Foin des Gilets Jaunes, du Grand Débat, du RIC ou de l’ISF, voguons une fois encore vers les sixties flamboyantes pour faire un retour sur le blues et en la circonstance, sur un groupe météorique autant qu’incandescent, Canned Heat.
Cette formation existe encore mais ses plus riches heures furent brèves, se situant à la fin des années soixante, entre 1967 et 1970 pour être précis.
L’histoire commence par la rencontre improbable de deux êtres que tout oppose hormis le Blues. D’un côté Bob Hite, exubérant colosse gras et barbu, surnommé “the bear”, vendeur et collectionneur de disques de son état, de l’autre, Alan Wilson, frêle et timide garçon, doux rêveur épris de nature et de science musicale, on l’appelle “the blind owl” en raison de sa gaucherie et de ses lunettes de myope qui lui donnent un petit côté chouette égarée.
L’alchimie fonctionne à merveille quasi immédiatement. Autour d’eux vont se greffer quelques musiciens aussi talentueux que déjantés: Henry Vestine guitariste, Larry Taylor, bassiste et Adolfo De La Para, batteur. L’affaire est conclue, ces gars là vont débouler très vite sur les ondes radio, dans les bacs des disquaires et sur les scènes des plus grands festivals de l’époque, à Monterey, à Woodstock...
Ah, la belle époque ! A travers les fumées et les vapeurs exquises, plus ou moins illicites, on entrevoyait la liberté et l'on rêvait d'un retour idyllique au passé et la nature. Pendant ce temps la prospérité régnait et la science galopait. On pouvait être dans la Lune au propre comme au figuré, nom d'une pipe ! Et question musique, c'était le pied...
Qui n’a jamais entendu ou fredonné le riff entêtant de la flûte enchantée qui parcourt leur fameux “Going Up The Country” ? Qui n’a pas cédé aux modulations fragiles mais poignantes du chant d’Alan Wilson ? On y retrouve toute l’émotion et l’authenticité des lamentos du delta du Mississippi. Une fraîcheur troublante vous envahit, d’autant plus que le gars s’accompagne à l’harmonica aussi bien qu’à la guitare, avec un feeling pour lequel on serait presque prêt à se damner. Pas de doute, le Blues est bien la musique du diable…
A ses côtés, Bob Hite n’est pas en reste. Il fait plus que contrepoids, tirant de sa masse impressionnante et de sa voix de stentor une puissance phénoménale, chauffée au rouge par le shuffle toujours impeccable du boogie distillé par ses petits camarades.
Sur cette recette détonante mais gagnante sont conçus toute une série de blues et de rocks brûlants parfaitement calibrés : On The Road Again, Let’s Work Together, Future Blues, Fried Hockey Boogie, Bullfrog Blues et quelques reprises survitaminées de bons vieux standards ; Dust My Broom, Rollin’ And Tumblin’...
Mais attardons nous encore quelques instants sur Alan Wilson et sur son ensorcelante précarité. Elle donne toute son originalité à cette musique tonitruante solidement charpentée, et son chant haut perché plane extatiquement sur la puissante et indéréglable mécanique rythmique. On dirait tantôt un vol de papillons multicolores au dessus d’un troupeau de bisons, tantôt une légère brise s’insinuant dans la touffeur caniculaire d’un soir d’été. C’est magique, ravissant et envoûtant, quoiqu’un peu désespéré, lorsqu’on songe aux paroles qui s’égrènent mine de rien: The Owl Song, My Mistake, My Time Ain't Long, Shake It And Break It, Poor Moon, Human Condition, Time Was, London Blues…
Hélas le charme ne dure pas. Alan à la manière de l’albatros de Baudelaire est terriblement malhabile et malheureux sitôt qu’il redescend sur terre: “ses ailes de géant l’empêchent de marcher...”
Son corps sera retrouvé inanimé un matin de septembre 1970, imbibé d’alcool et de barbituriques, alors qu’il s’était assoupi en pleine nature, à la belle mais fatale étoile, tel Endymion, amoureux éperdu de la Lune, devenu par la volonté de Zeus, dormeur éternel.
Juste avant cette issue tragique, il avait, avec ses camarades, réalisé son rêve: jouer avec John Lee Hooker. Ultime consécration qui lui donna l’occasion d’être définitivement adopté par la famille du blues. Hooker ira jusqu’à le qualifier de meilleur joueur d’harmonica de tous les temps.
En définitive, la reviviscence du blues à laquelle il n’a pas peu contribué par ses compositions, son jeu, et son chant inspirés, en font l’alter ego de Robert Johnson, disparu comme lui à l’âge de vingt-sept ans, âge fatidique comme chacun sait...
Après sa mort, Bob Hite essaiera courageusement de faire survivre le groupe mais il manquera toujours quelque chose, et depuis sa disparition elle aussi prématurée, en 1981, il ne reste plus qu’une formation accrochée aux tubes d’antan et de qualité respectable, mais privée de génie. Faut-il préciser que l’époque non plus n’y est plus...
Cette formation existe encore mais ses plus riches heures furent brèves, se situant à la fin des années soixante, entre 1967 et 1970 pour être précis.
L’histoire commence par la rencontre improbable de deux êtres que tout oppose hormis le Blues. D’un côté Bob Hite, exubérant colosse gras et barbu, surnommé “the bear”, vendeur et collectionneur de disques de son état, de l’autre, Alan Wilson, frêle et timide garçon, doux rêveur épris de nature et de science musicale, on l’appelle “the blind owl” en raison de sa gaucherie et de ses lunettes de myope qui lui donnent un petit côté chouette égarée.
L’alchimie fonctionne à merveille quasi immédiatement. Autour d’eux vont se greffer quelques musiciens aussi talentueux que déjantés: Henry Vestine guitariste, Larry Taylor, bassiste et Adolfo De La Para, batteur. L’affaire est conclue, ces gars là vont débouler très vite sur les ondes radio, dans les bacs des disquaires et sur les scènes des plus grands festivals de l’époque, à Monterey, à Woodstock...
Ah, la belle époque ! A travers les fumées et les vapeurs exquises, plus ou moins illicites, on entrevoyait la liberté et l'on rêvait d'un retour idyllique au passé et la nature. Pendant ce temps la prospérité régnait et la science galopait. On pouvait être dans la Lune au propre comme au figuré, nom d'une pipe ! Et question musique, c'était le pied...
Qui n’a jamais entendu ou fredonné le riff entêtant de la flûte enchantée qui parcourt leur fameux “Going Up The Country” ? Qui n’a pas cédé aux modulations fragiles mais poignantes du chant d’Alan Wilson ? On y retrouve toute l’émotion et l’authenticité des lamentos du delta du Mississippi. Une fraîcheur troublante vous envahit, d’autant plus que le gars s’accompagne à l’harmonica aussi bien qu’à la guitare, avec un feeling pour lequel on serait presque prêt à se damner. Pas de doute, le Blues est bien la musique du diable…
A ses côtés, Bob Hite n’est pas en reste. Il fait plus que contrepoids, tirant de sa masse impressionnante et de sa voix de stentor une puissance phénoménale, chauffée au rouge par le shuffle toujours impeccable du boogie distillé par ses petits camarades.
Sur cette recette détonante mais gagnante sont conçus toute une série de blues et de rocks brûlants parfaitement calibrés : On The Road Again, Let’s Work Together, Future Blues, Fried Hockey Boogie, Bullfrog Blues et quelques reprises survitaminées de bons vieux standards ; Dust My Broom, Rollin’ And Tumblin’...
Mais attardons nous encore quelques instants sur Alan Wilson et sur son ensorcelante précarité. Elle donne toute son originalité à cette musique tonitruante solidement charpentée, et son chant haut perché plane extatiquement sur la puissante et indéréglable mécanique rythmique. On dirait tantôt un vol de papillons multicolores au dessus d’un troupeau de bisons, tantôt une légère brise s’insinuant dans la touffeur caniculaire d’un soir d’été. C’est magique, ravissant et envoûtant, quoiqu’un peu désespéré, lorsqu’on songe aux paroles qui s’égrènent mine de rien: The Owl Song, My Mistake, My Time Ain't Long, Shake It And Break It, Poor Moon, Human Condition, Time Was, London Blues…
Hélas le charme ne dure pas. Alan à la manière de l’albatros de Baudelaire est terriblement malhabile et malheureux sitôt qu’il redescend sur terre: “ses ailes de géant l’empêchent de marcher...”
Son corps sera retrouvé inanimé un matin de septembre 1970, imbibé d’alcool et de barbituriques, alors qu’il s’était assoupi en pleine nature, à la belle mais fatale étoile, tel Endymion, amoureux éperdu de la Lune, devenu par la volonté de Zeus, dormeur éternel.
Juste avant cette issue tragique, il avait, avec ses camarades, réalisé son rêve: jouer avec John Lee Hooker. Ultime consécration qui lui donna l’occasion d’être définitivement adopté par la famille du blues. Hooker ira jusqu’à le qualifier de meilleur joueur d’harmonica de tous les temps.
En définitive, la reviviscence du blues à laquelle il n’a pas peu contribué par ses compositions, son jeu, et son chant inspirés, en font l’alter ego de Robert Johnson, disparu comme lui à l’âge de vingt-sept ans, âge fatidique comme chacun sait...
Après sa mort, Bob Hite essaiera courageusement de faire survivre le groupe mais il manquera toujours quelque chose, et depuis sa disparition elle aussi prématurée, en 1981, il ne reste plus qu’une formation accrochée aux tubes d’antan et de qualité respectable, mais privée de génie. Faut-il préciser que l’époque non plus n’y est plus...
Uncanned Blues
Le soir où il devait partir
Des arbres montait un murmure
Qui cherchait à le retenir
Mais hélas il n’en avait cure
C’était un beau jour pour mourir
C’était un beau jour pour mourir
Au cœur même de la Nature
Et l’été avait fait sortir
Des fleurs, peuplant cette heure obscure
Il avait tout dit tout chanté
Sublimant sa timidité
Par sa voix intense et fragile.
Mais l’amour est trop versatile
Qui sans cesse lui résistait.