naturelle du climat pourrait elle-même s'opposer qui sait, à la tendance induite par l'activité humaine. Selon certains savants, nous serions au seuil d'une nouvelle période glaciaire...
Ce n'est donc pas parce que plusieurs milliers de publications scientifiques démontrent l'existence d'un réchauffement du climat, et qu'elles l'attribuent à l'homme, que la fin du monde doit s'inscrire pour autant comme conséquence inéluctable.
D'ailleurs, le réchauffement lui-même, s'il a certainement des effets indésirables, en a peut-être aussi de bénéfiques. Le premier qui vient à l'esprit au sortir d'un hiver doux, est qu'il a permis d'économiser près de 5% en note de chauffage, donc en consommation de gaz et de fuel... Il pourrait, en modifiant la répartition des pluies, donner de l'eau à ceux qui en manquent et rendre certains déserts fertiles. En définitive, comme tout changement, il risque fort de faire à la fois des heureux et des malheureux. Si la météorologie était une science exacte et le climat un phénomène naturel stable, constamment bienfaisant, et facile à commander, il serait légitime d'exiger qu'on fasse tout pour ne pas le dérégler. C'est loin d'être le cas, par conséquent ne cassons pas ce que nous avons eu tant de peine à construire, sans y réfléchir à deux fois.
Mr Gore a peint son tableau d'un noir un peu trop absolu pour être vraiment crédible et son titre évoque plus la polémique que l'action citoyenne. Rien ne vient pondérer le schéma effrayant qui, après beaucoup d'autres du même genre, annonce ni plus ni moins la fin du monde. Certes l'augure affirme pour positiver, que tout n'est pas encore irrémédiable et qu'il ne tient qu'à nous d'inverser la tendance.
Mais face à des prédictions cataclysmiques, il oppose des solutions alternatives plutôt timides, si l'on excepte l'idée d'une récession économique d'inspiration malthusienne, dont l'application à l'ensemble du globe paraît relever de l'utopie et qui risquerait fort d'occasionner beaucoup plus de malheurs qu'elle ne résoudrait de problèmes.
Au surplus, Mr Gore n'est peut-être pas la personne idéale pour instruire ce procès. Il fut pendant 8 ans le vice président d'une administration qui s'illustra surtout par des voeux pieux et des bonnes résolutions en matière de protection de l'environnement. Cette relative inaction ne l'empêche pas aujourd'hui de faire porter le chapeau aux gens qui lui ont succédé au pouvoir. Il en profite au passage pour ressortir sa rancoeur tenace et totalement hors sujet, d'avoir perdu les élections de 2000, et insinue que la victoire lui fut volée, en dépit des nombreux recomptages, qui tous confirmèrent le succès, certes très court, de son adversaire .
Facteur aggravant, Mr Gore n'est manifestement pas le premier à suivre ses propres conseils. On sait par exemple que sa maison consomme vingt fois plus d'électricité qu'un foyer américain moyen. De même il serait intéressant de savoir s'il voyage en appliquant scrupuleusement les recommandations qu'il dispense si généreusement aux autres. Il y a fort à parier qu'il soit plus habitué aux intérieurs feutrés des limousines et des jets qu'à ceux des trains ou du métro...
Enfin lorsqu'il assure verser à des organismes censés protéger l'environnement, l'équivalent en dollars de ce qu'il consomme en énergie « sale », on ne peut que s'insurger. Lui et les gens suffisamment riches pour se le permettre, trouvent donc normal de s'acheter par le biais de ces « carbon credits » une bonne conscience, tout en continuant à polluer comme si de rien n'était ! Si ce n'est pas du pharisaïsme, on se demande de quoi il s'agit...
En définitive, l'homme a souvent détruit autour de lui, il a souvent été l'artisan de ses propres malheurs. Mais dans la plupart des cas, ce fut lorsqu'il était soumis à une réglementation excessive, bureaucratique, sans contre-pouvoir ni liberté de critiquer. En un mot sans responsabilité. Et s'il s'est rendu coupable de désastres écologiques, il s'est également montré capable de remettre en valeur des régions dévastées par les aléas du climat ou de vivifier des déserts. Enfin, s'il ne parvient pas à empêcher certains catastrophes naturelles, il en prévient les effets néfastes de plus en plus efficacement.
Les sociétés démocratiques aimant la liberté et la responsabilité, représentent la meilleure garantie de préservation de l'environnement, car elles laissent libre cours aux dénonciations et avertissements, même les plus virulents. Bien qu'ils s'avèrent parfois excessifs voire un tantinet malhonnêtes, ils maintiennent une pression médiatique sur le sujet. Si les individus se comportent en citoyens responsables nul doute qu'ils pourront eux-même changer le cours des choses en évitant les gâchis et en favorisant l'émergence de cercles vertueux économiques. Il n'est pas nécessaire de jeter des anathèmes pour cela car c'est l'affaire de tous.
27 mars 2007
La nouvelle bureaucratie sanitaire
Le système de santé français craque de toutes parts. Il croule sous le poids de réformes incessantes, empilées à la manière de strates inextricables, toutes plus saugrenues les unes que les autres. Lorsque des médecins contribuent à nourrir ce planisme bureaucratique c'est touchant mais c'est grotesque. Que peuvent-ils attendre en effet de ces inepties qu'on espérait voir disparaître dans une société moderne et responsable ?
Il y préconisait rien moins que la fermeture de 113 des 486 blocs opératoires hospitaliers publics, soit près du quart, au motif qu'ils réalisaient moins de 2000 interventions par an, et donc étaient incapables à ses yeux de garantir la sécurité des patients opérés.
Aujourd'hui, il sort à nouveau son sabre épurateur, et dès le titre de son dernier ouvrage, il affiche une volonté provocatrice délibérée*.
Après tout pourquoi pas. A force d'idéologie et de bureaucratie, le système de santé français est dans une si grande déconfiture, qu'on est tenté pour le sauver, de proposer des remèdes de cheval. L'ennui c'est que la bête est tellement malade qu'un traitement trop brutal pourrait la tuer net. Surtout qu'il n'est pas le premier à réclamer une purge drastique. Et les professionnels de santé ont vu passer tant de réformes depuis quelques années, qu'ils sont saturés, écoeurés, épuisés.
Le plus étonnant en la circonstance, est que les critiques les plus acerbes proviennent le plus souvent de gens qui occupent ou ont occupé des fonctions de premier plan dans le système.
Mr Vallancien qui a comme on l'a vu, portes ouvertes au ministère, est professeur en Centre Hospitalier Universitaire à Paris. Tout comme Bernard Debré qui publia il y a quelques temps avec son collègue Philippe Even un tonitruant pamphlet** sur le même sujet. Ce n'est pas faire injure à Mr Debré que de rappeler qu'il est également politicien et qu'il occupa même les fonctions de ministre. Le professeur Jean Dubernard qui l'avait précédé dans les diatribes enflammées est membre éminent du même grand parti que lui et nul ne peut ignorer ses exploits très médiatisés de greffeur de mains. Il est président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée Nationale.
Parmi les censeurs on recrute également de hauts fonctionnaires. Le plus sévère est sans conteste Jean de Kervasdoué qui fut l'auteur d'une satire cruelle du monde hospitalier***. Avant de découvrir l'hôpital en temps qu'usager il fut tout simplement Directeur Général de l'Hospitalisation, tout comme Gérard Vincent qui dirige aujourd'hui la Fédération Hospitalière de France avec Claude Evin, ancien ministre de la santé.
Tous sont convaincus qu'il faut faire une nouvelle « révolution culturelle » et sont naturellement persuadés de détenir la solution infaillible.
Or ce joli monde tape joyeusement sur un monstre qu'ils ont contribué à façonner et dont ils ont peu ou prou approuvé toutes les boursouflures, et toutes les difformités et redondances administratives.
Depuis la réforme hospitalière de 1991 jusqu'au dernier plan Hôpital 2012, en passant par le funeste plan Juppé, tous les partis, tous les responsables ont oeuvré la main dans la main pour en arriver à un résultat aujourd'hui universellement critiqué.
Le plus terrible est qu'à chaque fois les réformateurs promettent davantage de cohérence et d'efficacité ! Parmi les innombrables textes réglementant l'hôpital, l'ordonnance n°2003-850 du 4 septembre 2003, annonce tranquillement "la simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé" et celle n° 2005-406 du 2 mai 2005 se veut porteuse de dispositions "simplifiant le régime juridique des établissements de santé" !
Hélas, abondance de biens peut nuire, et l'hôpital qui fait l'objet de tant de règlements, de tant de directives plus ou moins abouties ou contradictoires est plongé dans une mortelle confusion. Pour schématiser, il est pris aujourd'hui en tenaille entre deux périls principaux :
-la « Tarification à l'Activité », censée remplacer le Budget Global, et qui après quatre années d'existence n'a fait la preuve que de son effroyable complexité et de son inefficacité.
-et le dernier avatar organisationnel, pompeusement baptisé « Nouvelle Gouvernance », qui chamboule la notion séculaire de service de soins en y superposant celle allégorique mais nébuleuse de Pôle d'activité, et qui multiplie les comités, conseils et commissions internes comme autant de petits potentats concurrents ou antagonistes, conduisant à un imbroglio dont plus personne ne parvient à saisir les tenants et les aboutissants.
Le plus fort est que toutes ces hasardeuses refondations sont régulièrement épinglées voire sévèrement tancées par les autorités de contrôle de l'Etat : Cour des Comptes, Inspection Générale des Affaires Sanitaires, Inspection Générale des Finances, toutes ont condamné tour à tour la vanité et le coût de ces mesures !
Rien n'y fait malheureusement car la machine légale en France paraît incontrôlable, intouchable. « C'est la loi » dit-on avec fatalisme...
Lorsque le professeur Vallancien s'insurge, on pourrait parfois être tenté de le suivre. Il pointe en effet nombre de tares qu'aucun être doué de raison ne peut ignorer et donc refuser de corriger. Mais à l'instar de quantité d'experts, s'il est clairvoyant pour établir des diagnostics, il peine à y opposer des solutions autres que celles dictées avant tout au nom de principes et d'a priori théoriques, qu'il meurt d'envie d'appliquer avant tout... aux autres !
Par exemple, il réclame la fin de la liberté d'installation pour les médecins, sous prétexte qu'on observe de grandes hétérogénéités de répartition conduisant à la désertification médicale de certaines régions, au surpeuplement d'autres et à de pareilles et calamiteuses disparités au niveau des spécialités elles-mêmes.
Son argumentation est étrange : faisant le constat que les praticiens sont rémunérés essentiellement par la Sécurité Sociale, il lui paraît normal qu'elle en fasse des assujettis en réglementant autoritairement l'endroit où ils devraient poser leur plaque.
Il préconise donc ni plus ni moins l'application d'une rigide logique bureaucratique, alors que dans le même temps il en critique à longueur de pages les méfaits qui aboutissent entre autres à « financer le secteur libéral à l'aveugle ».
Ainsi, non seulement il entérine le principe d'une tutelle planificatrice et centralisatrice, mais il veut en accroître les prérogatives !
Une alternative est pourtant envisageable à ces oukases gestionnaires : s'assurer avec bon sens que l'offre médicale réponde à des besoins réels et sanctionner les abus. Il est en effet légitime pour le payeur de contrôler que toutes les prestations remboursées sont pleinement justifiées.
On pourrait par la même occasion, cesser de penser que ce payeur doive nécessairement être unique. On connaît les dysfonctionnements de la Sécurité Sociale, dus pour beaucoup à sa situation de quasi monopole, à son gigantisme déresponsabilisant, et à sa trop grande dépendance des ressources de l'Etat.
En matière d'assurance maladie comme ailleurs, si l'on souhaite agir efficacement, l'émulation est souhaitable. Et le règne de la liberté surveillée est de loin préférable à celui d'une tutelle omnipotente imposant par avance une doctrine monolithique, dictée à partir de principes idéologiques.
Les recettes proposées par le professeur Vallancien au sujet de l'hospitalisation, semblent inspirées par la même politique, basée sur le planisme technocratique et les quotas. Il l'affirme d'ailleurs sans ambiguïté : « la médecine doit quitter le champ de l'action artisanale pour entrer dans celui d'une production industrielle sécurisée des soins ».
En 2006, il ne disait pas autre chose lorsqu'il exigeait la fermeture immédiate des blocs opératoires ne répondant pas au seuils arbitraires d'activité qu'il avait lui-même définis. Il faut rappeler que l'ancien ministre de la santé Bernard Kouchner avait lui-même anticipé cette idée lorsqu'à la suite d'articles accusateurs parus dans la revue « 60 millions de consommateurs », il contribua à jeter l'opprobre sur les petits hôpitaux accusés d'estropier les malades plutôt que de les soigner !
Cette stratégie est très surprenante car elle entre en contradiction flagrante avec des évidences criantes. On sait ce qu'un nombre brut d'interventions a de fallacieux. Il ne signifie rien dans l'absolu puisqu'il mélange des prises en charge très différentes et ignore la répartition par opérateur.
Il faut ajouter que même si « c'est en forgeant qu'on devient forgeron », personne n'a jamais établi avec certitude une relation mathématique entre la quantité et la qualité. En outre, même s'il serait vain d'affirmer qu'on peut tout faire partout, les progrès des techniques laissent désormais envisager la pratique d'actes diagnostiques ou thérapeutiques dans des structures légères, alors qu'ils nécessitaient il y a peu de temps de lourds plateaux techniques. Les télécommunications sont susceptibles quant à elles d'apporter une aide précieuse pour ne transférer vers ces derniers que les patients nécessitant des soins sophistiqués et faire bénéficier même les endroits les plus reculés, d'un haut niveau d'expertise.
La méthode centralisatrice prônée par le Pr Vallancien, paraît donc rétrograde, et risque d'aggraver la désertification contre laquelle il veut justement lutter, s'agissant de la médecine libérale. Elle favorise l'édification d'énormes structures concentrationnaires dont on connaît la nature perverse en terme de gestion. On sait par exemple que 18 des 31 Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) sont gravement déficitaires, en dépit des dotations budgétaires colossales qu'ils engloutissent chaque année.
Mais ce n'est pas tout. A cause de tels dogmes et d'une législation toujours plus contraignante, le champ de la télémédecine reste en France embryonnaire. L'expérience pilotée par l'Etat du Réseau Santé Social est un fiasco et celle du Dossier Médical Personnel, obéissant au même principe centralisateur paraît mal partie. Enfin, en raison d'un ubuesque régime d'autorisation administrative, lors du dernier pointage de l'OCDE, notre pays figurait en queue de peloton quant au nombre d'appareillages médicaux modernes installés (scanners, cameras à isotopes, résonance magnétique nucléaire) !
En définitive, le Pr Vallancien qui bénéficie pour exercer sa profession, du confort d'une des plus coûteuses structures hospitalières, richement dotée en personnel et en matériel, a tendance à juger ex cathedra les autres à l'aune des CHU. Plus grave, avec ses a priori à l'emporte pièce il ne peut qu'endommager la réputation d'établissements ne disposant pas de tels moyens et créer des frustrations parmi les soignants discrédités et parmi les patients, en rupture de confiance.
Malheureusement les Pouvoirs Publics lui ont déjà emboîté le pas. Les petits et moyens hôpitaux sont déjà en train de mourir sous la pression des normes « restructurantes » issues des Schémas Régionaux d'Organisation Sanitaire. Dans le même temps les survivants se voient quasi condamnés à devenir des usines en forme de kolkhozes.
La « Démarche Qualité » imposée par les agences étatiques, créées à grands frais à cet effet, est empêtrée dans un fatras de considérations théoriques plus ou moins contradictoires. Et l'évaluation des pratiques professionnelles promet quant à elle d'être un nouveau pachyderme, bien intentionné mais aussi myope qu'une taupe, puisqu'on refuse par principe d'apprécier les choses avec un minimum de bon sens. Dans notre pays terrifié par tout ce qui peut évoquer « la marchandisation de la santé », on ne veut pas savoir combien les examens et les traitements coûtent et s'ils sont réellement adaptés à la demande. Dans un monde où les dépenses de santé explosent et où tout est sujet à médicalisation, on refuse d'impliquer la responsabilité des usagers et on se plaît au contraire à leur faire croire que notre modèle continuera envers et contre tout à garantir à tous l'égal et gratuit accès à tous les soins.
Il y a donc peu de chances qu'on cesse de juger les gens sur des a priori plutôt que sur le travail accompli, et il semble peu probable qu'on renonce à la planification arbitraire des filières de soins, qui va jusqu'à établir des plans quinquennaux prétendant chiffrer par avance le volume d'activité !
* Guy Vallancien : La santé n'est pas un droit Bourin 2007
** Bernard Debré, Philippe Even : Avertissement aux malades, aux médecins et aux élus . Ed Cherche-Midi 2002
*** Jean de Kervasdoué : L'hôpital vu du lit Seuil 2004
22 mars 2007
Un coup de blues
Dans les moments de découragement et d'affliction, il est doux de pouvoir se tourner vers quelque chose de réconfortant. En d'autres termes, empruntés pour la circonstance à Charles Baudelaire :
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins... »
Il se trouve que le Blues agit sur moi comme un puissant cordial qui me requinque et m'aide à supporter les vicissitudes d'un quotidien parfois déprimant.
Et les « champs lumineux et sereins », ce sont dans mon imagination, les grandes étendues du Sud, ivres de soleil, au dessus desquelles s'est élevée comme par magie une musique ensorcelante, capable de réchauffer les coeurs en peine et en déréliction.
Par un curieux paradoxe, cette plainte écorchée scandant douloureusement la cueillette du coton, issue de la souffrance d'un peuple martyr, s'est enrichie et vivifiée à mesure qu'elle passait de bouches à oreilles le long du Mississipi. Les larmes et la sueur l'ont magnifiée. Fortifiée sans doute par d'indicibles et confuses espérances, elle s'est muée en un vrai chant de vie et d'amour, et celui-ci s'est saoulé de liberté en remontant avec les esclaves affranchis, du delta jusqu'aux grands lacs du Michigan de l'Indiana et de l'Illinois.
De cette route enchantée ont surgi quantité de chemins de traverses, débouchant sur la quasi totalité des courants musicaux du XXè siècle. Pour reprendre l'expression de Miles Jordan, du Chico News and Review, le Blues c'est toute la condition humaine dans douze mesures !
A tout seigneur tout honneur, Robert Johnson restera au Blues ce que Jean-Sébastien Bach est à la musique dite classique : une source intarissable. Ses rustiques compositions n'ont pas pris une ride et continuent d'inspirer jusqu'aux stars de la Pop music et du Rock and Roll. Même si certains surgeons ont été quelque peu galvaudés par le mercantilisme et la vulgarisation du genre, c'est un océan de passions, d'émotions, de tendresse, qui a déferlé sur le monde. Il n'est que d'écouter Eric Clapton ou Peter Green pour se convaincre de l'éternelle vigueur de cette musique.
Les artistes qui au terme de leurs pérégrinations, ont fait souche au Nord des Etats-Unis sont la sève d'une des branches les plus vivaces de cette musique : le Chicago Blues. C'est un des styles les plus élaborés, qui a su parfaitement exploiter à son profit les possibilités des instruments traditionnels occidentaux : piano, cuivres, violon, guitares. Grâce à l'électrification de ces dernières et à l'addition d'une solide base rythmique, cette musique a gagné en puissance, et tout en gardant l'authenticité de l'émotion, elle a développé une merveilleuse richesse mélodique.
Pour celles et ceux qui se sentent une affinité pour cette tendre simplicité, faite de chaleur et de douce exaltation, il existe encore de nos jours, de nombreux apôtres de cette religion du bonheur simple, qui n'ont rien perdu de la sincérité et de l'humilité originelles mais qui hélas sont bien méconnus dans nos chaumières.
J'en ai découvert deux récemment de manière fortuite :
Magic Slim, de son vrai nom Morris Holt, qui rappelle un peu par sa tranquille bonhomie le style de B.B. King. Avec ses amis réunis sous l'enseigne des Teardrops (Jon McDonald guitare, Christopher Biedron basse, Vernal Taylor batterie) il continue de sillonner inlassablement les routes américaines, à près de 70 ans. Sa débordante gentillesse n'est en rien entamée par un sourire quelque peu édenté, et une peau burinée, crevassée, parcheminée. Sa voix grasse et chaude accompagne à merveille un jeu de guitare affûté. C'est pur et beau comme l'eau claire qui coule en rivière.
Ou encore Jimmy Burns, plus jeune de 6 ans, accompagné par une formation du même type, simple et sans fioriture : Tony Palmer superbe guitariste, et une belle ligne de soutien composée de Greg McDaniel à la basse, et James Carter à la batterie. L'ensemble tourne merveilleusement et sur un shuffle impeccable, balance quelques riffs taillés comme des pierres précieuses.
Comme la musique de Bach, le Blues en définitive n'est jamais vraiment triste, même lorsque ses accents sont poignants. C'est une sorte de perpétuelle jubilation, ça déchire gaiement...
15 mars 2007
Waterloo morne plaine...
Ce genre de ressort inattendu de campagne est follement tendance, et lorsque le polichinelle sort de son tiroir, tout le monde se met à faire semblant d'y croire, et d'avoir des frissons d'excitation, tant les Français adorent se nourrir d'illusions, et rechignent à voir la réalité.
Cette dernière est pourtant là, prosaïque : On a beau chercher, Bayrou n'incarne aucun projet précis, il n'est ni de droite, ni de gauche, ni socialiste ni libéral. Sa seule originalité : il est pétri de bonnes intentions et de voeux pieux.
Comme il le dit lui-même sur son site : « la France c'est réunir, pas diviser», et cette semaine dans le Nouvel Observateur, il affirme qu'« il parlera à qui voudra ». On est bien avancé !
Plus il parle de réunir, et plus son propre parti rétrécit comme peau de chagrin, et si son programme semble en expansion, il est peuplé de vide et de lieux communs. Qu'on en juge sur quelques échantillons glanés sur Bayrou.fr :
Son modèle de société, ce « n'est pas la loi du plus fort, c'est la loi du plus juste », et l'objectif c'est de combattre « la souffrance sociale, l'exclusion ». Pardi, on n'avait encore jamais entendu de paroles aussi fortes et concrètes !
Quant aux mesures pratiques, c'est puisé au même tonneau.
Passons sur le projet ronflant mais creux de « service civique universel de six mois », sur la nébuleuse « politique active de restauration du tissu médical » en matière de santé publique, ou sur la volonté chimérique de « réimplanter l’Etat au cœur des quartiers, pour y incarner la sécurité et le service public. »
En matière d'impôts, il préconise audacieusement le « principe de stabilité fiscale » et « la simplification, pour que la fiscalité devienne enfin lisible ». Personne n'y avait jamais pensé ! Tenez-vous bien, il va même jusqu'à remettre au goût du jour la bonne vieille « taxe Tobin sociale » qu'il veut qu'on étudie « au moins pour en avoir le cœur net ! ».
S'agissant de l'absurde ISF, il est « partisan d’une imposition sur le patrimoine à base large, à partir de 750 000 euros, sans plus aucune niche défiscalisée ni exemptions, mais à taux léger. » Bien malin celui qui voit le changement...
En matière d'écologie, pas davantage d'excentricité à espérer : il suit courageusement le consensus général, et « soutient les 10 objectifs et les 5 propositions de Nicolas Hulot. »
Sur la question des Etats-Unis, il se borne à ressasser les clichés franchouillards les plus éculés : « J'aime les Etats-Unis, j'aime le peuple américain. Mais ce n'est pas mon modèle. », « je ne suis fasciné ni par ce modèle, ni par l’actuel président américain, qui est l’auteur d’une des plus graves erreurs historiques commises durant cette décennie, avec la guerre en Irak. », « le pouvoir d'une seule super-puissance crée un monde plus dangereux ».
C'est bien beau de déplorer, comme les moutons bêlants, l'hyperpuissance américaine, mais sur l'Europe où l'on aurait pu espérer une position un peu personnelle et volontariste il se défile, ne semblant même pas y croire : « l'Europe, acteur du destin de la planète, c'est une idée, on pourrait même dire que c'est une utopie française. » Dans le même temps, il ne peut s'empêcher de reprendre l'antienne nombriliste du coq gaulois guidant le Monde : « l'Europe capable de parler d'une seule voix sur la planète, cela ne peut se faire que si la France le veut et entraîne les autres ». Pas un instant il ne songe que la France pourrait accepter de temps à autre de se montrer un peu solidaire des autres qui eux sont déjà sur une longueur d'onde commune...
Bref je rejoins le pessimisme de ceux qui désespèrent de voir un jour notre pays prendre vraiment la mesure véritable des problèmes et cesser de prendre aussi naïvement des vessies pour des lanternes. Quant à Edouard Fillias qui vient de se rallier à Bayrou près avoir eu la vélléité d'incarner une "alternative libérale", il est bien jeune et semble, en dépit de sa tête bien faite, avoir du libéralisme une idée très molle et approximative.
Il déplore que « le pouvoir n'appartient plus au Français » mais prône une « révolution de velours » dont on ne perçoit guère le pragmatisme. Il imagine restaurer la démocratie et le bon sens en réclamant le retour du foutoir de la proportionnelle. Enfin, il trouve que le triste béton des certitudes légales n'est pas encore assez oppressant et emboîte le pas des maniaques qui veulent légiférer sur tout y compris la fin de vie.
Décidément, même si le discours de Nicolas Sarkozy est parfois ambigu, il est le seul à véhiculer encore une lueur d'espoir dans cette ambiance crépusculaire...
12 mars 2007
Pour une démocratie active (II)
Stephen Breyer cherche à démontrer qu'une application trop « littérale » de la loi peut parfois aboutir à entériner des situations injustes, à la manière du jugement tristement célèbre, qui à la fin du XIXè siècle légalisa la ségrégation raciale selon le principe « séparés mais égaux » (Plessy v. Fergusson).
Jusqu'à présent, il faut reconnaître qu'aux USA, les recettes de gouvernement, proposées en 1789 ont enduré l'épreuve du temps magnifiquement. En plus de 200 ans, seuls 17 amendements à la Constitution ont été promulgués, et seuls 4 sont venus contredire directement les décisions de la Cour Suprême.
De même, dans un pays où l'on ignore ce que recouvre la notion « d'habeas corpus » on pourra se perdre en conjectures à propos du délai octroyé aux détenus pour revendiquer de droit.
Enfin, dans un pays où la scolarisation des enfants est régie par une ubuesque carte scolaire, et où toute sélection des élèves fondée sur le mérite est jugée a priori abominable, on aura du mal à interpréter le bien fondé de certains critères d'admission dans les universités américaines, même s'ils ménagent des conditions particulières aux minorités ethniques, afin de corriger leur sous-représentation dans le corps étudiant.
Breyer qui préconise la modestie de la part des juges, propose en cas de grande incertitude, de s'inspirer des expériences étrangères. Ce conseil vaudrait surtout pour notre pays si imbu, comme on a pu s'en rendre compte ce soir encore en écoutant le Président de la République, de son soi-disant rayonnement, de son « modèle »...
09 mars 2007
Non à la solution finale légale...
Aussi, bien que fermement opposé à certains acharnements thérapeutiques insensés, bien qu'étant ardemment convaincu qu'avant de songer à guérir, le devoir des soignants est avant tout de soulager, même au risque de raccourcir l'espérance de vie, je ne peux me résoudre à imaginer la légalisation de l'euthanasie.
Mais de quel choix parle-t-on ? Selon quels critères peut-on juger qu’il soit objectif, même si le malade est pleinement conscient ? Et dans ce cas, imagine-t-on l’état d’esprit d’une personne plongée dans une situation de dépendance totale mais aussi d’inutilité, d’absurdité, de vanité absolue ? Tout bien pesé, en quoi est-ce différent du désespoir d’un suicidant ? N’évoque-t-on pas d’ailleurs en pareil cas, la notion de « suicide assisté » ? Et cet anéantissement moral est-il inéluctable et irréversible ?
Tout étant relatif en ce bas monde, on peut dire par exemple, que la situation du désormais célèbre Vincent Humbert n’était guère différente de celle du non moins fameux astrophysicien anglais Stephen Hawking.
A bien y regarder, ne sommes-nous pas confrontés à une alternative aussi indécidable que le fameux « Choix de Sophie » ? Celui laissé par un officier nazi diaboliquement « bien intentionné », à une mère horrifiée, de désigner celui de ses deux enfants qu’elle souhaitait voir échapper à la déportation et donc à une mort quasi certaine…
On ne saurait oublier le cas de Terry Schiavo aux Etats-Unis, plongée dans un état végétatif chronique à la suite d'un accident cérébral et pour laquelle l'attitude préconisée par ceux qui voulaient « interrompre ses souffrances », consistait ni plus ni moins à « interrompre l’alimentation artificielle ». Ce qui signifiait en clair qu’on la condamnait à mourir de soif et de faim !
08 mars 2007
Les rois de l'illusion
En 2006 ils ont représenté 44,4% du PIB. Près de la moitié des richesses produites par la nation !
Il s'agit du deuxième taux le plus élevé jamais enregistré en France, après les 44,9 % de 1999. En cinq ans, il a progressé de 1,3 point (pour mémoire, il était de 35% en 1970).
On rappelle par comparaison les chiffres d'autres pays : 35,3 % en le Royaume-Uni, 36,2 % en Allemagne, 26,5 % aux États-Unis, 25,8 % au Japon et 36,3 % en moyenne pour les pays de l'OCDE en 2003.
Jean-François Copé, porte parole du gouvernement, et ministre du budget, qui on s'en souvient, a promis d'arrêter la langue de bois, a tout de suite tenté de minimiser cette charge extravagante en invoquant des biais causés par certains « éléments techniques » et constaté avec satisfaction que : « le taux de prélèvements obligatoires ne signifie pas grand-chose pour les ménages qui ont bénéficié, depuis 2002, d'une baisse de 20 % de leur imposition ».
Les politiciens sont manifestement impayables ( si je puis dire hélas...). Même devant des évidences criantes ils continuent tranquillement d'appliquer les vieux remèdes du docteur Coué.
Ce besoin de croissance dépasse les clivages entre les partis politiques selon lui. Pour preuve, « avec un taux de croissance comparable à celui des États-Unis au cours des quinze dernières années, le salaire moyen des Français serait aujourd'hui supérieur de près de 9 000 euros à ce qu'il est actuellement. »
Ca nous fait une belle jambe, comme dirait l'autre ! Il est permis d'espérer qu'il parlait de salaire annuel et non mensuel et avant impôt et charges, sinon il faudrait admettre que nous avons dès à présent basculé corps et biens dans le tiers monde...
Tout de même, dans la bouche de notre cher premier ministre, cet éloge enthousiaste du dynamisme américain laisse songeur.
Qu'on ne se fasse pas trop d'illusions quand même, il a également plaidé « pour une croissance qui préserve le modèle social français »...
02 mars 2007
Une amitié bien versatile
Il y a quelques mois, Nicolas Sarkozy s'en est allé serrer la main de George Bush. On pouvait interpréter ce geste inattendu de la part d'un dirigeant hexagonal, comme étant la manifestation courageuse de sincères convictions.
Aujourd'hui il lui donne le coup de pied de l'âne, espérant probablement ainsi récupérer le soutien du vieux pontife élyséen, et glaner quelques voix au sein du troupeau bêlant des moutons de l'antiaméricanisme franchouillard.
Lui qui se disait l'ami de l'Amérique, qui clamait « qu'il ne fallait jamais mettre en difficulté ses amis », le voilà qui entonne le refrain éculé de « l’erreur historique de la guerre en Irak » et qui mégote ses sentiments à la manière d'un apothicaire retors : « l’amitié, c’est être capable de dire à ses amis la vérité quand ils ont tort. L’amitié, ce n’est pas la soumission » (propos tenus le 14/01 lors de son investiture comme candidat de l'UMP, puis renouvelés le 28/02/07 à Paris, hôtel Méridien).
Rhétorique un peu facile. Quand donc l'Amérique a-t-elle fait seulement mine de soumettre la France ? N'a-t-elle pas au contraire payé de son sang pour la libérer à plusieurs reprises ? Et de notre côté, quand avons-nous dit un oui franc et dénué d'arrière-pensée calculatrice à l'une de ses entreprises ? Quand lui avons-nous donc manifesté un réel soutien lorsqu'elle était à la peine ? Depuis l'épisode enchanté de Lafayette et de Rochambeau on serait bien en peine de trouver un seul exemple de vraie fraternité de la part de la France et surtout pas dans les difficultés où l'on sait pouvoir compter ses vrais amis.
Oh bien sûr les Français qui aiment se payer de mots et de belles idées, les distribuent généreusement à tous vents. On se souvient lors du 11 septembre, de l'emphatique « Nous sommes tous des Américains », aussi ampoulé qu'inutile et surtout sans lendemain; ou bien des subtiles différences établies entre le peuple américain « qu'on aime », et son gouvernement « qu'on déteste ». Mais dans ce dernier cas, c'est ajouter l'ignorance à la bêtise. Il faut avoir en effet de la merde dans les yeux et les circuits neuronaux bouchés à l'émeri, ne vraiment rien connaître des principes élémentaires de la démocratie, pour oser faire une discrimination aussi stupide (d'autant qu'elle est répétée à chaque nouveau président).
En réalité les Américains, qui sont de grands enfants, mais tout de même pas nés de la dernière pluie, doivent avoir compris depuis longtemps ce que vaut l'amitié que leur porte soi-disant la France : pas même une poignée de fifrelins !
Ce faisant, je m'interroge sur la nature de la torve stratégie adoptée par Nicolas Sarkozy : les quelques personnes qui comme moi éprouvent une admiration émue pour la grande nation d'Amérique, qui espèrent encore une issue heureuse au difficile combat qu'elle mène pour redonner la liberté aux Irakiens et aux Afghans, seront mortifiés par cette traîtrise. Ceux infiniment plus nombreux, qui se définissent par leur opposition systématique à la politique américaine, se moqueront des atermoiements de Mr Sarkozy et ne seront pas plus convaincus par ses propos d'aujourd'hui qu'ils ne l'étaient par ceux d'hier. Restent les benêts qui croient naïvement le dernier discours en date...
Voyant cette morne uniformité de l'opinion publique dans notre pays et le peu de courage et de conviction de l'ensemble des politiciens, j'en viens à me demander s'il existe encore des esprits suffisamment libres pour se garder d'approuver une opinion, au seul motif qu'elle fait la quasi unanimité.
Ironie du sort, la France peut-être satisfaite. Elle continuera selon toute probabilité d'avoir longtemps encore les présidents qu'elle mérite...